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Comment le biographe des génies a converti la Suisse intellectuelle

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d7719af1-8d3a-402d-ba06-e0aec54be939/medium" /><p>Le biographe d’Elon Musk, Walter Isaacson, a régné pendant 15 ans sur l’influent Institut Aspen, un think tank qui organise des séminaires dans les Rocheuses pour les riches hommes d’affaires en quête d’un vernis culturel. A la tête de cette Suisse intellectuelle, il décide de diriger ses efforts – et sa plume discrètement complaisante – vers les enfants terribles de la Silicon Valley, les gourous de la tech.</p><p><em>Cet article est paru en anglais <a href="https://www.thedriftmag.com/a-bullshit-genius/" rel="nofollow noopener" target="_blank">dans le magazine américain The Drift</a>.</em></p><p>Le premier livre d&#39;Isaacson n&#39;était pas une biographie, mais un recueil d&#39;essais intitulé <em>Pro &amp; Con: Both Sides of Dozens of Unsettled and Unsettling Arguments</em>. <em>(«Pour ou contre: une dizaine de questions ouvertes vues des deux côtés de la polémique», non traduit en français, ndlr.)</em> Publié en 1983, alors qu’il est encore un rédacteur en chef prometteur au <em>Time</em>, le livre présente des positions opposées sur des sujets polémiques comme le contrôle des armes à feu, l’avortement ou la cigarette. Isaacson se positionne en arbitre impartial pour aider ses lecteurs à se faire leur avis.</p>Si le recueil est passé à peu près inaperçu, la posture est destinée à rester: celle d’un observateur au-dessus de la mêlée politique. Il la mettra en œuvre avec une efficacité redoutable. Le succès vient dès son deuxième ouvrage, coécrit avec le rédacteur en chef de *Newsweek* Evan Thomas. Il relate l’histoire d’une clique d’hommes d’Etat, tous issus de la côte est des Etats-Unis, qui façonneront la politique étrangère pendant la Guerre froide.

Mais Isaacson s’illustre surtout avec son troisième opus, publié en 1992: une biographie d’Henry Kissinger, le diplomate au cœur de la doctrine américaine pendant la Guerre froide. C’est un mélange de ses deux premiers ouvrages, qui vise à présenter les machinations sanglantes du célèbre homme d’Etat américain d’un côté et de l’autre. Ou, pour le dire comme l’auteur, il s’agit d’*«une biographie impartiale de Kissinger dans toute sa complexité»*.

### **L’art de ne pas froisser**

Le *New York Times* y voit *«un portrait dévastateur de M. Kissinger»*, tandis que le célèbre écrivain et critique Christopher Hitchens considère que l’adhésion du biographe à *«une tradition d’"objectivité" typique de New York et Washington»* l’a conduit à minimiser grossièrement les crimes de guerre de Kissinger. Dans la *London Review of Books*, il écrit qu’Isaacson *«évolue dans un monde où le pire qu'on puisse dire d'une politique quasi génocidaire est qu'elle envoie un mauvais "signal"»*.

Avec sa fascination pour le pouvoir et son *«objectivité typique de New York et Washington»*, Isaacson s’est senti au *Time* comme à la maison, et a été promu directeur de la rédaction en 1996. Sous sa direction, le magazine s’est détourné de l’actualité pour s’intéresser aux personnalités du monde politique et culturel. L’homme avait un talent pour parler des personnes influentes du monde avec un ton affable et divertissant, en sondant délicatement les autorités établies sans les fâcher outre mesure. Le *«portrait dévastateur»* d’Isaacson n’a par exemple jamais empêché Kissinger d’accepter ses invitations aux dîners de gala du *Time*.

### **Détour par la TV**

La magnanimité d’Isaacson s’est avérée moins utile à CNN, à la tête duquel il a été bombardé à l’été 2001. A son arrivée, la chaîne subissait les assauts de Fox News en pleine ascension, dépeinte par Rupert Murdoch comme une alternative à l’hégémonie des médias de gauche. Isaacson a déployé son talent pour l’impartialité – ou tenté de manger à tous les râteliers, selon le point de vue. En tant que PDG, une de ses premières décisions a consisté à rencontrer des élus républicains pour discuter de la façon dont sa chaîne pourrait intégrer une perspective de droite équilibrée.

La stratégie s’est retournée contre lui. Les téléspectateurs de gauche ont trouvé qu’il courtisait la droite et les conservateurs sont restés sur Fox News, notamment après le 11 septembre, quand son PDG Roger Ailes a érigé la rage patriotique en ligne éditoriale. En 2022, CNN a dépassé Fox dans les audiences, et Isaacson est parti l’année suivante.

### **La Suisse intellectuelle**

Isaacson était bien mieux taillé pour le poste suivant, celui de président directeur général de l’Institut Aspen, qu’il occupera de 2003 à 2018. L'organisation a été créée en 1949 dans la station de ski huppée d’Aspen, dans le Colorado. Son fondateur, un riche industriel du nom de Walter Paepcke, a demandé à Mortimer Adler, responsable de la fameuse collection *Great Books of the Western World*, de mettre en place un programme de formation continue pour les chefs d’entreprise peu versés en littérature.

Les heureux séminaristes auraient ainsi l’occasion de deviser sur les œuvres majeures de la culture occidentale, Sophocle, Adam Smith, et Herman Melville, avec vue sur les cimes des Rocheuses, le tout entrecoupé de pique-niques en montagne et d’une petite virée occasionnelle en rafting. Paepcke souhaitait ainsi aider le gratin à *«accéder à sa propre humanité, en développant sa conscience, son perfectionnisme et son sens de l’épanouissement personnel»*.

Au fil des décennies, l’Institut Aspen devient une sorte de paradis non partisan, où des participants d’horizons politiques variés et parfois opposés peuvent penser à voix haute et apprendre de leurs différences. C’est une zone neutre, une Suisse intellectuelle, qui facilite la transmission pacifique d’idées entre gens de bonne composition.

Mais si Aspen encourage les désaccords policés, ça n’a jamais été un lieu de véritable dissidence. Tout en affichant sa neutralité, l’Institut a discrètement mis en œuvre son propre agenda: donner aux participants le sentiment qu'ils étaient les héritiers légitimes et les gardiens de la tradition intellectuelle occidentale. En quelque sorte, leur richesse et leur pouvoir ne seraient que le prolongement naturel de ce patrimoine.

### **Un long filet d’eau tiède**

Isaacson reprend ce programme avec entrain, et son travail de biographe se met à refléter les valeurs et le style de l’Institut. Au cours de sa première année de présidence, il publie une biographie de Benjamin Franklin, où le Père fondateur est présenté comme le genre à adorer les séminaires en montagne. *«Je peux facilement imaginer prendre une bière avec lui après le travail, lui montrer comment utiliser le dernier appareil numérique à la mode, partager un business plan pour une nouvelle entreprise, discuter les derniers scandales ou idées politiques du moment»*, écrit-il.

Quelques années plus tard, Isaacson brosse un tableau d’Einstein en membre de *think tank* libéral de la fin des années 2000. Sa compréhension de la structure de l’univers serait le résultat de son esprit *«non conformiste»*, de sa curiosité sans bornes, et d’un goût prononcé pour l’art. (L’auteur s’arrête longuement sur les prouesses du physicien au violon.) Isaacson loue les qualités de scientifique de l’homme, mais aussi et surtout ses valeurs libérales. *«Einstein avait la tyrannie en horreur et voyait la tolérance, non comme une aimable vertu, mais comme la condition sine qua non pour qu’une société soit créative.»*

Comme pour Kissinger, Isaacson décrit les vies de Franklin et Einstein avec un luxe impressionnant de détails, et sans trop éditorialiser son propos. Quand l’auteur se fait entendre, l’analyse est sirupeuse et banale, d’une platitude consommée. Einstein nous apprend *«à remettre en question les préjugés, à défier la croyance populaire, à ne jamais prendre pour vérité une proposition considérée par tous comme une évidence»*.

### **De Goethe à Jeff Bezos**

Isaacson entreprend aussi de faire entrer Aspen dans le 21e siècle. Durant l’ère de Paepcke, les élites étaient des champions du capitalisme qui voulaient se plonger dans Goethe. Au temps de son successeur, elles étaient de plus en plus constituées d’investisseurs et de créateurs d’entreprises dans le secteur des nouvelles technologies, désireux de se transformer en grands prophètes de l’humanité.

Le monde de la tech était déjà connu et apprécié d’Isaacson. Dans les années 1990, il avait brièvement quitté le *Time* pour devenir responsable éditorial de Time Warner (aujourd’hui WarnerMedia), conglomérat qui rassemble Time, CNN, HBO, Warner Bros.... Là, il participe à fonder le portail web Pathfinder.com, qui agrège tous les contenus du groupe.

Cette incursion précoce dans le journalisme numérique se solde par un échec à plusieurs centaines de millions de dollars. Isaacson est renvoyé à son magazine, où il assouvit ses pulsions entrepreneuriales en créant une nouvelle section dédiée à la science et la technologie. Avec un accent particulier sur les prodiges de la Silicon Valley.

### Franklin le geek et Einstein le techie

Quand il entre à Aspen en 2003, Isaacson sait donc très bien comment plaire à cette faune d’entrepreneurs de la tech. Une de ses premières grandes initiatives consiste à créer le Festival des idées d’Aspen, où pendant une semaine des «leaders d’opinion» se réunissent pour faire des interventions de type TED devant les *happy few* de l’Institut et les spectateurs ayant payé leur place. L’événement répond au mandat d’Aspen à la perfection, en y ajoutant une touche de modernité. La classe dirigeante se voit ainsi offrir l’opportunité d’élargir ses horizons, non plus en lisant d’anciens traités poussiéreux, mais en écoutant les présentations clinquantes de personnalités de Colin Powell, Jane Goodall et Jeff Bezos.

Sous la houlette d’Isaacson, le mantra d’Aspen change de nature: désormais, il faut être aussi intéressé par Goethe que par l’ordinateur quantique. Il est amusant de constater qu’Isaacson a aussi attribué sa propre admiration pour les innovateurs de la tech à ses personnages historiques.

Benjamin Franklin n’est pas seulement un *«éditeur à succès doublé d’un homme de réseau doté d’une curiosité pleine d’inventivité»*, il aurait aussi été *«comme un poisson dans l’eau à l’heure de la révolution de l’information»*. Einstein n’était pas, à la différence de Franklin, un grand inventeur; il était plutôt du genre à s’épanouir dans l’abstraction qu’à déposer des brevets. Cela n’empêche pas, à en croire Isaacson, qu’on retrouve *«son empreinte dans toutes les technologiques actuelles, des cellules photoélectriques et des lasers au nucléaire et aux fibres optiques, en passant par le voyage spatial et les semi-conducteurs, dont on peut retracer l’origine jusqu’à ses théories.»*

Il y avait clairement un goût pour ce genre de discours dans les années 2000, quand l’expression *«techno-enthousiaste»* pouvait encore être employée sans pouffer de rire. Les deux biographies se sont vendues comme des petits pains.

<br/>**Dans le prochain épisode, nous nous pencherons sur Steve Jobs et le mythe de la Silicon Valley. Ou pourquoi, quand la pente est glissante, il advient qu’on finisse par la dévaler.**

<br/><br/>*Cet article est paru en version originale le 12 mars 2024 [dans le magazine littéraire américain The Drift](https://www.thedriftmag.com/a-bullshit-genius/). Il a été traduit de l’anglais et édité par Yvan Pandelé.*

https://www.heidi.news/articles/comment-le-biographe-des-genies-a-converti-la-suisse-intellectuelle

#Presse #heidi #Suisse 
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Peut-on faire l’éloge d’Elon Musk sans passer pour un con?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a25923f8-4776-495d-b728-a852c5ccd117/medium" /><p>Chez nous, il serait un mélange improbable de Jacques Attali et Stéphane Bern. Le journaliste et intellectuel américain Walter Isaacson a fait carrière en relatant la vie inspirante des grands génies du monde occidental. Mais après De Vinci et Einstein, le biographe un rien complaisant se heurte à un os: Elon Musk. L’excentrique patron de Tesla va faire éclater au grand jour la stupidité du projet…</p><p><em>Cet article est paru en anglais <a href="https://www.thedriftmag.com/a-bullshit-genius/" rel="nofollow noopener" target="_blank">dans le magazine américain The Drift</a>.</em></p><p>C’est au cours d’une flânerie estivale entre amis, dans le Colorado, que Steve Jobs demande à Walter Isaacson s’il voudrait bien envisager d’écrire sa biographie. A l’époque, celui-ci, journaliste, universitaire et conseiller politique, dirige le prestigieux Institut Aspen. <em>(L’influent think tank qui a donné ses lettres de noblesse à la station de ski éponyme, sorte de Davos dans les Rocheuses, ndlr.)</em> Walter Isaacson, qui vient juste de publier un ouvrage de 600 pages sur la vie Benjamin Franklin, est déjà en train de s’attaquer à celle d’Einstein. <em>«Ma première réaction a été de me demander, en plaisant à moitié, s’il se voyait comme un successeur naturel dans cette lignée»</em>, se remémore l’éminent biographe.</p>### **Rappelez-vous l’an 2000**

Walter Isaacson se met au travail en 2009, en apprenant que Steve Jobs est en train de mourir d’un cancer du pancréas. Quand le livre paraît en 2011, quelques semaines après le décès du patron d’Apple, il apparaît que le semi-trait d’humour n’en était plus un. Sur la couverture, conçue avec l’aide de Steve Jobs lui-même, trône une photo en noir et blanc du gourou de la tech. Il fixe l’objectif avec assurance tout en se lissant le bouc, tel un grand penseur devant l’éternel, digne successeur d’Einstein et de Franklin. De quoi séduire un public encore fasciné par l’histoire du petit génie incompris qui a quitté les bancs de la fac pour les bureaux de la Silicon Valley.

Cette année-là marque l’apogée du techno-optimisme. Les printemps arabes continuent d’apporter la démocratie au Moyen-Orient tweet après tweet tandis que Google, avec ses tables de ping-pong et ses salles de massage, passe encore pour le meilleur employeur au monde. En surfant sur cette vague, le *Steve Jobs* d’Isaacson s’écoule à 380'000 exemplaires en une semaine. C’est un triomphe.

### **Et Elon fut**

Dix ans plus tard, le biographe est à la recherche du prochain génie à inclure dans sa collection d’élite, qui a entretemps accueilli Léonard de Vinci et se vend comme des petits pains dans un coffret intitulé *«Genius Biographies»*. Le point commun de tous ces personnages, selon Walter Isaacson, n’est pas tant un QI élevé qu’un esprit original. Ils pensent différemment de la masse. Ou, comme l’écrit Schopenhauer, ils atteignent des cibles que personne d’autre ne peut voir.

Cette qualité les place souvent en porte-à-faux avec l’air du temps, mais ces hommes ne cèdent ni à la pression idéologique ni aux mœurs dominantes. Le génie vu par Isaacson est une incarnation de la liberté intellectuelle, une sorte de héraut de cet humanisme libéral qui s’épanouit dans les hauts lieux de l’innovation en Occident: la Florence de la Renaissance, l’Amérique révolutionnaire, l’Europe de l’Ouest d’avant-guerre, la Silicon Valley…

Alors qu’Isaacson sonde le paysage à la recherche d’un nouveau génie, donc, un nom revient sans cesse: Elon Musk. C’est sans l’ombre d’un doute un homme qui voit grand – les voitures électriques, le voyage spatial, la télépathie. Il poursuit sa vision sans concession, parfois de façon ouvertement belliqueuse. Via des amis communs, les deux hommes entrent en contact en 2021 et se parlent pendant une heure et demie. (Chacun explique être à l’initiative de la rencontre.) Sans surprise, le patron de Tesla est enthousiaste à l’idée qu’on écrive sur lui.

En retour, Isaacson exige un accès total à Musk et son entourage, ainsi que la liberté de se faire sa propre opinion. *«Vous n’aurez aucun contrôle»*, prévient-il.

### **Un octogone à 300 de QI**

Pendant les deux années qui suivent, le biographe suit le patron de Tesla partout où il va, discute avec sa famille, ses amis, ses collègues. Il reçoit des messages baignés de Red Bull jusque tard dans la nuit.

A ce moment-là, la vie déjà insolite de l’homme d’affaires a fini par tourner au chaos. Il vient d’acheter Twitter à grande perte, se mêle de la guerre en Ukraine, donne à ses enfants des noms d’extraterrestres, et défie Mark Zuckerberg au MMA. Sur Fox News, on s’amuse à comparer les deux hommes – taille, corpulence, âge, quotient intellectuel. QI de Zuckerberg: 152, QI de Musk: 155. Deux génies, et l’un des spectacles les plus idiots de tous les temps.

Mais quand *Musk* paraît en septembre 2023, la jaquette suffit à donner le ton. Elon Musk y est dépeint comme le trublion génial de la Silicon Valley et le digne héritier de Steve Jobs. En couverture, il fixe l’objectif, les mains jointes sous le menton – à l’image de son père spirituel. Une double épigraphe figure en dessous. La première est du patron de SpaceX: *«A tous ceux que j’ai offensés, je veux dire que j’ai réinventé la voiture électrique et que j’envoie les gens sur Mars à bord d’une fusée. Vous pensiez vraiment tomber sur un type normal et décontracté?»*

En dessous figure une citation de Steve Jobs: *«Les gens qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde sont ceux qui finissent par le faire.»*

### **Ode à un** «**trou du cul**»

Cette fois, la mayonnaise prend mal. Par rapport à l’époque de Steve Jobs, les milieux de gauche ont pris leurs distances avec la Silicon Valley – notamment en raison du glissement à droite de certains grands patrons de la tech lors du mandat Trump. Elon Musk en est le parfait exemple: il a partagé un mème [comparant Justin Trudeau à Hitler](https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2022-02-17/loi-sur-les-mesures-d-urgence/elon-musk-compare-justin-trudeau-a-adolf-hitler.php#:~:text=(Ottawa)%20Le%20milliardaire%20Elon%20Musk,Canada%2C%20Fran%C3%A7ois%2DPhilippe%20Champagne.&text=%C2%AB%20Cessez%20de%20me%20comparer%20%C3%A0%20Justin%20Trudeau.) et publie fréquemment des tweets sur le *«virus woke»* ou les vaccins Covid. Le livre se prend une volée de bois vert, certains accusant l’auteur de pratiquer du journalisme de complaisance.

Dans une [interview combattive](https://www.youtube.com/watch?v=Fnoh5toJuFQ), la journaliste spécialisée Kara Swisher, pourtant amie de longue date du biographe, insiste pour savoir s’il en est venu à *«apprécier»* l’homme. La frustration et l’incrédulité de l’intervieweuse sont palpables: comment est-il possible qu’Isaacson, libéral comme elle *(c’est-à-dire, dans un contexte américain, de gauche, ndlr.)*, ne voie pas Elon Musk comme le *«trou du cul»* qu’il est? Et qu’il s’emploie, au contraire, à réhabiliter son image et lui construire une postérité radieuse?

### **L’origine du mal**

Dans sa [critique au ](https://www.newyorker.com/magazine/2023/09/18/elon-musk-walter-isaacson-book-review)*[New Yorker](https://www.newyorker.com/magazine/2023/09/18/elon-musk-walter-isaacson-book-review)*, l’historienne et journaliste Jill Lepore se pose la même question. Walter Isaacson, écrit-elle, est *«un homme gracieux, généreux, soucieux de la chose publique et un biographe avec des principes»*. Comment a-t-il pu faire l’apologie d'un tel *«super-vilain»*?

En réalité, dans la série de neuf ouvrages écrits par le PDG de l’Institut Aspen, *Elon Musk* n’a rien d’une anomalie. A tous points de vue, le livre s’inscrit en droite ligne d’une carrière fondée sur la promotion des intérêts des élites, sous couvert de la neutralité du biographe et d’un humanisme à l’eau tiède. Musk n’est pas que le dernier génie en date dans le canon d’Isaacson: il en est peut-être le débouché naturel.

Et cette fois-ci, le «génie» est assez affligeant pour jeter une lumière crue sur la foutaise au cœur du projet…

<br/>**Dans le prochain épisode, nous examinerons les états de service du biographe des génies, qui révolutionna la Suisse intellectuelle en lui donnant le goût de la Silicon Valley.**

<br/><br/>*Cet article est paru en version originale le 12 mars 2024 [dans le magazine littéraire américain The Drift](https://www.thedriftmag.com/a-bullshit-genius/). Il a été traduit de l’anglais et édité par Yvan Pandelé.*

https://www.heidi.news/articles/peut-on-faire-l-eloge-d-elon-musk-sans-passer-pour-un-con

#Presse #heidi #Suisse 
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Sur les routes de l'exil, les Libanais sont des moins que Syriens

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/1b019725-1676-4a64-b2c8-9d4bbcd2f5af/medium" /><p>Le Liban traverse une crise économique sans précédent. La classe moyenne s’est effondrée et les pratiques illégales sont reines. Les Libanais rejoignent désormais les réfugiés syriens sur des navires de fortune en direction de l’Europe. Confidences d’un passeur fortuné et de migrants ayant échoué dans leur traversée.</p><p>La nuit est tombée sur Tripoli. La Lune seule éclaire l’embarcation en train de quitter le port clandestinement. À son bord, une cinquantaine d’individus, dont Samir (prénom modifié). La cinquantaine, les yeux bleus perçants et le teint pâle, il n’aurait jamais imaginé quitter son pays, encore moins dans l’illégalité. Mais ça, c&#39;était avant. Avant que le Liban ne plonge dans une spirale infernale de drames et de crises.</p><p>Samir est un retraité de l&#39;armée. Sa pension à l’époque était correcte. Il appartenait à la classe moyenne libanaise, celle des ni trop pauvres, ni trop riches. Mais lorsque éclate la crise économique en 2019, que la livre dévisse encore et encore, il voit ses économies fondre en quelques jours.</p>
<h3><strong>Traverser coûte que coûte</strong></h3>
<p>Samir demande alors un visa pour tenter sa chance à l’étranger. Il est propriétaire d’une maison, d’une voiture et travaille: son dossier devait être béton. C’est un refus. Il est prisonnier de son pays. Avec d&#39;autres Libanais sans double nationalité, il achète un bateau de plaisance. Le projet est ambitieux: traverser la Méditerranée jusqu’aux côtes italiennes pour ensuite gagner l’Allemagne par la terre.</p><p>      <figure>
        <picture>
          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Avant la crise financière, Samir vivait convenablement. Il possédait des biens et avait des économies à la banque. Il est un de ceux qui a tenté une traversée illégale par la mer en mer avant d&#39;être arrêté dans les eaux grecques. Depuis, il jongle entre plusieurs emplois pour survivre. | Heidi.news / Itzel Marie Diaz" alt="Photo 3.JPG" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a43e165b-c2b6-4d4f-93c6-234a4ac8ea19/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Avant la crise financière, Samir vivait convenablement. Il possédait des biens et avait des économies à la banque. Il est un de ceux qui a tenté une traversée illégale par la mer en mer avant d&#39;être arrêté dans les eaux grecques. Depuis, il jongle entre plusieurs emplois pour survivre. | Heidi.news / Itzel Marie Diaz</figcaption>
      </figure>
</p><p>C’est un échec. La tentative de traversée se solde par une arrestation dans les eaux grecques et un retour au Liban par avion depuis la Turquie, aux frais des concernés. Samir revient au pays les mains vides, après avoir vendu tous ses biens pour payer le voyage. Aujourd’hui, il doit jongler entre deux emplois, guide touristique et concierge. <em>«Pour survivre, il faut soit travailler 24/24h, soit voler»</em>, dit-il.</p>
<h3><strong>Braquer sa propre banque</strong></h3>
<p>Dans les rues libanaises, les murs et les vitrines des banques sont tapissés de graffitis appelant à la révolution. Les conditions de vie sont invivables et les Libanais n’ont plus accès à leur propre compte bancaire. Les images de Sali Hafez, jeune femme de 28 ans, ont fait le tour du monde.</p><a href="/articles/sur-les-routes-de-l-exil-les-libanais-sont-des-moins-que-syriens">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/sur-les-routes-de-l-exil-les-libanais-sont-des-moins-que-syriens

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Le dessin de la semaine: Attentat de Moscou, Poutine n'a rien vu venir

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/fa42728d-f6bf-41b4-a48a-0c9a41e5dd06/medium" /><p>La Russie accuse l’Ukraine et l’Occident d’avoir commandité l’attentat, alors que l&#39;Etat islamique l’a clairement revendiqué et que Washington avait prévenu Moscou de l’imminence de l’attaque.</p><p>Le patron des services de sécurité russes (FSB) a accusé cette semaine l&#39;Ukraine et l&#39;Occident d&#39;avoir facilité l&#39;attentat du 22 mars près de Moscou, qui a fait 139 morts, revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique.  «Nous pensons que l&#39;action a été préparée à la fois par des islamistes radicaux et, bien entendu, facilitée par les services secrets occidentaux et que les services secrets ukrainiens eux-mêmes sont directement impliqués», a déclaré Alexandre Bortnikov, cité par les médias russes. Pour lui, les assaillants présumés, arrêtés samedi, étaient «attendus» en Ukraine pour y être accueillis «en héros».</p><p>Dans le même temps, le président bélarusse Alexandre Loukachenko, un proche allié de la Russie, a contredit ce récit, assurant que les assaillants avaient initialement essayé de fuir vers son pays. Un peu plus tôt, le secrétaire du Conseil de Sécurité russe Nikolaï Patrouchev, auquel des journalistes demandaient si Kiev ou l&#39;EI avait orchestré l&#39;attaque, avait lancé: «Bien sûr que c&#39;est l&#39;Ukraine». Lundi 25 mars, Vladimir Poutine avait admis pour la première fois, trois jours après les faits et la revendication de l&#39;EI, que les assaillants présumés étaient des «islamistes radicaux», tout en pointant du doigt l&#39;Ukraine.</p>Après les accusations de Moscou, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait qualifié lundi son homologue russe de «créature malade et cynique».

https://www.heidi.news/articles/le-dessin-de-la-semaine-attentat-de-moscou-poutine-n-a-rien-vu-venir

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Chez le meilleur psychiatre de New York

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/845ff82f-2445-4d56-b748-b9c764048929/medium" /><p>Craignant de sombrer dans une consommation d’amphétamines dite récréative et, par conséquent, illicite, notre journaliste se rend chez un psychiatre huppé de New York. Ce dernier lui prescrit une cascade de médicaments qui s&#39;apparent à de la drogue dure et, ce faisant, lui donne la bénédiction de s’intoxiquer en toute légalité. Ce sixième épisode narre la traversée des rives de l’interdit à celles de la soi-disant thérapie.</p><p>Plus tard, lorsque je terminerai à l’asile et qu’une armée de thérapeuthes supervisera mon dossier, elle s’obstinera à déterminer si mes consommations s’accordent avec la prescription médicale ou si au contraire, elles s’en éloignent. La question de l’automédication resurgira dans toutes mes entrevues car, apprendrais-je, c’est précisément là que se niche l’origine du mal. Celui ou celle qui bouffe des médocs sans supervision médicale ne se soigne aucunement, il se drogue. Or, se droguer, c’est mal. Mauvais, mauvais. Se soigner, en revanche, relève de l’héroïsme. On félicite celui ou celle qui ingère ses petites pilules sans faire d’histoire. On lui dit bravo, tu y mets du tien et nous sommes fiers des efforts et de la confiance dont tu fais preuve à notre égard.</p>
<h3>Derrière la rivière de Crac’h</h3>
<a href="/articles/chez-le-meilleur-psychiatre-de-new-york">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/chez-le-meilleur-psychiatre-de-new-york

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La Suisse est en train de devenir une tour de Babel

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3b607b15-aaf3-483a-be4a-853152c266f2/medium" /><p>CHRONIQUE. Les Suisses alémaniques se détournant du français, la cohésion du pays semble de plus en plus reposer sur les épaules de minorités linguistiques. Voilà qui nous place face à un dilemme insoluble, analyse notre chroniqueur Michel Huissoud, ex-Contrôleur général des finances à Berne.</p><p>Vu de Genève, la Suisse alémanique parle l’allemand et les écoliers y apprennent le français. Telle était du moins ma vision de notre cohabitation linguistique. Nos dirigeants politiques le répètent à l’envi: la cohésion nationale serait en danger si nous ne partagions pas nos langues nationales.</p><p>Mais vu de Zurich ou d’Altorf, il en va bien autrement. Il existe au moins deux problèmes.</p>D’abord une évolution qui aurait été impensable il y a trente ans: le français est définitivement boudé par la majorité des cantons suisses allemands. Appenzell Rhodes-Intérieures [avait ouvert le bal](https://www.letemps.ch/suisse/anglais-precoce-lecole-appenzell-se-felicite-davoir-choisi-une-voie-solitaire) au tournant des années 2000, [suivi peu après de Zurich](https://www.letemps.ch/societe/zurich-langlais-supplante-francais), en instaurant l’anglais comme première langue étrangère devant le français. La décision avait fait polémique, mais la plupart des autres cantons alémaniques ont fini par leur emboîter le pas: Shakespeare avant Molière.

La conclusion, c’est que nous pouvons gentiment oublier l’illusion d’un dialogue confédéral en français. La cohésion nationale ne repose désormais plus que sur l’allemand standard. Et c’est là que survient un second problème: le suisse allemand s’invite partout.

### **Le renouveau du suisse allemand**

Le dialecte suscite en effet une puissante adhésion outre-Sarine. Le conseiller national de Saint-Gall, Lukas Reimann, avocat de profession, a même essayé de l’introduire comme langue de débat au Parlement. *«Non seulement le dialecte rencontre les faveurs des jeunes et des réseaux sociaux, mais il connaît une véritable renaissance»*, expose l’élu UDC dans sa [motion](https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20224464).

[Les débats au National](https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=60547#votum20), le 2 mai 2023, ont été un moment d’anthologie, qui [mérite d’être visionné](https://par-pcache.simplex.tv/subject/?themeColor=AA9E72&subjectID=60547&language=fr)! Lukas Reimann se ridiculise en essayant de répondre en français aux interventions acides des collègues romands. La question posée en italien par Fabio Rigazzi reste sans réponse. Le sommet est atteint quand le conseiller national valaisan Philipp Bregy déclame un poème en haut-valaisan, incompréhensible à tous les conseillers sauf lui: *«Fascht üsser Atu heintsch alli glosut»*… L’illustration du fait que le suisse allemand n’est pas une langue unique. (La motion a été [sèchement rejetée](https://www.rts.ch/info/suisse/13989956-le-conseil-national-refuse-que-le-suisse-allemand-soit-utilise-lors-des-debats-aux-chambres.html).)

### **A l’impossible nul n’est tenu**

Cette confrontation au suisse allemand et à sa domination locale pose problème aux Romands et aux Tessinois, qui ont le sentiment d’avoir appris l’allemand standard pour des prunes. L’intégration de la population étrangère installée en Suisse est également ardue: doit-elle apprendre l’allemand standard ou le dialecte local? Peut-être les deux, et en vitesse s’il vous plaît?

Que devons-nous faire, nous les Romands? Nous battre pour maintenir la pratique de l’allemand standard en milieu professionnel, en tout cas en présence de Latins? Ou adopter la variante vaudoise: apprendre non seulement l’allemand standard à l’école, [mais aussi le suisse allemand](https://www.rts.ch/info/regions/vaud/14513178-le-grand-conseil-vaudois-favorable-a-lapprentissage-du-suisse-allemand-a-lecole.html)? Après avoir élu [une Suissesse alémanique](https://www.letemps.ch/suisse/valerie-dittli-politicienne-lenvers) au gouvernement, ce canton, qui a été une colonie du canton de Berne pendant des siècles, a décidément un comportement pour le moins bizarre.

Ou faut-il laisser tomber l’allemand dans les écoles romandes, au profit de l’anglais? *I don’t know…*

https://www.heidi.news/articles/la-suisse-est-en-train-de-devenir-une-tour-de-babel

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Le web tel qu’on le connaît va disparaître

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/8a7dc5b0-c266-42f4-a11b-cd9add9bd7fc/medium" /><p>Vous vous souvenez de l’époque où on cherchait des sites via Google?.. Cette époque est bientôt révolue, alors que les IA génératives se répandent comme une traînée de poudre. Les moteurs de recherche vont se transformer en moteurs de réponse, et les chercheurs se demandent déjà comment différencier l’information artificielle de l’information d’origine humaine sur le web.</p><p>L&#39;IA se développe à une vitesse vertigineuse, annonçant l&#39;émergence de moteurs de recherche de nouvelle génération qui remettent en cause la dominance traditionnelle de Google. Le verbe «googler», autrefois incontournable, pourrait bientôt rejoindre le lexique des termes obsolètes comme «cyberespace», «autoroute de l&#39;information» et «surfer sur le web». Dans la même veine, on ne dira plus moteur de recherche, mais moteur de réponse.</p><p>ChatGPT, déployé en novembre 2022 avec un succès sans précédent — 100 millions d&#39;utilisateurs en deux mois — a réinventé l&#39;accès à l&#39;information, en transformant radicalement les pratiques courantes de recherche en ligne. Ses réponses aux questions posées sont si pertinentes et complètes que les utilisateurs n&#39;éprouvent plus le besoin de cliquer sur les contenus proposés.</p>ChatGPT et ses concurrents, comme Copilot de Microsoft, Gemini de Google, Claude 3 d'Anthropic, Llama de Meta et bientôt SGE de Google, auront tous un impact profond sur le trafic Internet ainsi que sur les structures économiques qui s'appuient sur la publicité, redéfinissant les stratégies dans tous les domaines qui reposent sur l'optimisation des sites web pour attirer des visiteurs.

## Pourquoi chercher quand l’IA s’en charge?

[Perplexity.ai](https://www.perplexity.ai/) est plutôt un nouveau venu dans le paysage des IA génératives, et il se positionne clairement comme un moteur de réponse. C’est-à-dire qu’il répond directement aux questions des utilisateurs à partir des données du web, rendant la navigation effective pratiquement caduque pour celui-ci.

À titre personnel, il est devenu mon moteur de recherche par défaut, et selon le magazine *[Wired](https://www.wired.com/story/nvidia-hardware-is-eating-the-world-jensen-huang/)*, je suis en bonne compagnie. Le PDG de Nvidia, Jensen Huang, affirme l'utiliser presque tous les jours et celui de Shopify, Tobi Lütke, déclare qu'il a remplacé Google. Mark Zuckerberg l'utiliserait également.

Perplexity [a été évalué à plus de 500 millions de dollars](https://www.theinformation.com/articles/ivp-leads-investment-in-ai-search-startup-perplexity-at-500-million-valuation?rc=iahsur), ce qui en fait l'une des start-up les plus en vue dans le domaine de l'IA à l'heure actuelle. Le produit compte plus d'un million d'utilisateurs quotidiens et continue sa progression. Son modèle puise ses réponses dans une large gamme de sources sur le web en direct et dans des bases de données, garantissant ainsi que les utilisateurs reçoivent les informations les plus à jour et précises disponibles.

ChatGPT est plus versatile que Perplexity: il peut générer des poèmes, du code, des scripts, des images, toutes sortes de tâches «créatives». Mais bien qu’il ait été mis à jour pour inclure la capacité de navigation sur le web, il continue de fournir des informations qui sont souvent obsolètes ou inexactes.

## La contre-attaque de Google

Bien que Perplexity et ses homologues chatbots aient été les pionniers dans leur domaine, ils doivent maintenant se préparer à l’arrivée imminente d’un concurrent de poids: la [Search Generative Experience](https://blog.google/products/search/generative-ai-search/) (SGE) de Google. La position dominante du géant du web sur le terrain de la recherche lui confère un avantage incommensurable.

La fonctionnalité SGE, actuellement testée par [Google Labs](https://labs.google/) avant d’être proposée à tous les utilisateurs, est adossé à une IA générative et pourvue d'une interface conversationnelle. De quoi permettre au géant du web d’évoluer vers la fonction «moteur de réponse».

Selon les explications du [Blog du Modérateur](https://www.blogdumoderateur.com/sge-tout-savoir-sur-google-search-generative-experience/), plutôt que de se limiter à un ensemble de liens vers des sites web, la SGE propose directement des contenus textuels et multimédias. Avec la fonctionnalité «Interroger pour en savoir plus», les utilisateurs peuvent approfondir leurs recherches en posant des questions supplémentaires directement à l'intelligence artificielle de la plateforme.

Pour les requêtes commerciales, la SGE génère une sélection automatique de produits, complète avec les avis des consommateurs, les prix et les photographies des articles, le tout pour assister l'utilisateur dans ses décisions d'achat. Conçue pour être versatile, elle intègre aussi un système de génération d'images, à l’instar du moteur concurrent Bing de Microsoft (qui utilise Dall-E).

Google compte intégrer de la publicité: *«Dans cette nouvelle expérience générative, les annonces continueront d'apparaître dans des emplacements publicitaires dédiés tout au long de la page».* Si Google procède avec prudence avant de déployer son nouveau moteur auprès du grand public, c'est pour limiter les inexactitudes produites par l'IA – les fameuses «hallucinations».

## Quand l’IA hallucine

Les hallucinations des chatbots d'IA génératives se réfèrent à des réponses ou à des informations générées qui semblent plausibles, mais sont en réalité incorrectes, trompeuses ou totalement inventées. Ce phénomène peut survenir pour diverses raisons: rareté des données, lacunes en matière d'information, ou une classification erronée des données lors de l'entraînement des modèles d'IA.

Elles posent des défis significatifs, car elles peuvent mener à la diffusion de fausses informations et affecter la fiabilité et la crédibilité des chatbots d'IA. OpenAI a réussi à réduire les hallucinations avec GPT-4, et Anthropic affirme que la nouvelle version de son modèle, Claude 3, a deux fois plus de chances de répondre correctement à une question.

Mais le sujet reste sensible, car les IA génératives reposent sur des modèles de langage de nature statistique, elles ne possèdent pas – ou pas encore – de modèle du monde ni de logique structurée qui permettrait de filtrer la validité de leurs réponses.

## La maladie de l’IA folle

Un article publié dans *[The Telegraph](https://www.telegraph.co.uk/business/2024/02/01/why-ai-new-age-of-fake-news-and-disinformation/)* met l’accent sur un problème qui pourrait avoir des répercussions majeures: le risque de contamination des IA, lesquelles s’affaibliraient en se nourrissant de leurs propres résultats, ce qui renforcerait leurs failles au lieu de les rendre plus efficaces. Nigel Shadbolt, spécialiste en IA, compare le problème à la maladie de la vache folle, transmise lorsque les bovins consomment des farines animales issues de leur propre espèce.

Si l'information artificielle produite par l'IA continue de s'accumuler sur le web, dans les bases de données, un peu partout, elle pourrait devenir aussi courante que l'information authentique. Il sera difficile de distinguer le vrai du faux, et l'ensemble du système d'information risque d’être dominé par des énoncés d’origine artificielle. Comment, dès lors, trouver des données assez «propres» pour entraîner les grands modèles de langage derrière les IA génératives?

Des solutions sont en cours d'étude pour distinguer le contenu original, généré par l'homme, du contenu créé par les modèles de grands langages (LLM), comme [le marquage des données synthétiques](https://www.01net.com/actualites/un-watermark-pour-reperer-les-contenus-generes-par-lintelligence-artificielle.html) ou [l'utilisation de la blockchain](https://www.cnbc.com/2024/01/22/blockchain-tech-behind-bitcoin-can-be-used-to-track-ai-training-data.html) pour créer un enregistrement vérifiable de la création de contenu. Mais elles ne sont pas encore standardisées.

### **La fin du SEO**

[Le Search Engine Optimization](https://en.wikipedia.org/wiki/Search_engine_optimization) (SEO) désigne l'ensemble des stratégies et techniques employées pour accroître la visibilité d'un site web en améliorant son classement dans les pages de résultats des moteurs de recherche. Cette pratique a connu une évolution significative au gré des évolutions des algorithmes de Google, leader incontesté des moteurs de recherche.

Le but principal du SEO a toujours été de pousser les sites web à figurer en bonne place dans les résultats de recherche, en ciblant notamment les «10 liens bleus» qui dominent la première page de Google. Cette position est cruciale, car elle entraîne une augmentation de la visibilité et, par conséquent, du trafic en direction de ces sites. Tous les sites, y compris celui que vous consultez présentement, sont optimisés à cette fin.

L'émergence des moteurs de réponse va placer le domaine du SEO face à la nécessité absolue de s'adapter en Answer Engine Optimization (AEO). Les professionnels du SEO doivent désormais tenir compte de la façon dont les IA interprètent et référencent leurs contenus s’ils veulent continuer à visibiliser leurs contenus. Mais même dans cette hypothèse, il faut s’attendre à une diminution du trafic sur les sites secondaires.

**<section class=box>Les principales IA du marché**

<br/>**Chatbots**

<br/>Disponible en Europe:

* [ChatGPT](https://chat.openai.com/) d'Open AI

* [Copilot de Microsoft ](https://copilot.microsoft.com/) (anciennement Bing)

* [Gemini](https://gemini.google.com/app) de Google  (anciennement Bard)

* [Llama de Meta](https://llama.meta.com/) — compliqué, il faut télécharger les différents modèles avant de pouvoir les utiliser

<br/>Pas encore disponible en Europe, du fait des contraintes imposées par loi européenne sur l'IA:

* [Claude 3](https://www.anthropic.com/news/claude-3-family) d'Anthropic

* [xAI Grok](https://grok.x.ai/) d'Elon Musk —  fourni avec la version premium (payante) de X (Twitter)

<br/>**Moteurs de réponse**

<br/>Disponible en Europe:

* [Perplexity.ai](https://www.perplexity.ai/)

* [Arc Search](https://arc.net/blog/arc-search)  — compliqué, il faut télécharger le modèle avant de pouvoir l'utiliser, mais l'application mobile est facile d'accès.

**</section>**

https://www.heidi.news/articles/le-web-tel-qu-on-le-connait-va-disparaitre

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Election au Sénégal: entre continuité claudiquante et saut dans l'inconnu

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/886ea85d-984d-438a-8159-785e7aba0e3e/medium" /><p>Après de nombreuses polémiques et retards, les urnes sénégalaises se sont enfin ouvertes dimanche 24 mars sur fond d&#39;enjeux économiques. Du dauphin chantre de la continuité au jeune loup leader d&#39;une révolte souverainiste, celui qui l&#39;emportera influera sur la destinée démocratique d&#39;une région en proie aux coups d&#39;Etat.</p><p>Les Sénégalais n’y croyaient plus, mais ce dimanche 24 mars se tient, enfin, l’élection présidentielle. Après une pré-campagne émaillée de scandales et un retard d’un mois qui a plongé le pays dans une crise institutionnelle inédite, les Sénégalais choisissent leur cinquième chef de l’Etat, depuis l’indépendance de 1960.</p><p>Un scrutin à l’issue indécise, marqué par des enjeux économiques forts: de la renégociation de contrats pétroliers à l’abandon de la devise régionale du franc CFA.</p><p><strong>Pourquoi c’est important?</strong> Dans une Afrique de l’Ouest sujette au retour de l’autoritarisme à travers une multiplication des coups d’Etats militaires depuis 2020, le Sénégal fait figure de vitrine démocratique régionale. Statut menacé ces derniers mois par un président sortant, Macky Sall, accroché au pouvoir, et la crainte d’une action militaire pour l’y déloger. Mais la démocratie sénégalaise a su une fois de plus démontrer sa résilience.</p><p>Ce dimanche, le renouveau électoral est donc un signe d’espoir non seulement national, mais aussi régional. Espoir qui s’accompagne d’incertitudes. L’éviction des figures majeures de l’opposition a laissé place à des poulains méconnus du grand public et à un Premier ministre impopulaire, dauphin du président sortant, qui devra en assumer le bilan. Un choix qui se porte plus que jamais entre la continuité ou le saut dans l’inconnu.</p><a href="/articles/elections-au-senegal-entre-continuite-claudiquante-et-saut-dans-l-inconnu">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/elections-au-senegal-entre-continuite-claudiquante-et-saut-dans-l-inconnu

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Entre IA et auteurs, une véritable guerre se joue devant nos yeux

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/fbd7bd42-46be-4bd9-9a36-3c833effd630/medium" /><p>A qui appartient les contenus produits à la sueur d’un front humain? Pas aux entreprises d’IA qui s’en servent pour alimenter leurs modèles de langage, tempêtent les industries concernées, grands journaux en tête. Echaudés par la révolution du web, ils craignent de se faire piller sans contrepartie, et durcissent le ton pour avoir leur part du gâteau. Les prétoires sont d’ores et déjà l’objet de luttes homériques qui façonneront le futur du secteur.</p><p>Au-delà des cadres législatifs établis par des instances gouvernementales, ce sont les jugements futurs, issus des multiples procès intentés contre des entreprises spécialisées du domaine, qui détermineront l&#39;avenir des intelligences artificielles génératives.</p>
<h3>La guerre des prétoires</h3>
Au cours de l'année écoulée, programmeurs, artistes, auteurs, humoristes, maisons de disques et groupes médiatiques ont engagé des poursuites judiciaires contre des sociétés technologiques comme OpenAI, Microsoft, Stability AI, Midjourney, Meta et Anthropic. Les plaignants soutiennent que ces sociétés ont enfreint les droits d'auteur en exploitant, à leur insu, leur contenu protégé afin d’entraîner leurs modèles d'intelligence artificielle.

La question cruciale est de savoir si l'utilisation massive de données pour entraîner des grands modèles de langage (LLM) relève de la doctrine du *«fair use»*, un principe juridique du droit d'auteur anglo-saxon qui autorise certaines utilisations sans consentement préalable, pour peu que l'œuvre soit transformée de façon substantielle. Cette problématique s'étend à la génération d'images par IA qui imite le style d'artistes spécifiques, ce qui pourrait dès lors constituer une infraction avérée.

### New York Times vs OpenAI et Microsoft

L'une des affaires majeures en cours est celle du *New York Times* contre [OpenAI](https://openai.com/) et [Microsoft](https://www.microsoft.com/). Le journal américain accuse les deux géants du numérique d'avoir exploité son contenu journalistique sans aucun consentement, afin d'entraîner leurs agents conversationnels [ChatGPT](https://openai.com/blog/chatgpt) et [Copilot](https://www.microsoft.com/fr-fr/microsoft-copilot). Ce faisant, ils se retrouvent de facto en position de rivaliser avec le Times en tant que source d'information sur le web.

Dans [sa plainte](https://nytco-assets.nytimes.com/2023/12/NYT_Complaint_Dec2023.pdf), le *New York Times* affirme, exemples à l'appui, que ChatGPT a reproduit intégralement – et non pas transformé – certains des articles de sa base, dépassant ce qui est normalement admis sous la doctrine de l'usage loyal. [Selon le quotidien](https://www.nytimes.com/2023/12/27/business/media/new-york-times-open-ai-microsoft-lawsuit.html), cette pratique nuit à ses relations avec les lecteurs, et affecte de manière significative ses revenus issus des abonnements, publicités et partenariats.

Le journal soutient en outre que l'utilisation de son contenu sans autorisation a contribué à générer des profits substantiels pour OpenAI et Microsoft et, par conséquent, réclame des milliards en dommages-intérêts pour compensation.

OpenAI a quant à lui opté pour une contre-attaque franche: selon l’entreprise derrière ChatGPT, le Times aurait manipulé son moteur conversationnel pour donner de la matière à sa plainte. Le journal aurait réalisé *«des dizaines de milliers d'essais dans le but de produire des résultats hautement irréguliers»*, en employant *«des commandes trompeuses qui enfreignent ouvertement les conditions d'utilisation d'OpenAI»*.

### Combattre ou coopérer?

Si le Times a opté pour l’offensive, d’autres groupes de presse ont préféré adopter une attitude plus conciliante, en [nouant des partenariats](https://www.linkedin.com/pulse/openai-nou%25C3%25A9-un-partenariat-avec-lassociated-press-emily-turrettini/) avec OpenAI. C’est le cas de l’agence de presse américaine Associated Press (AP) et d’Axel Springer, éditeur de *Bild* ou *Die Welt*. Tout récemment, ils ont été rejoints par [le groupe français Le Monde](https://www.lemonde.fr/le-monde-et-vous/article/2024/03/13/intelligence-artificielle-un-accord-de-partenariat-entre-le-monde-et-openai_6221836_6065879.html) (*Le Monde, L’Obs, Télérama, Courrier international…*) et son équivalent espagnol Prisa (*El Pais, HuffPost Espagne…)*. Ceux-ci ont conclu des accords de licence, qui autorisent ChatGPT à accéder à leurs articles pour l'entraînement de ses modèles.

### Vous ne passerez pas

Passé la surprise des premiers mois, les journaux ont renforcé leurs défenses. Depuis le mois d'août, plus de 500 organes de presse internationaux, dont le *New York Times*, le *Wall Street Journal*, *El Pais* et *Le Monde (ainsi que Le Temps et Heidi.news, ndlr.)*, ont bloqué l’accès à leurs contenus pour l'entraînement des futures versions de ChatGPT, soulignant la nécessité pour OpenAI de trouver des alternatives pour assurer la mise à jour de ses modèles.

En effet, si des sources connues limitent l'accès à leur contenu, le modèle linguistique d’OpenAI manquera d'informations récentes, ce qui pourrait à terme compromettre la pertinence et la qualité de ses réponses. Par ailleurs, si le public constate que l'IA est privée d'accès à des informations de sources fiables, cela pourrait affaiblir drastiquement la confiance envers le système.

Les agents conversationnels étant sur le point de transformer la manière dont les utilisateurs interagissent avec l'internet, les éditeurs considèrent le paiement équitable de leurs données comme une question existentielle. Il en va de leur survie.

D'autres secteurs analogues semblent déjà en ressentir les effets, selon *[The Economist](https://www.economist.com/the-economist-explains/2024/03/02/does-generative-artificial-intelligence-infringe-copyright)*. Dans un [article publié en août 2023 sur SSRN](https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4527336), des chercheurs en économie numérique de l’Université Washington à Saint-Louis et de New York University ont essayé d’estimer l’effet des IA génératives sur le marché, via les données de la plateforme de *freelancing* Upwork. Leurs résultats suggèrent que les revenus des créatifs indépendants – écrivains, illustrateurs et autres – ont chuté depuis novembre 2022, date à laquelle ChatGPT est apparu sur le marché.

### Révélations sur l'entraînement des modèles

L’une des principales inquiétudes liées à l’IA générative réside dans son développement opaque. En effet, Meta ou OpenAI ne dévoilent pas les textes spécifiques ou les sources utilisées pour entraîner leurs algorithmes.

L’humoriste et écrivaine Sarah Silverman est l'un des trois auteurs à avoir déposé [un recours collectif](https://qz.com/shadow-libraries-are-at-the-heart-of-the-mounting-cop-1850621671?utm_medium=sharefromsite&utm_source=quartz_twitter) contre OpenAI et Meta, affirmant que leurs livres ont été aspirés depuis des *«bibliothèques fantômes»* –  des bases de données illégales mais aisément accessibles qui offrent toutes sortes d’œuvres protégées au téléchargement, sans se soucier des droits d’auteurs.

Ces allégations restaient à étayer par des preuves concrètes, jusqu’à ce qu’[Alex Reisner](https://www.theatlantic.com/author/alex-reisner/), développeur et journaliste, mène une investigation sur le jeu de données employées par Meta pour son modèle de langage de grande taille, LLaMA. Les conclusions de ses recherches, parues dans *[The Atlantic](https://www.theatlantic.com/technology/archive/2023/08/books3-ai-meta-llama-pirated-books/675063/)*, montrent que cette base de données a utilisé des archives d’œuvres piratées. L’un d’entre elles contient plus de 170'000 titres d'auteurs renommés tels que James Patterson, Stephen King, Haruki Murakami ou encore Margaret Atwood.

### Le problème du «désapprentissage»

On peut se demander s'il ne serait pas plus simple de tout bonnement supprimer les contenus litigieux des systèmes d'IA. Il semble que cette solution pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Supprimer des informations ciblées au sein des systèmes d'IA générative est [quasiment impossible](https://fortune.com/europe/2023/08/30/researchers-impossible-remove-private-user-data-delete-trained-ai-models/). Il faut pouvoir éliminer l’empreinte sur les modèles actuels des données jugées illicites. Or, ces IA étant essentiellement des boîtes noires, le processus s’avère étonnamment complexe – un peu comme demander à un être humain d’oublier un souvenir.

Pour OpenAI, démanteler des modèles linguistiques aussi avancés que GPT-4 s’affranchir des dépendances à des contenus protégés, comme le réclame le NY Times, serait une catastrophe. Cela pourrait impliquer de reconstituer un nouveau *dataset* d'entraînement exempt de contenus litigieux, puis de répéter le processus d'apprentissage, extrêmement coûteux, pour un résultat a priori moins efficace.

OpenAI et d'autres organisations travaillent à développer [des méthodes pour «désapprendre» certaines données](https://arxiv.org/pdf/2310.02238.pdf), mais elles sont en cours de développement et ne sont pas encore standardisées, ni parfaitement efficaces.

Dans l'hypothèse où ChatGPT serait considéré comme un outil facilitant le piratage, la législation sur le droit d'auteur pourrait théoriquement conduire à des ordonnances de destruction des modèles incriminés. Il reste peu probable que des mesures aussi extrêmes soient prises – ce serait en tout cas une première dans le secteur de l’IA.

La perspective de devoir se priver des outils d'assistance numérique comme ChatGPT est pratiquement impensable. Leurs rôles et leur prolifération dans tous les aspects de notre vie et à travers tous les secteurs économiques sont déjà devenus incontournables, comme nous aurons l’occasion de le voir au fil de cette Exploration.

**<section class=box>Dix procès notables en cours**<br/><br/>

**1. Les développeurs vs GitHub, Microsoft et OpenAI**

La [première grande action en justice](https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-premiere-action-judiciaire-contre-github-copilot-88522.html) concernant l’IA a été initiée par un collectif de développeurs contre Open AI et la plateforme GitHub, propriété de Microsoft. Les firmes sont accusées d'avoir illégalement utilisé des logiciels open source pour développer, au sein de la plateforme [GitHub](https://github.com/features/copilot) utilisée par les développeurs du monde entier, un outil d'IA permettant de générer du code de manière autonome.<br/><br/>

**2. Les géants de l'industrie musicale vs Anthropic**

Universal Music, ABKCO et Concord Publishing [engagé des poursuites](https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/trois-geants-de-la-musique-dont-universal-attaquent-anthropic-le-rival-de-chatgpt-1988351) contre la société d'intelligence artificielle américaine [Anthropic](https://www.anthropic.com/). Ils accusent cette dernière de violer les droits d'auteur en utilisant leurs paroles sans autorisation, parmi l'abondance de contenus qu'elle a aspirés du Web pour perfectionner son chatbot [Claude](https://claude.ai/login?returnTo=%2F).

Il s'agit de la première affaire relative à l'exploitation des paroles de chansons par une IA, et la première visant directement Anthropic.<br/><br/>

**3. La banque d'images Getty vs Stability AI**

Getty Images attaque [attaque Stability AI pour violation du droit d’auteur](https://www.usine-digitale.fr/article/getty-images-attaque-stable-diffusion-en-justice-pour-violation-du-droit-d-auteur.N2098891). La banque d’images accuse l’entreprise d’avoir récupéré 12 millions d'images issues de son catalogue pour entraîner Stable Diffusion, son système de génération d'images par intelligence artificielle. Et ce, sans autorisation, ni attribution, ni aucune compensation financière, ce qui se rapproche du pillage pur et simple.<br/><br/>

**4. Les artistes visuels vs Stability AI, DeviantArt et Midjourney**

Trois artistes visuels, dont Sarah Andersen, ont déposé un [recours collectif contre Stability AI, DeviantArt et Midjourney.](https://www.bilan.ch/story/les-poursuites-contre-les-ia-generatives-sintensifient-182477461522) Au nom de milliers de créateurs, elles revendiquent *«le consentement, la reconnaissance, et la compensation»* pour leur travail, qui a été extrait du web à leur insu et traité par l’IA.<br/><br/>

**5. Les écrivains vs Open AI**

L'Authors Guild, la prestigieuse faîtière des écrivains américains basée à New York, a déposé une plainte collective contre OpenAI. Dix-sept écrivains renommés, dont George R.R. Martin, John Grisham et George Saunders, se sont ralliés à cette action.<br/><br/>

**6. Sarah SIlverman vs OpenAI et Meta**

La célèbre humoriste et autrice américaine Sarah Silverman a déposé plainte contre OpenAI, auprès de deux écrivains de fantasy et de science-fiction. Ils ont également poursuivi Meta, la société mère de Facebook, qui possède son propre modèle de langage étendu appelé LLaMa, pour s'être entraîné sur leur contenu sans autorisation.<br/><br/>

**7. Tous les internautes vs OpenAI**

[Clarkson Law Firm](https://clarksonlawfirm.com/), un cabinet d'avocats californien, a lancé [une action collective contre OpenAI](https://www.washingtonpost.com/technology/2023/06/28/openai-chatgpt-lawsuit-class-action/), sur la base d’un argument juridique inédite. L’entreprise derrière ChatGPT aurait enfreint les droits de millions d’internautes – enfants compris – en exploitant leurs commentaires sur les réseaux sociaux, leurs articles de blogs, leurs contributions à Wikipédia, leurs recettes de cuisine familiales et leurs informations personnelles. La[ plainte a fini par être retirée](https://www.theverge.com/2023/9/20/23882009/class-action-lawsuit-openai-privacy-dropped), en attendant peut-être un nouveau dépôt consolidé.<br/><br/>

**8. The New York Times vs OpenAI**

Cette [procédure judiciaire](https://www.theverge.com/2023/12/27/24016212/new-york-times-openai-microsoft-lawsuit-copyright-infringement), initiée par le *New York Times* contre OpenAI et Microsoft, constitue une première dans le secteur des grands éditeurs de presse. Le litige en question se focalise sur l'utilisation par OpenAI et Microsoft du contenu journalistique du Times pour entraîner leurs chatbots ChatGPT et Copilot.<br/><br/>

**9. The Intercept Media et Raw Story Media vs OpenAI**

[Les plaintes de ](https://www.linkedin.com/pulse/ia-vs-droit-dauteur-le-dmca-alli%C3%A9-inattendu-des-et-emily-turrettini-8jzxe/)*[The Intercept Media](https://www.linkedin.com/pulse/ia-vs-droit-dauteur-le-dmca-alli%C3%A9-inattendu-des-et-emily-turrettini-8jzxe/)*[ et ](https://www.linkedin.com/pulse/ia-vs-droit-dauteur-le-dmca-alli%C3%A9-inattendu-des-et-emily-turrettini-8jzxe/)*[Raw Story Media](https://www.linkedin.com/pulse/ia-vs-droit-dauteur-le-dmca-alli%C3%A9-inattendu-des-et-emily-turrettini-8jzxe/)* contre OpenAI innovent juridiquement en invoquant des violations présumées du Digital Millennium Copyright Act (DMCA), au-delà des accusations classiques d'abus de droit d'auteur. Ils reprochent spécifiquement à OpenAI d'avoir supprimé volontairement des informations permettant l’identification des œuvres utilisées pour l’entraînement de leur modèle, comme les titres et noms d’auteurs. <br/><br/>

**10. Nvidia, accusé d’abus de droit d’auteur**

Nividia, le géant des puces graphiques (GPU) si utiles pour faire tourner les modèles d’IA, est accusé par trois écrivains, dont l’auteur de romans d’horreur populaires Brian Keene, d’avoir exploité leurs créations sans permission préalable pour enrichir sa plateforme d'intelligence artificielle, NeMo, destinée à faciliter la création de modèles d’IA adaptés aux besoins des entreprises.

**</section>**

https://www.heidi.news/articles/les-ia-sont-elles-des-pirates-la-guerre-du-droit-d-auteur-fait-rage

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 Heidi.news

La grande vague du déficit de l'attention et des pastilles pour le soigner

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/53692e4f-6ebc-4919-91f3-520edfa87395/medium" /><p>Interdit à la vente en Suisse, l’Adderall s’est imposé sur le marché américain comme alternative à la Ritaline. Son succès repose sur de la chance, des connexions politiques ainsi que sur le «rebranding» féroce d’une substance qui avait pourtant été déclarée illégale en 1971: l’amphétamine. De fait, les patients ne manquent pas: en 2013, 15% des enfants américains étaient diagnostiqués TDA/H. Ils font la fortune des groupes pharmaceutiques.</p><p>Ce qui est chouette avec l’histoire des stimulants ou du <em>speed,</em> pour parler comme Jack, c’est qu’il suffit d’y jeter un coup d&#39;œil pour se retrouver happé dans une course poursuite comme on nous en montre au cinéma. L’enjeu semble toujours le même: échapper à la police qui, dans ce cas de figure, est incarnée par les instances de surveillance telles que la FDA et la DEA aux Etats-Unis, Swissmedic et l’OFSP en Suisse.</p>
<h4><strong>Retouvez ici les épisodes précédents</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/ritaline-mon-amour" rel="nofollow noopener" target="_blank">de notre grande série Ritaline mon amour</a></h4>
<p>Ces instances de surveillance officient comme des gendarmes. Ce sont elles qui décrètent quelles substances sont éligibles à circuler sur la voie publique et lesquelles sont condamnées à se mouvoir dans les sous-bois, une fois la nuit tombée. L’obtention d’un permis de circulation (AMM, autorisation de mise sur le marché) nécessite des preuves témoignant des bénéfices thérapeutiques que peut induire une substance versus une autre. Ces preuves sont constituées de dossiers qui font plusieurs milliers de pages et qui comprennent des informations allant de l’analyse toxicologique du <em>médicament candidat</em> aux résultats obtenus par le biais d’études cliniques réalisées en accord avec des protocoles rigoureusement établis et surveillés.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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<p><strong></section></strong></p><p>S’ajoute à ces facteurs une composante sociétale qui a trait à l’opinion publique et à l’image que véhicule une substance à une époque donnée. La Ritaline, le premier stimulant synthétique destiné à soigner les troubles du déficit de l’attention chez les enfants, a obtenu son AMM en partie parce que sa réputation était encore vierge. Dénuée de «casier judiciaire», portée par une intense campagne de marketing et de lobbying financée par Ciba-Geigy (aujourd’hui Novartis), la Ritaline reçut un accueil chaleureux à son débarquement sur sol américain.</p>
<h3>La Ritaline ringardisée</h3>
<p>D’abord prescrite pour traiter des adultes, elle devint dès les années 1960 la pilule miracle pour lutter, chez les enfants, contre le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Mais il ne fallut pas longtemps pour que les premières critiques affluent et souillent son casier. Dès les années 1970, les médias et plateaux télévisés accusèrent la Ritaline <em>«d’intoxiquer les enfants dans la soumission»</em>. Sa réputation étant peu à peu compromise et les brevets qui lui étaient associés arrivant à échéance, l’industrie pharmaceutique se mit en quête d’un nouveau médicament pouvant lui être substitué C’est dans ce contexte qu&#39;émergea l’Adderall.</p><p>Adderall, ça veut dire <em>Attention Deficit Disorder for all,</em> trouble du déficit de l’attention pour tous. Comme pour poubelle ou frigo qui sont devenus, à la force de l’usage, des noms communs, Adderall ou <em>addies</em> s’emploie aujourd’hui aux Etats-Unis pour signifier les substances, quelle que soit leur marque ou leur structure moléculaire, que l’on consomme pour stimuler l’éveil, la concentration et l’énergie. Du temps des premières amphétamines et de Marilyn Monroe, qui en était une consommatrice régulière, on ne disait pas Adderall ou <em>addies</em>, mais Benzedrine ou bennies, du nom de la toute première amphétamine commercialisée aux Etats-Unis.</p>
<h3>Une leçon de chimie</h3>
<a href="/articles/la-grande-vague-du-deficit-de-l-attention-et-des-pastilles-pour-le-soigner">Voir plus</a>

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J’aimerais vous peindre le fracas de l’IA qui s’amène

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/f1ae2776-808d-4553-8999-6079705cc5b9/medium" /><p>Journaliste et blogueuse suisso-américaine, Emily Turrettini couvre l’actualité technologique, notamment les développements les plus récents de l&#39;intelligence artificielle. Pour Heidi.news, elle lance une Exploration ouverte sur les IA génératives, sous forme de chroniques régulières.</p><p>Ma prise de conscience est survenue avec la découverte de Dall-E, le générateur d’images dévoilé par OpenAI en juin 2022. <em>«Quoi! Une technologie capable de créer des images dans le style de Picasso à partir d&#39;une simple description textuelle!»</em> Il m’a fallu toute ma vie pour apprendre à dessiner comme un enfant, a dit le vieux maître. Désormais, il ne fallait que quelques secondes à l’IA pour dessiner comme Picasso.</p><p>Et puis ChatGPT est arrivé en novembre de la même année, suscitant chez moi la même exubérance que celle ressentie lors de mes premiers pas sur internet en 1996.</p>### **De Tim Berners-Lee à Sam Altman**

À cette époque, le web incarnait un espace de liberté et d'espoir social, un lieu d'échanges, de savoir, libre de toute considération monétaire. Cette aspiration s’est brisée au fil des années, à cause notamment de l'avènement des réseaux sociaux et de leur avidité à monnayer nos données personnelles. L’utopie a viré à la foire d’empoigne, le débat public au café du commerce.

De nouveau, le monde tel que nous le connaissons évolue à un rythme effréné, dans des directions que nous avons du mal à saisir.

L'arrivée de l'intelligence artificielle générative représente une révolution majeure, équivalente à l'invention de l'électricité, l'accès universel à internet ou l'avènement des smartphones, qui ont chacun révolutionné les structures fondamentales de nos sociétés.

### **Nous n’avons plus le monopole de l’intelligence**

Nous entrons dans une période de convergence exceptionnelle entre l'intelligence humaine et l'intelligence artificielle. Une fusion qui apportera des perspectives inédites grâce à l'analyse de données vastes et complexes, surpassant les limites de la capacité humaine et ouvrant la voie à des découvertes jusqu'alors inimaginables.

D’ici peu de temps, nous pourrions nous trouver face à l'intelligence artificielle générale (AGI), une forme d'IA qui promet de dépasser nos capacités cognitives. Sam Altman, patron d’Open AI, a levé le voile cette semaine sur GPT-5. Bien que la date de son lancement n'ait pas encore été fixée, des rumeurs évoquent l’été prochain.

### **Chroniques du temps d’aujourd’hui**

Nous commençons à peine à entrevoir l'impact profond que l'IA générative aura sur nos façon de penser et notre organisation sociale. Elle changera radicalement le monde des travailleurs en col blanc, un nombre incalculable d’emplois vont disparaître. L'enseignement est à revoir. Tous les secteurs économiques et les métiers créatifs, la publicité, la production audiovisuelle, le journalisme, l’écriture, seront affectés.

Ces changements, ces conflits sociaux, ont déjà commencé, souvent à bas bruit, parfois aux yeux de tous, comme la grève des scénaristes et des acteurs de Hollywood. On peut les redouter, mais il faut les regarder en face. C’est pourquoi *Heidi.news* m’a demandé de les suivre, sous forme de chroniques régulières. Vous pouvez déjà lire les deux premières, sur le droit d’auteur et la recherche internet. 

Cette Exploration ouverte se poursuivra au fil des mois, avec pour ambition de dessiner en pointillés, par petites touches, un changement d’époque. Son nom? «IA, le grand fracas.»

https://www.heidi.news/articles/j-aimerais-vous-peindre-le-fracas-de-l-ia-qui-s-amene

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Le dessin de la semaine: Washington tance Israël en lui vendant des armes

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/7671f934-0969-4cfc-ae25-78a615dd7242/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>Israël a annoncé sa volonté de poursuivre sa sanglante opération militaire à Gaza en lançant une offensive terrestre à Rafah, où s’entassent 1,5 million de Palestiniens réfugiés — et d’après Tel-Aviv, quatre bataillons du Hamas (environ 3000 hommes). Par la voix du porte-parole de la Maison-Blanche, Joe Biden <a href="https://www.politico.com/news/2024/03/18/rafah-operation-biden-netanyahu-00147627" rel="nofollow noopener" target="_blank">a estimé que ce serait une «erreur»</a>, et les diplomates américains s’emploient à convaincre Benyamin Netanyahou de renoncer à ce projet. Du fait des destructions et faute d’accès pour l’aide humanitaire, les Gazaouis meurent de faim et de maladies. En cas d’escalade à Rafah, plus de 1 million d’entre eux sont confrontés à une famine «imminente», <a href="https://www.who.int/fr/news/item/18-03-2024-famine-in-gaza-is-imminent--with-immediate-and-long-term-health-consequences" rel="nofollow noopener" target="_blank">vient d’alerter l’OMS</a>.</p>
<h3>2 à 4 milliards d’aide par an</h3>
Washington hausse le ton, donc, mais la réalité du soutien américain à Israël n’est pas remise en cause, [malgré des débats au sein du camp démocrate](https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/03/aux-etats-unis-la-guerre-israel-hamas-fracture-le-camp-democrate_6198037_3210.html). Au contraire, [un projet d’aide à hauteur de 14 milliards de dollars](https://www.timesofisrael.com/14b-us-aid-package-for-israel-crafted-with-eye-to-multi-front-war-not-just-gaza/) a été voté au Sénat début février, et doit passer devant la Chambre des représentants. Les Démocrates ont même manœuvré pour rattacher le soutien à l’Ukraine à ce paquet, afin d’obtenir le vote des Républicains souhaitant couper les vivres à Kiev. En moyenne, les Etats-Unis versent [2 à 4 milliards de dollars](https://www.bbc.com/afrique/monde-57243165) par an à Israël depuis les années 1980, sans compter le financement du Dôme de fer. Cette aide, qui tend à augmenter au fil des ans, est surtout utilisée pour acheter des équipements militaires.

### Des obus américains à Gaza

La quasi-totalité de l’armement d’Israël est donc d’origine américaine — [missiles, obus, chars d’assaut, avions de chasse](https://www.axios.com/2023/11/29/us-weapons-provided-israel-aircraft-missiles-bombs)… Washington continue par ailleurs de vendre discrètement des armes à son allié depuis le début de l’offensive à Gaza, en fragmentant les contrats pour plus de discrétion. Seuls deux contrats ont été rendus publics, en fin d’année dernière: ils portaient sur des obus de char (106 millions de dollars) et des composants nécessaires à la fabrication d’obus de 155 mm (147,5 millions), utilisés par l’artillerie au sol. Plus d’une centaine d’autres transactions ont eu lieu à bas bruit depuis le 7 octobre 2023, [révèle le ](https://www.washingtonpost.com/national-security/2024/03/06/us-weapons-israel-gaza/)*[Washington Post](https://www.washingtonpost.com/national-security/2024/03/06/us-weapons-israel-gaza/)*, pour un montant inconnu.

https://www.heidi.news/articles/le-dessin-de-la-semaine-washington-tance-israel-en-lui-vendant-des-armes

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Liban, de la Suisse du Moyen-Orient au doux chaos

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c34e889c-10fb-4e89-af8e-a61d8bfff770/medium" /><p>Le Liban est ballotté comme un confetti dans le chaudron du Moyen-Orient. Pour comprendre ce pays, il faut en retracer l’histoire longue, celle d’une nation morcelée et d’un Etat qui échoue à faire nation. C’est ce que nous avons demandé au chercheur et politologue franco-libanais Ziad Majed, directeur du programme des études du Moyen-Orient à l’American University of Paris. Entretien.</p><h5><strong>Heidi.news – On entend souvent dire que le Liban est un Etat failli. Qu&#39;est-ce que cela signifie? Comment l&#39;expliquez-vous?</strong></h5>
<p><strong>Ziad Majed –</strong> Le Liban subit deux faillites. Tout d’abord, il y a la faillite des institutions politiques. Nous n’avons plus de président de la République depuis plus d’un an. Le gouvernement ne fait que suivre les affaires courantes. Au Liban, le président est élu par le Parlement. Nous sommes dans un système consociatif inspiré en partie, comme les Libanais et les politologues aiment le répéter, du modèle suisse. Cela signifie que le pouvoir et les postes clés sont répartis à travers des quotas définis pour chacune des 18 communautés religieuses reconnues. Le président doit être maronite chrétien, le premier ministre musulman sunnite et le chef de l’assemblée musulman chiite <em>(les principales communautés, ndlr.)</em>.</p><p>Au Parlement, un quorum de deux tiers est nécessaire pour valider certaines décisions telles que l’élection d’un président. Cela signifie que lorsqu’un groupe parlementaire qui a plus du tiers des membres de l’assemblée n’est pas satisfait de ce que pourrait donner le résultat d’un vote, il se retire au moment de celui-ci et rend le vote caduc. Ainsi, l’échéance électorale est reportée à l’infini.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Ziad Majed, directeur du programme des études du Moyen-Orient à l’American University of Paris. | Courtoisie" alt="ziad mejad 2.jpeg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/35ff1d28-6fcb-494b-ba94-30ed55ed3894/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Ziad Majed, directeur du programme des études du Moyen-Orient à l’American University of Paris. | Courtoisie</figcaption>
      </figure>
</p>
<h3>Des institutions du temps des colonies</h3>

<h5><strong>Le système politique n’est pourtant pas nouveau. Est-ce que le blocage actuel a toujours existé?</strong></h5>
<p>On a déjà vécu des situations similaires en 1988, en 1995, en 1998, en 2004, en 2007 et en 2014… On est resté deux ans sans président avant que Michel Aoun, le président sortant, soit élu en 2016. Il nous arrive aussi de ne pas savoir élire de Parlement faute de trouver un compromis sur la loi électorale, le découpage des circonscriptions. Il y a une faillite au niveau du système lui-même. Le système ne fonctionne plus parce qu’il a été conçu sous le mandat français <em>(la Constitution a été rédigée en 1926, ndlr.)</em> et que la réalité politique n’est plus la même.</p><p>En 1949, le journaliste Georges Naccache publie un éditorial intitulé «Deux négations ne font pas une nation», en référence au Pacte national de 1943 qui fonde l’indépendance du Liban. Cette phrase est restée célèbre, car elle résume le compromis de l’époque. Les représentants des chrétiens renoncent au mandat français et à la protection de la France tandis que les représentants des musulmans tirent une croix sur l’union avec la Syrie et donc à l’Union arabe. Ce compromis est accepté sur le territoire libanais du fait de ses spécificités de coexistence, de partage du pouvoir entre musulmans et chrétiens.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Drapeau retiré sur le toit du palais Baabda, dans l&#39;est de Beyrouth, après le départ du président Michel Aoun qui initie une nouvelle vacance du pouvoir (1er août 2022). | Keystone / EPA /  WAEL HAMZEH) " alt="drapeau Berne départ Aoun.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a1967622-f002-4118-ad60-a9fafac5c9dd/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Drapeau retiré sur le toit du palais Baabda, dans l&#39;est de Beyrouth, après le départ du président Michel Aoun qui initie une nouvelle vacance du pouvoir (1er août 2022). | Keystone / EPA /  WAEL HAMZEH) </figcaption>
      </figure>
</p>
<h5><strong>Et qu’est-ce qui a changé depuis lors?</strong></h5>
<p>Les élites de l’époque étaient des notables, des descendants de familles traditionnelles, des propriétaires fonciers, des avocats, des banquiers. Ils savaient négocier pour protéger leurs intérêts et étaient plutôt territoriaux. Il n&#39;y avait pas de chef politique qui représentait, par exemple, tous les chrétiens ou tous les chiites ou tous les sunnites à travers le territoire. Dans chaque alliance politique nécessaire pour gagner des élections, il y avait des personnes issues de toutes les communautés. Ainsi, les compromis étaient plus faciles à trouver. Avec la guerre civile, on a connu l’émergence d’élites politiques militantes. Dans chaque communauté, un ou deux acteurs se sont lancés dans une quête pour obtenir l’hégémonie auprès des leurs.</p><p>Aujourd’hui encore, Michel Aoun <em>(le président sortant, ndlr.)</em> prétend être le sauveur des chrétiens de tout le pays. Samir Geagea aspire à l’être. Le Hezbollah a quant à lui plus ou moins réussi à monopoliser la représentation des chiites avec son allié Nabih Berry. Chez les sunnites, c’était la même chose avec les Hariri, jusqu’à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Liban-Saad-Hariri-retrait-dun-heritier-propulse-politique-2022-01-25-1201196710" rel="nofollow noopener" target="_blank">la chute de Hariri fils</a>. Et chez les druzes, c’est aussi le cas avec le leadership de Walid Joumblatt. Ce phénomène d&#39;hégémonie et de monopolisation de la représentation communautaire s’est poursuivi et consolidé après la fin de la guerre <em>(en 1990, ndlr.)</em>, puis durant la phase d’hégémonie syrienne sur le pays <em>(jusqu’en 2005, ndlr.)</em>. Cela fait qu’il y a tout le temps des clashs et qu’on n&#39;arrive plus à trouver des alliances où les communautés sont toutes représentées.</p><a href="/articles/liban-de-la-suisse-du-moyen-orient-au-doux-chaos">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/liban-de-la-suisse-du-moyen-orient-au-doux-chaos

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Pourquoi s’ennuyer avec la cocaïne quand un médecin peut vous prescrire du speed?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/7ab8042d-fe41-424e-9571-d4fd9797f49d/medium" /><p>Dans ce quatrième épisode, notre journaliste se lamente de la tournure analytique des lectures que lui impose son département de philosophie. Jack, son fournisseur d’Aderall, l’emmène à une fête de campus où l’on boit de la bière dans des gobelets rouges alors que la belle Georgia lui propose des lignes de cocaïne dont les effets s’avèrent plutôt décevants.</p><p>C’est jeudi. Je suis dans ma chambre, le dos courbé sur un livre tout à fait asphyxiant qui s’appelle <em>L’Intention</em> et qui traite de la nature des prédictions de nos intentions. La porte de ma chambre s’ouvre. C’est Jack. Sa dégaine est différente. Il est apprêté d’un t-shirt tout blanc qui m’a presque l’air propre, ou neuf. Et, à la place de son training de sport, il porte un pantalon ultra-large qui s’arrête en dessous des fesses et exhibe la moitié de son caleçon. Ne s&#39;enquérant pas de savoir s’il me dérange, il se dirige machinalement vers mon lit, s’y vautre et me balance un «<em>what’s up, dude?».</em></p>
<h4><strong>Retrouvez Jack et ses pastilles bleues</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/ritaline-mon-amour/bleu-comme-ma-premiere-pastille-d-amphetamine" rel="nofollow noopener" target="_blank">dans le 2e épisode</a></h4>
<p>Une odeur d’eau de cologne se propage dans la pièce. Je renifle puis contemple les motifs imprimés sur son caleçon qui dépasse.</p>
<ul>
<li><p><em>Nice boxer.</em> Ce sont des alligators ou des crocodiles?</p></li>
<li><p><em>They are dinosaurs.</em> Tu lis quoi?</p></li>
<li><p>Gertrude Elizabeth Anscombe.</p></li>
</ul>
<p>Je lui montre la couverture de mon livre. Ce faisant, je réalise que ce que j’aimerais bien faire, là tout de suite et maintenant, c’est déverser la frustration que j’éprouve face au département de philosophie de mon université, qui ne glorifie que ce qui est parfaitement illisible et indigeste, qui lapide tous les auteurs qui comptent et qui, par sadisme, nous impose des textes aussi mortels que ceux de Gertrude Elizabeth Anscombe. Gertrude Elizabeth Anscombe, qui militait publiquement contre le droit à l’avortement, condamnait l’homosexualité et qui était en faveur de la peine de mort, fait partie des rares auteurs qui n’ont pas été éjectés du département de philosophie de mon université — et ce, justement parce que ses textes s’inscrivent dans la mouvance analytique. La philosophie analytique se compose, en somme, de pages et de pages d’interrogation tout à fait vaines sur la valeur de A en lien avec la valeur de B et la valeur de B en lien avec la valeur de A. Si A fait B et si C fait A, est-ce que A et C font B ou est-ce Z et Y qui font W? Et si W fait Y, C fait-il B?</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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</ol>
<p><strong></section></strong></p><p>Oui, si je ne cherchais pas constamment à plaire à tout le monde, je partagerais mes peines avec Jack. Mais Jack, qui est du type alerte et <em>streetsmart,</em> ne me laisse même pas la possibilité d’y songer. Un rapide coup d&#39;œil sur la couverture de <em>l’Intention</em> lui a suffi. Il n’a pas eu besoin de vérifier ou de faire semblant de s’y intéresser car il a tout de suite su ce que d’autres prennent une vie entière à réaliser, à savoir que rien de vivant ni de positif ne pouvait possiblement sortir de l’ouvrage que je tenais entre les mains.</p><p>Il me demande si je veux <em>hang out.</em></p>
<ul>
<li>J’ai des potes qui trainent derrière le terrain de foot. Il y aura de la musique et des snacks. Viens, ça va être sympa.</li>
</ul>
<p>Me voyant hésitante, il insiste.</p>
<ul>
<li>Allez viens. <em>Trust me,</em> ce livre ne présage rien de bon pour toi et pour l’humanité.</li>
</ul>
<p>J’enfile mon manteau et le suis dans les escaliers. Il me dit qu’il trouve ça mignon, que je lise des livres. Lui ne lit jamais. Il rédige ses dissertations en paraphrasant les contenus d’un site internet qui s’appelle <em>SparkNotes</em>. Il n’en revient pas que je ne connaisse pas <em>SparkNotes.</em></p>
<ul>
<li><em>Are you like a Mormon or something?</em> (T’es genre mormone ou quoi?)</li>
</ul>
<p>Je lui demande à quoi ça sert de porter des pantalons sous le fessier qui font trébucher.</p>
<ul>
<li>C’est un truc de rappeur, me répond Jack. Une mode qui vient des taulards qui ne portent pas de ceintures. Ne cherche pas plus loin, je te dis. C’est cool, point barre.</li>
</ul>
<p>Sur le chemin, on croise Georgia qui me jette un regard inquisiteur. Elle se demande sûrement ce que la petite <em>Frenchie</em> fabrique avec un type aussi naze que Jack. Georgia fait partie des plus belles filles du campus et ses amis sont ces gens cools qui se rendent à des fêtes à Manhattan, vont à des concerts et dirigent une radio estudiantine qui diffuse des morceaux ultra-recherchés que seuls les vrais connaisseurs sont en mesure d’apprécier. Notre amitié ne fait que débuter et je la dois à Léo, son ex petit copain qui, selon les dires de Georgia, aurait des vues sur moi. Afin de contrôler l’affaire, Georgia m’a <em>friendé,</em> comme on dit. Elle s’est liée d’amitié avec l’ennemie et pour le moment, je dois dire que son plan marche plutôt bien.</p>
<ul>
<li><em>See you tomorrow?,</em> dit-elle en continuant son chemin.</li>
</ul>
<p>J&#39;acquiesce. Jack qui se trouve à mes côtés, retient sa respiration et quelques mètres plus loin, s’exclame:</p>
<ul>
<li><p><em>Holy fuck,</em> ce qu’elle est <em>hot.</em> D’où tu la connais? Il paraît qu’elle n’est pas très <em>smart</em>, c’est vrai?</p></li>
<li><p>Y’a que toi qui es <em>smart</em>, Jack.</p></li>
</ul>
<p>Je sors mon paquet de clopes et lui en propose une. Il décline.</p>
<ul>
<li>Les fumeurs me dégoûtent.</li>
</ul>
<p>Je lui crache une bouffée en plein visage. Il se marre, me saisit par la taille et me propulse sur le bord de la route. Je ris. Je ris tout en m’étonnant de rire. Je ne comprends pas pourquoi ce Jack m’amuse ni pourquoi je me sens si bien en sa compagnie. Si ça se trouve, c’est vraiment lui le mec le plus smart du campus. Il ne lit pas, affirme ouvertement que son but dans la vie c’est de se muscler et de faire fortune, et qui nous dit que ce n’est pas lui le vrai philosophe dans cette histoire? Pourquoi lire du Gertrude Elizabeth Anscombe lorsque l’on peut rêver de faire du ski-hélico, de chasser le Big Five et de boire des binches en matant le superbowl?</p><a href="/articles/pourquoi-s-ennuyer-avec-la-cocaine-quand-un-medecin-peut-vous-prescrire-du-speed">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/pourquoi-s-ennuyer-avec-la-cocaine-quand-un-medecin-peut-vous-prescrire-du-speed

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Le Liban est un chaos, et le chaos est une école

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/5902894a-788d-4559-9907-f5ecd76a4ea3/medium" /><p>Le spectre de la guerre refait son apparition dans le sud du Liban, où le Hezbollah et Israël s&#39;adonnent à des échanges de roquettes et de menaces de plus en plus inquiétants. Mais oublions, pour un temps, la froide géopolitique. Des pêcheurs à la dynamite de Tripoli aux vendeurs d’armes du Sud-Liban, c’est à hauteur d’hommes et de femmes que les auteurs de cette Exploration ont voulu se placer. On se penche sur la vie des Libanais, faite de combines et de résilience dans un Etat failli.</p><p>A peine une semaine que je suis de retour à Beyrouth et, comme toujours, je suis fascinée. De loin, d’Europe, on voit les bombardements, la faillite politique, l’effondrement économique. De près, on voit… que les lampadaires ont ressuscité dans mon quartier.</p><p>Dans un pays comme le Liban, ce n’est pas un mince exploit. Voilà des années – depuis 2020, en fait – que nous vivons dans le noir à la nuit tombée, faute d’éclairage public. Beyrouth <em>by night</em> est devenue ville morte. L’électricité est trop rare, le fioul pour les groupes électrogène hors de prix, alors les pouvoirs publics ont lâché l’affaire. Intriguée, j’ai mené une petite enquête pour comprendre quelle sorcellerie était à l’œuvre.</p>### Le retour de la fée électricité

*«Il parait que 5% de la production des générateurs privés est détournée vers l’éclairage public»*, m’explique une amie. En réalité, c’est même plus complexe: une part de l’électricité est financée par l’ONG qui a remplacé les lampadaires récemment, une autre par les commerçants du coin. Et en effet, certains (riches) propriétaires de générateurs, qui louent déjà l’électricité (au noir) aux habitants du quartier, se retrouvent à participer à l’éclairage public... Ainsi renaît la fée électricité.

Des situations comme celle-là sont monnaie courante ici. Et c’est justement de ces tranches de vie, qu’avec *Heidi.news*, nous aimerions vous parler. Le Liban est un chaos, et le chaos une école: celle de la débrouille.

### De la dynamite comme s'il en pleuvait

L’idée est née de la proposition de deux journalistes indépendants, Weilian Zhu, ingénieur en environnement de formation et Itzel Marie Diaz, spécialisée sur les enjeux de droits humains et de migrations, qui se sont rendus au Liban dans le cadre d’une bourse offerte par l’Earth Journalism Network de l’ONG Internews. Ils nous ont proposé quatre reportages terre à terre, racontant le pays à hauteur d’homme et de femme.

Pour le premier épisode, ils ont enquêté sur la pêche à la dynamite, très efficace mais calamiteuse pour l’environnement. Il m’a bluffée. La dynamite, j’en avais discuté avec des pêcheurs alarmés par la disparition des poissons. Au Liban, nous connaissons tous cette pratique. Mais concentrée sur les grands enjeux, je n’avais pas poussé plus loin. Or, à travers ce reportage, ils relatent la corruption, la défaillance de l’Etat, l’omniprésence d’explosifs. Bref, ils racontent ce pays.

### Renards, bateleurs et dealers

Cette nouvelle Exploration a donc pour ambition de relater, à travers un patchwork d’histoires, le pays du Cèdre et ses habitants. Celui-là même que le poète Khalil Gibran, qui l’aimait éperdument, décrivait ainsi dans *Le Jardin du Prophète*:

> «Ayez pitié de la nation dont le politicien est un renard, dont le philosophe est un bateleur, et dont l'art est l'art du rapiéçage et du pastiche.»

Au programme: une rencontre avec un marchand d’armes du Sud-Liban, qui nous expliquera la naissance de son business en 2000, année du retrait des troupes israéliennes. Lancé dans la restauration d’armes à feu pour nourrir son nouveau-né, il est devenu 20 ans plus tard l’un des plus grands dealers du pays. Sur un ton plus léger, nous irons aussi voir les noceurs de Beyrouth, qui persistent à faire vivre les nuits de la capitale.

### Des histoires disjointes

Nous prévoyons aussi un arrêt à l’école. Ici, les cours d’histoire s’arrêtent après l’indépendance du pays, en 1943. Pas étonnant dans un pays où aucun seigneur de guerre ou presque n’a été jugé à l’issue d’une guerre civile de 15 ans (de 1975 à 1990), et où les versions de l’histoire varient selon les communautés à qui l’on s’adresse.

Et comme il faut aussi parler à l’intelligence, nous avons longuement interviewé le politologue franco-libanais Ziad Majed, qui nous fournit les quelques clés indispensables pour saisir ce pays si compliqué, avant d’y plonger tête la première.

Tout cela, nous vous le proposons alors que la frontière sud bouillonne, et que de plus en plus de voix s’alarment d’une déstabilisation totale, sur fond de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah. C’est un pari éditorial, celui de pouvoir nous faire entendre alors que fusent les bombes et que claquent les bruits de bottes.

Que voulez-vous, on ne peut pas vraiment parler du Liban sans prendre quelques risques.

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Ce que la réélection de Vladimir Poutine nous dit des dangers du moment

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/29d662a0-4829-4cf5-a6b5-a88eb52a688b/medium" /><p>En Russie, les bureaux de vote fermeront ce dimanche 17 mars au soir avec une victoire assurée de Vladimir Poutine. L&#39;autocrate, qui a laminé toute opposition, tient tous les leviers du pouvoir. Face à lui, la coalition atlantique n&#39;a pas réussi à l&#39;affaiblir.</p><p>La victoire présidentielle est assurée pour Vladimir Poutine, en route pour un cinquième mandat en Russie, où les bureaux de vote fermeront dimanche soir 17 mars.</p><p>Cette élection va entériner le plus long «règne» d&#39;un chef du Kremlin, depuis Joseph Staline, alors que le pays a entamé sa troisième année de guerre d’agression contre l’Ukraine.</p><p>Ceux qui avaient prédit des lendemains difficiles pour l’autocrate glacial, qui a laminé toute opposition dans son pays, voient pour l’heure leurs espoirs douchés. Poutine tient tous les leviers du pouvoir et a même réussi à rallier une partie du monde dans sa croisade contre l’Otan et l’Occident.</p><p>Alors que l’on craint un effondrement du front ukrainien et que la petite musique de la défaite commence à <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/ukraine-news-die-staerke-der-russen-wird-wieder-abflauen-737155815966" rel="nofollow noopener" target="_blank">affoler les chancelleries européennes,</a> l’élection présidentielle russe ne laisse pas le moindre espoir de détente, en provenance de l’Est. Le ton est à la surenchère et au pessimisme.</p><p><strong>Pourquoi cette élection est tout, sauf libre?</strong> Les failles qui font chuter les Empires sont parfois difficiles à détecter, et l’ancienne Union soviétique s’est effondrée sans crier gare. En ira-t-il ainsi pour le pouvoir fortifié bâti par Vladimir Poutine? Pour l’heure, le président russe est en passe d’être reconduit à une très large majorité par les quelques 112 millions d&#39;électeurs, dont 4,6 millions dans les territoires ukrainiens annexés, à Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson, ainsi que sur la péninsule de Crimée.</p><p>Ses faire-valoir sont le nationaliste Leonid Sloutski, le communiste Nikolaï Kharitonov et l’homme d&#39;affaires Vladislav Davankov, tous plus ou moins ralliés à sa cause. <em>«Une honte</em>», fustigeait Alexeï Navalny, l’opposant historique à Vladimir Poutine, de la prison où il est mort le 16 février dernier.</p><a href="/articles/ce-que-la-reelection-de-poutine-nous-dit-des-dangers-du-moment">Voir plus</a>

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L’histoire absurde du «speed» et de l’époque où la drogue dure soignait le rhume

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ce25cba1-5fdc-4fe9-88fd-46d2da5e64a8/medium" /><p>Découvertes il y a un siècle, amphétamine et méthamphétamine demeurent à ce jour les stimulants les plus puissants jamais avalés par l’homme. Lequel se croyait alors capable de pousser des rochers en haut des montagnes. D’abord commercialisées comme des vitamines, elles seront interdites et criminalisées dans les années 1970. Depuis, les amphétamines ont trouvé une nouvelle légitimité sur le dos des enfants et du trouble du déficit de l’attention. La méthamphétamine, elle, dont les effets pharmacologiques sont pourtant identiques, a sombré dans les affres de la délinquance. </p><p>Dans les années 2000, le poil faisait peur. Nous, mes copines et moi, épilions nos aisselles, nos jambes et nos entrejambes et ensuite, c’est à la loupe et au miroir grossissant que nous inspections les lieux. Terrifiées à la perspective du follicule égaré, nous nous scrutions parmi, exterminant jusqu’à la trace de l’ombre du dernier résistant. Vingt ans plus tard, le tableau s’est inversé. J’ai des copines qui s’enduisent de pommades spéciales destinées à faire repousser ce qui a été radié. Le ticket de métro, c’est pour la génération Facebook, disent-elle, et ce qui plaît aujourd’hui, ce sont les forêts vierges.</p><p><strong>Lisez l’introduction (libre accès) de cette grande enquête:</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/ritaline-mon-amour/ce-que-j-ai-subi-c-est-une-lobotomie-chimique" rel="nofollow noopener" target="_blank">«Ce que j’ai subi, c’est une lobotomie chimique»</a> </p><p>Ce désir, que nous avons de retourner vers ce qui est naturel, brut et, pensons-nous, authentique, se manifeste dans une variété de domaines, dont celui de l’alimentation, du vin, des thérapies et des jardins. Les pelouses uniformes et les buis taillés, par exemple, nous font gerber. Ce que nous louons à présent ce sont les vieux troncs remplis de bestioles et de pourriture, la mousse, les limaces et les hérissons. Faut dire qu’il y a des phases aussi. Des phases d’ascension et des phases de chute. Sisyphe qui pousse son rocher vers les cimes, Sisyphe qui voit son rocher dévaler la pente. En ce moment, le rocher dévale. Nous constatons avec effroi que les bactéries que nous pensions avoir domptées nous résistent, que des virus de pangolins, de chauve-souris et d’autres créatures ignorées jusqu’alors peuvent paralyser la marche du monde et que la terre brûle. Elle brûle avec la même colère que notre système immunitaire qui panique à la vue d’une miette de gluten ou de pollen.</p>
<h3><strong>La fête est finie</strong></h3>
<p>Ne sachant que faire, ni comment nous en sortir, nous retournons bredouille vers la terre, celle que nous appelions jadis la déesse-mère. Nous la supplions de nous pardonner et de nous reprendre en son sein. Nous lui disons qu’elle est belle, que nous l’aimons comme elle est, sans artifices ni chirurgie et qu’à l’avenir, c’est promis, nous veillerons sur elle. Elle, évidemment, s’en beurre. Elle n’a jamais douté de sa supériorité. Qui sème le vent récolte la tempête, voilà ce qu’elle nous dit. Vos endométrioses, vos éboulements et vos méduses, vous les avez cherchés, vous n’avez rien voulu entendre, donc maintenant, c’est à vous d’assumer vos pêchés. Cette claque éducationnelle qu’on se prend aujourd’hui en pleine figure rend maussade. Même si on refuse de se l’admettre, on sent bien que la fête est finie et que l’ère de la domination de l’homme sur la mère et les mers arrive à échéance.</p><p>Plus possible non plus de balancer un mégot de cigarette par la fenêtre ou de monter dans un avion sans se faire couvrir de tomates et d’insultes. Ce n’est plus seulement la terre-mère qui nous punit, mais ses hommes, nos frères, les nôtres, bref, nous-mêmes.</p>
<h3>Au diable, bouillottes et tisanes!</h3>
<p>Il y a un siècle, lorsque les hommes nous ouvraient encore la portière et qu’ils se chargeaient des additions, ce retour de boomerang, on ne s’en souciait guère. A l’exception éventuellement de Rudolph Steiner et de quelques autres partisans des sciences occultes, nous aspirions pleinement et avec la plus grande des insouciances aux progrès de la science. On venait de découvrir les vaccins, Bayer l’aspirine et l’héroïne. La technicité nécessaire à confectionner nos propres substances et molécules, sans dépendre des ressources et des humeurs de la terre-mère, s’offrait enfin à nous.</p><p>Heureux de pouvoir se distancier une bonne fois pour toute de la terre et de l’humidité de ses entrailles, Sisyphe poussait avec entrain son rocher vers les cieux. Les bouillottes et les tisanes aux plantes séchées, on ne pouvait plus les voir en peinture. Ce qu’on voulait, c’était du neuf, des meubles en Formica, des seringues, du lait en poudre, de l’air conditionné et des moteurs. Plus on s’éloignait de l’organique, mieux on se portait. C’était l’âge d’or de la pharmacologie. Un domaine en ébullition qui nous faisait miroiter une domination, un contrôle et une éradication totale du mal sur terre.</p>
<h3>Le découvreur inconnu des amphétamines</h3>
<p>Les chimistes du siècle dernier menaient des vies d’explorateurs et d’entrepreneurs. Ils incarnaient une sorte de croisement entre un Alexander von Humbold et un Steve Jobs. Dans leurs laboratoires, ils bidouillaient des molécules, créaient de nouvelles substances aux formes introuvables dans la nature puis leur cherchaient une utilité révolutionnaire. Parmi elles, on note les sulfamides, la pénicilline, la cortisone, les tranquillisant, les anti-inflammatoires non stéroïdien, les bêtabloquants, l’insuline, l’adrénaline et l’amphétamine, toutes synthétisées au cours du XXe siècle.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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<h3>Le temps de l’innocence</h3>
<p>Il fallut attendre 1929, soit quarante ans après la découverte d’Eldeanau, pour que cette même molécule suscite un regain d’intérêt. C’est Gordon Alles, chimiste californien âgé de 27 ans, qui s’administra le premier une piqûre de 50 mg d’amphétamine dans le bras. Gordon Alles n’avait alors qu’une idée en tête: faire fortune en trouvant une molécule synthétique pouvant concurrencer l’éphédrine sur le marché des décongestionnants nasaux. L’amphétamine, structurellement proche de l’adrénaline et de l’éphédrine, lui paraissait un bon point de départ. C’est ainsi qu’il accomplit, comme ça se faisait à l’époque, une expérience en double clairvoyance, ce qui signifie que c’est le médecin ou le chercheur qui s’administre en premier la substance avant de la tester sur d’autres. </p><a href="/articles/l-histoire-absurde-du-speed-et-de-l-epoque-ou-la-drogue-dure-soignait-le-rhume">Voir plus</a>

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Au Liban, les pêcheurs en guerre contre la mer

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/df5e89b7-48b0-42ec-8286-a493cfa29c36/medium" /><p>Sur le littoral libanais, les pêcheurs d’une Méditerranée toujours plus polluée tentent de survivre à la crise économique que traverse le pays. À Tripoli, ville portuaire à deux heures au nord de Beyrouth, la pêche à la dynamite est devenue une façon facile de se procurer du poisson rapidement, malgré les risques encourus et au détriment de la nature.</p><p>Dans les dédales du quartier portuaire d’El Mina, à Tripoli, derrière des murs de pierre vieux de près de 2000 ans, Sayed (prénom modifié) déguste un café préparé par sa femme. Maigrichon, tatoué, le sexagénaire a posé à terre les béquilles qu’il ne quitte plus, depuis qu’un terrible accident de voiture lui a fauché les jambes. Dans sa bouche abîmée où ne restent que deux dents, une cigarette qu’il ne tarde pas à allumer. Posément, il tapote dessus et dépose quelques cendres chaudes dans une soucoupe où repose une poudre verte.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Dans ce quartier portuaire de Tripoli, Sayed*, un ancien pêcheur à la dynamite, nous présente une poudre verte utilisée pour créer ses bombes artisanales. | Heidi.news / WZ" alt="Photo 1.JPG" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/22880170-ca56-44d9-a0f2-cd70c285f4ee/large"/>
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        <figcaption>Dans ce quartier portuaire de Tripoli, Sayed*, un ancien pêcheur à la dynamite, nous présente une poudre verte utilisée pour créer ses bombes artisanales. | Heidi.news / WZ</figcaption>
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</p>Instantanément, le nitrate d’ammonium s’enflamme. «*C’est avec cela que je fabrique ma dynamite*», commente le vieil homme. Il verse ensuite le nitrate dans un bout de plastique qu’il boudine machinalement. Sa femme lui apporte du fil pour resserrer le tout. Il ne manque plus que le détonateur pour faire exploser la préparation artisanale.

Un seul de ce petit boudin peut tuer 100 kg de poissons. Sayed est un ancien pêcheur à la dynamite, une pratique illégale dans son pays. Même s’il n’a rien oublié de sa fabrication, il assure s'être retiré du marché.

### **Comme sur le port de Beyrouth**

Pays du cèdre mais aussi de la mer, le Liban abrite 44 ports où s'entassent [plus de 3000 bateaux](https://www.fao.org/3/cb4201en/cb4201en.pdf) de pêche, de fabrication artisanale pour la plupart. La pratique de la pêche à la dynamite, elle, a suivi les tumultes de l’histoire. Si les bâtonnets de dynamite circulaient partout durant la guerre civile (1974-1990), c'est désormais dans les camps palestiniens, comme Nhahr-al-Bared à quinze kilomètres au nord de Tripoli, qu'on peut en trouver prêts à l'emploi.

D'autres pêcheurs, à l’instar de Sayed, préfèrent la fabriquer eux-mêmes. Ils utilisent pour ce faire du nitrate d'ammonium, du fertilisant vendu dans tous les magasins agricoles – la substance à l’origine de la dévastatrice explosion du port de Beyrouth en août 2020. La dynamite «maison» nécessite aussi un détonateur, interdit à la vente publique mais facile à trouver sur le marché noir. Pour le reste, chacun y va de ses astuces. Certains ajoutent du sucre, d'autres du charbon de bois…

![Photo 2.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2e8b1d20-6aeb-43b4-9019-fd6f90ec0eda/large "A Tripoli, Sayed* enflamme sa coupelle de nitrate d’ammonium, un composé chimique qui prend feu à la moindre étincelle. | Heidi.news / WZ")

Avec les crises de ces dernières années, les techniques se sont encore affinées. Aux alentours de Tripoli, les pêcheurs ont créé des récifs artificiels à base de carcasses de voitures, pour en faire des pouponnières propices aux poissons. Certains d’entre eux, rattrapés par les coûts du fioul, prennent la mer à la nage en poussant devant eux un pneu flottant chargé d’explosif…

L’effet des explosifs sur les bancs de poissons est radical. Un sac de 50 kg de dynamite explosant à une profondeur de 60 mètres tue tout ce qui nage sur un rayon de 50 mètres, ce qui permet de récolter jusqu'à quatre tonnes de poissons. A la surface, les pêcheurs n'ont qu'à attendre la remontée des poissons morts. «*lls sont tués par l'onde de choc qui provoque des lésions hémorragiques des branchies*», explique Rami Khodr, directeur technique du laboratoire RBML Food Labs à Beyrouth. D’une redoutable efficacité, la pêche à la dynamite est particulièrement implantée dans les zones défavorisées du Nord-Liban.

### **La crise en filigrane**

Assis sous un abri en tôle avec des compagnons de pêche, Amir (prénom modifié), 34 ans, prend son mal en patience. À cause d’une météo instable, il n’a pas pu sortir en mer. L’homme vit à Aabdeh, dans la région d’Akkar, tout au nord du pays. La frontière syrienne n’est qu'à une douzaine de kilomètres. Les environs sont pauvres et délaissés, des effluves mêlées de poissons et de gasoil s'échappent de ce petit port de pêche. «*Les poissons sont de plus en plus petits et il y en a de moins en moins,* s’attriste-t-il. *Nous sommes parfois obligés d’aller plus loin pour en trouver, mais cela coûte très cher en gasoil*.»

Tripoli n’est plus la cité phénicienne florissante d’antan. La ville était déjà pauvre avant la crise économique, mais depuis 2019, les Tripolitains ont rejoint les réfugiés syriens et palestiniens dans la misère. Alors que le jour se lève sur cette ville désespérée, c’est l’effervescence sur le port. Les bateaux de pêcheurs sont rentrés de leurs nuits de chasse. Sur les étals du marché, des dizaines d'espèces marines gisent dans des bacs de glace. Difficile de deviner lesquelles ont été capturées grâce aux explosifs. «*La dynamite? Pas de ça ici!*», assure un des vendeurs, manifestement ulcéré par la question.

![Photo 3.JPG](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/69f1ad91-10b5-45d5-86a2-87aee527fbc7/large "De bon matin, les hommes de la mer s’empressent de ramener les poissons pêchés de nuit pour les vendre sur les étals de marché. | Heidi.news / WZ")

Si la pandémie suivie de l’explosion du port de Beyrouth avait déjà affaibli le pays, la crise financière survenue en 2019 et toujours en cours a peut-être anéantie une bonne partie de l’espoir de la population libanaise. L’inflation, [qui a atteint 270% en glissement annuel en avril 2023](https://www.imf.org/en/News/Articles/2023/06/28/pr23245-lebanon-imf-executive-board-concludes-2023-article-iv-consultation-with-lebanon), a plongé [plus de 8 Libanais sur 10](https://www.unescwa.org/sites/default/files/news/docs/21-00634-_multidimentional_poverty_in_lebanon_-policy_brief_-_en.pdf) dans la précarité. C’est tout simplement, [d’après la Banque mondiale](https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2021/05/01/lebanon-sinking-into-one-of-the-most-severe-global-crises-episodes), l’une des « *crises mondiales les plus sévères depuis le milieu du 19e siècle.*»

### **«Une cigarette et la dynamite a explosé»**

Pour tenter de s’en sortir, les habitants de ce qui fut autrefois la «Suisse du Moyen-Orient» sont contraints de travailler nuit et jour. Ainsi, les pêcheurs n’appartiennent plus seulement à la mer. Ils sont aussi taxis, tenanciers de cafés, chauffeurs de bus. Beaucoup ont dû vendre leurs bateaux.

«*C’est triste car la pêche est une tradition familiale, c’est un héritage*», poursuit Amir. Acculés, de nombreux pêcheurs se tournent vers les pratiques illégales. À côté de lui, Bassem écoute en approuvant les dires de son ami. Sous un soleil brûlant, assis sur une chaise en plastique, le pêcheur raconte que son père a perdu sept doigts en manipulant de la dynamite. «*Il était en mer. Il y avait de la pluie, du vent. Il s'est allumé une cigarette et la dynamite a explosé. Depuis, il a arrêté d’en utiliser.*»

Selon la fondation Safadi, une structure qui développe des projets durables au Liban, 5% des pêcheurs du pays ont recours à la pêche à la dynamite. «*A Tripoli, cette technique a connu une baisse plusieurs années de suite avant de repartir à la hausse en 2019,* souligne Samer Fatfat, consultant à la fondation Safadi. *Sur les plages d'Akkar, elle est demeurée constante.»*

![Photo 4.JPG](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/bd471afb-c872-4099-b9a7-3acec4dee088/large "Il est difficile de deviner quels poissons ont été pêchés avec la technique de la dynamite. Certains spécialistes de la question affirment que les bombes détruisent les colonnes vertébrales des poissons. | Heidi.news / WZ")

L’expert constate une recrudescence globale des techniques illégales, en lien avec la dégradation de la situation économique. «*La forme artisanale de la pêche au Liban est une des causes de la difficulté à la contrôler*», poursuit-il. Dans les rivières, la pêche électrique est de retour. En mer, les filets à petites mailles sont utilisés sans état d’âme. Même chose pour la pêche au poison qui affecte toute la chaîne alimentaire.

### **La mer est l’ennemi, il faut survivre**

Une loi régissant les règles de la pêche au Liban [existe pourtant depuis 1929](https://faolex.fao.org/docs/pdf/leb144524.pdf) et la dynamite y est formellement interdite. Mais dans un pays qui n'a plus de président depuis un an *(Michel Aoun a démissionné fin octobre 2022, ndlr.)*, la puissance publique se délite et les lois ne sont pas appliquées.

L’armée n’a pas les moyens de contrôler les 30 km de littoral entre Tripoli et la frontière syrienne, et manque de carburant pour patrouiller le long des côtes. Rien qu'au port d'El Mina à Tripoli, plus de 1800 pêcheurs sont enregistrés. Les petites embarcations en bois, équipées d'un moteur, font l’objet d’un simple contrôle visuel à l’entrée et à la sortie du port. Une vraie passoire.

Il arrive aussi que les autorités soient de mèche avec les hors-la-loi. Sur le port d'El Mina, les pêcheurs illégaux sont connus de tous mais l'omerta pèse sur celui qui oserait les dénoncer. Le président du syndicat de pêche du port, qui sillonne la corniche et les souks de poissons à bord de sa Mercedes noire étincelante, il balaie la question d'un revers de la main: «*Nous n'avons pas la mission d'arrêter les pêcheurs, et s'ils sont arrêtés c'est pour quelques jours de prison seulement.*» Il ajoute, fataliste: «*C'est comme Israël et la Palestine, la mer est l'ennemi contre qui les pêcheurs jettent des bombes pour survivre.*»

La corruption coûte cher aux pêcheurs illégaux. Selon l'un d'entre eux, 40% des recettes de la pêche sont destinées à s’assurer que les autorités ferment les yeux, les 60% restant étant partagés entre lui et son équipage.

### **«Sous l’eau j’oublie tout»**

En attendant, les dégâts environnementaux s’accumulent. Des pêcheurs vont jusqu’à bombarder la réserve naturelle de l’archipel des Palmiers, en face de Tripoli, où toute activité humaine est théoriquement interdite. Non contentes d’endommager les fonds marins, la pêche à la dynamite contribue aussi à la diminution des stocks halieutiques, les explosions tuant aussi bien les gros poissons que le menu fretin.

Sur ces rivages de la Méditerranée, l’histoire tourne souvent à la tragédie. On ne compte plus les cas de pêcheurs aux doigts arrachés par leur propre bombe. Fadi (prénom modifié), photographe sous-marin originaire de Minieh, à 10 km au nord de Tripoli, a eu la main droite pulvérisée par l’explosif d’un pêcheur. «*Cinq jours après l’accident, j’étais de retour dans l’eau*», ajoute ce trentenaire au visage doux, marié et père d’un enfant. Victime collatérale de ces guerres que les hommes mènent sans cesse entre eux et contre la mer, Fadi a son propre remède:

> «*Sous l’eau j’oublie tout. La mer, c’est la plus belle chose du monde.*»

<br/><br/><br/>*Ce reportage, réalisé en octobre 2023, a été réalisé avec le soutien de l’Earth Journalism Network d’Internews. Une première version a été publiée sur le site Reporterre.*

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Le dessin de la semaine: le pape invite Kiev à «hisser le drapeau blanc»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c4f124a0-5e1f-4cc3-b19e-ce9a59919e0f/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p><em>«Ayez le courage de négocier. Les plus forts</em> <em>sont ceux qui ont le courage de hisser le drapeau blanc et de négocier»</em>, a déclaré le pape François samedi 9 mars 2024 à la RSI. Le message, issu d’une interview enregistrée mi-février,  s’adressait à l’évidence à Kiev, où les propos du Souverain pontife ont soulevé une vive indignation. Il s’est aussi dit favorable à la désignation d’un médiateur, citant la Turquie parmi les pays candidats.</p><p>Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réagi, critiquant «<em>la</em> <em>médiation virtuelle entre quelqu’un qui veut vivre</em> (l’Ukraine, ndlr.) <em>et quelqu’un qui veut vous détruire</em> (la Russie)<em>».</em> Le Premier Ministre Dmytro Kuleba a quant à lui appelé l’Eglise catholique à ne pas <em>«répéter les erreurs du passé»</em>, en référence à la complaisance du Vatican vis-à-vis du Troisième Reich.</p>Du côté de la Russie, la saillie pontificale fait figure de pain bénit. Via son ambassade au Saint-Siège, Moscou n’a pas manqué de féliciter François pour le 11e anniversaire de son pontificat, le 13 mars dernier, saluant un *«véritable défenseur de l’humanisme et de la paix»*…

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«La drogue en station, j’ai l’impression que tout le monde s’en fout»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/8da65433-0de4-4162-8bfe-1f9e0455592c/medium" /><p>Nicolas Rubin est maire de Châtel, à la frontière entre la France et le Valais, et représentant des maires de Haute-Savoie. Le sujet de la drogue dans les stations de ski, il ne le découvre pas, tant s&#39;en faut. Dans cet entretien qu&#39;il a lui-même sollicité, il dit l&#39;isolement des maires de petites communes et fustige le manque d&#39;investissement des forces de l&#39;ordre et des pouvoirs publics. </p><p>Notre enquête interpelle dans les milieux politiques. Maire (divers droite) de Châtel, une commune frontalière du domaine skiable des Portes du Soleil, Nicolas Rubin est aussi premier vice-président du conseil départemental de Haute-Savoie et président de l’Association des maires du département. A la suite de la parution des premiers épisodes, il nous a contactés pour évoquer le problème de la drogue dans les stations de ski de la région, auquel il se trouve confronté depuis des années. L’édile dénonce une forme d’omerta et de résignation des pouvoirs publics à propos de ce fléau.</p><p><strong>Heidi.news – Notre enquête a révélé une consommation régulière de cocaïne en station. Châtel est-elle concernée par cette problématique?</strong></p>**Nicolas Rubin –** Je n’ai pas été surpris. Châtel est concernée, ainsi que toutes les stations, et de plus en plus tous les sites touristiques. La drogue se démocratise, tout en restant encore relativement discrète. Le fléau des villes est devenu le fléau des champs. C’est un phénomène général de société accentué par l’environnement des vacances, de la fête, du bien-être. Et la montagne qui offre ce sentiment d’évasion… J’en suis conscient depuis longtemps. Les habitants de la commune m’en parlent, reconnaissant la croissance de la situation. Les directeurs d’établissement partagent ce constat, c’est évident. La tendance les étonne, c’est grandissant et préoccupant.

##### **Beaucoup de mairies ont refusé de me répondre, ou nié avoir affaire à cette problématique dans leurs stations. Est-ce un sujet dont il ne faut pas parler?**

Pour ce qui me concerne, ce n’est surtout pas et sûrement pas un sujet tabou. Il existe, il faut le considérer comme un sujet qui est préoccupant. Les maires détiennent les pouvoirs de police sur leur commune et sont responsables de la sécurité sous tous ses angles. L’usage de stupéfiant peut grandement perturber la tranquillité publique et la sécurité. Pourtant, j’ai l’impression que tout le monde s’en fout. Il y a une sorte d’omerta qui va au-delà de la discrétion des usagers et de leur santé. Moi je regarde ce sujet en face, sans détours.

##### **Pourtant, vous vous sentez impuissants face au trafic de drogues en station…**

C’est un sujet parfois tabou, qui ne semble pas préoccuper les forces de gendarmerie et encore moins les douanes. J’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet avec le procureur de la République: les actions sont faibles, le champ est libre *(pour les dealers, ndlr.)*. On met ça sur le compte des «vacances», tant que de grosses organisations ne sont pas démantelées. Les contrôles s’opèrent in situ et les jours d’arrivées par les forces de l’ordre. Lors des contrôles en civil ou en présence d’une équipe cynotechnique, les résultats sont positifs mais les quantités sont faibles. Face à cette recrudescence de la drogue en station, on est un peu impuissants et en même temps, tant que ça n’agit pas sur la sécurité et la tranquillité publique, ça ne relève pas des prérogatives directes des maires. Mais il est important de rappeler que la qualité et la sécurité au travail sont impactées par ces consommations. Chaque employeur peut aussi intervenir à son niveau et sans avoir à disposition la sanction judiciaire: il peut rompre un contrat de travail, puisqu’il est souvent rappelé que la consommation est interdite.

##### **Avez-vous signalé cette situation aux forces de l’ordre?**

Il n’y a aucun besoin de le signaler, ils le savent, ils ont les yeux grands ouverts. Le réseau des forces de police, de gendarmerie, de douane et de la justice connaît très bien le sujet. Mais il faut y consacrer du temps, c’est un combat permanent. J’ai l’impression que les petites quantités mobilisent les troupes, mais le cumul de petites quantités en fait des grosses si on remonte la source. Pour cela il faut des investigations, du renseignement, des effectifs dédiés, c’est peut-être là que le problème existe. La réponse à la prévention relève souvent de moyens. En zone gendarmerie et chez les douanes, je ne suis pas persuadé que les effectifs soient au complet et que le sujet soit prioritaire. Les douanes ont presque disparu du paysage de nos zones frontalières, leurs effectifs ont fondu comme neige au soleil chez nous, les priorités sont sans doute autres.

Pourtant, les réseaux en station sont vite identifiés. Il suffit de demander et l’offre n’est jamais bien loin. Depuis la sortie de cette enquête, les interventions se multiplient, avec des effectifs renforcés en saison par les gendarmes mobiles. J’ai des messages tous les jours ou presque concernant des contrôles et prises de stupéfiants en Vallée d’Abondance. Avec des perquisitions à chaque fois. C’est un bon signal.

##### **Pourquoi êtes-vous les seuls à contrôler les transports de personnes?**

Nous exploitons un domaine skiable et nous transportons des personnes, l’usage de stupéfiants, de quelque nature qu’ils soient, est évidemment strictement interdit. Les employeurs ont le devoir de contrôler régulièrement les opérateurs, c’est aussi dans le règlement intérieur des sociétés. Tous ne le font pas. On devrait avoir des contrôles extérieurs… mais ils n’existent pas. Les forces de l’ordre n’interviennent que si un accident ou un autre événement survient, en réalisant des contrôles a posteriori.

Je considère ceci anormal et je le regrette. Il manque une vraie réponse à la case prévention et contrôle. Heureusement, nous le faisons en interne, cela fait partie de nos engagements qualité, sécurité. Mais l’action doit être permanente pour ne pas que le problème s’installe confortablement.

##### **Quels sont les moyens mis en œuvre pour contrôler le trafic de stupéfiants? De quels moyens supplémentaires auriez-vous besoin?**

Ce qui nous manque: l’investigation des services en charge de ce sujet de société et leur capacité à intervenir au domicile des contrevenants pour vérifier où se trouve la ligne entre consommateur et vendeur. En tant qu’employeur, on le fait sur présomption et par tirage au sort dans nos effectifs sur le lieu de travail. La procédure est connue de nos équipes et heureusement les cas sont rares. Nos effectifs sont fiables en très grande majorité. Il y a cependant des cas particuliers qui sont invités à quitter immédiatement l’entreprise. C’est la règle et on ne déroge pas. Mais nous n’avons pas les droits des forces de gendarmerie d’engager des perquisitions.

##### **Souffrez-vous de la proximité avec la Suisse pour l'arrivée des drogues en station?**

Cela paraît évident. Les frontières sont des passoires et même si les gardes frontières suisses opèrent avec beaucoup plus de présence fixe ou volante que la douane française, il ne faut pas non plus qu’ils perturbent trop les flux de touristes de part et d’autre.

##### **Cocaïne, kétamine, cannabis...  Quelles sont les drogues les plus consommées dans votre station?**

Je n’ai évidemment pas de chiffres puisque nous n’avons aucune information sur le sujet. Mais le cannabis et la cocaïne sont les plus souvent cités. La seconde tend à se démocratiser quand il y a peu, elle était encore une drogue difficile à obtenir, avec le coût comme premier frein.

##### **Qui est concerné par la vente ou la consommation de stupéfiants dans votre station?**

Il faut distinguer le consommateur personnel et ce qui relève du commerce de stupéfiant. La vente relève de petits dealers. Le consommateur peut être occasionnel,  habituel et celui qui veut tenter une expérience. On a de plus en plus l’impression que les consommateurs se cachent moins, dans tous les cas, certains comportements trahissent la dissimulation. Les stupéfiants permettent de prolonger l’éveil et lutter contre la fatigue et le sommeil. La machine s’emballe quand le besoin de l’usage se fait ressentir et la boucle est bouclée. Bien sûr, il y a les saisonniers qui n’y touchent pas et les autres. Ils ne sont pas les seuls à en prendre en station. L’usage de stupéfiants est répandu au-delà des saisons.

**Est-ce lié au métier de saisonnier, avec le rythme de travail et la propension à faire la fête?**

Le rythme de travail du saisonnier a changé, je dirais que c’est plutôt l’inverse: le temps libre qui est propice aux excès. Oui, le festif est un accélérateur d’intensité, les mélanges compliquent les situations. Mais l’usage de stupéfiants n’est pas réservé à une seule catégorie. Il n’y a pas de frontière entre l’offre, la demande et l’usage.

##### **Quelles sont les conséquences au quotidien dans la station?**

La santé comme premier souci. Viennent ensuite les problèmes liés à la relation employeur-salarié, la sécurité en lien avec les capacités, la perte d’emploi, les problèmes avec la justice. Tout dégringole en cascade. La question de moyens fait aussi du mal lorsque les usagers deviennent accros. Ça peut vite conduire à l’isolement social. Ces consommations de drogues n'entraînent pas des excès de comportement ou d’agressions, on est encore dans un climat relativement calme. Je ne pense pas qu’on ait atteint ici ce que l’on devine ailleurs dans des stations balnéaires ou de montagne plutôt typées «Jet Set», mais il faut être vigilant.

##### **Comment endiguer ce fléau en station?**

La problématique est large dans le sens où les jeunes semblent de plus en plus s’affranchir de l’aspect interdiction, des méconnaissances sur les incidences sur la santé, les risques… La cocaïne semble donner des ailes, il est difficile de se «reposer» ensuite. Dans tous les cas, le consommateur se fait du bien avec ce qui lui est offert, s’il ne nuit pas à autrui il considère qu’il n’a rien à se reprocher. Sans être embêté par des contrôles ou des sanctions, il vit sa vie jusqu’à ce qu’un incident ou un accident arrive. D’une vie paisible et tranquille, il passe du mode bien être à celui d’accusé. C’est là qu’une prévention plus active et dynamique aurait du sens. Je pense que votre enquête fera réagir, je l’espère.

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Bleu comme ma première pastille d'amphétamine

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a31e4c60-0b84-44ea-a5c5-c272db980d68/medium" /><p>Dans ce deuxième épisode, notre journaliste s’emporte sur la France, pays qui suscite la fascination chez les Américains et des complexes chez les Suisses. Elle nous raconte sa première expérience sous amphétamines avec son voisin de palier et, ce faisant, esquisse les contours d’une épidémie qui, en 2005, n’avait pas encore déferlé sur le Vieux Continent: celle des troubles du déficit de l’attention (TDA/H) chez les enfants. </p><p>Mon accent français fait des ravages. Immédiatement, j’en rajoute une couche. Je ne dis plus <em>thank you</em>, mais <em>dankiou</em>, <em>olidé</em> pour <em>holiday</em> et <em>embourguère</em> à la place de <em>hamburger</em>. Je fais la bise, aussi. Deux fois, comme à Paris, et non trois comme en Suisse. Les week-ends, adossée au bar du village, une cigarette slim entre les lèvres, je converse en tirant la gueule. Tirer la gueule, ça fait <em>french</em> et les Américains adorent. </p><p>De manière générale, tout ce qui touche à la France, des croissants au camembert en passant par Jacques Derrida, se pare d’élégance à leurs yeux. Sur mon campus, les étudiants s’exaltent devant Proust et Flaubert, matent en boucle du Godard et du Truffaut, et suivent des cours de <em>French Theory</em>, une discipline qui n’existe pas chez nous et qui fait fureur chez eux. Je me demande d’ailleurs si le rayonnement de la France, celle qui séduit par sa poésie, ses arts et ses huîtres, ne résulterait pas, somme toute, d’une construction purement américaine.</p>
<h3><strong>Le mauvais côté de la prairie</strong></h3>
<p>Inondé de clichés et d’images qui, pour la plupart, ont été tournées dans des studios hollywoodiens, le cerveau de l’Américain n’est tout simplement pas apte à voir ce qu’est véritablement la France, à savoir une contrée ravagée par des ronds-points, des hypermarchés et des Français qui se plaignent sans cesse derrière le volant de leurs Peugeot et de leurs Renault. Le Suisse n’a pas hérité de ce travers. Il voit clair. Le Suisse, en particulier le Genevois qui vit à côté et au-dessus de la France, conserve en tout temps un regard lucide et oxygéné sur la réalité qui l’entoure. Et c’est précisément parce qu’il voit ce que l’Américain ne peut voir qu’il se préserve. Il sait que plus il garde ses distances, mieux il se porte.</p><p>Il arrive naturellement que le Suisse se trompe de sortie et que, sans s’en rendre compte, il se retrouve en France. A mesure qu’il roule, le paysage gagne en hostilité, des pensées sombres l’envahissent et soudainement, il envisage très sérieusement de mettre fin à ses jours. Ce n’est qu’en rejoignant la route suisse qu’il réalise que ce n’était rien. Il s’était simplement égaré quelques instants du mauvais côté de la prairie.</p>
<h3><strong>Duel franco-suisse</strong></h3>
<p>Au début, je ne me suis pas laissée faire. J’ai tenu bon et j’ai combattu pour la Suisse. Œuvrant pour la vérité, j’ai mitraillé cette France bucolique couverte de lavande et de vieux châteaux qui n’existe que dans la tête des Américains, ainsi qu’éventuellement dans celle des Japonais, des Chinois, des Allemands et dans celle de presque tous les autres ressortissants du monde.</p><p>Et puis un jour, j’en ai eu marre. Marre de devoir leur expliquer des heures durant, à ces Américains, que la Suisse (<em>Switzerland</em>) ce n’est pas la Suède (<em>Sweden</em>) et qu’en Suisse, bien qu’on parle le français comme les Français, les Français on en a horreur. J’ai donc changé mon fusil d’épaule et je suis devenue <em>french</em>, ce qui n’est même pas un mensonge vu que je dispose, de par mon père breton qui n’a toujours que méprisé la France et les Français, la binationalité franco-suisse.</p><p>A présent, je dis - <em>yes, I’m French</em>. Eux s’exclament d’emblée - <em>whoa, that’s awesome</em> et ensuite tout ce qui sort de ma bouche leur paraît si incroyablement raffiné que j’en viens presque à me demander si je ne le serais pas, en effet.</p>
<h3><strong>Jack</strong></h3>
<p>Le seul type de mon université qui estime que ma frenchitude est le summum du naze, c’est Jack. Jack c’est mon voisin de palier. Il se balade sur le campus avec une casquette à l’envers, il écoute du RnB et il dit <em>dude</em>. – <em>Hey dude</em> – <em>What’s up dude?</em> Jack appartient à ces êtres arriérés ou précurseurs, c’est selon, dont les parents ont voté pour George W. Bush et qui estiment que c’était la bonne chose à faire d’aller rétablir l’ordre en Irak. Pour Jack, la France se réduit à un champ de poules mouillées qui ne fait même pas la taille du Texas. Lorsqu’il commande des frites, il ne dit pas <em>French fries</em> mais <em>Freedom fries</em>.</p><p>C’est mardi. Je suis dans ma chambre et je me fais les ongles en écoutant Aqua Concert sur la Radio suisse romande. Jack débarque. Sans se déchausser, il se vautre sur mon lit et commence aussitôt à me poser des questions les unes plus idiotes que les autres. Il aimerait par exemple savoir si c’est vrai que dans mon pays de mauviettes, là-bas en France, les filles ont des poils sous les bras. En mâchant son chewing-gum la bouche grande ouverte, il me fixe avec une sorte de dégoût teinté d’excitation et ajoute:</p>
<ul>
<li><em>Your armpits, are they shaved?</em></li>
</ul>
<p>Je mets mon podcast sur pause. J’ôte mon pull, remonte mes coudes et lui expose mes aisselles. Je souris car mes aisselles, j’en suis fière. Je sais que des si douces et des si lisses, Jack n’a pas dû en voir souvent. Il plisse ses yeux et s’exclame:</p>
<ul>
<li><p><em>Holy shit, they are shaved.</em></p></li>
<li><p><em>Waxed,</em> rectifié-je froidement. Je m’épile à la cire. Quant à la politique capillaire des Françaises, je ne saurai te répondre, vu que je suis suisse.</p></li>
<li><p>Suisse, répète Jack, cherchant, j’imagine, à localiser cet endroit sur la carte.</p></li>
<li><p>Les Alpes, ça te dit quelque chose? Le Toblerone? Chapuisat? Roger Federer?</p></li>
</ul>
<p>Je lui décris nos montagnes et nos lacs.</p>
<ul>
<li>Ça veut dire que tu parles le suisse?, continue Jack.</li>
</ul>
<p>Je lève les yeux au ciel et lui dis que l’Amérique est un pays affligeant. Il rétorque:</p>
<ul>
<li>Pourquoi t’es venue ici, alors?</li>
</ul>
<p>Il me demande ensuite de lui citer ne serait-ce qu’une chose que nous les Suédois, là-bas en Europe, faisons mieux que les Américains.</p>
<ul>
<li><p>Nos fruits, je réponds sans réfléchir. Nous ne les enduisons pas de cire. Et puis notre lait. En Suisse nous buvons du lait entier. Du lait vrai. As-tu déjà goûté du vrai lait, Jack?</p></li>
<li><p>A L.A. on boit du kombucha. Tu vois ce que c’est? Je te ferai goûter, c’est <em>hyper healthy.</em></p></li>
</ul>
<p>Je lui dis que la nourriture américaine est immangeable.</p>
<ul>
<li>Sauf vos bagels et vos steaks bourrés d’hormones. Ca vous savez faire, les steaks bourrés d&#39;hormones.</li>
</ul>
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Stations de ski: cocaïne partout, justice nulle part?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a1dbea49-38e2-441c-a312-3bcc9f9c6b20/medium" /><p>Pour évaluer la présence de cocaïne dans les bars et boites de nuit des stations de ski de Haute-Savoie, notre journaliste a sorti ses lingettes magiques, qui tournent au cyan en présence de drogue. Et devinez quoi? La Terre est bleue comme une orange…  Les saisonniers nagent dans la poudreuse et les dealers semblent tout sauf terrifiés. Quant aux forces de l’ordre, elles multiplient les contrôles et disent faire au mieux, sans trop convaincre. Manque de moyens, ou de volonté politique?</p><p>Au contact de la cocaïne, elles virent au bleu. En regardant le chef cuisinier Gordon Ramsay tester la présence de stupéfiants dans ses restaurants, j’ai eu une idée: et si je commandais des lingettes spéciales pour vérifier par moi-même la présence de cocaïne dans les bars des stations de ski?</p><p>Le paquet est arrivé dans ma boîte aux lettres. A l’intérieur, une dizaine de ces précieuses lingettes. Blanches tirant sur le rose, elles se colorent de cyan en entrant en contact avec une surface présentant des traces de cocaïne. Ce samedi 30 décembre 2023, je me suis donc baladée dans deux stations de ski des Alpes de Haute-Savoie, lingettes à la main. Dans les toilettes de bars et de discothèques, j’ai testé les éviers, les distributeurs de papier toilette, les luminaires, les distributeurs de savon, les renfoncements des murs, ou même les cuvettes de WC… Comme Gordon Ramsay, j’aurais voulu crier: </p>
<blockquote>
<p>«<em>Regardez cette couleur! Ce bleu! On dirait qu’on l&#39;a trempée dans la cocaïne</em>» </p></blockquote>
<p>Hélas, la discrétion était de mise. Sur une demi-douzaine d’endroits testés, seul un WC pour femme d’un bar s’est avéré négatif. Les dix autres lingettes utilisées se sont toutes teintées d’un beau bleu bien marqué. J’ai réitéré le jeudi 7 mars 2024, en passant dans de nouveaux bars, et dans ceux déjà testés deux mois plus tôt. Même procédure, même constat. Quel que soit le mois, le jour, ou l’heure (tests réalisés entre 23h et 3h du matin), il y avait de la coke <em>partout</em>.</p>
<h3><strong>Coke en stock</strong></h3>
<p>Pour avoir autant de poudreuse, il faut beaucoup de petites mains. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les dealers n’ont pas l’air tétanisés par la peur. Ils s’affichent même sur les réseaux sociaux, comme cet homme qui fait sa réclame sur un groupe d’entraide entre saisonniers des Portes du Soleil (l’orthographe est d’origine): «<em>Hello a tous, pour tout ceux qui ont besoin de se détendre après vos grosse journée de boulot tout est disponible, télégramme ou pv !(Cbd/champi…)</em>» Certes, le CBD est légal et les champignons de Paris aussi, mais les points de suspension ne laissent que peu de mystère sur la nature des autres substances proposées. Publiée le 14 décembre 2023, l’annonce est toujours en ligne.</p><p>      <figure>
        <picture>
          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Capture d&#39;écran sur un groupe d’entraide Facebook entre saisonniers des Portes du Soleil. | Heidi.news / RM" alt="grosse journée.png" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/034aaa2e-b5f3-4157-90e8-f7012dcc6a65/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Capture d&#39;écran sur un groupe d’entraide Facebook entre saisonniers des Portes du Soleil. | Heidi.news / RM</figcaption>
      </figure>
</p><p>Dans chaque station de ski alpine, qu’elle soit petite et familiale, riche et huppée, sportive ou festive, on estime qu’il y a au moins une dizaine de «revendeurs», comme les policiers municipaux aiment les nommer. Un saisonnier des Portes du Soleil confirme qu’il n’a aucune difficulté à se procurer sa drogue quotidienne, même hors saison. «<em>Dans ma station, j’avais trois ou quatre contacts qui pouvaient me fournir dans l’heure,</em> raconte-t-il. <em>Si vraiment je ne trouvais pas, j’allais dans la station à côté. Et sinon, je prenais la bagnole et descendais à Annemasse.»</em> La ville frontalière est depuis longtemps une plaque tournante du trafic de drogue entre la France et la Suisse, <a href="https://gestion-des-risques-interculturels.com/wp-content/uploads/2019/06/MRSIC_Rapport_Criminalite_Albanophone.pdf" rel="nofollow noopener" target="_blank">aux mains notamment de réseaux albanais</a>.</p><a href="/articles/stations-de-ski-cocaine-partout-justice-nulle-part">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/stations-de-ski-cocaine-partout-justice-nulle-part

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Le dessin de la semaine: Super Tuesday, le super choix des Américains

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/8fd1ff30-e1d8-4298-8965-ce2aed4a9e83/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>Le Super Tuesday, jour clé des primaires américaines, s’est tenu mardi 5 mars 2023, dans 15 Etats et un territoire. Côté démocrate, Joe Biden a raflé l’ensemble des circonscriptions en jeu, à l’exception des îles Samoa. Quant à Donald Trump, il a aussi fait carton plein, ne laissant que le Vermont à sa concurrente Nikki Haley. Même s’il reste encore quelques Etats n’ayant pas voté, les jeux sont faits pour l’élection présidentielle de novembre: elle verra s’affronter l’actuel résident de la Maison-Blanche, âgé de 81 ans, et son prédécesseur, 77 ans. Pas de quoi enthousiasmer les électeurs indécis.</p>

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La vague d’extrême-droite déferle sur le Portugal

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c6eb379a-c8af-48fd-900d-fc2094ca6bf0/medium" /><p>Ce dimanche 10 mars, les élections législatives anticipées au Portugal pourraient marquer un tournant dans l’ascension du parti d’extrême-droite Chega et de son leader André Ventura. Entérinant définitivement la fin de l’exception portugaise en Europe.</p><p>En Europe, les scrutins se suivent et se ressemblent. Considéré longtemps comme une exception européenne, le Portugal pourrait à son tour être touché par la vague d’extrême-droite qui déferle sur tout le continent et dans le monde.</p><p>Cinq ans seulement après son irruption sur la scène politique, le parti de droite radicale Chega («Ça suffit» en français) devrait réaliser une percée lors des élections législatives anticipées qui se tiennent ce dimanche 10 mars. Un scrutin précipité par <a href="https://www.letemps.ch/monde/eclabousse-par-une-affaire-de-corruption-le-premier-ministre-portugais-demissionne" rel="nofollow noopener" target="_blank">la démission du Premier ministre socialiste Antonio Costa</a>, en novembre, éclaboussé par une affaire de corruption.</p><p><strong>Pourquoi c’est important?</strong> Crédité entre 16% et 18% des intentions de votes, impossible de voir le parti fondé par André Ventura remporter les élections de ce dimanche. Mais ce scrutin n’en reste pas moins significatif. En effet, avec un tel résultat, le parti d’extrême-droite ne serait plus relégué au statut de populiste à la marge. De là à pousser l’alliance de droite (en tête dans les sondages) à traiter avec lui? Si Luis Montenegro, chef de file du Parti social-démocrate (PSD, centre-droite, éloigné du pouvoir en 2015), a assuré qu’il ne ferait pas de gouvernement avec l’extrême-droite, rien n’est exclu pour autant. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/10/au-portugal-l-extreme-droite-en-plein-essor-avant-les-elections-legislatives_6221132_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">Dans son parti, tous n’ont pas fermé la porte à un accord avec Chega</a>.</p><a href="/articles/la-vague-d-extreme-droite-deferle-sur-le-portugal">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/la-vague-d-extreme-droite-deferle-sur-le-portugal

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Dmitry Mouratov: «80% des Russes sont pour la paix, mais n’ont aucun moyen de le dire»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/b94a3e1b-8a84-4585-a1c2-fe072faeb56b/medium" /><p>De passage à Genève, le journaliste et prix Nobel russe décrit la dictature d’un type nouveau de Vladimir Poutine, une «dictature informatique». Il dit la peur qu’elle insuffle et le contrôle qu’elle exerce. Il revient aussi sur les funérailles extraordinaires de l’opposant Navalny.</p><p>Invité de <a href="https://fifdh.org/festival/programme/2024/forum/la-societe-russe-face-a-la-guerre-en-ukraine/" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’édition 2024 du FIFDH</a> à Genève, Dmitry Mouratov est aussi un des personnages principaux du film «Of Caravan and the Dogs» d’Askold Kurov, qui suit les rédactions russes et les ONG fermées par le Kremlin au début de l’invasion de l’Ukraine. Lauréat du prix Nobel de la paix 2021, cofondateur et rédacteur en chef du grand journal russe Novaya Gazeta, Dmitry Mouratov a choisi de rester en Russie et travaille avec acharnement. Le journal est interdit de paraître mais poursuit <a href="https://novayagazeta.ru/" rel="nofollow noopener" target="_blank">une activité prudente en ligne</a>, pendant qu’une partie de la rédaction s’est réfugiée en Lettonie et édite <a href="https://novayagazeta.eu/" rel="nofollow noopener" target="_blank">une version européenne</a>, en exil. En 2023, Dmytri Mouratov a rejoint la liste des quelque 200 journalistes et médias désignés «agent de l&#39;étranger» par les autorités russes. Il a répondu à nos questions, pour <em>Heidi.news</em> et <a href="https://kometarevue.com/" rel="nofollow noopener" target="_blank">la revue Kometa</a>, une interview réalisée en commun avec la <em>Tribune de Genève</em>.</p>
<h5><strong>Des milliers de Russes ont assisté aux funérailles d’Alexeï Navalny. Cela vous a redonné de l’espoir?</strong></h5>
<p>Ce que je vais dire peut paraître bizarre, et peut-être ne faudrait-il pas parler ainsi. A deux reprises ces derniers temps, je suis allé aux meilleurs enterrements de ma vie. Alors qu’on disait que personne ne viendrait dire adieu à Mikhaïl Gorbatchev (décédé en août 2022), en fait la foule a défilé pendant des heures. Les gens ont tellement besoin de paix! Il y a une telle soif d&#39;éviter la guerre! Et c’était aussi de la reconnaissance. Pour les funérailles d’Alexeï Navalny, j&#39;ai marché pendant 3 heures, entouré de milliers de personnes. Il y avait beaucoup de jeunes. Les étudiants d&#39;hier et d&#39;aujourd&#39;hui. C&#39;était des personnes qui avaient des visages intelligents. Plein de voitures qui passaient klaxonnaient et nous faisaient des signes.</p>
<blockquote>
<p>«Les gens, les fleurs, ont réussi à réchauffer le corps de Navalny. C&#39;est un immense hommage à ce corps qui n&#39;a pas réussi à tenir.»</p></blockquote>
<p>Vous savez, je peux m&#39;imaginer qu&#39;est ce qu&#39;on a fait au corps d&#39;Alexeï Navalny. Ce corps n&#39;a pas été nourri. Ce corps a été, à 27 reprises, mis en prison à l&#39;intérieur de la prison. Mais à l&#39;intérieur de ce corps vivait un être joyeux. Il n&#39;arrêtait pas de faire des plaisanteries. Il demandait la liberté alors que son corps était en train de mourir. Et ce corps, on lui a enlevé ses dernières vitamines. On ne lui a pas donné la permission de voir ses enfants, ni de lire leurs lettres. Alors ce corps a dit: «Ça ne va pas le faire, on ne va pas y arriver». Ce corps a dit ça à cet homme si joyeux: «j&#39;ai très froid». Et le corps a quitté Navalny. Mais après, la foule a apporté tellement de fleurs qu&#39;elles ont dépassé la tombe. Les gens, les fleurs, ont réussi à réchauffer son corps. Ces gens ont dit à Navalny qu&#39;il avait raison. Ces gens ont besoin de liberté. C&#39;est un immense hommage qui a été porté à ce corps qui n&#39;a pas réussi à tenir. Et qui restera pour toujours dans l&#39;histoire de notre pays.</p><p><strong>Navalny avait fait ce choix de rentrer en Russie, malgré les risques. Vous avez fait le même...</strong></p><p>Je ne veux pas parler de moi, mais je veux dire la chose suivante. On continue à travailler. Je travaille sans arrêt, alors que le gouvernement tente de nous en empêcher. On interdit l’impression des journaux, on ferme les sites web. Et mes amis me disent: «Mais qu&#39;est ce que tu fais à continuer à travailler?» Je le fais, parce que c&#39;est mon travail. Et j’aimerais dire une dernière chose: est ce qu&#39;il est possible d&#39;aimer son pays et de ne pas aimer l&#39;opération spéciale militaire? Oui, c&#39;est possible.</p><p><strong>Comment percevez-vous le moral des Russes? Sont-ils lassés de la guerre? Indifférents? Ou au contraire enthousiastes suite aux récents succès sur le front?</strong></p><p>Je ne peux pas parler au nom de tout le pays, mais je veux dire quelque chose d&#39;assez terrible. J&#39;ai l&#39;impression qu&#39;il n&#39;y a plus de peuple russe. Prenez les jeunes, qui vivent dans les villes: qui ont-ils en face d&#39;eux? Des hommes armés, des officiers des services spéciaux. Parce qu&#39;en fait, chez nous, la classe moyenne, ce sont les personnes qui portent des armes. Ce n’est pas ceux qui créent de la connaissance, pas les ingénieurs, pas les architectes, pas ceux qui tiennent des restaurants. Chez nous, la classe moyenne, c&#39;est devenu les personnes qui ont des galons sur les épaules. Des gens qui reçoivent tout de l&#39;Etat, et ne lui donnent rien. Il y a donc un conflit entre les gens des villes et les galonnés.</p>
<blockquote>
<p>«En Russie, il y a le parti de la vie et le parti de la mort. De quel côté est le pouvoir? Vous pouvez le deviner vous-mêmes.»</p></blockquote>
<p>Après, il y a un autre conflit. 80% des personnes de plus de 65 ans soutiennent Poutine, quoi qu&#39;il dise. S’il dit qu’il faut dénazifier l’Ukraine, c’est juste! Et demain Poutine dira c’est fait, on a dénazifié l&#39;Ukraine, ils diront «ah mais c’est super». Demain, Poutine dira c’est la paix, ils diront oui, c&#39;est formidable. Ils croient en Poutine. Ce sont des personnes âgées qui ont connu l&#39;Union soviétique et qui sont en conflit avec les jeunes. Dans les villes, 80% de la population a moins de 45 ans. Eux sont pour des pourparlers de paix, quels qu&#39;ils soient. Il y a énormément de personnes qui sont malheureuses, profondément malheureuses de voir que leur propre pays est en train de passer à la moulinette le pays voisin.</p><a href="/articles/dmitry-mouratov-80-des-russes-sont-pour-la-paix-mais-n-ont-aucun-moyen-de-le-dire">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/dmitry-mouratov-80-des-russes-sont-pour-la-paix-mais-n-ont-aucun-moyen-de-le-dire

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Ce que j'ai subi, c'est une lobotomie chimique

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a4d30bfa-0912-4752-bad4-a96ac44ad098/medium" /><p>Notre journaliste a passé la moitié de sa vie sous médicaments. Destinés à dompter ses émotions, ils l’ont propulsée dans une dépendance dont elle ne parvient pas à se libérer. Dans ce récit, ce ne sont ni les drogues, ni l’industrie pharmaceutique qu’elle accuse, mais la complicité passive que nous entretenons avec les lois qui régissent la commercialisation des psychotropes. Dans sa ligne de mire, il y a le pouvoir médical de prescrire qui, sous son air bienveillant, alimente l&#39;obscurantisme et freine l’abolition nécessaire des lois antidrogues.</p><p>Je suis une bonne femme normale. Un peu timbrée par endroits, mais rien d’extraordinaire. Je ne sors pas d’une communauté ultra-orthodoxe, je n’ai pas grandi séquestrée dans une cave et mon parcours traumatique ne casse franchement pas des briques. J’ai beau fouiller, je ne trouve rien qui vaille une mayonnaise. Pas d’excuse de mon côté. Je suis mariée à un homme, j’ai une fille, je mange bio et je fais du pilates deux fois par semaine. S’il fallait pointer une zone d’ombre me concernant, je dirais qu’elle se situe au niveau de mes consommations quotidiennes de drogues dures.</p><p><strong>Lire le 1er épisode (libre d’accès):</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/ritaline-mon-amour/il-n-est-pas-sans-danger-de-partir-etudier-la-philosophie-en-amerique" rel="nofollow noopener" target="_blank">Il n’est pas sans danger de partir étudier la philosophie en Amérique</a></p>Le matin, j’ingurgite 40 mg de Seropram, un antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) produit par la compagnie pharmaceutique danoise Lundbeck ainsi que 30 mg d’Elvanse, une amphétamine produite par la compagnie pharmaceutique japonaise Takeda. Pendant la journée, je croque dans des pastilles de Ritaline, une amphétamine à courte durée d’action produite par la compagnie pharmaceutique suisse Novartis. Le soir, avant de me coucher, je prends entre 5 et 10 mg de Zolpidem, un somnifère produit par la compagnie pharmaceutique suisse Streuli que je combine occasionnellement avec un 1 mg de Temesta, un anxiolytique produit par la compagnie pharmaceutique américaine Pfizer.

### Je me suis mise à enquêter

Ceux qui ne carburent pas (ou pas encore) à un cocktail pharmacologique de ce type pourraient se dire que je suis loin d’être normale et que si je dévore autant de psychotropes, c’est forcément que je suis folle, malade ou toxicomane. Je me suis moi-même longuement triturée sur l’origine de mes intoxications. J’ai oscillé entre une variété d’hypothèses dont celle du déficit de sérotonine, du trauma transgénérationnel non résolu, ou encore ma propension irresponsable à fuir la réalité, de crainte qu’elle me déçoive ou me dévore.

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Et puis un jour, je me suis mise à enquêter. J’ai surfé sur Google, j’ai lu des articles médicaux, j’ai interrogé des médecins et des pharmaciens et surtout, j’ai questionné mon entourage. Au début, ça n'a rien donné. Personne n’a lâché le morceau. Pourtant, un pourcentage élevé de mes copines se médicamentent. Elles le font discrètement, souvent sans que leurs conjoints le sachent. Certaines tombent enceintes médicamentées, accouchent médicamentées et ensuite, c’est un branle-bas de combat pour que le mari n’apprenne pas que le nouveau-né n’est pas aussi pur qu’il le souhaiterait car l’épouse, son épouse, la femme qu’il aime et en qui il a toute confiance, se drogue depuis des années sans lui en avoir jamais parlé. Elle ne lui en a jamais parlé, parce qu’elle a honte. Honte de se droguer, honte de la souillure que lui a assignée le diagnostic médical et honte de ce qu’elle traduit comme une faute qui lui revient. Alors que, suivant l’angle que l’on adopte, ce n’est pas elle la fautive, mais la victime.

### Mon coming out

Ce qui s’est passé, donc, c’est qu’un jour, je me suis mise à parler, à enquêter et à déballer mon sac. J’ai fait ce que Carl Hart, professeur de neuroscience et de psychologie à l’université de Columbia, appellerait un *coming out*. Je suis sortie du bois et j’ai saoulé la terre entière avec mes problématiques de drogues et de dépendance. Je ne compte plus les dîners, les anniversaires et les excursions en forêt que j’ai bousillés en attirant systématiquement l’attention sur mon nombril et ma psychodépendance. Et puis, de fil en aiguille, à force d'étoffer mes connaissances, les langues se sont déliées. Des amis, des amis d’amis, des parents soucieux de leurs enfants ou des enfants soucieux de leurs parents ont commencé à m’appeler pour savoir ce que je pensais de telle ou telle substance, ce que je préconise et si la démarche qu’on leur conseille me semble être la bonne. Ces gens me sollicitent moi, une bonne femme normale qui fait du pilates et qui prend des bains, parce que, c’est du moins ma conclusion, je dispose d’un savoir qui n’est pas rattaché à un pouvoir. Le sujet de cette Exploration pour *Heidi.news*, c’est donc un peu de tout ça. La drogue, le pouvoir clérical de la médecine, la prison, l’asile, les psychédéliques et puis moi-même.

La dernière chose qu’il m’importe de partager ici concerne le titre de cette Exploration. Si *Heidi.news* m'avait complètement lâché la bride, cette enquête ne se serait pas intitulée «Ritaline mon amour», mais «lobotomie mon amour».  Lobotomie, car il se pourrait en effet que ma dépendance ne résulte pas du péché et du mal qui m’habitent, mais des thérapies médicales que j’ai subies et qui s’apparentent, selon moi, à une sorte de lobotomie chimique.

### Il suffit d’un pic à glace

Pour rappel, la lobotomie est une intervention thérapeutique qui s’effectue en insérant un pic à glace dans la partie du front qui se situe entre nos sourcils. Lorsque le pic à glace entre en contact avec la matière blanche du cerveau, on le remue, puis on le retire. L’objectif est de briser les connexions nerveuses à l’origine de la maladie mentale. C’est d’ailleurs en Suisse, à Marin-Epagnier, dans le canton de Neuchâtel, que les premières lobotomies ont été effectuées en 1888. La pratique s’est répandue après la Seconde Guerre mondiale et ne s’est interrompue qu’au courant des années 1970, notamment grâce à l'avènement de la psychopharmacologie.

Rosemary, la petite sœur du président John F. Kennedy, pour prendre un exemple parmi d’autres, a subi une lobotomie à l’âge de 23 ans. Préoccupés par sa frivolité et ses sautes d’humeur, les médecins lui préconisèrent un coup de pic à glace dans le lobe frontal. Aux prismes de l’expérimentation scientifique, les résultats furent probants. Son humeur se stabilisa. Quant à sa frivolité, il n‘en fut plus jamais question, vu que Rosemary Kennedy passa le restant de ses jours incontinente et en chaise roulante.

### La pierre de la folie

L’ancêtre de la lobotomie, c’est la trépanation. Effectuée à l’aide d’un outil de forage rotatif qui perce le haut de la boîte crânienne, elle vise l’extraction de la pierre de la folie, à savoir le bout du cerveau qui génère la maladie mentale. Si la trépanation est l’ancêtre de la lobotomie, de quoi la lobotomie est-elle l’ancêtre? Peut-être des traitements qui m’ont été prescrits.

Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, la mode n’est plus de faire des trous, mais de boucher les trous. Les pics à glace ont été rangés à la cuisine, les trépans ont rejoint les puits de pétrole et on réfléchit à deux fois avant de procéder à une amputation. L’extraction et la privation appartiennent au monde d’hier.

### Le ciment de ma prison

Le mal n’est plus exorcisé dans la violence, mais dompté dans la bienveillance. Au lieu de le punir et de le fouetter, on l’enrobe de petits coussinets moelleux qui finissent également par l’étouffer, mais de manière plus subtile et discrète. Mon cerveau, par exemple, n’a pas été percé, mais greffé d’une prothèse psychopharmacologique qu’il me faudra vraisemblablement alimenter jusqu’à la fin de mes jours. Ritaline mon amour, car c’est en effet par le biais de cette molécule inventée en Suisse en 1944 que ma dépendance a commencé. Ce n’est pourtant pas elle qui constitue le ciment de ma prison pharmacologique, mais les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISSR), substances qui figurent désormais sur la liste des dix médicaments les plus prescrits dans le monde.

S’accompagnant officiellement d'aucun risque de dépendance, les antidépresseurs ne procurent pas les effets de rémunération dopaminergique immédiats que confèrent d’autres substances jugées addictives comme le tabac, le vin, la cocaïne et les amphétamines. Nous les imaginons dès lors innocents, mais leur lenteur d’action est fatale. Et oui, cette fatalité m’enrage suffisamment pour en faire une mayonnaise.

https://www.heidi.news/articles/ce-que-j-ai-subi-c-est-une-lobotomie-chimique

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 Heidi.news

Il n’est pas sans danger de partir étudier la philosophie en Amérique

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/b5473b74-2136-47da-a119-293e8d45bc2b/medium" /><p>Fraîchement majeure, notre journaliste quitte Genève pour une université de l&#39;Etat de New York. Chaperonnée par son père, elle se remémore les mises en garde qui lui ont été adressées. Ses appréhensions traduisent un mauvais présage. Mais lequel? Dans un monde où les forêts sauvages ont été ratiboisées, il arrive que ce soit sur les sentiers battus que l&#39;on croise le grand méchant loup. </p><p>J’ai 19 ans. Je mesure 1m70, mes yeux sont verts, j’ai une taille de guêpe et des taches de rousseur. Je suis ce qu’on appelle relativement bonne. Je dis relativement, parce que je ne qualifie pas non plus dans la catégorie des vraies bonnasses, celles qui font le salon de l’auto et qui sont invitées à siroter du rosé sur les yachts de Saint-Tropez. Mes cheveux ne sont ni longs, ni blonds, je taille du A et j’ai l’impression que ce sont surtout les pervers qui me matent. Là où j’ai vraiment de la chance, c’est que je suis née dans une famille aisée. Jardin avec piscine et buis taillés, cuisinière et chauffeur. Mes vacances, je les passe à skier, à naviguer ou à explorer des contrées lointaines.</p><p><strong>Lire aussi l’introduction (libre d’accès):</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/ritaline-mon-amour/ce-que-j-ai-subi-c-est-une-lobotomie-chimique" rel="nofollow noopener" target="_blank">«Ce que j’ai subi, c’est une lobotomie chimique»</a></p>Je sais jouer au tennis, monter à cheval en amazone comme à califourchon et la seule fois de ma vie où j’ai travaillé, c’était l’été de mes 17 ans. Deux semaines comme vendeuse au Bongénie, ce grand magasin de luxe, connu dans toute la Suisse. J’ai bien vu qu’ils ne savaient pas où me mettre et que si je n’étais pas la fille d’une amie du propriétaire, ils m’auraient congédiée sur le champ. Ce qui m’a irritée, dans cette affaire, c’est qu'on ne pouvait pas lire. Même lorsque le magasin était vide et que tous les articles étaient impeccablement pliés, il fallait constamment rester debout et faire comme si. Or, faire comme si, dans un job qui m’avait également été attribué pour faire comme si, ça m'a, je l’avoue, un peu secouée.

### Le dressage des jeunes filles

En Suisse, il y a un siècle, les jeunes filles bourgeoises apprenaient à jouer de la harpe et à planter des fleurs dans des pots. Elles s’engageaient éventuellement dans du bénévolat, mais elles ne travaillaient pas, parce que travailler, ça faisait mauvais genre, c’était pour les autres, celles qui n'avaient pas le choix. Aujourd’hui, tout ça c'est fini. La honte, ce n’est plus de travailler, mais de *ne pas* travailler. Les écoles de bonnes manières ont été remplacées par des stages de vendeuse au Bongénie, puis par des études de droit. Une fille bien dressée doit avoir un métier et être apte, si nécessaire, à générer du revenu. Evidemment, tout ça c’est pour la forme, car c’est finalement à la maison qu’on nous veut et c’est à la maison que nous restons.

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Prenons Emma Rauschenbach, l’épouse de Carl Jung. Née à Schaffhouse en 1882, soit 104 ans avant moi, elle rêvait d’étudier la médecine et d’en faire son métier. Mais comme ça ne se faisait pas, elle finit par s’occuper du foyer et des enfants pendant que son mari partageait sa vie trépidante avec autrui. Sous cet angle, donc, je peux m’estimer chanceuse d’être née un siècle plus tard, d’avoir le droit de vote, de poursuivre des études et de réaliser mes aspirations professionnelles. Ce qui m’interpelle néanmoins, c’est la vitesse avec laquelle cette injonction à la productivité est passée du vilain au désirable. Que l’on soit homme ou femme, le travail ne représente plus seulement une nécessité, mais un moyen de se définir. Devenu constitutif de notre identité, ce renversement de valeur et l’importance que nous accordons soudainement au potentiel entrepreneurial de chacun n’est pas anodine dans l’évolution de la maladie mentale. Nous y reviendrons.

### Rien de pratique dans ma valise

Pour l’heure, je suis encore à Genève. En juin dernier, j’ai obtenu mon permis de conduire et ma maturité fédérale au collège Calvin. Et aujourd’hui, je m’apprête à m’envoler pour les États Unis d’Amérique.

Il doit être 10 h du matin. Trois valises sont entreposées sur le carrelage brillant du hall d’entrée. La plus compacte appartient à mon père. Elle comprend un rasoir manuel, une brosse à dents, un habit de rechange et un pyjama repassé. Les deux autres gros tas sur roulettes sont les miennes. J’y ai entassé tout ce que j’ai pu: CD, albums photos, la peluche délavée avec laquelle je dors depuis le berceau, des hauts de soirée pailletés, des parfums qui puent, et puis naturellement rien de pratique. Les imperméables, les crèmes solaires, la bétadine et tous ces trucs, j’ai laissé derrière.

### «Je t’aime, tu sais»

Depuis le téléphone mural de la cuisine, ma mère commande un taxi pour l’aéroport. Elle revient dans le hall, ouvre la porte et nous annonce, à mon père et moi, que le taxi sera là dans 5 minutes. Je m’assieds sur les escaliers et fais mes lacets. Je m’efforce d’avoir l’air de rien. Ni excitée, ni triste, mais ordinairement blasée. Je ne leur dis pas que j’ai chié toute la nuit, que j’en ai eu des crampes et que la seule chose que je désire à présent, c’est retourner dans cet endroit sombre et chaud où l’on respire par l’intermédiaire d’un cordon. J’enfile ma veste et pousse mes valises l’une après l’autre sur le seuil de la porte. J’entends ma mère me dire que je vais lui manquer et que ça lui fait quelque chose que de me voir partir ainsi pour les Etats-Unis. Je me retourne. Elle me prend dans ses bras et me dit: *«je t’aime, tu sais»*. Je lui murmure en retour et à demi-mot que moi aussi.

* Promets-moi que tu feras attention à toi.

* Oui, maman.

Elle me sert plus fort encore, et m’embrasse sur le front. Ses yeux sont humides. Je suis la dernière de ses enfants à quitter le cocon familial. Elle prétend se réjouir de retrouver sa liberté et son espace, mais je sais qu’elle ment. Il va falloir qu’elle prenne un chien, c’est sûr.

Dans le taxi, mon père passe en revue les documents contenus dans sa serviette. Il compte, recompte, vérifie et revérifie. En traversant le pont du Mont-Blanc, je lui avoue que j’ai peur.

* Papa, j’ai peur. Peur de partir, peur d’échouer, peur d’avoir mal.

Il interrompt son inventaire, lève sa tête vers moi et me dit que lui aussi, il crève de trouille. Je m’étonne.

* Pourquoi?

* Tu sais très bien ce que j’en pense, de l’Amérique. C’est un pays de primates.

Dans l’avion, une stewardess aux cheveux longs et blonds, qui doit vraisemblablement faire du C, nous distribue des petites serviettes blanches et bouillantes. C’est une Suisse-allemande, souriante et proprette sur elle. Mon père lui commande d’emblée un verre de vin rouge qu’il agrémente d’un *bitte sehr* et d’un *danke schon.* Il se retourne vers moi et m’explique qu’il n’aime pas ça, traverser l’Atlantique. Il préfère mille fois voyager à l’Est, là où l’avion peut atterrir sur la terre ferme. En référence au vol Swissair 111 qui s’est écrasé en 1998 entre Genève et New York, il me dit: .

* Regarde ce qui s’est passé *l’autre jour.*  L’autre jour, c’était il y a quasiment une décennie mais pour mon père, c’est comme si c’était hier.

* 229 morts. Lorsque le courant s’arrête et que les masques tombent, il y en a généralement pour deux ou trois minutes et puis c’est fini. Là, ils ont pris 20 minutes avant de frapper la mer. 20 minutes. C’est interminable, 20 minutes.

Il prend une gorgée de son vin et ajoute:

* Ça n'atterrit jamais sur l’eau, un avion. Ça explose dans l’eau. D’abord tu brûles, ensuite tu coules. Tant mieux d’ailleurs. Non, parce que couler comme du bétail dans une boîte sombre, ce serait vraiment pas tenable.

Je termine mon Sprite, je mets mes écouteurs et j’entame des débuts de films. Du coin de l'œil, j’entrevois la stewardess blonde qui rôde. Elle s’agenouille à côté de mon père, contemple l'itinéraire du vol qui se dessine sur son écran et tente de le rassurer. Elle lui répète que les conditions sont *tip-top*, que le ciel est *krystal-klar* et que s’il devait y avoir le moindre changement, il en serait le premier informé. Riant un peu trop facilement à ses blagues, je lui jette un regard méchant. Lorsqu’on taille du C, on se tient mieux que ça, me semble-t-il. Surtout qu’elle n’en sait rien, elle. Qui lui dit que je suis la fille et non l’épouse? Et puis même si je n’étais ni l’une ni l’autre, j’aimerai que mon père cesse de penser qu’il va mourir à chaque fois qu’il monte dans un avion. Dans 48 heures, il sera de retour à la maison. Il ira déjeuner avec ses copains sur la terrasse de la Nautique, alors que moi je serai toute seule, avec des primates, de l’autre côté de l’océan.

### Papa a l’air heureux

L’aéroport de JFK est bondé. Partout, des policiers qui donnent des ordres. Il faut suivre la ligne jaune, s’arrêter brusquement, se précipiter à nouveau, s’arrêter. A la douane, une sorte de cowboy revisité nous assiège de questions. Il prend nos empreintes, tamponne nos passeports et hurle *«next!»*. Nous louons une voiture chez Avis puis remontons la Hudson River. Mon père met l*es Beatles* à plein tube. Il a l’air heureux. Il chantonne, me raconte des histoires de sa jeunesse et me confie qu’il n’y a rien de mieux que de prendre le large lorsqu’on a 20 ans.

* Et pour ça, l’Amérique, c’est idéal.

Les couleurs sont partout plus intenses. Le bleu du ciel me paraît plus bleu qu’à Genève. Plus vif. Les feuillages aussi. Leurs teintes sont plus prononcées, plus charnues, à se demander si elles ne sont pas issues d’un décor de cinéma. Une bonne heure plus tard, nous nous garons devant une maison blanche ornée de colonnes. En sortant de la voiture, mon père me dit:

* Cette bicoque de WASP que tu vois devant toi est un des premiers hôtels de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique.

* C’est quoi un Wasp ?

* Un colon.

Après vraisemblablement le meilleur burger de ma vie, on se retire dans une chambre avec deux lits. Avant d’éteindre ma lampe de chevet, je lui demande pourquoi tout est plus grand en Amérique. Les routes, les voitures, les arbres, même les moineaux me paraissent plus imposants. Mon père marmonne un truc sur la taille qui compense l’élégance puis commence à ronfler.

### Des fenêtres sécurisées

Réputée pour son département d’art, sa clientèle issue du show-biz ainsi que pour son cimetière où parmi d’autres célébrités repose Hannah Arendt, mon université se situe à quelque 150 km au nord de Manhattan. Mon père porte mes valises dans la résidence d’étudiants qui m’a été assignée. On salue des jeunes adultes qui montent et descendent les escaliers. Tous ne sont pas accompagnés de leurs parents. Située au dernier étage, ma chambre contient deux lits simples, deux commodes, deux armoires et deux fenêtres qui donnent sur une pelouse verte avec des arbres plantés. Il s’agit de fenêtres sécurisées. On peut les entre-ouvrir par le côté et par le haut mais jamais complètement. Je choisis le lit le plus éloigné de la porte. Ma roomate n’arrivera que plus tard dans la journée. Mon père scrute la chambre. Il ouvre et referme les tiroirs, tapote sur les murs comme pour vérifier leur solidité puis m’annonce qu’il va vite faire des emplettes.

* Il te faut des coussins, du savon, de l’anti moustique, des chaussons pour la douche et pourquoi pas une nouvelle couette. Celle-ci, ajoute-t-il en pointant le duvet usé qui se trouve sur mon lit, tu n’auras qu’à la jeter dans une corbeille.

Je passe des serviettes humides sur les surfaces de mon placard et de ma commode et commence à déballer mes affaires. Lorsque mon père revient, il a l’air encore plus anxieux que dans l’avion. Je lui demande pourquoi il est tout vert. Il tortille ses doigts, effectue quelques grimaces puis, comme s’il se parlait à lui-même, murmure qu’il n’a plus d’autre choix que de lâcher prise et de faire confiance à ce qu’il espère être mon sens commun. Il prend une longue inspiration et ajoute:

* Malka, ma fille. La seule et unique que j’ai.

* Oui, papa.

* Je suis ravi que tu sois ici et je compte d’ailleurs sur toi pour que tu en profites un maximum, d’accord?

* D’accord.

* La seule chose que je te demande, c’est de rester alerte. Ça a l’air joli comme ça, ces universités avec ces bâtiments flambant neufs, ces terrains de sport et ces systèmes de sécurité qu’ils installent à chaque recoin. On pourrait presque penser que l’on est en sécurité, ici, mais on ne l’est pas. L ’Amérique a toujours été un pays dangereux et le restera. Ici, les gens sont armés, la police est corrompue, les prisons sont surpeuplées et crois moi, il suffit de prendre une mauvaise sortie pour que tout bascule, tu m’entends?

* Oui.

* Donc si tu as le moindre problème, tu ne te poses pas mille questions et tu prends directement le premier vol pour Genève, compris?

* Compris.

Pendant que mon père vérifie, revérifie, compte et recompte les documents dans sa serviette, je me surprends à être attendrie par sa personne et ses manières. C’est la première fois que je devine chez lui les signes précurseurs de la vieillesse. J’ai à la fois envie qu’il reste à mes côtés pour toujours et qu’il dégage d’ici le plus rapidement possible.

* Ton passeport, tu l’as, me demande-t-il. Et combien d’argent? Attends, je te donne encore quelques dollars.

On se prend timidement dans les bras. Je le remercie de m’avoir accompagnée jusqu’ici dans ce pays de primates et on se dit: *«bon allez, salut»*.

Ce sera la dernière fois que mon père me verra sobre.

**Prochain épisode:** Bleu comme les pastilles d’amphétamine qui circulent sur le campus.

https://www.heidi.news/articles/il-n-est-pas-sans-danger-de-partir-etudier-la-philosophie-en-amerique

#Presse #heidi #Suisse 
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Le budget drogue et alcool d’un saisonnier? Jusqu’à 3000 euros par mois

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/56bc03a0-10f7-4e1f-8085-9f002609be24/medium" /><p>La vie festive dans les stations de ski engloutit parfois une grosse partie du salaire des travailleurs de la montagne. Les dealers ne font pas de crédit, mais les bars tiennent des ardoises. Certains saisonniers, criblés de dettes, doivent prolonger leur saison sans salaire, pour rembourser. D’autres prennent la poudre... d’escampette.</p><p>Demandez à des saisonniers toxicomanes pourquoi ils le sont, et vous recevrez sans doute une de ces deux réponses: le rythme de travail effréné, ou le fait qu’ils ont été pris par l’ambiance festive des stations. Il y a pourtant d’autres raisons: la facilité de procurer tout type de drogue sur place, l’effet de groupe, la banalisation de la cocaïne, les parcours de vie parfois difficiles, les fragilités psychologiques, un début de consommation très jeune de drogues douces, l’isolement et l’éloignement d’avec leurs proches, la vie dans des logements minuscules ou vétustes, l’adaptation difficile chaque saison à un nouveau lieu de vie et de travail, le manque d’accès aux soins, l’impunité face aux actes criminels ou violents ou les patrons laxistes – voire qui encouragent parfois la consommation…</p><p>Mais une chose est sûre: sans les bons salaires de ce type d’emploi, les pourboires pour ceux qui travaillent dans la restauration et la possibilité d’être logé et nourri par leurs employeurs, ce mode de vie serait impossible. Car la drogue coûte cher et les dealers ne font, en général, pas de crédit.</p>
<h3>La kétamine, drogue du pauvre</h3>
<p>Pour s’approvisionner, rien de plus simple, même quand on est fraîchement arrivé en station. Il y a le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux et les barmans du coin, qui sont nombreux à se plaindre du nombre de fois où ils ont été questionnés à ce sujet. Les tarifs varient aussi. A Crans Montana et à Verbier, la cocaïne est vendue aux saisonniers entre 90 et 100 francs suisses le gramme, elle peut monter jusqu’à 120 à 150 francs pour les touristes. Le cannabis est plus accessible, entre 5 et 10 euros le gramme, mais peut monter jusqu’à 13 ou 17 euros pendant certaines semaines de février où la demande est plus forte et l’approvisionnement plus compliqué. Lorsque la coke devient trop chère, ou que le consommateur cherche une expérience nouvelle, il se rabat sur la kétamine qui est cinq à dix fois moins chère que la cocaïne. Mais elle est beaucoup plus imprévisible.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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<p>Il reste <code>deux épisodes</code>à venir de cette enquête. Restez connecté!</p><p><strong></section></strong></p><p>«<em>C’est devenu très problématique</em>» estime le Dr Zullino, chef du Service d’addictologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). «<em>On constate une claire augmentation de la consommation de kétamine depuis trois ou quatre ans</em>». Un effet secondaire ne trompe pas: «<em>Les consommateurs de kétamine ont régulièrement des inflammations de la vessie</em>», poursuit le docteur.</p>
<h3>3000 euros en coke et en alcool</h3>
<p>Marin (prénom modifié), saisonnier à Verbier, voit ses collègues et ses proches se ruiner au quotidien pour se procurer tout type de psychotropes. «<em>Au bout de deux ou trois mois de boulot, ils s’aperçoivent qu’ils ont passé une bonne partie de leur salaire là-dedans</em>». Un constat partagé par Noam (prénom modifié), interrogé dans un épisode précédent. Il travaille à Crans Montana depuis 20 ans et s’interroge sur la capacité de vivre décemment en dépensant autant pour s’acheter de la drogue. «<em>L’assurance maladie, c’est entre 250 et 350 francs par mois. La voiture coûte cher et le loyer est déduit de nos fiches de paie. Je ne comprends pas comment on peut dépenser 100 à 200 francs par semaine pour de la coke en plus de tous ces frais</em>».</p><a href="/articles/le-budget-drogue-et-alcool-d-un-saisonnier-jusqu-a-3000-euros-par-mois">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/le-budget-drogue-et-alcool-d-un-saisonnier-jusqu-a-3000-euros-par-mois

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13e rente: la Suisse à l’heure de Pierre-Yves Maillard

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c53a8c6e-03fa-491b-85e5-c9c91b6cc6b0/medium" /><p>«Une sensation», c&#39;est ainsi que les syndicats et la gauche qualifiaient une hypothétique victoire de leur 13e rente. Un pari risqué et réussi qui va modifier durablement le paysage social suisse et consacrer la figure du socialiste Pierre-Yves Maillard. </p><p>Voilà une victoire qui va gonfler les voiles de la gauche et qui consacre la puissance conquise par Pierre-Yves Maillard, le «8e conseiller fédéral», chef de file d’une campagne d’une intensité rare. Voilà une défaite que ni la droite ni le gouvernement n’avaient envisagée et anticipée. «Si on gagne, ce sera une sensation», disaient les syndicats. C’est fait et c’est gagné. La population suisse a accepté clairement, par <a href="https://www.rts.ch/info/suisse/2024/article/retraites-avs-les-resultats-des-votations-sur-nos-cartes-par-commune-28418418.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">58% des voix</a>, le versement d’une 13e rente, pour tous les retraités. Les Romands et les Tessinois ont plébiscité ce 13e salaire, par un vote massif. 75,8% de oui à Genève, 72,8% à Vaud, 62% pour Valais. Tout le pays a accepté le texte.</p><p>Une sensation. Un vrai coup de semonce, alors que l’initiative des jeunes PLR pour une retraite à 66 ans a été sèchement rejetée par 75% des voix, et que d’autres votes importants pour l’avenir des assurances sociales s’annoncent, cet automne déjà.</p><a href="/articles/la-suisse-a-l-heure-de-pierre-yves-maillard">Voir plus</a>

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Joe Biden «apte» à exercer ses fonctions

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/980a6c84-6873-47a0-85df-e839e363fd01/medium" /><p>Le président américain «continue d’être apte à exercer ses fonctions et assure pleinement toutes ses responsabilités sans aucune dispense ou aménagement», a déclaré son médecin.</p><p>Joe Biden reste “apte” à exercer ses fonctions et n’a pas connu d’évolution significative de son état de santé, a déclaré mercredi son médecin à l’issue de l’examen médical annuel du dirigeant de 81 ans, le dernier avant l’élection de novembre. Il s&#39;agit de Kevin O’Connor, le médecin de la Maison Blanche. Plus vieux président en exercice de l’histoire américaine, Joe Biden a passé sa visite médicale de routine, au moment où sa capacité à gouverner suscite des doutes, exploités par l’opposition républicaine.</p>

https://www.heidi.news/articles/joe-biden-apte-a-exercer-ses-fonctions

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Ce qu'un prix attribué à une médecine alternative nous apprend sur Big Pharma

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4ce4fb1d-a722-4596-b939-c99ab21a8185/medium" /><p>Découvertes il y a une centaine d’année, les thérapies à base de phages, des virus qui détruisent les bactéries, sont tombées dans l’oubli au profit des antibiotiques. Avec la montée de la résistance à ces molécules chimiques, cette thérapie qui a survécu en Géorgie retrouve les bonnes grâces de la médecine «mainstream». En témoigne un projet du CHUV et de l’EPFL distingué par un prix de la fondation Leenaards. </p><p>Dans son livre <em>Mainstream</em> sur les industries culturelles, Frédéric Martel, écrivain et professeur à l’Université des Arts de Zurich, expliquait ainsi le secret du succès d’Hollywood: la capacité à faire passer des productions nées aux marges de la culture à son cœur populaire (et profitable). C’était aussi la recette de Virgin qui, grâce aux Sex Pistols et Iggy Pop, est passé de magasin de disque à Notting Hill à une multinationale. Et c’est (ce fut?) aussi celui de la Silicon Valley, les capital-risqueurs jouant ici le rôle des boîtes de production et les étudiants de Stanford ceux des artistes.</p><p><strong><section class=box></strong></p>#### Heidi.news a besoin de vous!

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Mais pour être pérenne, ce modèle funambule doit constamment trouver un équilibre entre les revenus nécessaires à la poursuite de l’activité et la liberté créative indispensable à sa valeur ajoutée. Il marche sur une corde raide avec d’un côté le précipice de la course au profit rapide et de l’autre celui du formatage. C’est ce qui rend difficile son application dans des domaines très règlementés comme celui de la santé.

### **La loi d’Eroom plombe la pharma**

Toutefois, nécessité fait loi. J’ai assisté cette semaine au [Life sciences CEO Forum](https://www.sachsforum.com/17elsf-about.html), un gros rassemblement de patrons d’entreprises biotechs et pharmaceutiques à Zurich. Eux sont affligés par une loi inverse de celle de Moore qui gonfle les profits du numérique (toujours plus de puissance de calculs pour moins cher). Elle s’appelle la loi d’Eroom (Moore épelé à l’envers). Elle constate que tous les neuf ans, le nombre de nouveaux médicaments autorisés diminue de moitié, alors que doublent les coûts pour les développer.

Parce qu’ils ont des patients à soigner tous les jours, de plus en plus de médecins se tournent vers d’autres thérapies que celles de Big Pharma. Par exemple, ils s’intéressent à nos différents microbiotes. Pour les maladies du cerveau, l’utilisation de drogues récréatives micro-dosées comme la psilocybine ou le LSD ont des résultats étonnants, comme l’expliquait notre Exploration «[J'ai testé les psychédéliques, pour me soigner](https://www.heidi.news/explorations/j-ai-teste-les-psychedeliques-pour-me-soigner)». Ces substances au demeurant illégales ne sont plus un tabou, les hôpitaux mènent d’importants essais cliniques, [mais il y a une longue liste d’attente](https://www.heidi.news/sante/exclusif-a-geneve-les-psychotherapies-psychedeliques-depassees-par-leur-succes) pour y participer aux HUG de Genève.

Dans le domaine des maladies infectieuses, ce sont les phages qui ont le vent en poupe, une thérapie sortie de l’arsenal occidental dans les années 60 mais qui a continué de s’épanouir de l’autre côté du rideau de fer et en particulier en Géorgie, comme le racontait une autre exploration de *Heidi.news*:  [Antibiotiques: les phages contre-attaquent](https://www.heidi.news/explorations/antibiotiques-les-phages-contre-attaquent). En témoigne l’attribution, cette semaine, d’un [Prix Leenards](https://www.leenaards.ch/prix/traiter-grace-aux-virus-antibacteriens-les-bacteriophages-pour-lutter-contre-les-infections-resistantes-aux-antibiotiques/) au projet d’une pneumologue du CHUV, Angela Koutsokera, qui entend traiter ses patients résistants aux antibiotiques avec ces phages.

![Bacteriophages_AKoutsokera(centre)\_APersat(gauche)\_GResch(droite)©AlbanKakulya - copie.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4182a807-5980-4b54-a792-e5e335cb13bb/large "Alexandre Persat, Angela Koutsokera et Grégory Resh (de g. à d.). Photo: Alban Kakulya")

Il faut dire que la résistance aux antibiotiques, dopée par une surutilisation chez les humains comme chez les animaux d’élevage, pourrait devenir l’une des principales causes de mortalité en 2050, avec 10 millions de morts par an. Les phagothérapies ont donc quelque chose du miracle. Les phages sont des virus qui attaquent les bactéries pour les détruire et que l’on trouve notamment dans les eaux usées. Cette médecine serait le moyen quasi naturel de faire face à la montée de l’antibiorésistance.

### **La science ne se contente pas de coïncidences**

Cependant, contrairement aux marchands d’huile de serpent et à leurs influenceurs qui pullulent sur les réseaux sociaux, les médecins ne peuvent pas se contenter d’heureuses coïncidences. Pour efficace qu’elle puisse être parfois, l’utilisation de phages ne marche pas à tous les coups. Il y a d’abord la difficulté de faire correspondre le bon phage (il y en a des milliards dans l’environnement) à la bonne souche de bactéries (elles aussi très nombreuses et qui, en plus, s’adaptent). Ensuite, même si ces phages marchent au début, il arrive que le patient développe une immunité contre ces virus étrangers.

Ces obstacles expliquent en grande partie pourquoi l’industrie pharmaceutique n’est pas intéressée par les phagothérapies. On ne peut pas breveter une thérapie qu’il faut développer pour chaque patient, il n’y a donc pas de modèle économique. Il en va autrement dans la recherche universitaire, à condition d’organiser les choses de manière rationnelle, c’est-à-dire scientifique.

![Bacterie_Bacteriophage_2©AlbanKakulya - copie.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c445cb5f-8e6b-4767-a83a-13c7eff8b90c/large "Les phages tueurs de bactéries sont un moyen de contourner la résistance aux bactéries./ Image tirée du film \"Traiter grâce aux virus\" d’Alban Kakulya")C’est là que cette médecine alternative rejoint la science. Le projet d’Angela Koutsokera est ainsi organisé autour de différents partenariats. Pour elle, le plus urgent est d’apporter une solution à ses patients atteints de mucoviscidose. *«Leurs poumons sont parfois épuisés par les infections répétées d’un bacille* (pseudomonas) *qui, à force d’antibiotiques, est devenu résistant»*, dit-elle.

### **Bibliothèques de phages et organoïdes**

Pour faire face à ce problème qui fait peser un risque mortel à ses patients, son projet s’appuie d’abord sur la bibliothèque de phages constituée par Grégory Resch au CHUV, elle-même étendu à d’autres bibliothèques de phages qui apparaissent en France comme aux Etats-Unis ou en Australie. C’est dans ces bibliothèques que sont identifiés les phages correspondant à la bonne souche du bacille.

Pour aller plus loin, et parce que ces bactéries créent aussi un environnement qui les protège des phages, une collaboration a été tissée avec le laboratoire d’Alexandre Persat à l’EPFL. Lui construit des outils très avancés dans la recherche biomédicale d’aujourd’hui: des organoïdes, autrement dit des petits modèles d’organes (ici de poumons), pour tester les phages. *«Parce que ces bactéries restent des années, y compris à l’état dormant, chez les patients, elles se sont adaptées à leur environnement. Donc pour sélectionner les phages qui seront les plus efficaces, nous devons recréer cet environnement»*, explique Alexandre Persat.

*«Une fois la sélection des phages opérée, le centre de production cellulaire du CHUV se charge de les purifier et de les préparer pour la thérapie»*, précise Angela Koutsokera. *«Puis les essais cliniques vont servir à valider la phagothérapie, mais aussi à étudier des phénomènes comme le développement, la réponse immunitaire aux phages et leurs effets sur le microbiome du patient.»*

### **L’obsession financière de la pharma**

Cette approche scientifique, multidisciplinaire et appliquée à de vrais patients est ce qui a séduit le jury de la fondation Leenaards. C’est heureux parce qu’à Zurich, au Life Science CEO Forum, pas un mot sur les phagothérapies n’a été prononcé. Pas plus que sur le microdosage des psychédéliques ou la protection du microbiote. On y parle que d’IP (*intellectual property*, de brevets, autrement dit) d’introductions en bourse et de fusions et acquisitions. Dans le brouhaha, un lobbyiste travaillant pour des entreprises pharmaceutiques d’un grand pays d’Asie m’a même proposé d’emblée de l’argent, comme si c’était un usage courant, à condition que j’écrive des articles favorables sur ses clients…

Comme vous le voyez, le cas particulier du projet de phagothérapies récompensé par la fondation Leenaards nous dit beaucoup de choses: l’ouverture croissante des médecines classiques à des thérapies non conventionnelles, le besoin de la rigueur scientifique pour les valider, mais aussi cette obsession financière de la pharma qui, avec la proposition sans vergogne de ce représentant d’entreprises asiatiques, m’interroge: n’est-ce pas la corruption qui devient, elle aussi, mainstream?

https://www.heidi.news/articles/ce-qu-un-prix-attribue-a-une-medecine-alternative-nous-apprend-sur-big-pharma

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A quoi rêvent les apprentis paysans?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d05f27cb-2dd2-47a8-b352-f1a728e4d194/medium" /><p>Nous finissons cette série “Qui nourrira la Suisse demain?” par la relève. Elise, Martin, Lou et Fabian se sont lancés dans la voie agricole. Une carrière qui n’est pourtant pas réputée pour sa facilité, mais intéresse de plus en plus les jeunes. Qui sont ces jeunes apprentis qui rempliront demain les étals de nos marchés?</p><p>L’amour pour l’agriculture ne faiblit pas, à en croire la hausse des CFC délivrés chaque année en Suisse. Que ce soit pour cultiver des légumes ou élever des vaches laitières, les jeunes n’ont pas peur d’enfiler les bottes pour réaliser un métier réputé pour sa rudesse et son caractère prenant. Pourquoi ces agricultrices et agriculteurs en herbe se sont-ils engagés dans cette voie, et comment le vivent-ils? Et de quoi rêvent-ils? Éléments de réponse au détour d’un marché ou d’une pause sur l’exploitation.</p>
<h3><strong>Elise, 19 ans</strong></h3>
<p>      <figure>
        <picture>
          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Elise effectue son apprentissage en maraîchage biologique dans les Jardins de Courtemelon, rêvant de partir ensuite dans le Nouveau monde. | Heidi.news/Nina Schretr" alt="" data-src="https://lh7-us.googleusercontent.com/_ua1sZVEhxfdbilVlvpQFqjw2WYp0U7uGt4W6O5n1IsaRcNR3v0g4a1ZmolkBELdc987oOh9rSEBxea6QkYSj8PDhWFilflWA4c_4bwLogX29DoIowvEKm2OXOPD3peZckFRV8rqibCovHkVkzkLmsI"/>
        </picture>
        <figcaption>Elise effectue son apprentissage en maraîchage biologique dans les Jardins de Courtemelon, rêvant de partir ensuite dans le Nouveau monde. | Heidi.news/Nina Schretr</figcaption>
      </figure>
Dans les Jardins de Courtemelon (JU), Elise rayonne. Du haut de ses 19 ans, la tête brune s’affaire en ce mois de septembre à mettre en place l’étal de légumes bio pour le marché de l’après-midi, sous le regard des deux co-responsables de sa formation pratique. Entre les cagettes et la brouette, l’apprentie en deuxième année prend quelques minutes pour discuter. <em>«Avoir les mains vers la terre, pour maintenant et pour le futur»</em>, confie-t-elle dans un sourire. Sa matu décrochée à Porrentruy, Elise se tourne donc vers la doucette et les tomates. Quand cette Jurassienne sera diplômée de l’école d’agriculture de Courtemelon, elle tentera sa chance au Canada, comme des milliers d’autres avant elle. <em>«Apparemment, ils font des trucs chouettes là-bas.»</em> Ou en Amérique du Sud, où <em>«il fait plus chaud»</em>. Elle n’est pas très sûre. L’essentiel, c’est <em>«de voir ce qu’il se passe ailleurs»</em>.</p>
<h4>«Je ne créerai pas ma ferme!»</h4>
<p>Un principe semble déjà gravé dans le marbre: elle ne créera pas sa ferme. <em>«Ah non!</em> rit-elle. <em>Je n’ai pas envie de me retrouver à travailler seule ou à deux, c’est beaucoup de stress, de l’énergie… il faut se donner à 100%.»</em> Encore que, gérer une ferme collective, l’optique n’est pas pour lui déplaire.</p><a href="/articles/a-quoi-revent-les-apprentis-paysans">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/a-quoi-revent-les-apprentis-paysans

#Presse #heidi #Suisse 
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Quand le CICR parvenait encore à modérer l'armée israélienne à Gaza

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/9db1e07b-8732-4caa-8e3a-862fada00bca/medium" /><p>Dernier épisode de cette série. A l&#39;été 2014, Israël conduit l&#39;opération «Bordure protectrice» à Gaza contre le Hamas, qui va faire plus de 1600 morts civils. A cette époque, le CICR maintenait un dialogue avec les deux parties et parvenait parfois, au prix d&#39;efforts inouïs, à les convaincre de respecter le droit de la guerre et le droit humanitaire.  </p><p>En 2005, Israël a retiré ses colons de la bande de Gaza, en y maintenant un strict contrôle et des campagnes militaires à répétition. S’ensuivent des combats fratricides entre le Fatah, issu de l’OLP, et le Hamas islamiste, qui en sort vainqueur en 2007. Mais les épisodes de guerre israélienne à Gaza se répètent, en 2008 et en 2014 avant celle démarrée le 7 octobre 2023. Gaza est alors le cauchemar humanitaire que l’on sait, où le CICR a de la peine à rester neutre quand tout le monde déroge aux Conventions de Genève.</p><p><a href="https://www.heidi.news/explorations/cicr-un-demi-siecle-dans-les-coulisses-du-proche-orient/israel-palestine-liban-les-onze-anciens-du-cicr-qui-temoignent" rel="nofollow noopener" target="_blank">Retrouvez les biographies des anciens délégués du CICR qui témoignent ici (libre d’accès)</a></p>
<h3>Jacques de Maio</h3>
<p>On peut faire le bilan des opportunités ratées, des échecs. Mais il y a deux ou trois choses sur lesquelles nous n&#39;avons jamais flanché: la neutralité, l&#39;objectivité dans l&#39;analyse des problèmes, la recherche de solutions. Et ça, c&#39;était une préoccupation constante qui ne se prêtait pas à la manipulation politique. Pour mettre ça en un mot, ce serait «être humanitaire». C&#39;est-à-dire qu&#39;à chaque fois que l&#39;humanité est trempée dans le politique par la personne à qui vous parlez, que ce soit le prisonnier ou le gardien de prison, à chaque fois, vous évacuez ça et vous regardez le problème: <em>«toi, à sa place là?»</em></p>
<h4>Pas de temps à perdre</h4>
<p>La neutralité, ce n&#39;est pas un but. C&#39;est un moyen, avec l&#39;indépendance. Ce sont les deux socles sur lesquels se crée l&#39;impartialité. Lors d’une de mes arrivées au Proche-Orient, au début de l’été 2014, trois jeunes Israéliens se sont fait kidnapper. Immédiatement, les Israéliens étaient en mode d&#39;urgence. Ils pensent que c’est le Hamas et que leur vie est en danger. Pour notre personnel local, comme pour les médias palestiniens, ce n&#39;était qu’un prétexte pour frapper les Palestiniens et accuser le Hamas à la légère. J’entendais: <em>«On se calme! Si ça se trouve, ils sont en train de faire la fête quelque part dans une grotte!»</em> Sauf que si vraiment ils avaient été kidnappés par des éléments, proches ou pas d&#39;un mouvement armé établi comme le Hamas, alors il n’y avait pas de temps à perdre.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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</ol>
<p>En tout, <code>huit épisodes</code> de cettte Exploration ont été publiés. Restez connecté!</p><p><strong></section></strong></p><p>J’ai donc appelé les services d&#39;intelligence israéliens et je leur ai dit: «Je suis sincère et je vous demande si c&#39;est du bullshit ou pas cette affaire». Les gars ont dit: «C&#39;est pas du bullshit.» J’ai répondu que dans un cas de prise d’otages, les 48 premières heures sont les plus importantes. Et que nous, en tant que CICR, n’allions prendre aucune position qui soit de nature à mettre en danger leurs propres efforts pour retrouver ces personnes.</p>
<h4>Une trahison?</h4>
<p>Nouvelle difficulté: je ne suis pas là pour aider les Israéliens dans leur boulot. Mais je ne suis pas là non plus pour les empêcher, si ça se trouve, de sauver trois gamins qui ont été kidnappés. Pour moi, c&#39;est clair, il y a un kidnapping. J&#39;ai articulé mon dialogue avec le Hamas sur cette base-là: les kidnappings, les prises d&#39;otages, c&#39;est illégal. Et cela a été très, très difficile, parce que du côté palestinien il était considéré, y compris chez nos propres employés, que de s’exprimer en faveur de trois Israéliens qui se promenaient dans les Territoires occupés était une trahison de notre mission humanitaire.</p><a href="/articles/quand-le-cicr-parvenait-encore-a-moderer-l-armee-israelienne-a-gaza">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/quand-le-cicr-parvenait-encore-a-moderer-l-armee-israelienne-a-gaza

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Les guerres de l’eau, jusqu'à Zurich

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/77950af7-da3a-41b7-b701-f0973677d4f1/medium" /><p>La population zurichoise vote ce week-end sur la construction d’un chemin de rive le long du lac. Un sujet que les habitants des bords du Léman connaissent bien. La loi est claire, mais les propriétaires sont influents.</p><p>Avec les périodes de grande sécheresse de plus en plus fréquentes, la Suisse est mise sous pression par ses voisins. Ils veulent des débits minimaux pour le refroidissement des centrales nucléaires françaises, le transport fluvial sur le Rhin et l’irrigation des exploitations agricoles italiennes. C’est le début de ce que certains appellent déjà la guerre de l’eau. Mais un autre danger menace-t-il la Suisse: une guerre pour maintenir l’accès aux lacs?</p><p>Avec les canicules estivales, les gens se pressent vers les lacs et les cours d’eau. Problème: les rives sont souvent privées. La Suisse a le privilège d’attirer de plus en plus de grandes fortunes et ces personnes adorent s’installer au bord de l’eau. A qui appartiennent les lacs suisses? Le <a href="https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/24/233_245_233/fr#art_664" rel="nofollow noopener" target="_blank">code civil suisse</a> est clair: les eaux publiques ne rentrent pas dans le domaine privé.</p>
<h3>Comment atteindre les rives?</h3>
<p>Tout le monde peut donc naviguer ou nager le long des rives, débarquer sur les plages et les grèves et admirer les propriétés privées. La ligne de démarcation qui partage une parcelle et un lac n’est pas définie de la même façon par tous les cantons. Seule certitude: tant que l’on est sur un terrain recouvert d’eau, une plage ou une grève, on n’est pas dans un domaine privé. Et une bonne nouvelle: lorsque la sécheresse abaisse le niveau du lac, la surface découverte appartient au domaine public.</p><a href="/articles/les-guerres-de-l-eau-jusqu-a-zurich">Voir plus</a>

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Stolen Art: The  Charles de Gaulle Museum has a problem

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/747ddf1f-a8e5-4bfa-b9ee-349d5f147fb4/medium" /><p>The institution might be compelled to return African artefacts collected by the former French president and his associates</p><p>In the heart of Northern France, within the hallowed walls of a prestigious house, resides a collection of African artefacts that has ignited a contentious debate on cultural ownership and historical justice: the former domicile of French president Charles de Gaulle.</p><p>Out of the 1300 artworks collected, approximately twenty are controversial, originating from André Malraux&#39;s visit to Dakar in 1966. Primarily statues, these pieces have become a focal point of the ongoing debate.</p><a href="/articles/stolen-art-the-charles-de-gaulle-museum-has-a-problem">Voir plus</a>

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Sniffez, vous êtes filmés: ce que les caméras des stations de ski montrent de la cocaïne

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a69e3b84-bdb8-40ec-a9ad-b9229a651702/medium" /><p>A ceux qui doutent de la violence engendrée dans les hauts lieux des sports d’hiver par la consommation de stupéfiants, les vidéos de surveillance apportent une froide réponse. Les caméras se sont multipliées dans les stations ces dernières années. Notre journaliste a pu visionner certaines images. On y voit du deal, des armes à feu et des fêtards en fin de course. </p><p>Il est 3h30 du matin, ce 13 mars 2022. Cette nuit-là, la boîte de nuit de cette station festive de Haute-Savoie n’est accessible qu&#39;aux personnes munies d’invitations. Un jeune se présente à l’entrée, de petite taille, nerveux, mais bien connu de la station, où il travaille depuis plusieurs saisons, dans la restauration sur les pistes. <em>Heidi.news</em> a pu visionner des images, notamment sur le téléphone d’un employé, et a mené des interviews pour reconstituer les dialogues.</p>
<ul>
<li><p>C’est une soirée privée, t’as une invitation? Demande l’agent de sécurité.</p></li>
<li><p>Ouais, j’en ai.</p></li>
<li><p>C’est quoi ces papiers? Décale-toi, laisse entrer les autres qui ont de vraies places.</p></li>
<li><p>Pardon? Tu sais pas qui je suis! Tu sais pas qui je suis!</p></li>
</ul>
<p>Le saisonnier s’emballe. Il montre des signes d’agressivité, tente de frapper le personnel de la sécurité puis s’avoue vaincu après un coup de gaz lacrymogène.</p>
<h3>Une arme à la ceinture</h3>
<p>Une heure plus tard, le jeune homme revient, plus calme, et demande à pouvoir discuter avec le videur qu’il a agressé, pour s’excuser. Le ton est posé, l’agent de sécurité rassuré.</p>
<ul>
<li><p>Tout va bien. Tu ne seras pas privé d’entrée pour la saison. Maintenant, rentre te coucher, va te reposer.</p></li>
<li><p>Ah mais… T’es sérieux? Tu me fais pas rentrer ce soir?</p></li>
<li><p>T’as agressé un agent, t’es bourré, sous produits, rentre chez toi!</p></li>
<li><p>Tu ne me laisses pas rentrer, je te pointe!</p></li>
</ul>
<p>A sa ceinture, une arme. Elle paraît réelle.</p>
<h3>La prolifération des caméras</h3>
<p>Dans les rues, les bars, les restaurants ou les boîtes de nuit des stations de ski, les caméras capturent désormais les moments de folie, d’ivresse et de violence. Ces dispositifs de surveillance, que les stations préfèrent appeler «de vidéo-protection», se sont multipliés. Sans compter celles, privées, des commerçants, des tenanciers d’établissements et des propriétaires de chalets, il y en a plus d’une vingtaine dans l’espace public de Chamonix, une soixantaine à Megève, quelques dizaines dans les villages de Montriond, Saint Jean D’Aulps et Les Gets, en Haute-Savoie, 42 à Verbier, en Suisse, selon le Conseil général de la commune de Bagnes, et 211 à Crans Montana, affirme l’entreprise Securiton, qui les a installées.</p><p>Cette nuit de mars 2022, un travailleur saisonnier trouble-fête est donc revenu armé devant la boîte de nuit qui lui a refusé l’entrée une heure plus tôt.</p><p>L’agent de sécurité évalue la situation: plus de quatre-vingt personnes qui dansent à l’intérieur, une dizaine à portée de tir qui fument dans l’espace réservé, deux clients qui posent leur doudoune au vestiaire. Il se place sous la caméra, qui filmera l’intégralité de la scène et tente de désamorcer la situation pendant que ses collègues appellent les gendarmes.</p>
<ul>
<li><p>Tu veux me tirer dessus? Tu penses que tu vas rentrer après avoir montré une arme?</p></li>
<li><p>Regarde bien, regarde, là! Elle est chargée, tu le vois le chargeur?</p></li>
<li><p>Mais tu te crois au Far West? C’est l’entrée d’un saloon ici?</p></li>
<li><p>Je te plombe! Je vais revenir avec un groupe d’une cinquantaine demain, prépare les clous pour ton cercueil!</p></li>
</ul>
<p>Déstabilisé par près d’un quart d’heure de discussion sans que l’agent ne montre un seul signe de peur, le saisonnier finit par s’éloigner. «<em>Je me suis enfin remis à respirer,</em> témoignera après coup le videur aux gendarmes, qui le féliciteront pour son sang froid. <em>J’avais le cœur qui battait fort. J’étais terrorisé. Mais je ne pouvais pas le montrer. S’il avait mal réagi et tiré en l’air, blessé ou tué quelqu’un, je ne me le serais jamais pardonné</em>».</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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<h3>De la coke dans le sang</h3>
<p>Avant l’aube, plusieurs dizaines de policiers ont investi la station, pour une chasse à l’homme qui durera plusieurs heures. Le saisonnier était bien connu de leurs services, avec neuf condamnations, dont une pour vol et braquage avec arme à feu. Ils l’arrêteront chez lui, en possession d’une arme (qui s’est avérée factice mais très réaliste), une «savonnette» de hashish (environ 100 grammes) et de la cocaïne. Des analyses de sang montreront qu’il était sous l’effet des deux produits ce soir-là, sans compter l’alcool.</p><p>Quelles conséquences? «<em>En comparution immédiate, il a seulement pris dix-huit mois assorti d’un sursis probatoire de 24 mois, et 250 euros à me payer pour m’avoir menacé avec une arme,</em> explique l’agent de sécurité, abasourdi par ce qu’il a découvert du passé violent de cet employé*. Les juges ont passé l’éponge pour la drogue, alors qu’il avait déjà été condamné plusieurs fois pour trafic de stup et consommation. Il est arrivé en feignant de boiter suite à un accident de wakeboard, prétextant avoir besoin de tranquillisant pour dormir. En sortant du tribunal, il ne boitait plus.»*</p>
<h3>Un «bon employé»</h3>
<p>La boîte de nuit n’a pas proposé d’accompagnement juridique à son agent de sécurité, ni même quelques jours de congé pour se remettre de cette «<em>menace de mort</em>», comme le précise le jugement en correctionnelle que nous avons pu consulter. «<em>C’est normal en station: la violence, la drogue, les armes. Normal pour les juges, pour les patrons, pour les saisonniers.</em>» Quant à l’agresseur, il a continué de travailler dans la station, car c’était <em>«un bon employé»,</em> selon son patron.</p><a href="/articles/sniffez-vous-etes-filmes-ce-que-les-cameras-des-stations-de-ski-montrent-de-la-cocaine">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/sniffez-vous-etes-filmes-ce-que-les-cameras-des-stations-de-ski-montrent-de-la-cocaine

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Les dessous de la revue Razzia sur nos data

<p>Par leur contribution à notre campagne de financement participatif, plus de 400 d’entre vous ont permis à notre grande enquête sur les données personnelles de voir le jour: merci à eux! Grâce aux fonds récoltés, nous avons pu publier cette enquête en ligne, mais également sous forme de revue imprimée. Reportage chez notre partenaire imprimeur, Courvoisier-Gassmann, à Bienne.</p><p>Voilà plusieurs mois que notre équipe travaille sur l’Exploration <em><a href="https://www.heidi.news/explorations/razzia-sur-vos-data" rel="nofollow noopener" target="_blank">Razzia sur nos data</a></em>. Nous sommes heureux de vous annoncer que nous avons été en mesure d’imprimer cette enquête en format revue, pour le plaisir d’une lecture approfondie et immersive sur papier. La revue est disponible sur <a href="https://shop.heidi.news/product/razzia-sur-nos-data" rel="nofollow noopener" target="_blank">shop.heidi.news</a>.</p>
<h3><strong>Le choix de la couverture</strong></h3>
Nous avons choisi une photo prise par le photographe de presse Niels Ackermann, dans un data center ultrasécurisé à l’emplacement secret au cœur de Genève. Vous en apprendrez davantage sur ces temples de la donnée dans [l’épisode 4 de notre enquête](https://www.heidi.news/explorations/razzia-sur-vos-data/la-ou-vont-nos-donnees-personnelles-au-coeur-de-datacenters-ultrasecurises-a-geneve).

![couverture.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/55d77556-03b2-449e-b75a-ff4965a39ec4/large)

### **Calage de la revue chez l’imprimeur**

5 heures sont nécessaires pour imprimer les 2700 exemplaires de notre revue à raison d’une vitesse moyenne de 8000 pages par heure. 2 opérateurs sont indispensables pour le bon déroulement des opérations.

![cali4.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2dd073c5-94ce-4e3b-a1df-b718cbd22438/large)![cali3.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/cc619789-fcbf-4631-9250-084d8c2b1aa1/large)![cali2.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/7437e1be-4a86-4158-8a85-94ab65e4764e/large)![cali5.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2372f7e9-97cd-4ec8-a56c-8a83d444599c/large)![cali6.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/1e827898-c256-48a7-b784-cac360404112/large)![cali14.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/1c364b67-01e9-4238-9f1a-64d438316b62/large)Merci à © Cali Chaix pour la vidéo et les photos

https://www.heidi.news/articles/les-dessous-de-la-revue-razzia-sur-nos-data

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La Suisse réforme sa formation des paysans – pas assez bio jugent les critiques

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/6795fa82-aa7c-440c-9ee7-1f9d32017cae/medium" /><p>Inchangé depuis des lustres, le cursus des apprentis agriculteurs doit évoluer en 2026 vers «davantage de durabilité». Mais il s’agit de petites touches: il n’y aura pas de filière purement bio ni de formation au micro-maraîchage, qui passionne pourtant les jeunes.</p><p>C’est un des diamants suisses, qui va être retaillé. Notre pays est à juste titre fier de sa formation duale, un modèle qui s’applique notamment aux métiers de la terre, dispensant à l’issue de trois ans d’apprentissage un CFC d’agriculteur – voire une formule plus courte en deux ans couronnés d’une AFP d’agropraticien. Après des décennies d’immobilisme, ce cursus est en cours de révision. Laquelle apparaît plus nécessaire que jamais: la crise de la biodiversité, le changement climatique, les avancées technologiques ou les nouvelles habitudes de consommation appellent à une refonte radicale d’un système qui n&#39;a été soumis précédemment qu’à une harmonisation au niveau fédéral – et qui reste obligatoire pour qui veut avoir droit aux paiements directs de la Confédération.</p><p><strong>Lisez notre grande enquête (11 épisodes publiés):</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/qui-nourrira-la-suisse-demain" rel="nofollow noopener" target="_blank">Qui nourrira la Suisse demain?</a></p><p>Dans les grandes lignes, il s’agit de <em>«rester le plus généraliste possible, une des forces du système suisse étant d’avoir une certaine modularité tout au long d’une carrière»</em>, note Loïc Bardet, directeur d’Agora, l’organisation faîtière de l’agriculture romande et président de la commission chargée de la réforme – entité baptisée de l’acronyme vaguement orwellien d’OrTra AgriAliForm. Cette commission regroupe un délégué par corps de métier, des représentants de l’Union suisse des paysans (USP), d’Agora et de Bio Suisse, ainsi que du SEFRI, le Secrétariat d’Etat à la Formation, la Recherche et à l’Innovation.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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<p>Il reste <code>deux épisodes</code> à publier de cette enquête. Restez connecté!</p><p><strong></section></strong></p><p>Un des objectifs de ce vaste chantier – une quarantaine d’ateliers ont abouti à la rédaction d’un plan de formation de quelque 200 pages – est d’axer davantage la formation sur la durabilité. Les objections ont été examinées en novembre 2023 par le comité de l’OrTra, puis seront soumises à la consultation du SEFRI début de cette année pour une entrée en vigueur à la rentrée 2026...</p>
<h3>En classe bio, ils risque de dire «rien à f…»</h3>
<p>Mais encore? La réforme à venir entraînera la diminution du nombre de CFC, qui passeront à 4 au lieu de 6 actuellement – soit agriculteur, maraîcher, arboriculteur et viniculteur – les précédents CFC de viticulteur et de caviste ont été regroupés dans cette dernière filière, alors que la formation des futurs aviculteurs est intégrée au CFC d’agriculteur.</p><a href="/articles/la-suisse-reforme-sa-formation-des-paysans-pas-assez-bio-jugent-les-critiques">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/la-suisse-reforme-sa-formation-des-paysans-pas-assez-bio-jugent-les-critiques

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La coke, le ski et mythe d'une montagne qui reste pure

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/6e75e6d5-e963-4df4-acd0-f6e383d17188/medium" /><p>Dès le premier article, notre journaliste a reçu des menaces et des insultes. Pourquoi ce tabou sur la consommation de drogue dans les stations? Pourquoi plus de 15 médias en France ont-ils refusé cette enquête?</p><p>Parmi les centaines d’emails qui arrivent chaque jour à la rédaction de <em>Heidi.news</em>, il y en a un que nous sommes heureux de n’avoir pas raté. En novembre dernier, une jeune journaliste française – que nous ne connaissions pas – proposait une enquête, débutée il y a deux ans, sur le phénomène de la consommation de drogues dures dans les stations de ski.</p><p><strong><a href="https://www.heidi.news/explorations/tout-schuss-dans-la-cocaine" rel="nofollow noopener" target="_blank">Trouvez ici tous les épisodes de notre enquête</a></strong></p>Elle disait bien connaître le milieu, pour avoir vécu aux Gets, en Haute-Savoie, où son père est moniteur de ski. Elle y a fait de petits boulots et a côtoyé les travailleurs saisonniers, lesquels sont au cœur de son sujet. Elle terminait ainsi son message:

*«Je souhaiterais, si vous m’accordez votre confiance, poursuivre ce travail d’enquête, et serai ravie de pouvoir en discuter avec vous plus amplement par téléphone. Je peux vous envoyer, si besoin, mon CV.»*

Ce fut le début d’une intense collaboration, pour définir le déroulé de l’Exploration, l’angle de chaque épisode et lancer des compléments d’enquête, notamment dans les stations suisses de Verbier et Crans Montana. [Le premier épisode est paru le 17 février et a fait du bruit](https://news.us18.list-manage.com/track/click?u=3c35f24e197aadf91498c1a2c&id=5ff792c584&e=52fc3b77a1).

### Insultes et menaces

Le jour-même, la journaliste, Romane Mugnier, recevait des menaces et des insultes. Certains saisonniers croyaient s’être reconnus dans les personnages qu’elle a interrogés et dont elle avait modifié le prénom. En vérité, ils avaient simplement la même histoire et le même cocktail toxique: travail acharné, alcool, fête et cocaïne. Et ils confirmaient – sans s’en rendre compte – à quel point les interlocuteurs de Romane étaient représentatifs de tout ce monde qu’on ne voit pas, les travailleurs de l’ombre qui sont aussi les rois de la nuit.

Au cours des discussions, Romane nous a avoué, un peu embarrassée, qu’elle avait proposé son enquête à plus d’une quinzaine de médias français – sans succès – avant de contacter *Heidi.news*. Comme si cela enlevait de la valeur à son travail. *«La drogue, on a déjà traité»*, lui a répondu un média d’investigation. *«Le sujet manque d’originalité»*, a retoqué un magazine célèbre.

En vérité, le sujet n’a presque jamais été abordé, et je me demande bien pourquoi.

De la part de la presse sportive et des magazines de montagne, c’est assez évident. Ils vendent du rêve, pas du glauque. La publicité dans leurs pages provient de marques d’équipement de sport et de grandes enseignes. Certes, ils racontent en détail la mort d’alpinistes fameux, emportés par une avalanche ou tombés dans une crevasse, mais cela fait partie du mythe des sommets, davantage qu’une overdose dans les toilettes d’une boîte de nuit.¨

### Besoin de montagnes immaculées?

Quant à la presse régionale, il se murmure que certains titres sont liés aux stations de ski par des accords de partenariats, lesquels impliquent une couverture positive. D’ailleurs, des patrons d’établissements ont reproché à Romane de vouloir tout simplement ternir l’image de leur station. Le refus de s’intéresser à cette enquête est plus surprenant de la part des grandes rédactions parisiennes. Peut-être ont-elles, inconsciemment, besoin de garder les montagnes comme un espace immaculé. Les Alpes nous ont accueillis pendant la pandémie, elles nous offrent le souffle et la beauté de nos vacances et de nos week-ends. *«Que la montagne est belle»*, chantait Jean Ferrat.

Toujours est-il qu’à peine le premier épisode en ligne, *Heidi.news* a surtout reçu des encouragements à en faire davantage. *«Pourquoi ne parlez-vous pas de la cocaïne dans les campus à la montagne des écoles privées? J’y étais, cela fait des ravages»*, nous a demandé une lectrice. *«Il n’y a pas que les saisonniers qui tirent des rails! Chez les Genevois chics qui montent à Verbier, c’est massif»*, affirme un lecteur revendiquant une certaine expérience.

Nous sommes pourtant restés concentrés sur les saisonniers, parce qu’il ne s’agit pas que d’une histoire de drogue, mais aussi de ces métiers invisibles sans lesquels les stations de ski ne tourneraient pas. Certes, les saisonniers sont souvent des fêtards inconséquents. Mais leurs patrons se montrent laxistes et tolèrent les rails de coke tant que le chiffre d’affaires est au rendez-vous.

### Tant que ça tourne…

L’un d’eux a raconté cette anecdote à Romane: *«L’an dernier, un saisonnier s’est fait livrer au travail un carton entier d’herbe. Je ne pouvais pas le virer, impossible de trouver un remplaçant en plein mois de février!»*

Pendant la pandémie, de nombreux saisonniers ont quitté cette vie, pour de bon. Ils sont devenus couvreurs, charpentiers, paysagistes. En recruter d’autres n’est pas facile. Les horaires sont éprouvants et les contrats souvent liés à l’enneigement: ils peuvent prendre fin abruptement si l’herbe refait surface sous la neige.

La santé des saisonniers? Les autorités des stations haussent les épaules. Tant que ça tourne, ça tourne. D’ailleurs, aucune mairie n’a répondu aux questions de notre journaliste, sauf la commune du Val-de-Bagnes, dont dépend Verbier. Ceci explique cela: des trajectoires parfois tragiques, qui finissent à l’hôpital, voire au tribunal.

[C’est le sujet de notre troisième épisode](https://news.us18.list-manage.com/track/click?u=3c35f24e197aadf91498c1a2c&id=091d6b0633&e=52fc3b77a1). Lisez-le et vous regarderez peut-être différemment la prochaine personne qui vous servira au bar d’une station. Il en reste

https://www.heidi.news/articles/la-coke-le-ski-et-mythe-d-une-montagne-qui-reste-pure

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Deux ans de guerre, pour quelle Ukraine et quelle Russie?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/0796d7fe-eafb-483b-8dd7-7f2772a6b4bf/medium" /><p>Le moins que l’on puisse dire, c’est que la deuxième année de guerre a été décevante pour l’Ukraine. Au Sud, la contre-offensive de l’été 2023 a échoué sur les redoutables lignes de défense russes. A l’Est, le bulldozer russe avance, lentement, au prix de pertes inouïes, sans que cela ne semble préoccuper le Kremlin.</p><p><strong>Cet article est issue de notre newsletter dominicale gratuite, <em>Heidimanche</em>.</strong> <a href="https://www.heidi.news/newsletters/heidimanche" rel="nofollow noopener" target="_blank">Inscrivez-vous ici!</a></p>Cependant, rien ne présage d’un effondrement de la défense ukrainienne ni de percées russes majeures. Ajoutons que les récents revers ukrainiens sont directement corrélés à la diminution des livraisons d’armes occidentales. Le ministre ukrainien de la défense, Rustem Umerov, a déclaré ce dimanche matin que la moitié des armes étrangères promises à Kiev n’arrivaient pas à temps. *«Alors nous perdons des vies et des territoires»*, a-t-il ajouté.

### Deux obus par jour

L’Ukraine manque d’hommes et d’armes et les deux sont liés: comment motiver les gens à partir au front quand ils savent que les moyens de se défendre vont manquer? Certaines unités ukrainiennes sont limitées à deux obus par jour alors qu’en face, les forces russes en tirent des centaines.

**<section class=box>**

#### A propos de la photo

L’image qui illustre cet article est signée Vlada et Kostiantyn Liberov. Avant le 24 février 2022, ils étaient photographes de l’amour. Leur vie a basculé, ils sont devenus reporters de guerre. Lisez leur histoire et découvrez leur travail [dans cet article de ](https://kometarevue.com/portfolios/photographes-d-amour-en-ukraine-ils-sont-devenus-reporters-de-guerre)*[Kometa](https://kometarevue.com/portfolios/photographes-d-amour-en-ukraine-ils-sont-devenus-reporters-de-guerre)*, nouvelle revue sur l’Est dont Heidi.news est partenaire.

**</section>**

Vladimir Poutine, lui, n’a pas changé d’un iota son objectif colonial de février 2022: s’emparer de tout le pays et mettre à sa tête un gouvernement qui lui soit inféodé, à l’instar du régime d’Alexandre Loukachenko au Bélarus. C’est évidemment inimaginable pour les Ukrainiens. Ils ont vu ce que fait la Russie dans les territoires qu’elle conquiert: viols, tortures, déportations… Les Ukrainiens se battront jusqu’au bout.

L’issue de cette guerre, s’il y en a une, va définir l’avenir de ces deux pays mais aussi le monde de demain.

Et d’abord l’Ukraine. Ce grand pays deviendra-t-il un État vassal de la Russie, ce qui déclenchera probablement un nouvel exode de millions de réfugiés? Restera-t-il un État croupion, aigri, contraint de faire des concessions politiques et territoriales à Moscou, déchiré entre la haine d'un agresseur impérial à l'Est et le ressentiment à l'égard des beaux esprits à l’Ouest qui l'ont encouragé à se battre, puis l'ont abandonné à son sort?

### L’immense potentiel ukrainien

Ou bien l’Ukraine deviendra-t-elle un nouvel allié européen enthousiaste, dont l'énergie et l'esprit d'innovation ont été démontrés tout au long de cette guerre? Réintégrer les territoires libérés, reconstruire un pays meurtri, réformer enfin des institutions encore minées par des habitudes de corruption et de pouvoir oligarchique ne sera ni rapide, ni bon marché, ni facile, mais les avantages potentiels sont immenses, pour l’Ukraine comme pour l’Europe.

Et la Russie? Le pays que l’on croyait connaître (pensez à tous les échanges universitaires avec la Suisse avant la guerre, à toutes les entreprises suisses alors présentes sur place) se révèle bien différent, fonctionnant à la propagande et à la répression. Des hommes partent au front et y meurent, sans y être forcément contraints. Vladimir Poutine exploite les bas instincts du petit peuple: l'appât du gain et l’excitation du combat. Un petit peuple que ne fréquentaient pas les journalistes et les universitaires occidentaux à Moscou et Saint-Pétersbourg.

### Les enfants et le sacrifice

La Russie n’a pas seulement adopté une économie de guerre, mais s’est transformée en société de guerre. Il y a des programmes militaires à l’école enfantine, qui préparent les enfants au sacrifice suprême. Une large frange de la population est radicalisée, au point que les ultra-nationalistes sont désormais perçus comme une menace par le Kremlin.

Pensez à Igor Girkine, un ancien des services secrets russes, le FSB. Il a participé aux deux guerres de Tchétchénie, il a organisé la prise de la Crimée en 2014 et déclenché les affrontements armés dans le Donbass ukrainien quelques mois plus tard (et a été condamné, par contumace, à la prison à perpétuité aux Pays-Bas comme un des responsables d’avoir abattu le vol de la Malaysian Airlines MH17, 300 morts). Il purge aujourd’hui une peine de 4 ans de prison en Russie, pour avoir critiqué la mollesse et la désorganisation de l’armée russe en Ukraine.

Pensez aussi au soldat blogueur Andreï Morozov, une figure de l’extrême droite russe, lui aussi partisan acharné de la guerre. Il a publié un post sur la bataille d’Avdiïvka qui dénonçait le bilan de 16’000 morts russes qu’elle aurait coûté, ainsi que le cynisme de ses chefs. Il a été menacé par un commandant: «tu supprimes ton post ou ton bataillon n’aura plus de munitions». Le 21 février, il a préféré se tirer une balle dans la tête.

### L'immense responsabilité européenne

Cette guerre sera-t-elle pour la Russie comme l’Algérie pour la France, ce moment d'humilité où une ancienne grande puissance est forcée d'accepter son statut amoindri et commencer à affronter ses démons impériaux? Ou bien Poutine tirera-t-il de son épouvantable invasion suffisamment d'éléments qu'il pourra présenter comme un triomphe, ce qui consolidera sa légitimité et l'encouragera, lui ou ses successeurs, à se lancer dans d'autres aventures?

A différents degrés, les pays européens agitent désormais cette menace. Cela ne signifie pas que les chars russes seront un jour sur les Champs Elysées, mais que des pays comme la Moldavie, la Pologne ou les républiques baltes ont du souci à se faire. Ou que la Russie, militarisée à l’excès quel que soit l’évolution du conflit, va multiplier ses nuisances dans le Sud-Caucase, le Golfe persique ou l’Afrique, afin de nuire partout où c’est possible à la crédibilité et aux intérêts de l’Occident.

Dans ce contexte, comment parler de «fatigue» de l’aide à l’Ukraine? Donald Trump peut remporter l’élection américaine cette année, diminuer voire supprimer l’aide militaire à Kiev et castrer l’Otan. La responsabilité reposera alors sur l’Europe, Suisse comprise, de savoir dans quel monde nous voulons vivre.

https://www.heidi.news/articles/deux-ans-de-guerre-pour-quelle-ukraine-et-quelle-russie

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Viols, bagarres et suicides: les ravages de la drogue chez les saisonniers du ski

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/9dbdc4a0-728d-44bb-8ff8-e69bea6e93ba/medium" /><p>Témoignages de médecins, infirmiers, pompiers, policiers… Ce sont eux qui récupèrent et parfois sauvent les employés des stations victimes de la coke. Ils constatent chaque jour une banalisation de la violence dans les stations de ski et observent, impuissants, une spirale autodestructrice, dans les Alpes suisses comme françaises. </p><p>Les récits se ressemblent tous. Que ce soit à Verbier ou Crans Montana en Suisse, à Courchevel, Megève, Avoriaz, Morzine, Les Gets, La Clusaz ou Chamonix en France… Monique Armandet, médecin du travail et addictologue à Annemasse, à côté de Genève, les écoute depuis des années. Elle accompagne les habitants, les artisans et les travailleurs de la montagne. Pour elle, toutes ces histoires de stupéfiants , enfouies par honte ou par peur, réveillent parfois de lourds traumatismes chez ses patients saisonniers, une fois la saison terminée. Leurs proches, leurs collègues, leurs patrons sont souvent les victimes collatérales de ce drame.</p><p><strong>Lire aussi le premier épisode (libre d’accès):</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/tout-schuss-dans-la-cocaine/en-station-de-ski-un-rail-de-coke-et-ca-repart" rel="nofollow noopener" target="_blank">En station de ski, un rail de coke et ça repart</a></p><p>Au commencement, il y a l’alcool. Il coule à flots dans les stations. Pour preuve: certains établissements, pourtant ouverts que quelques mois dans l’année, sont classés parmi les premiers débits de boissons en France. Comme en ville, refuser un verre devient presque une provocation. «<em>À l’époque, on avait les vieux alcooliques qui buvaient en permanence, tous les jours de l’année</em>, explique Monique Armandet. <em>Aujourd’hui, les jeunes ne se considèrent pas comme alcooliques puisqu’ils boivent de grosses quantités, qu’une à deux fois par semaine</em>».</p>
<h3>Génération Alzheimer</h3>
<p>Dans son cabinet, elle tente de faire de la prévention. «<em>La gueule de bois, c’est le moment où un des neurotransmetteurs de notre cerveau, activés par l’alcool, commence à détruire des milliers de neurones. Cette nouvelle génération va finir avec des Alzheimer précoces. Ils se bousillent le cerveau</em>», déplore l’addictologue.</p><p>Maud (prénom modifié), saisonnière depuis ses 16 ans, aurait pu être une de ses patientes. Pour elle, tout a commencé par les premières «bières de débauche», comme on appelle les pintes avalées au sortir du travail. <em>«Je les voyais comme une récompense.</em> <em>La première saison, j’arrivais à rentrer sans boire un verre. Maintenant, je bois tous les jours, limite pendant le service pour supporter les clients</em>». Dans les stations considérées comme «festives», c’est presque obligatoire. Clarence (prénom modifié), qui dirige sa propre équipe de restauration dans une station huppée: «<em>Pour fidéliser, on devait boire des coups avec les clients. On nous encourageait à prendre des shots, pour être dans l’ambiance, pour oser vendre</em>».</p>
<h3>La coke des patrons</h3>
<p>De festives, les soirées se font toxiques. Ajoutée à l’alcool, la cocaïne fait baisser l’ivresse mais débouche parfois sur de la violence banalisée, physique et psychologique. Les bagarres et les viols se multiplient, on va le voir.</p><p><strong><section class=box></strong></p>
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On a retrouvé le corps de Navalny

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/acef76ff-6dbc-4a41-ba0d-4cbeee5f48a8/medium" /><p>Après avoir affirmé qu’il leur fallait 14 jours pour procéder à l’autopsie d’Alexeï Navalny, mort le 16 février dans une colonie pénitentiaire au-delà du cercle polaire arctique, les autorités russes ont finalement autorisé sa mère à voir le corps de son fils. Lyudmila Navalnaya a été amenée à la morgue, où elle a signé un certificat de décès. Les autorités auraient fait pression pour qu’elle se contente de funérailles dans la discrétion. <em>«Les yeux dans les yeux, ils m’ont dit que si je n’acceptais pas un enterrement secret, ils s’en prendraient au corps de mon fils»</em>, a témoigné Lyudmila Navalnaya, ajoutant qu’on lui aurait signifié que <em>«le temps n’est pas de votre côté et le corps se décompose»</em>. Le rapport médical qui lui a été soumis mentionnerait une mort de causes naturelles.</p>

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Le CICR à Gaza: que faire quand les deux parties violent le droit?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/27e02d18-32bf-44f8-8c84-160e8118d460/medium" /><p>En 2005, Israël a retiré ses colons de la bande de Gaza, en y maintenant un strict contrôle et des campagnes militaires à répétition. S’ensuivent des combats fratricides entre le Fatah, issu de l’OLP, et le Hamas islamiste, qui en sort vainqueur en 2007. Avant même le 7 octobre 2023, Gaza devient alors le cauchemar humanitaire que l’on sait, où le CICR a de la peine à rester neutre quand tout le monde déroge aux Conventions de Genève.</p><p><em>L’intensification de la colonisation de la Cisjordanie ne cesse pas, malgré les accords d’Oslo en 1993 et l’installation d’une Autorité palestinienne y disposant d’une autonomie relative. La montée en puissance du Hamas à Gaza entraîne des affrontements répétés avec l’armée israélienne, et des guerres ouvertes, limitées, mais qui voient le nœud coulant du blocus de Gaza se resserrer à chaque fois.</em></p><p><em>La résistance palestinienne historique disparaît progressivement de la bande de Gaza, qui passe sous le contrôle du Hamas sans qu’Israël ne semble vouloir l’empêcher. Le calcul d’une division du camp palestinien finira même par se retourner contre Israël.</em></p><p><em>Dans ce contexte inextricable, le CICR voit son utilité de médiateur et de facilitateur confirmée, en particulier dans le maintien de relations entre des adversaires qui passent sans prévenir d’apaisements en affrontements. Complexité qui s’aggrave du fait que certains combattants sortent des critères qui définissent une armée nationale et que le Hamas n’hésite pas à cibler des civils.</em></p>
<h3>2012 – 2018: Israël et la bande de Gaza</h3>
<p>Ces témoignages de délégués de la Croix Rouge internationale ont été recueillis avant le dernier conflit à Gaza, démarré le 7 octobre 2023. </p>
<h4>Carlos Bauverd</h4>
<p>Le délégué sur le terrain a une responsabilité, qui ne peut être guidée par personne, si ce n&#39;est par son âme, par sa pertinence, par sa neutralité, par son approche non passionnelle, non émotionnelle, ne cédant à aucune forme de sensiblerie. Ce qui n&#39;enlève rien au drame de ce qu&#39;il peut ressentir, à l&#39;impact que cela va avoir sur sa vie, à l&#39;empreinte, à la marque qu’il va traîner jusqu&#39;à la fin de ses jours : des morts, des cadavres, des meurtres, des crimes de guerre. Ça va l&#39;accompagner dans son sommeil, sa vie entière. Ça va faire partie de son paysage onirique. Il n&#39;y échappera pas. </p>
<h4>Jacques de Maio</h4>
<p>Le Proche-Orient, c&#39;est le contexte où l&#39;exercice de la neutralité est le plus complexe, le plus intéressant aussi. J&#39;ai vécu en Palestine occupée et en Israël. Au total, sept ans de ma vie. Cela m&#39;a permis d&#39;y être à des moments clés et de rencontrer des personnages ont marqué l’histoire.</p><p>Les acteurs de ce conflit, il y en a deux. </p><p>A Gaza, j’ai discuté à plusieurs reprises avec Cheikh Yassine, le fondateur et leader historique du Hamas (tué en 2004 par un bombardement israélien). Notamment sur le fait de faire exploser des bombes dans des bus israéliens. Est-ce acceptable ou pas? Non, ça ne l&#39;est pas, clairement pas, malgré la légitimité de la cause de l&#39;autodétermination palestinienne.</p>
<h3>Les punitions collectives</h3>
<p> Deux heures plus tard, vous êtes en face d’un général israélien qui vous explique que des mesures de rétorsion collective vont être mises en œuvre pour répondre à une telle ou telle action terroriste. Or les punitions collectives sont contraires aux principes du droit humanitaire. Et là, on est dans un contexte conventionnel, celui de la quatrième convention de Genève, quand bien même les Israéliens réfutent cette application. Les arrêts de la Cour internationale de justice, les résolutions du Conseil de sécurité et de l&#39;Assemblée des Nations unies permettent d’affirmer fermement qu&#39;il y a une occupation par Israël des territoires palestiniens, ce qui est évidemment contesté par Israël. </p><p>Et vous devez serrer la main aux deux. Et vous devez comprendre les éléments qui font que l&#39;un va défendre l&#39;indéfendable et l&#39;autre va défendre l&#39;indéfendable.</p><a href="/articles/le-cicr-a-gaza-que-faire-quand-les-deux-parties-violent-le-droit">Voir plus</a>

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«A Verbier, c’est dur de recruter des employés qui ne se droguent pas»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4c6d9382-7040-46f5-b7cd-3a60b426a20e/medium" /><p>Le ski + la fête: c’est la recette du succès de Verbier, «meilleure station de ski du monde 2022». Parmi les fêtards, il y a aussi les travailleurs saisonniers, qui enchaînent consommation d’alcool et de cocaïne. Il en résulte des bagarres et des dépravations dans les logements, pourtant rares, qui leur sont trouvés. La police valaisanne a fait une descente fin janvier mais n’a arrêté que quatre personnes.</p><p><strong><a href="https://www.heidi.news/explorations/tout-schuss-dans-la-cocaine/en-station-de-ski-un-rail-de-coke-et-ca-repart" rel="nofollow noopener" target="_blank">Résumé de l’épisode précédent</a></strong>: <em>Les dizaines de milliers de saisonniers des stations de ski des Alpes françaises et suisses gagnent bien leur vie, mais travaillent comme des fous et compensent par une consommation excessive d’alcool et – souvent – de drogue. Témoignages de deux saisonniers français, Julien et Adrien (prénoms modifiés), qui sont tombés dans cette vie de station comme on dégringole une piste noire.</em></p><p>Véronique* a grandi à Verbier, la station chic et sportive des Alpes valaisannes. C’est assez naturellement qu’elle a repris l’établissement tenu depuis plusieurs générations par sa famille. Un bar, apprécié des saisonniers, dans lequel elle est aux premières loges pour constater l’augmentation de consommation d’alcool et de cocaïne dans la station suisse, depuis dix ans. <em>«A Verbier, la coke, ça y va au canon à neige»</em>, sourit un de ses clients.</p><p>Comme les autres gérants d’établissements, Véronique observe que la plupart des travailleurs viennent avant tout à Verbier pour faire la fête. «<em>Il y en a qui font très bien leur boulot et qui sont là pour gagner de l’argent. Mais beaucoup viennent juste pour se démonter la gueule tous les soirs</em>», regrette-t-elle. «<em>Cette année, mon personnel tient la route, mais l’année dernière j’avais un barman qui ne venait pas au boulot, ou quand il venait on voyait qu’il n’avait pas dormi depuis deux jours…</em>»</p>
<h3>Appartements saccagés</h3>
<p>Obligés de faire des recherches approfondies lors du recrutement de leur personnel, certains patrons exigent de discuter avec les précédents employeurs, voire de rencontrer en personne les candidats plutôt que de se contenter d’un contact par téléphone, comme d’habitude. Des précautions que font parfois dérailler les difficultés de se loger dans la station: certains patrons se contentent de «<em>recruter tous ceux qui sont déjà logés</em>», dénonce Véronique.</p><a href="/articles/a-verbier-c-est-dur-de-recruter-des-employes-qui-ne-se-droguent-pas">Voir plus</a>

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Heidi.news au Salon du Livre

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/7a10c6a0-3f7f-461d-a1dc-191140cc3fff/medium" /><p>Du 6 au 10 mars, c’est le Salon du Livre à Genève: venez nous voir et rencontrer nos journalistes! </p><p>Heidi.news sera présent du 6 au 10 mars au Salon du Livre à Palexpo (Genève).</p><p>Vous aurez l’occasion de rencontrer plusieurs auteurs de nos Explorations :</p>* Mercredi 6 mars à 16h: présentation de *[Palestine, terre d’humiliation / Israël, terre de promesses](https://shop.heidi.news/product/palestine-terre-d-humiliation-israel-terre-de-promesses?utm_source=promo_nl)* avec Serge Michel et Lorène Mesot, scène de l’ICAM;

* Jeudi 7 mars de 17h à 19h: rencontre avec Lorène Mesot, autrice du volet palestinien de  *[Palestine, terre d’humiliation / Israël, terre de promesses](https://shop.heidi.news/product/palestine-terre-d-humiliation-israel-terre-de-promesses?utm_source=promo_nl)*, et dédicace de la revue imprimée, stand Groupe Le Temps;

* Samedi 9 mars de 14h à 16h: rencontre avec Grégoire Barbey, qui a piloté l’enquête *[Razzia sur nos data](http://shop.heidi.news/product/razzia-sur-nos-data?utm_source=promo_nl),* et dédicace de la revue imprimée, stand Groupe Le Temps;

* Samedi 9 mars de 16h à 17h: rencontre avec Julie Eigenmann, qui a signé l’enquête *[Racisme, la Suisse en flagrant déni](https://shop.heidi.news/product/racisme-en-suisse-un-flagrant-deni?utm_source=promo_nl)*, et dédicace de la revue imprimée, stand Groupe Le Temps.

L’événement est gratuit, sur inscription.

Toutes les informations pratiques sur le Salon du Livre, programme et inscriptions sur <https://salondulivre.ch/>

https://www.heidi.news/articles/heidi-news-au-salon-du-livre

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La Suisse aime l’ARN, mais pas encore le messager

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/0193e99e-3cec-4bfc-b94d-3cbae22cc5d6/medium" /><p>Une réunion dans un amphithéâtre de l’Université de Berne aide parfois à comprendre ce qui se joue dans l’industrie pharma suisse et mondiale. Au Swiss RNA Therapeutics Summit, fin janvier, tout le monde était convaincu que la molécule d’ARN est théoriquement capable de traiter ou de guérir de très nombreuses maladies. Des opportunités que la Suisse aborde petit bras, en sabordant un programme de recherche à Zurich. Pour autant, Roche, Novartis et tant d&#39;autres réinvestissent massivement le domaine.</p><p>Malgré ses deux mètres et ses études à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, Steve Pascolo a appris la modestie. Il est pourtant un des pionniers de ces vaccins à ARN messager récompensés par le Nobel de médecine 2023. En 2000, il a co-fondé l’entreprise Curevac à Tübingen en Allemagne (lire le <a href="https://www.heidi.news/explorations/arn-messager-la-revanche-des-outsiders/curevac-comment-le-lievre-allemand-de-l-arn-messager-est-devenu-une-tortue" rel="nofollow noopener" target="_blank">chapitre 5</a> de notre Exploration). En 2003, il a été la première personne au monde à recevoir une injection d’ARN messager synthétique. Il se porte très bien, 20 ans après.</p>
<h3><strong>L’ARN coulé à Zurich</strong></h3>
<p>Steve Pascolo est aujourd’hui chercheur à l’hôpital universitaire de Zurich. Il tente de développer cette technologie de l’ARN en Suisse. Mais nul n’est prophète dans son pays, y compris d’adoption. <em>«J’ai présenté un projet de pôle national de recherches (NCCR) sur l’ARN messager ,mais il n’a pas été retenu par l’Université de Zurich pour candidater au Fonds national qui s’apprête à sélectionner ces grands programmes»</em>, confie-t-il.</p><p>      <figure>
        <picture>
          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Steve Pascolo./Heidi.news" alt="Capture d’écran 2024-02-16 à 11.28.46.png" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/16762169-fa1b-415a-8062-7054cb0c1be4/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Steve Pascolo./Heidi.news</figcaption>
      </figure>
</p><p>C’est étonnant, parce que Steve Pascolo avait créé en 2017 à Zurich une plateforme de production d’ARN messagers synthétiques pour les fournir aux groupes de recherche intéressés, de Lausanne à Genève en passant par Bellinzone. Et aussi parce que l’ARN messager fait l’objet de nombreux essais cliniques et plus encore de programmes de recherche partout dans le monde, maintenant que les vaccins Covid ont démontré qu’il est utilisable en médecine.</p><p><em>«L’ARN messager n’est pas utile que pour produire des vaccins contre les maladies infectieuses,</em> poursuit Steve Pascolo. <em>On peut s’en servir pour des vaccins anticancer qui vont diriger le système immunitaire contre les cellules tumorales. Au-delà, comme cet intermédiaire transforme les plans génétiques contenus dans les gènes de l’ADN en protéines, il est candidat pour produire n’importe laquelle de ces molécules.»</em></p>
<h3><strong>Protéines à la demande</strong></h3>
<p>C’est prometteur, parce que le bon fonctionnement des protéines est la base biologique de la santé. Si vous êtes diabétique, c’est parce qu’il vous manque une protéine: l’insuline. Si vous développez Alzheimer, c’est parce que des protéines de votre cerveau sont tout à coup malformées. Un cancer? Parce que la machinerie génétique déraille et produit des protéines tumorales. Bref, les protéines c’est vous, c’est moi. Par conséquent, la bonne santé de cette machinerie cellulaire c’est, dans une large mesure, la bonne santé tout court. Or, on estime qu’entre 10% à 15 % des protéines humaines sont impliqués dans des maladies. Mais seulement 2 % interagissent aujourd’hui avec des médicaments approuvés.</p><p>Sachant ce potentiel, on comprend l’enthousiasme de Steve Pascolo. <em>«Maitriser l’ARN messager cela peut vouloir dire produire des hormones manquantes pour rétablir la communication entre cellules ou des enzymes qui produisent des réactions chimiques essentielles à la vie.»</em> A Lausanne, les professeurs <a href="https://www.heidi.news/sciences/mieux-que-neuralink-a-lausanne-un-patient-paralyse-remarche-par-la-pensee" rel="nofollow noopener" target="_blank">Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch</a> se servent par exemple du caractère transitoire des ARN messagers pour tester la régénérescence de cellules nerveuses dans le cadre de leurs recherches sur la paraplégie. Un peu désespéré à force de vouloir convaincre, Steve Pascolo ajoute: <em>«On pourrait même l’utiliser dans des applications cosmétiques, par exemple pour produire des protéines d’élastine qui ,en disparaissant, sont une des raisons du vieillissement de la peau.»</em></p><p>Cet immense potentiel sera-t-il exploité en Suisse? Steve Pascolo est pessimiste. <em>«Le temps long et la stabilité du budget d’un NCCR aurait permis des avancées mais là je suis malheureusement plutôt en train de fermer les collaborations tissées depuis cinq ans par notre plateforme, faute de visibilité, faute de soutien financier. Cependant tout espoir n’est pas perdu et des discussions sont en cours avec l’Université de Zurich.»</em></p>
<h3><strong>Une poignée de start-up</strong></h3>
<p>Certes, on objectera que ce n’est pas aux universités de développer des nouveaux médicaments, mais aux entreprises de biotechnologies.  Au Swiss RNA Therapeutics Summit de Berne, le 25 janvier, l’ARN messager faisait cependant figure de parent pauvre. <em>«Il n’y a n a qu’une poignée de biotechs suisses</em> (Inofea, Palto, Altamira et Haya, ndlr.) <em>qui sont actives sur les ARN thérapeutiques</em> (aucune vaccinale, ndlr.) <em>et une seule sur l’ARN messager</em> (Versameb)<em>»</em>, constate Sonja Merkas, consultante dans la recherche le développement et la production pharmaceutique et biotechnologique.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Sonja Merkas./Swiss RNA Therapeutics Summit" alt="SwissRNA_2024.jpeg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/12bef525-caa4-40a8-a101-452577db83dd/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Sonja Merkas./Swiss RNA Therapeutics Summit</figcaption>
      </figure>
</p><p>Sans surprise, Klaas Zuideveld, le directeur de Versameb, une entreprise fondée à Bâle en 2017 par Friederich Metzger, l’ancien directeur de la recherche sur les maladies rares du groupe Roche, confirme le potentiel thérapeutique de l’ARN messager. <em>«L’ARN messager produit des protéines endogènes. Il porte les instructions nécessaires à la cellule pour synthétiser une protéine en utilisant sa machinerie biologique interne. Cela signifie que l’ARN peut cibler ou remplacer beaucoup plus de protéines impliquées dans des maladies avec des fonctions plus précises et une efficacité plus élevée. En outre, le temps de développement d’un nouvel ARN messager candidat à une thérapie se compte en semaines quand il faut des mois pour une protéine recombinante</em> (produite en bioréacteur par génie génétique comme l’insuline humaine ou les anticorps monoclonaux, ndlr.) <em>et des années pour une petite molécule chimique.»</em></p>
<h3><strong>Cancers et incontinence</strong></h3>
<p>(Trois quarts de cet article restent à lire)</p><a href="/articles/la-suisse-aime-l-arn-mais-pas-encore-le-messager">Voir plus</a>

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Après la mort de Navalny, que reste-t-il de l'opposition en Russie?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/f8fc78a2-4f6a-4a0c-b517-cacd0edcce20/medium" /><p>La mort du premier opposant de Vladimir Poutine a été annoncée vendredi 16 février, la veille du lancement officiel de la campagne électorale et un mois avant la présidentielle. Alors que l&#39;opposition est brutalement réprimée par le Kremlin, quelles sont les voix qui s&#39;élèvent encore en Russie?</p><p>«<em>Si vous êtes tué, si cela se produit, quel message laisserez-vous au peuple russe?</em>». «<em>C’est très simple: n’abandonnez pas</em>». <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-68326718" rel="nofollow noopener" target="_blank">Cette conversation</a> entre Alexeï Navalny et le réalisateur canadien Daniel Roher – tirée d’un documentaire de 2022 – a refait surface après l’annonce de la mort du principal opposant russe, vendredi 16 février.</p><p>Hasard du calendrier ou pas, l’ennemi juré de Vladimir Poutine – détenu dans une colonie pénitentiaire en Arctique – est décédé la veille du lancement officiellement de la campagne électorale en Russie. Et un mois exactement avant la présidentielle (du 15 au 17 mars), dont le président Poutine devrait sortir largement vainqueur.</p><p>Dès vendredi, les mots d’Alexeï Navalny semblaient avoir résonné auprès d’une partie de la population bien décidée à lui <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/russie/malgre-les-risques-les-russes-pleurent-navalny-71296618-cda6-11ee-84f3-30cb0ba0cd2f" rel="nofollow noopener" target="_blank">rendre hommage</a>, malgré les risques. En deux jours, plus de 400 personnes ont été arrêtées lors de commémorations organisées dans plusieurs villes du pays, selon l’ONG spécialisée OVD-Info. Mais les mots et la mort d’Alexeï Navalny soulèvent surtout une question: que reste-t-il de l’opposition en Russie?</p><p><strong>Pourquoi c’est important?</strong> Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine mène une répression brutale contre ses opposants. Tous les principaux leaders ont été emprisonnés, forcés à l’exil, ou même tués. Et pour l’Occident, la responsabilité de Moscou dans la mort d’Alexeï Navalny ne fait aucun doute.</p><a href="/articles/apres-la-mort-de-navalny-que-reste-t-il-de-l-opposition-en-russie">Voir plus</a>

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En station de ski, un rail de coke et ça repart

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/09f5d2d6-2263-44f3-91ca-a1cc51065258/medium" /><p>Pour entamer cette descente tout schuss dans la poudreuse, on plante les skis en Haute-Savoie. La vie de saisonnier est un mélange de travail harassant et de fête infinie. Adrien* et Julien*, qui connaissent ce milieu comme leur poche, nous relatent comment ils sont tombés dans le canon à neige.</p><p>Je commence par ce que vous savez déjà. En montagne, les stations de ski vivent au rythme des saisons. L’hiver se concentre sur quatre mois intenses, de décembre à mars. La population des villages explose, parfois de 500 autochtones placides à 50’000 âmes surexcitées. Certaines stations ont développé l’été, de mi-juin à mi-septembre, notamment à cause du changement climatique, mais les terminaux de carte de crédit chauffent alors beaucoup moins que l’hiver. Le reste de l’année, la plupart des boulangeries, boucheries, supermarchés, magasins de sport, restaurants, hôtels, bars et même des bureaux de tabac restent portes closes, ne laissant que des villages fantômes.</p><p>Qui dit saisons dit saisonniers. Ils sont des dizaines de milliers, dans les Alpes, à affluer et refluer avec les touristes. A «charbonner», comme ils disent, pour accueillir, amuser, servir les flots de touristes venus pour la semaine ou le week-end. Ils en ont souvent la tête qui tourne, mais ils s’accrochent. «<em>On n’est pas à plaindre</em>, lance Julien (prénom modifié), saisonnier en Haute-Savoie. <em>On bosse beaucoup, on gagne bien notre vie car on fait des heures de malade. On charbonne 6 ou 7 mois, on flotte le reste de l’année.»</em></p>Les saisonniers que je connais viennent de toute la France. Ils servent dans les restaurants, vendent ou louent du matériel de sport, accompagnent la montée sur les télésièges. Sans eux, pas de saison, ni de chiffre d’affaires. Ils sont le moteur d’une industrie de la montagne qui fait valser les liasses: le tourisme hivernal représente 5 milliards de francs en Suisse et le double en France.

Mais on ne comprend pas la vie de saisonnier si l’on omet ce détail: les petites mains sont aussi là pour en prendre plein la tête.

### **La bière de la débauche**

S’il y a une chose que j’ai pu observer en station, où j’ai vécu et donné des coups de main à mes parents *[(voir l'introduction)](https://www.heidi.news/sante/cocaine-en-station-comment-j-ai-decouvert-qu-ils-en-prenaient-tous)*, c’est que l’argent n’est pas la première motivation des saisonniers. Rejoindre une station, c’est profiter d’un cadre de travail hors norme: la possibilité de skier sur ses congés, découvrir des paysages à couper le souffle et apprécier la généreuse gastronomie locale.

Mais pour ces gens, à la fois travailleurs et hédonistes, monter en station est surtout l’occasion de sortir en groupe, parfois très soudé, dans les bars et les boîtes de nuit. Et de boire comme des trous. *«Ça toujours été le cas, ça le sera toujours»*, confirme Adrien (prénom modifié), qui suit le rythme des saisons depuis 25 ans. «*C’est bien rémunéré, car c’est du travail nocturne, mais je finis toujours à 7h du mat, et si tu bois pas un peu, t’es pas dans l’ambiance et tu as comme des envies de tuer les gens, donc c’est compliqué.*»

Pour les saisonniers, les bars sont une deuxième maison. Ils s’y enfilent des shots avant le service, viennent boire une, deux, quatre, six bières après le travail sur les pistes ou dans les magasins. Cette habitude est une institution: c’est la «bière de débauche». Un sas de décompression, récompense d’une longue journée qui sera suivie d’une courte nuit.

Perchée sur un tabouret, dans les bars que j’ai l’habitude de fréquenter, j’ai souvent observé ces états extrêmes. Et pendant des années, j’ai écouté. Cette serveuse qui m’avoue: «*My god, tout à l’heure, je suis passée boire trois shots avant d’aller au taff à 19h. J’ai trop picolé hier, il me fallait quelque chose pour me réveiller!*» Ce préparateur de petit-déjeuner dans un hôtel: «*j’ai pas pu me lever ce matin, jusqu’à 5h j’étais en boite, après j’ai fait un after, du coup à 7h j’étais pas frais. En plus c’est déjà la troisième fois, j’espère qu'on ne va pas me virer.*»

### **La cocaïne, étoile des neiges**

Le rythme est invariable: boulot de 11 à 15 heures, coupure, puis de 19 heures à minuit. Vient alors la fameuse bière de débauche, et puis la soirée qui s’allonge jusqu’à 5 heures du matin… Et on recommence. Au mois de janvier, la fatigue se fait ressentir, mais lorsqu’en février ils n’ont plus de jour de congé, pour faire face à l’afflux de touristes, beaucoup de saisonniers craquent. L’alcool ne suffit plus et c’est souvent à ce moment-là qu’ils s’en remettent à la deuxième mamelle du métier. La poudre.

On n’imagine pas combien de saisonniers trouvent dans la cocaïne une solution miracle pour tenir jusqu’à la fin de saison. Je m’en ouvre à Adrien:

* Une association m’a parlé d’un chiffre, 70 % des saisonniers en prendraient?

* Oh oui, facile, facile!

* C’est énorme.

* Tu sais… En station, il vaut mieux compter les gens qui n’en prennent pas, ça ira plus vite.

Tant de coke dans les stations de ski? Il y a des brèves dans les journaux, à chaque fois qu’un dealer se fait attraper. Mais je n’avais jamais imaginé que c’était tellement répandu, en particulier chez les saisonniers. Pour démarrer cette enquête, et avant d’aller voir dans d’autres stations comme Verbier en Suisse, de parler à la police et aux hôpitaux (les autorités ayant refusé de me répondre), j’ai passé du temps avec deux d’entre eux, interrogés séparément, dans une petite station familiale de Haute-Savoie.

### **Profession saisonnier**

Sur ce canapé, Adrien a du mal à tenir en place. Célibataire, beau garçon, le regard fuyant, il me raconte qu’il est tombé dans cette vie comme on dégringole une piste noire. «*J’ai commencé tôt, à 19 ans, car mes parents avaient un restaurant dans une station balnéaire*.» Tenir le bar à 13 ans, puis aider sa famille au service le temps de rater son bac, l’ont finalement conduit à enchaîner les saisons. «*J’ai été serveur, plongeur, chef de rang, responsable de bar, barman…*» Aujourd’hui, il travaille en boite de nuit.

Pour Julien, qui habite à l’année en station, la vie de saisonnier s’est imposée d’elle-même. «*C’était le seul moyen de rester à la maison… Si tu ne veux pas prendre la voiture tous les jours pour aller travailler à Cluses, Thonon, Genève ou encore Annecy, t’es bien obligé de trouver quelque chose ici.*» Quelques stations essaient de maintenir des activités toute l’année, mais les CDI sont rares. Julien remet ses cheveux en place, boit un peu de café et m’explique avec la nonchalance de la trentaine: «*chacun se débrouille comme il peut. Certains moniteurs de ski sont artisans l’été, mais ça reste une dérivation du système saisonnier en soi. D’autres partent à la mer après l’hiver.*»

### **Dans le canon à poudre**

J’ai interrogé Julien et Adrien sur leur rapport à la cocaïne, pour comprendre à quel moment cette drogue leur était devenue nécessaire pour travailler. «*Quand j’avais 18 ans, je faisais des extras le soir dans un restaurant,* explique Julien. *C’était en plus de mon job toute la journée dans un autre établissement sur les pistes. Parfois j’enchaînais même après avec des extras en tant que barman en boite de nuit. Je dormais deux heures par nuit. Et à l’époque je prenais absolument rien pour tenir*», précise-t-il avec ce rire atypique qui ponctue la plupart de la fin de ses phrases.

«*Tant que j’étais jeune, c’est longtemps resté festif, rare*, poursuit Julien\*. On ne trouvait pas de la coke à tous les coins de rues, pas comme aujourd’hui. Surtout en station de ski.\*»

«*Moi j’ai commencé par fumer des joints à 13-14 ans*», raconte Adrien, qui aujourd’hui a passé la quarantaine. «*On m’a proposé de la coke à 17 ans, puis à 21 ans. J’ai toujours dit non parce que je savais que j’allais aimer… Je fumais déjà beaucoup, je prenais des douilles, c’est violent les douilles! Pourtant, tu sais, j’étais un enfant pourri gâté par mes parents, gentil, bien élevé. Mais j’ai découvert que j’aimais bien me défoncer la gueule.*»

Adrien prend son premier rail de coke à 23 ans, lors d’une soirée festive, puis continue de temps à autre. Pas souvent, car la cocaïne est un budget. Grand gaillard de presque 1,90 mètre, il est de ces personnages dont la douceur et la sensibilité émeuvent, mais qui détestent montrer leur fragilité. Et la cocaïne est le remède miracle à la timidité, trait de caractère qui n’a pas sa place dans le monde de la nuit.

### **«Tu sais pourquoi on ne m'a jamais vu bourré?»**

«*J’ai commencé à bosser dans des bars, des boîtes de nuit, et c’est monté crescendo… Pourtant j’en ai pas besoin, je suis heureux, j’ai eu de belles histoires d’amour. J’ai rencontré des femmes super, mais beaucoup sont parties à cause de mon rapport à la drogue* ». À 26-27 ans, Adrien commence à se persuader qu’il en a besoin pour travailler. Aujourd’hui, il avoue prendre de la cocaïne tous les jours. «*Je dirais pas qu’avec t’es meilleur, mais t’es pas moins bon. Déjà, tu tiens mieux l’alcool. Tu sais pourquoi on ne m'a jamais vu complètement bourré? Parce que je triche.*»

C’est une raison souvent évoquée par les saisonniers, incapables de s’arrêter de boire jusqu’à l’ivresse tous les soirs après le boulot. La cocaïne agit comme un remède miracle pour décuver. L’éthanol est toujours présent dans l’organisme, mais l’esprit est clair, on peut de nouveau se mouvoir et s’exprimer comme si on était sobre. Imparable.

### **La saison de trop**

Pour Julien, qui vit aujourd’hui en couple, la drogue est longtemps restée festive. Jusqu’à la saison de trop. Pendant des années, il se contente de partir en expédition pour aller chercher de la cocaïne, ou garde une ou deux pilules qu’il a pu acheter en soirée sur Genève. Il débute avec optimisme cet hiver-là, une nouvelle saison dans un nouvel établissement, mais les horaires intenses – 9 à 21 heures – vont bousculer ses habitudes.

*«On charbonnait, fallait avoir la pêche, danser, faire rire les clients, c’était un bar super festif. Mais avec mon collègue, vu qu’on aimait faire la fête, on a vite commencé à en prendre un peu* (de la cocaïne, ndlr.)*. Surtout moi. Même si j’arrivais à bosser, j’avais tellement de retard de fatigue… Quand il faisait froid c’était atroce, quand il faisait soleil t’étais en plein cagnard toute la journée… J’allais faire la sieste à 15h, à mon réveil j’en prenais. Je rentrais du boulot, je faisais une sieste, et j’en reprenais avant de sortir boire un coup.»*

Partagé entre l’envie de bien faire son travail et de profiter, Julien a vite compris dans quelle boucle il avait mis les pieds. « *Je ne prenais pas de grosses quantités, mais j’avais toujours quelque chose dans la poche au cas où je ressentirais un coup de mou pendant le service. Des fois j’allais m’en mettre une petite dans les toilettes.*» raconte Julien en rigolant. Finalement, il tournera à 1,5 ou 2 grammes par semaine.

### **«Si je veux arrêter, je devrai sortir de ce milieu»**

«*Je ne referai plus jamais ça de ma vie, ça m’a détruit la santé. Aujourd’hui j’essaye de rendre ça ponctuel et festif*», confie Julien. Après ces nombreuses saisons, son visage porte les stigmates de la consommation: yeux fatigués, dents abîmées… Malgré son flegme et sa bonne humeur, on a du mal à imaginer que la cocaïne est vraiment derrière lui. Il est toujours entouré des mêmes compagnons de saisons, dont les gestes et les habitudes de beuveries trahissent la consommation de drogues dures.

Pour Adrien, la drogue est toujours une habitude. Il a prévenu ses employés mais les surveille de manière obsessionnelle, pour être sûr que son comportement ne soit pas imité. En ce qui le concerne, il est plus fataliste. *«Si un jour je veux arrêter, je devrai sortir de ce milieu. En restant ici c’est pas possible*». Quelques jours après cet entretien, il enchaînera trois jours sans dormir.

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Cocaïne en station: comment j’ai découvert qu’ils en prenaient tous

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/9d0b481d-4853-4ebe-86ec-ecb9643e96d1/medium" /><p>Avez-vous déjà eu l’impression qu’un endroit que vous pensiez connaître sur le bout des doigts, en fait, vous filait entre les doigts? Que le lieu où vous avez toujours vécu avait une face cachée? Cela m’est arrivé il y a deux ans dans la paisible station des Gets, en Haute-Savoie, à 54 km du jet d’eau de Genève.</p><p>J’ai grandi avec un père moniteur de ski, qui louait les appartements de son chalet aux Gets, en Haute-Savoie. J’ai étudié en plaine, le lycée, la fac à Grenoble et à Lyon puis le journalisme à l&#39;Université de Lorraine à Metz. Chaque week-end et chaque semaine de vacances, je montais aider mes parents à faire le ménage dans les appartements. C’est aussi aux Gets que j’ai gagné mes premiers petits salaires. Dès 16 ans, j’ai commencé au bureau de tabac, puis dans la restauration, avant d’être guide au musée local de musique mécanique.</p><p>L’an dernier, alors que je rentrais au chalet après la fermeture des bars, j’ai vu un jeune homme tituber dans la rue, le visage en sang et des hématomes partout. Je le connaissais de vue – après tout, c’est un petit village. Je lui ai murmuré: <em>«Tout ira bien, je vais rester avec toi»</em>. Il était terrorisé. Je l’ai tenu contre moi plus d’une heure, essayant de calmer les spasmes qui le traversaient toutes les quinze secondes, le temps qu’arrivent les pompiers et la police.</p>Ce qui a marqué mon adolescence dans la station, ce sont les soirées endiablées qui débutaient dès que les habitants et les saisonniers, employés des bars, des magasins ou des remontées mécaniques «débauchaient», c’est-à-dire finissaient leur journée de travail. J'aimais traîner dans ces ambiances poisseuses et ces odeurs d'ivresse, ce contraste entre le froid intense de la nuit et la chaleur des bars.

### Premier rail, premier choc

Ma vie sociale a explosé: potes de soirées, copains d’une saison, amis pour la vie. On assistait tous les soirs à des folies passagères et des moments d'intense convivialité, coupés du monde et des soucis de l’école ou de l’université qui m’attendaient en bas, dans la vallée.

Et puis un soir, il y a deux ans, tout a changé. J’étais revenue pour les vacances. Comme la boîte de nuit était fermée, j’ai invité les copains chez moi, la plupart des saisonniers. J’avais sorti les olives, le houmous, les toasts au pesto. Mais dans ma cuisine, s’est déroulée une tout autre soirée. Pour la première fois, à 27 ans, j’ai vu des gens tirer un rail de coke. Plus rien n’a été comme avant.

J’ai ouvert les yeux et découvert que la plupart de mes amis n’étaient pas juste de bons vivants qui tenaient bien l’alcool, prisonniers de la boucle temporelle de la station où il fallait absolument profiter de chaque soirée, de chaque nuit, jusqu'à l'ivresse. Ils étaient constamment sous cocaïne.

### Pourquoi tu veux en parler?

En observant les saisonniers depuis lors, dans une dizaine de stations françaises et suisses, je me suis rendu compte qu’il y a avait un problème, auquel personne ne prêtait attention. Une explosion de la violence, une banalisation des drogues, un sentiment d’impunité des dealers, l’arrivée de nouvelles substances, encore plus dévastatrices…

J’étais entre deux jobs de journaliste, alors j’ai commencé à enregistrer mes discussions, à prendre des photos, à poser des questions sur la consommation de stupéfiants, le rapport à l’alcool, les rythmes de travail, les projets de vie. Pour la cocaïne, on m’a souvent répondu: «*Pourquoi tu veux en parler? Tout le monde en prend, ce n’est pas un sujet.*» Les autorités haussaient les épaules et les médias non plus n’étaient pas intéressés, jusqu’à ce que j’en parle à *Heidi.news*.

### Du sang sur les mains

Le jeune homme blessé et traumatisé a finalement été pris en charge et embarqué par une ambulance. Il m’a fallu raconter son histoire à la police, sans en connaître les détails, et j’ai été la seule à faire une déposition. Les autres garçons, ses amis, arrivés entretemps, se sont abstenus. «*On a un casier* \[judiciaire\]*, on préfère pas*», m’ont-ils chuchoté. Pour ce qui s’était passé ce soir-là, ils ont évoqué des histoires de drogue, de règlements de compte entre dealers, de la vengeance d’une ex.

Quand je suis enfin rentrée chez moi et que j’ai allumé la lumière, j’ai vu que j’avais du sang sur les mains. J’avais aussi des dizaines de questions qui ne recevront le lendemain que des réponses nonchalantes, du genre: «*ça va, il n’est pas mort non plus*». Mais fallait-il en arriver là pour que l’on parle enfin de l’envers du décor de ces stations idylliques?

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Un jour en classe avec les apprentis agriculteurs de Châteauneuf

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/74860d97-0b57-49d5-8634-3c012cd5d6af/medium" /><p>En Valais, quand on veut faire de la terre son métier, on rejoint l’école d’agriculture de Châteauneuf, à Sion. Une fois par semaine, pendant trois ans, les apprentis s’installent derrière le pupitre. Comment se déroule une journée de cours? Qu’apprend-on aux paysans de demain? Reportage.</p><p><em>«De quels éléments dépendent les dates d&#39;épandage des engrais?»</em> Abraham Monnier a la voix qui porte. Silence dans la salle 31, à l’heure du cours de production végétale. Devant le professeur, douze élèves ont les yeux rivés à leur feuille d’examen corrigée. Après avoir rendu en bavardant deux herbiers, l’un pour les plantes adventices (la «mauvaise herbe») et l’autre pour les plantes fourragères, ils se concentrent sur la correction de leur dernier test.</p><p>Derrière la fenêtre, le soleil se hisse péniblement au-dessus du sommet enneigé du Haut de Cry. Il vient jeter ses rayons sur l’imposante bâtisse grise de l’Ecole d’agriculture du Valais (EAV) à Châteauneuf, un village de Sion. Voici un siècle que «Châteauneuf», créée en 1923, voit passer des jeunes déterminés à vivre de la terre, mus par la volonté de reprendre l’activité familiale ou – de plus en plus – une passion toute neuve pour le métier.</p><a href="/articles/un-jour-en-classe-avec-les-apprentis-agriculteurs-de-chateauneuf">Voir plus</a>

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Donald Trump pourrait mettre l’armée américaine à sa botte

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d61d6613-d080-4291-84aa-e84fff4bc95a/medium" /><p>En 2020, les forces armées ont été un rempart contre le projet de Donald Trump de se maintenir coûte que coûte à la Maison-Blanche. En cas de second mandat, une des grandes priorités de son équipe serait de prendre le contrôle de l’armée. Le projet est ambitieux mais loin d&#39;être hors de portée.</p><p>Si Donald Trump remporte les prochaines élections, il essaiera de transformer les forces armées en une garde prétorienne fidèle à sa personne plutôt qu’à la Constitution américaine. Et ce sera sans doute l’un des projets prioritaires de sa nouvelle administration.</p><p>Non que la tâche soit foncièrement aisée. Je donne des cours à des officiers au Naval War College depuis 25 ans et je sais d’expérience que l’immense majorité des militaires américains sont des professionnels et des patriotes. L’ancien président a aussi eu l’occasion de se rendre compte qu’il ne pouvait pas utiliser <em>«ses généraux»</em> comme s’ils étaient de simples employés d’hôtel de la famille Trump.</p><p>Mais Donald Trump et son entourage ont appris de cette expérience. Lors du précédent mandat, ils ont essayé de mettre la main sur le département de la Défense en y envoyant toute sorte d’huluberlus et de larbins. Mais cette tentative est intervenue trop tardivement pour leur permettre d’avoir un contrôle politique total. Lents et désorganisés, le président et ses conseillers ont payé leur manque de familiarité avec les coulisses de Washington. Le courage et le professionnalisme des officiers et des hauts fonctionnaires en charge de l’armée ont aussi participé à les tenir en échec.</p><p>Trump nourrit aujourd’hui une profonde rancœur à l’encontre de ceux qui, au sein du département de la Défense, se sont opposés à ses impulsions autocratiques et illégales – comme lorsqu’il avait <a href="https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-appears-to-contradict-earlier-remarks-assassinate-syria-bashar-assad/" rel="nofollow noopener" target="_blank">demandé la tête du président syrien Bashar Al-Assad en 2017</a>, ou voulu <a href="https://www.politico.com/news/2020/06/01/trump-slams-governors-as-weak-crackdown-on-protests-294023" rel="nofollow noopener" target="_blank">déployer l’armée contre ses propres citoyens</a> au plus fort du mouvement Black Lives Matter.</p><p><strong>L’homme qui empêcha un coup d’Etat</strong></p><p>Mais c’est sa réélection manquée en 2020 qui, bien entendu, focalise la rage de Trump. Le <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2023/11/general-mark-milley-trump-coup/675375/" rel="nofollow noopener" target="_blank">général Mark Milley</a>, alors chef d’état-major, était bien déterminé à tenir l’armée éloignée des manigances du camp Trump pour garder la Maison-Blanche. Il s’est notamment opposé au plan délirant, proposé par le lieutenant-général en retraite Michael Flynn, d’ordonner à l’armée <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/04/magazine/michael-flynn-2020-election.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">de s’emparer des machines de vote et des urnes dans les Etats pivots</a>…</p><p>Donald Trump a depuis <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/09/trump-milley-execution-incitement-violence/675435/" rel="nofollow noopener" target="_blank">suggéré que Mark Milley méritait la peine de mort</a> pour son refus d’obéir. Quant à l’intéressé, il pense qu’une nouvelle administration Trump essaiera de l’envoyer derrière les barreaux, lui et d’autres hauts responsables de la sécurité nationale, ce qu’ont confirmé <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/4223028-former-defense-secretary-legitimate-fear-trump-will-retaliate-if-reelected/" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’ancien secrétaire à la Défense Mark Esper</a> et <a href="https://transcripts.cnn.com/show/se/date/2023-09-25/segment/01#:%7E:text=PHILLIP%3A%20Yeah.%20Can%20I%20ask%20you%20%2D%2D%20he%2C%20in%20a%20recent%20profile%2C%20General%20Milley%20raised%20the%20possibility%20that%20he%20thought%20if%20Trump%20was%20re%2Delected%2C%20he%20would%20throw%20his%20opponents%20in%20jail." rel="nofollow noopener" target="_blank">l’ancien directeur du renseignement national James Clapper</a>.</p><p>En cas de second mandat, Trump donnerait libre cours à ses instincts combinés d’autoprotection et de vengeance. Il chercherait à rendre la monnaie de sa pièce au corps des hauts gradés qu’il estime coupable de trahison, mais aussi à briser l’armée, une des rares institutions à pouvoir s’opposer à ses tentatives de s’affranchir de la Constitution et de l’Etat de droit.</p>
<h3><strong>Aucun respect pour les militaires</strong></h3>
<p>En public, Trump se présente comme un défenseur inconditionnel de l&#39;armée. Ce n&#39;est qu&#39;une mascarade: il n&#39;a aucun respect pour les militaires et le service. Il adore l&#39;apparat, les défilés, les saluts militaires, et qu’on donne du «chef» à ses supérieurs. Mais comme <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2023/11/general-mark-milley-trump-coup/675375/#:%7E:text=The%20president%20couldn%E2%80%99t%20fathom%20people%20who%20served%20their%20nation%20honorably.%E2%80%9D" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’a déclaré en 2023</a> John Kelly, général de marine en retraite et ancien chef d&#39;état-major de Trump, celui-ci <em>«est incapable de comprendre les gens qui veulent agir honorablement au service de leur nation»</em>. En privé, rapporte-t-il, l’ancien président <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2020/09/trump-americans-who-died-at-war-are-losers-and-suckers/615997/" rel="nofollow noopener" target="_blank">a qualifié les soldats américains morts au combat</a> de <em>«losers»</em> et de <em>«nazes»</em>. Il a aussi déclaré que les soldats blessés offraient un spectacle dégoûtant, à bannir des parades militaires.</p><a href="/articles/donald-trump-pourrait-mettre-l-armee-americaine-a-sa-botte">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/donald-trump-pourrait-mettre-l-armee-americaine-a-sa-botte

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Pour la désertification de régions entières en Italie, il faut dire merci à Nutella

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/5a7e391b-2cdb-4342-ace0-5771ded68aa3/medium" /><p>Chaque année, Ferrero avale davantage de terres italiennes pour ses noisetiers, qui pompent l&#39;eau de la Péninsule. La fortune du patron, exilé fiscal au Luxembourg, augmente au même rythme: il est désormais le 30e homme le plus riche du monde. Sur le terrain, la résistance est encore embryonnaire, mais s&#39;organise après le cri d&#39;alarme poussé par la cinéaste Alice Rohrwacher.</p><p><strong>Résumé de l’épisode précédent.</strong> <em>Michele Ferrero, le patron mythique de Ferrero, a dorloté les cultivateurs de noisettes de sa région, dans le Piémont. Son fils Giovanni, c’est autre chose. Le succès mondial du Nutella demandant toujours plus de surfaces de noisetiers, la firme s’est tournée vers la Turquie, où les relations avec les paysans a tourné à l’aigre. Alors c’est sur l’Italie que Ferrero compte désormais.</em></p><p>En 2018, Ferrero a signé le plan «Noisette Italie» avec plusieurs régions italiennes. Parmi elles, il y avait des paradis touristiques comme la Toscane et l&#39;Ombrie. Des régions où la noisette n&#39;a absolument rien à faire et où, pour la cultiver, l&#39;on utilise encore plus d&#39;engrais chimiques et où l&#39;on puise encore plus d&#39;eau dans le sol. Car lorsque la nature ne s’y prête pas, il faut soutenir la production à l&#39;aide de substances artificielles (pesticides, herbicides, fongicides…) qui sont un crime contre la nature, contre le paysage, contre le climat et la santé des humains. Tout cela est bien connu de Ferrero, mais personne ne s&#39;en préoccupe.</p>
<h3>+ 30% de noisettes en sept ans</h3>
<p>Personne non plus n&#39;était au courant du plan «Noisette Italie», à l&#39;exception des présidents des régions qui y ont apposé leur signature. Le plan prévoit <em>«au moins 22’000 hectares de culture supplémentaires et une augmentation de 30% de la production de noisettes dans toute l&#39;Italie»</em> d’ici 2025. Une fois de plus, l&#39;accent est mis sur notre région du Haut-Latium, dans laquelle 10’000 hectares supplémentaires de cultures de noisettes seront introduits de force.</p><p>Les nouveaux arbustes sont déjà plantés, car ces deux dernières années, dans le sillage de la pandémie de Covid-19, la plantation  de rangées de noisetiers s&#39;est poursuivie imperturbablement. Ils sont déjà là, encore petits, flanqués de kilomètres de tuyaux pour l&#39;irrigation goutte à goutte. Car la première chose à faire est de forer des puits et de construire des installations d&#39;irrigation. Les plants s&#39;alignent non seulement sur les plaines autour de l’autoroute du Soleil, mais aussi le long de la Via Cassia. C’est un terrain inapproprié pour les noisetiers. La région convient au maïs, aux céréales, au tabac ou aux troupeaux de moutons, qui ont façonné le paysage jusqu&#39;à récemment.</p><p><strong><section class=box>Nutella et travail des enfants</strong></p><p>Ferrero ne tolère pas le travail des enfants et veut l&#39;éliminer tout au long de la chaîne d&#39;approvisionnement, écrit le groupe sur son site Internet. Dans son rapport sur le développement durable, il fait référence à des projets dans les régions de production de cacao en Afrique de l&#39;Ouest et aux plantations de noisetiers en Turquie. Selon une enquête du <em>Spiegel</em> datant de décembre 2022, Ferrero ne répond cependant pas à ses propres exigences éthiques en Turquie. Les reporters allemands ont rencontré des enfants et des adolescents kurdes dans des plantations au bord de la mer Noire. Un jeune homme de 19 ans a déclaré récolter des noisettes en été depuis sept ans, pour un salaire journalier de 15 euros. Les ONG estiment qu&#39;environ 10% des 400’000 saisonniers sont mineurs, et beaucoup dorment dans des baraques ou des tentes. Ferrero serait en partie responsable de ces conditions de travail, car le groupe fait systématiquement pression sur les prix de vente, suggère le magazine.</p><p><strong></section></strong></p><p>Aujourd&#39;hui, on longe d&#39;interminables rangées de jeunes noisetiers et on peut déjà dire adieu à la vue sur les Monts Sabins, qui ne seront plus visibles d&#39;ici quelques années. Le tapis de noisetiers s&#39;étendra alors jusqu&#39;au centre de l&#39;Italie, en Toscane et en Ombrie, couvrant la surface autour du lac de Bolsena, où 3000 hectares ont déjà été plantés, ainsi qu’une partie du plateau d&#39;Alfina. Là, 350 hectares ont été revendiqués – pour l&#39;instant. De fait, il a fallu un certain temps pour que cet accaparement des terres se propage de régions en régions, tant l’idée de recouvrir le cœur pittoresque de l&#39;Italie de noisetiers a quelque chose d’incongru. Et pourtant.</p><a href="/articles/pour-la-desertification-de-regions-entieres-en-italie-il-faut-dire-merci-a-nutella">Voir plus</a>

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C'est une bonne situation, néo-paysan? «On est dans la sueur, la matière et les compromis incessants»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/fff8fde7-d38f-4df4-a869-ce120f92ae7f/medium" /><p>Le retour à la terre fait rêver. On voit arriver dans les champs de nouvelles générations de convertis à la paysannerie, fascinés par les métiers de bouche et le travail de la terre, qui découvrent un milieu dont ils ne sont pas issus. Qui sont ces néo-paysans et comment participent-ils à façonner l’agriculture? Entretien.</p><p>Néo-paysan. Derrière ce terme aux contours imprécis, des profils variés mais un constat unique: le secteur agricole jouit d’un regain d’intérêt pour le travail dans les champs auprès des jeunes générations. Les écoles agricoles attirent un nombre croissant de jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole et se sont pris de passion pour les métiers nourriciers. Qui sont ces personnes et surtout, comment s’intègrent-elles dans un secteur réputé, à tort ou à raison, pour son conservatisme? Nous avons posé la question à Mathilde Vandaele, doctorante à l’Institut de géographie et de durabilité de l’UNIL, qui mène une recherche sur les interactions entre néo-paysans et monde agricole en place.</p>
<h5><strong>Qui est le «néo-paysan»? En quoi se distingue-t-il du néo-rural?</strong></h5>
<p><strong>Mathilde Vandaele –</strong> On confond souvent les deux, et c’est dommage. Les néo-paysans vivent de l’agriculture, sans être issus de milieux agricoles. Alors que la néo-ruralité implique une installation en zone rurale, mais sans forcément vivre de l’agriculture. Les néo-paysans sont parfois des néo-ruraux, mais certains ont grandi à la campagne et ont fait une formation agricole dès leurs 16 ans. C’est juste qu’ils ne viennent pas d’une famille agricole, et ne reprennent donc pas la ferme familiale dans laquelle ils ont grandi.</p><p>Par ailleurs, le terme «paysan» tel qu’utilisé par les «néo» renferme une connotation politique, qui se distingue du terme d’après-guerre d’agriculteur. Être paysan, c’est une manière d&#39;habiter un territoire et de voir le monde qui va au-delà de la dimension professionnelle suggérée par le terme «agriculteur».</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Mathilde Vandaele, doctorante à l’UNIL. | Courtoisie" alt="FP_MVandaele-2.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e2754c5b-699c-4021-8b48-6a99cb31441e/large"/>
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        <figcaption>Mathilde Vandaele, doctorante à l’UNIL. | Courtoisie</figcaption>
      </figure>
</p>
<h5><strong>Quel est le profil type du néo-paysan ou de la néo-paysanne?</strong></h5>
<p>Je vais juste commencer par dire une chose. C’est super qu’on s&#39;intéresse aux néo-paysans… mais ça me pose toujours une forme de question, parce que finalement, il y a envers ces personnes beaucoup d&#39;attention de la part des médias, surtout de gauche et avec des connotations environnementales. De ce fait, il y a une tendance à très vite plonger dans la description des trajectoires de vie de ces personnes – passionnantes en soi – et tomber dans une forme de romantisation qui n’est pas facile à vivre pour les «néo».</p>
<h5><strong>Comment cela?</strong></h5>
<p>Déjà, certains se disent qu’ils entendent des discours du type «c&#39;est incroyable ce que vous faites, vous avez tout compris», alors qu’ils font face à des difficultés économiques et politiques à mon avis importantes. De plus, les traiter avant tout comme des néo-paysans les enferme dans cette position. C’est une forme d’assignation, dont certains se défendent d’ailleurs. En fait, il y a vraiment une idéalisation, un imaginaire, sur les néo-paysans, même au sein du monde académique. C’est par là que je suis moi-même arrivée sur ce sujet de recherche! Pour beaucoup, les néo-paysans, ce sont uniquement des gens qui font de l&#39;agroécologie et de la permaculture dans des micro-fermes.</p><a href="/articles/c-est-une-bonne-situation-neo-paysan-on-est-dans-la-sueur-la-matiere-et-les-compromis-incessants">Voir plus</a>

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Israël prépare son offensive à Rafah sous une pluie d’avertissements

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c960aea0-88fd-4498-9a6f-bdf6810cf3d0/medium" /><p>Prévue comme la dernière phase de l&#39;opération israélienne à Gaza, l&#39;offensive de Rafah menace 1,3 million de réfugiés coincés entre la frontière égyptienne et l&#39;avancée prochaine des chars israéliens. Les inquiétudes internationales montent face au risque d&#39;une catastrophe humanitaire.</p><p>Samedi 10 février, des <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/08/world/middleeast/gaza-rafa-israel-hamas.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">bombardements israéliens</a> à Rafah - ville à l’extrême-sud de la bande de Gaza - ont annoncé l’imminence d’une offensive d’ampleur. Probablement la dernière phase de l’opération «Epées de fer» de Tsahal, l’armée israélienne, visant à débarrasser l’enclave palestinienne du Hamas.</p><p>«La victoire est à portée de main. Nous allons le faire. Nous allons prendre les derniers bataillons terroristes du Hamas et Rafah, qui est [leur] dernier bastion», a déclaré le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sur la chaîne américaine <a href="https://abcnews.go.com/International/netanyahu-this-week-interview/story?id=107130717" rel="nofollow noopener" target="_blank">ABC News</a>.</p><a href="/articles/israel-prepare-son-offensive-a-rafah-sous-une-pluie-d-avertissements">Voir plus</a>

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Twitter je t’aime, mais X je te quitte

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d6c521be-5556-41d1-9fc1-30a24c832055/medium" /><p>J&#39;ai abandonné Twitter sur un coup de tête. Mais depuis je me suis aperçu qu&#39;il y avait de très bonnes raisons de le faire. L&#39;info y meurt. </p><p>Un peu avant Noel, j’ai fermé mon compte Twitter. Vous allez me dire, et alors? J’ai bien conscience que c’est une goutte d’eau dans l’océan et que cette réaction consécutive à une énième provocation d’Elon Musk, propriétaire depuis un peu plus d’un an de Twitter rebaptisé X, n’a pas vocation à faire école.</p><p>Cependant, comme j’étais sur Twitter depuis dix ans, le sevrage m’a fait non seulement prendre conscience de mon addiction mais m’a aussi amené à enquêter et à réfléchir sur l’évolution de notre manière de nous informer via les outils numériques.</p>Le constat, c’est que les réseaux sociaux, après avoir développé des algorithmes assurant la visibilité des médias sur leurs plateformes, n’en veulent plus. Mais aussi qu’on est loin d’en avoir fini avec les défis de la numérisation de l’information. Je vous livre le raisonnement ici.

### **Troll sous stéroïdes**

Le déclencheur de mon départ, c’est un commentaire d’approbation d’Elon Musk (*«vous dites la vérité»*) sous un post aussi violemment antisémite que complotiste, puisqu’il affirmait que les Juifs sont à l’origine du racisme anti-blanc… S'est ensuivi un ridicule voyage d’excuses à Auschwitz, enfant sur les épaules. Après quoi, le patron de X a cru bon de republier l’interview de Vladimir Poutine réalisée à Moscou par Carlson Tucker, ex-star de Fox News et chantre du bronzage de testicules…

De ses annonces de combat avec Mark Zuckerberg (on n’a jamais vu la couleur de l’octogone) à ses atermoiements sur la certification des comptes (gratuite, puis payante, puis gratuite pour les stars), en passant par le rétablissement de comptes de complotistes patentés comme Alex Jones, le combat pour la liberté d’expression d’Elon Musk m’est de plus en plus apparu pour ce qu’il est: l’hypocrisie d’un troll fortuné sous stéroïdes.

Mais là n’est pas l’important. En quittant ce réseau, je me suis aussi rendu compte qu’Elon Musk n’a seulement pas tué Twitter en changeant son nom sur un coup de tête. Il a surtout tué son esprit, en faussant les algorithmes jusqu’à rendre la plateforme méconnaissable.

### **Pourquoi Trump ne tweete plus**

Ces derniers mois, X m’a donné à voir de plus en plus de contenus poubelles, ou a minima indésirables. L’algorithme de recommandation n’a eu de cesse de me ramener des contenus personnalisés (marqués *«pour vous»*), alors même que je le règle pour suivre le contenu de comptes sélectionnés. L’enterrement au fond du menu de la fonction signet – celle qu’on utilise pour marquer un post intéressant et le lire plus tard — a été une frustration supplémentaire.

Ces changements d’algorithme disent une évolution plus générale de X et des autres grands réseaux sociaux. J’en ai parlé avec le blogueur spécialisé [Hubert Guillaud](https://hubertguillaud.wordpress.com/about/) en France et avec le professeur Tommaso Venturini, spécialiste en humanités numériques, qui suit ce sujet au Medialab de l’Université de Genève.

De 2010 à 2020 environ, les réseaux sociaux étaient dominés par l’information. Les journalistes, mais aussi beaucoup d’utilisateurs profanes, sélectionnaient et diffusaient des articles de presse pour faire émerger sur ces plateformes, Twitter en particulier, des thèmes de discussion dans l’espace public. La viralité organisait l’agenda des débats publics.

C’était la grande époque où le moindre tweet de Trump était commenté à l’infini. Curieusement chassé puis réinstallé par Musk, Trump ne tweete plus (un seul post en tout et pour tout depuis l’été). Certes, il a créé sa propre plateforme (Truth Social),  mais cette absence souligne aussi en creux qu’il ne considère plus que c’est sur X que ça se passe.

### **Le tournant des années 2020**

Il faut dire qu’après le Brexit et l’élection de 2016, les réseaux sociaux ont embauché des armées de modérateurs et de vérificateurs afin de tenter de reprendre la main sur des débats en ligne de plus en plus polarisés, haineux et noyés de fake news. Ce mouvement a culminé avec l’assaut sur le Capitole du 6 janvier 2021, suivie de la fermeture des comptes de Trump sur Twitter et Facebook.

On est cependant sorti de cette période de tentatives d’encadrer le débat public en ligne. Le scandale Cambridge Analytica, les humiliations des sénateurs américains qui leur donnent des airs de mauvais garçons, quelques amendes salées, de nouvelles règlementations (comme le DSA dans l’Union européenne), ont fait prendre conscience aux patrons de la tech que l’information est un risque économique.

Plutôt que d’essayer de vérifier ou de modérer cette information, ce qui est difficile et ruineux, il s’avère infiniment plus simple et sans doute plus profitable de s’en débarrasser, au profit de contenus de divertissement ou publicitaires. D’où une modération qui se limite désormais aux contenus clairement criminels, comme la pédopornographie, et une modification des algorithmes de recommandation.

Dans son livre *La Guerre de l’information* (éd. Tallandier, 2023), l’historien David Colon ne dit pas autre chose. Après avoir instauré un ciblage publicitaire de masse, puis donné les moyens d’utiliser leurs plateformes pour influencer l’opinion, les maîtres des réseaux sociaux ont senti le vent tourner. Ils ont revu leurs algorithmes pour privilégier les contenus qui rapportent plus d’argent que de tourment.

### **L’info ne fait plus recette**

Hubert Guillaud l’illustre ainsi: *«L’algorithme de Facebook a été modifié pour ne plus pousser les contenus comportant un lien vers un contenu extérieur, raison pour laquelle certains internautes mettent ce lien dans les commentaires afin de ne pas être interceptés par le logiciel.»*

Tommaso Venturini observe que *«confrontée à une crise financière (depuis le rachat pour 44 milliards de dollars par Musk, l’entreprise aurait perdu [71% de sa valeur](https://www.theguardian.com/technology/2024/jan/02/x-twitter-stock-falls-elon-musk), ndlr.), X cherche désespérément des revenus. Cela passe d’abord par la certification payante, les badges bleus, et un algorithme qui favorise ces contenus sponsorisés plutôt que ceux qui intéressent le plus de gens.»*

S’ajoute à cela que depuis la pandémie, l’audience intéressée par l’information sur les réseaux sociaux s’effondre, comme le relèvent *[The Atlantic](https://www.theatlantic.com/technology/archive/2023/11/social-media-news-readership-decline/675890/)* et le *[New York Times](https://www.nytimes.com/2023/10/19/technology/news-social-media-traffic.html)* en s’appuyant sur diverses études.

Il n’est pas facile de distinguer la poule et l’œuf dans ce phénomène – les médias ont leur part de responsabilité — mais les effets sont indubitables. Dans son [derner rapport](https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/journalism-media-and-technology-trends-and-predictions-2024), l’Institut Reuters observe que le trafic de Facebook vers les sites d'information a chuté de 48% en 2023, tandis que celui de X a baissé de 27%.

### Pas de relève sérieuse

Après avoir quitté X, j’ai testé plusieurs autres réseaux ayant vocation à se substituer à la célèbre plateforme de microblogging. Pour l’heure, il semble que la portion congrue réservée à l’info ne semble pas près de changer.

Threads ne veut explicitement pas pousser les news et prioritise les contenus bisounours comme son concepteur Instagram. Bluesky est encore trop petit pour qu’on puisse se faire une opinion, mais il y manque des fonctions indispensables pour s’informer (comme la fonction signet). Reddit et Mastodon sont plus crédibles, mais leur structure décentralisée exclut qu’ils puissent servir d’agora mondiale, comme le fut Twitter pour un temps. Quant à Tik Tok, son algorithme est une machine efficace pour détecter et diffuser des tendances culturelles ou sociales, mais pas des news.

L’information sur le web n’a bien sûr pas dit son dernier mot. Si les premiers sites de news conçus par des intelligences artificielles ne convainquent pas, tout le monde anticipe un bouleversement du paysage sous l’influence des IA génératives. Il y a du pain sur la planche, car ces mêmes IA offrent déjà des moyens d’influence de l’opinion d’une puissance inédite. Il y a deux semaines dans le New Hampshire, où se tenaient les primaires républicaines, des [chatbots téléphoniques](https://www.theregister.com/2024/01/23/robocaller_biden_new_hampshire/) imitant la voix de Joe Biden ont appelé des citoyens américains pour les inciter à ne pas se rendre aux urnes..

Le chapitre sulfureux du mariage des médias sociaux et des news s’achève à peine qu’un nouveau défi s’ouvre déjà pour l’information.

https://www.heidi.news/articles/twitter-je-t-aime-mais-x-je-te-quitte

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Le «miracle» Ferrero, ce n'est que pour le Piémont

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/6db80902-d121-4b44-92a9-f454c66c6357/medium" /><p>Il y a deux régions en Italie où le fabricant du Nutella pousse la culture des noisettes dont il a tant besoin: les collines des Langhe, dans le Piémont, région d&#39;origine de Ferrero, où les champs, les cultivateurs et les ouvriers sont choyés. Et le Latium, où il faut cultiver en quantité, quitte à noyer la région de pesticides. Ferrero a bien essayé la Turquie, premier producteur mondial, où la firme italienne a gagné une situation de monopole, mais les cultivateurs y sont furieux.</p><p><strong>Résumé de l’épisode précédent.</strong> <em>Pendant la guerre, privé de cacao, le chocolatier Pietro Ferrero a une idée de génie: remplacer la fève par des noisettes, qui jusque-là nourrissaient les cochons. Son fils Michele invente le nom, Nutella, et fait de cette bombe calorique le symbole de l’Italie triomphante de l’après-guerre.</em></p><p>Il y a des histoires que tout le monde ici vous raconte avec les yeux qui brillent. Saviez-vous que dans les pauvres années cinquante, Michele Ferrero avait mis en place un système de transport pour les ouvriers? Des bus Ferrero ressemblant à des modèles réduits de Dinky Toys allaient chercher les gens dans les montagnes le matin, les conduisaient à l&#39;usine d&#39;Alba et les ramenaient huit heures plus tard, quel que soit l&#39;endroit où ils habitaient. A la tombée de la nuit, tout le monde était rentré chez soi.</p><p>Saviez-vous que Michele Ferrero a ainsi enrayé l&#39;exode des habitants de l&#39;Alta Langa, dans le Piémont? Les familles envoyaient généralement un de leurs membres, leur fils ou leur fille préférée, à l&#39;usine d&#39;Alba, afin que les autres puissent continuer à travailler dans les champs. <em>«Michele Ferrero allait personnellement voir où le bus pouvait faire demi-tour sur les routes de montagne, qui n&#39;étaient souvent même pas asphaltées»</em>, raconte un intermédiaire de la noisette de Cortemilia. Sur la place du village, une noisette monumentale rappelle cette histoire.</p>
<h3>Un luxe inouï</h3>
<p>Les gens n&#39;avaient pas besoin de s’exiler en ville avec leur famille, où ils auraient dû vivre comme de pauvres paysans déracinés dans un taudis de location. Ils pouvaient rester là où ils étaient, continuer à mener leur vie habituelle, et s&#39;ils voulaient cultiver des noisettes, ils avaient un acheteur sûr avec Ferrero, qui leur faisait un bon prix et prenait toute la récolte. A Noël, un colis arrivait de l&#39;usine, avec des choses que l&#39;on ne voyait pas ailleurs dans la région: de l&#39;huile d&#39;olive vierge véritable, du café, des pâtes, du riz, un pot de Nutella bien sûr et un morceau de vrai parmesan. Un luxe inouï à l&#39;époque. De gros et lourds paquets de Noël que les familles attendaient avec impatience tout au long de l&#39;année.</p><p>Et Michele Ferrero a fait bien plus encore pour les gens. Des colonies de vacances bien encadrées pour les enfants de paysans dans les plus beaux endroits du Piémont. Des projets sociaux pour les retraités – là aussi, du jamais vu. Ferrero payait bien et offrait aux collaborateurs prometteurs des possibilités d&#39;avancement, formation et perfectionnement compris. Il y avait des prix pour les chauffeurs de bus fidèles – Michele Ferrero leur remettait toujours personnellement la médaille et le chèque –, chacun lui avait serré la main au moins une fois et au cours de sa vie, il s’est rendu chez tout le monde.</p>
<h3>Des bottes et des pelles</h3>
<p>Mais c&#39;est lors des inondations catastrophiques que la légende Ferrero a culminé. Les 5 et 6 novembre 1994, les villes de la plaine du Piémont ont été submergées, Alba a été entièrement recouverte de boue, usines Ferrero comprises. Six semaines avant Noël, les lignes de production de Nutella, Ferrero Rocher, Mon Chéri et des œufs surprise étaient désespérément perdues, 4000 emplois étaient menacés. Or le 7 novembre, l&#39;ensemble du personnel et les proches se sont retrouvés devant les portes de l&#39;usine, chaussés de bottes en caoutchouc et armés de pelles, beaucoup ayant quitté leurs propres propriétés inondées. Au bout de deux semaines, les dégâts les plus importants avaient été réparés et la reconstruction a pu commencer. <em>«Et je vous promets que nous allons rouvrir des usines plus grandes, plus efficaces et avec plus d&#39;emplois»</em>, a annoncé Michele Ferrero.</p><p>Il a tenu parole. On appelle ça le «miracle Ferrero». Il existe une photo émouvante à ce sujet: on y voit le fils aîné de Michele, Pietro, debout avec un micro à l&#39;arrière d&#39;un camion sur le site de l&#39;usine, s&#39;adressant à une foule immense. Les hommes et les femmes ont fait du bon travail. Un témoignage inhabituel de l&#39;amour de l&#39;usine, de l&#39;employeur, du travail. Et Michele Ferrero avait bien mérité cet amour avec ce qu&#39;il avait fait pendant près de 40 ans pour la région et ses habitants. Il s&#39;en était bien sorti, et on le lui rendait bien.</p>
<h3>Une mise en scène</h3>
<a href="/articles/le-miracle-ferrero-ce-n-est-que-pour-le-piemont">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/le-miracle-ferrero-ce-n-est-que-pour-le-piemont

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A quoi ressemble l'histoire de l'Amérique vue par Trump?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/6d54f846-71d2-405e-a12c-edf4c562e86c/medium" /><p>«Nous devons débarrasser nos écoles et nos salles de classe de leurs tissus de mensonges tordus, et enseigner à nos enfants la superbe vérité sur notre pays.» Ainsi s&#39;exprime Donald Trump, sur la question épineuse du récit national américain. Dans un pays où la guerre de Sécession est devenu un enjeu mémoriel majeur, le candidat à la présidentielle entend bien promouvoir SON histoire d&#39;une Amérique blanche comme neige, où l&#39;esclavage et la ségrégation raciale ne sont pas des sujets.</p><p>L’automne dernier, dans une petite fonderie du sud des Etats-Unis, la tête du général Robert E. Lee, chef des armées confédérées durant la guerre de Sécession, a été enfournée à plus de mille degrés. A mesure que la température montait, son visage s’est paré d’une lueur rougeoyante tandis que les craquelures sur ses joues de bronze se sont muées en de sombres cascades de larmes. Il appartenait à une statue de Robert Lee qui trônait à Charlottesville (Virginie) jusqu’en 2021.</p><p>Quatre ans plus tôt, la perspective de son retrait avait généré un tourbillon de manifestations et de contre-manifestations, dont la désormais fameuse marche d’extrême-droite <a href="https://www.theatlantic.com/national/archive/2017/08/the-hoods-are-off/536694/" rel="nofollow noopener" target="_blank">«Unite the Right» </a>. La municipalité a fini par déboulonner la statue pour la confier à un musée local consacré à l’histoire des Noirs américains. Le projet, baptisé «De l&#39;épée à la charrue», prévoyait <a href="https://apnews.com/article/lee-statue-charlottesville-melt-aac4792236a680465776c0f2788343cd" rel="nofollow noopener" target="_blank">de réutiliser le bronze</a> pour fabriquer un nouveau monument, qui soit «<em>plus en phase avec les valeurs</em> <em>d’inclusivité et de justice raciale»</em> de la ville.</p>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="La fameuse statue de Robert E. Lee a été cachée par une bâche, avant d&#39;être déboulonnée et refondue. Charlottesville (Virginie), le 23 août 2017. | Keystone / AP Photo / Steve Helber" alt="robert lee.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/61a407da-2f1f-4b1b-8df0-f97b66c71adc/large"/>
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        <figcaption>La fameuse statue de Robert E. Lee a été cachée par une bâche, avant d&#39;être déboulonnée et refondue. Charlottesville (Virginie), le 23 août 2017. | Keystone / AP Photo / Steve Helber</figcaption>
      </figure>
</h4>
<p>En regardant le visage de Lee couler comme un mini-soleil dans l’espace sombre de l’atelier, j’ai pensé au commentaire de Donald Trump lorsque la statue a été démontée. <em>«Beaucoup de généraux considère Robert Lee comme le plus grand stratège de tous»</em>, <a href="https://www.politico.com/news/2021/09/08/trump-lee-statue-removal-510732" rel="nofollow noopener" target="_blank">a déclaré</a> l’ancien président, qui n’en était pas à sa première louange au général confédéré. Le message implicite vis-à-vis de sa base était clair: <em>ils sont venus pour Lee, la prochaine fois ce sera pour vous.</em> On comprend pourquoi la refonte s’est faite en catimini, dans un endroit tenu secret: les ouvriers craignaient pour leur sécurité.</p>
<h3>Le mythe de la Cause perdue</h3>
<p>L’affirmation selon laquelle le général Lee était un brillant stratège relève un peu du mythe de la Cause perdue, lui aussi largement déboulonné par les historiens. <em>(C’est-à-dire l’idée que les Etats sudistes luttaient pour leur autonomie et leur liberté, et pas pour maintenir l’esclavage, ndlr.)</em> Il convient toutefois de s’interroger sur les raisons qui ont conduit Trump à faire l’éloge d’un homme engagé dans une guerre destinée à maintenir et à étendre le système esclavagiste.</p><p>Robert Lee lui-même était un propriétaire d’esclaves, qui torturait ceux qu’il plaçait en servitude. Un homme rapporte ainsi <em>(Wesley Norris, dans le New York Tribune en 1859, ndlr.)</em> <em>que celui-ci «ne se contenta pas d’avoir lacéré notre chair à vif, mais [qu’il] ordonna au surveillant de répandre de la saumure sur nos dos».</em> Le général sudiste a aussi déclaré que l’esclavage profitait aux Afro-Américains, le jugeant <em>«nécessaire à leur instruction en tant que race»</em>.</p>
<h3>Restaurer une grandeur fictive</h3>
<p>Donald Trump n’est pas un étudiant en histoire, encore moins militaire. Mais il sait très bien quel signal il envoie à ses partisans en soutenant Lee, considéré par bon nombre d’entre eux comme un champion de la chrétienté sudiste, masculine et blanche. La nostalgie d’un passé où les hommes blancs chrétiens accaparaient le pouvoir politique a toujours été au cœur de l’attraction exercée par l’ancien président. Son slogan le plus emblématique, <em>«Make America great again»</em>, est la promesse sans ambiguïté de rétablir cet ordre des choses.</p><a href="/articles/a-quoi-ressemble-l-histoire-de-l-amerique-vue-par-trump">Voir plus</a>

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Homme-chat, moufette sexy ou renard transgenre: bienvenue chez les furries

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/728a9bc3-51c9-484e-81f8-5a2bf87d190e/medium" /><p>Pour mon enquête sur les animalistes, je ne pensais pas rencontrer des gens qui SONT des animaux. C’est pourtant le cas des furries, qui aiment se glisser dans la peau de leur animal fétiche – femme-louve, homme-chat, transgenre-renard ou moufette sexy. La communauté est en plein essor, portée par le web social. Plongée dans un monde où la fantasmagorie se pare de poils.</p><p>Il fait gris, en<a href="https://www.youtube.com/watch?v=PMwYZze-gwY" rel="nofollow noopener" target="_blank"> ce samedi printanier à Berne</a>, mais l’ambiance est pour le moins… carnavalesque. Aimtec, une créature alien touffue, fait des mouvements robotisés de la mâchoire, tandis que s’agitent Niji, licorne aux yeux globuleux, Mr. Flausch, un renard qui louche ou encore Pigeon, un putois <em>girly</em>. Ce sont des <em>furries</em>, ces personnes qui aiment les animaux au point de vouloir s’incarner en eux. A poil, au sens propre.</p><p>Depuis deux ans, la communauté des <em>furries</em> suisses organise des balades interactives dans la ville des ours, qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Les participants s’attroupent d’abord au Bärenhöhle <em>(la grotte des ours, ndlr)</em>, le stamm des <em>furries</em> du coin, avant un départ en Vieille Ville. Objectif: faire évoluer leurs <em>fursonas</em>, leurs avatars animaux, dans le vrai monde. Et battre le pavé comme si de rien n’était, au milieu des humains plus ou moins médusés, comme en cette après-midi du 30 avril 2023.</p>
<iframe width="560" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/PMwYZze-gwY?si=bvKa_IgYKljp9e9H" title="YouTube video player" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen></iframe>
<p>Les <em>furries</em> accostent les bambins pour leur serrer la main et divertissent les passants avec d’étranges petites danses. Certains badauds posent pour des photos groupées ou rient. D’autres tentent de dévier l’attention de leurs bambins interloqués, exprimant un certain malaise face à ces poilus muets. La plupart des costumes sont bon enfant, façon mascotte de hockey bariolée, avec une touche de sophistication en plus: certains ont des systèmes d’aération ou des yeux en verre. Seule constante: pas un centimètre carré de peau humaine n’est visible.</p>
<h3><strong>Un stigmate qui colle aux poils</strong></h3>
<p>À première vue, il peut y avoir quelque chose de ridicule – voire d’inquiétant – chez ces animaux anthropomorphes. Et communiquer en langage humain avec les <em>furries</em> n’est pas une mince affaire. Après avoir écumé les <em>group chats</em> louches et discuté des heures durant avec une femme-louve, un homme-chat ou un transgenre-renard, je me demande comment rendre le sujet sérieux. Qui se cache derrière les masques? Comment interpréter certaines déclarations loufoques de mes interlocuteurs, à l’instar de cette moufette qui me confie ses fantasmes sexuels? Heureusement, les malaises de cet ordre restent anecdotiques.</p><p>«<em>Le commun des mortels nous perçoit comme des êtres étranges,</em> reconnaît Jayrab, un homme-chat lucernois, dans un échange sur Telegram. <em>L’amalgame fétichiste nous colle à la peau, alors qu’il y a un tas de raisons non sexuelles pour se déguiser en furry. Pour moi, être furry c’est simplement choisir mon animal préféré et en faire un personnage qui me correspond. Pour d’autres, il peut y avoir une connexion plus profonde avec l’animal.»</em></p><p>Comme la plupart de ses congénères, le Lucernois a rejoint le mouvement par le biais des plateformes de réalité virtuelle (VR Chat ou… Furality), des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Tik Tok…) ou encore des groupes de discussion sur Telegram. Sans oublier <a href="https://furryfandom.ch/" rel="nofollow noopener" target="_blank">furryfandom.ch</a>, le portail suisse des <em>furries</em>. Ces plateformes, où l’on parle presque exclusivement anglais ou allemand, sont minées par la présence de faux profils, qu’on imagine motivés par la volonté de troller ou l’aura étrangement érotique de la communauté.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Furries dans la rue à l&#39;Eurofurence 19, qui s&#39;est tenue en août 2013 à Magdebourg. | Flickr / Torsten Maue" alt="Torsten Maue_Furry Parade @ Eurofurence 19.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2421d30b-3ad1-4659-ac8a-2307e6a361e1/large"/>
        </picture>
        <figcaption>Furries dans la rue à l&#39;Eurofurence 19, qui s&#39;est tenue en août 2013 à Magdebourg. | Flickr / Torsten Maue</figcaption>
      </figure>
</p>
<h3><strong>Un loup-garou comme les autres</strong></h3>
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Petite histoire du Nutella, bombe calorique et supercherie italienne

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c896d078-27e2-46f4-b558-597fdd82cae9/medium" /><p>Il est interdit de critiquer les noisettes là où leur culture fait des ravages. Il est aussi interdit de critiquer le Nutella, symbole de la prospérité italienne d&#39;après-guerre, qui a sauvé de la pauvreté une grande partie du Piémont. Ses inventeurs, Pietro et Michele Ferrero, sont vénéré comme des dieux dans le Piémont.</p><p><strong>Résumé de <a href="https://www.heidi.news/explorations/nutella/comment-nutella-a-grignote-mon-village" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’épisode précédent</a></strong>: <em>Pendant des décennies, les paysans du nord de Rome ont arrosé sans scrupules leurs noisetiers de pesticides pour empêcher les punaises de gâter les récoltes, afin de satisfaire les critères de Ferrero. Le village de l’autrice de cette enquête est particulièrement touché. Tant pis si les touristes sortaient couverts de pustules du lac de Vico, on disait que c’était à cause des larves tombées des arbres.</em></p><p><em>«Riserva naturale Lago di Vico.»</em> Voilà ce qui est encore écrit de manière rassurante sur les panneaux au bord du lac. Une réserve naturelle. Ici, il ne peut rien nous arriver, pensions-nous, et nous nous sommes laissés flotter avec délice pendant des années au milieu de la verdure. Les bateaux à moteur étaient interdits sur le lac, les rives étaient inconstructibles et il n&#39;y avait pas d&#39;arrivée d&#39;eaux usées des villages voisins, le lac était trop haut pour cela. Une eau de baignade paradisiaque, à seulement dix kilomètres du village, avec de petites plages à l&#39;ombre de grands arbres, sous lesquels on pouvait se réfugier pour échapper au soleil brûlant.</p><p>Le maire n&#39;a pas répondu à nos questions. Personne ici n&#39;aime répondre à ce genre de questions. Je n&#39;oublierai jamais l&#39;éclair de colère dans les yeux de l&#39;épicier récemment retraité, que je connaissais depuis des décennies, un homme qui avait toujours été un modèle de pondération derrière son comptoir. Aucun client grincheux ne l&#39;avait jamais fait sortir de ses gonds et, pendant de nombreuses années, on avait fait appel à ses conseils avisés dans d&#39;innombrables petits conflits villageois.</p><p>Mais lorsque j&#39;ai commencé à parler des quantités énormes de poison dans lesquelles nous suffoquions lentement mais sûrement ici, j&#39;ai soudain eu un autre homme en face de moi.</p>
<h3>La colère de l’épicier</h3>
<p><em>«Pour moi, les gens qui parlent ainsi sont des criminels,</em> dit-il de sa voix traînante, avec un petit sourire pâle. <em>Tout va bien ici. Il y a eu la bombe atomique sur Hiroshima, il y a eu Tchernobyl, nous avons recouvert nos toits de plaques d&#39;amiante pendant des années, tout le Trentin n&#39;est qu&#39;un dépotoir toxique à cause de la culture intensive de fruits. Et maintenant, ce seraient tout à coup nos magnifiques noisettes qui poseraient problème? Nos noisettes qui poussent ici depuis toujours et qui, après des années de labeur, rapportent enfin un peu, grâce aux contrats avec la Ferrero? Va-t&#39;en!»</em></p><p>Je l&#39;ai suivi des yeux, la bouche ouverte, et depuis, nous ne nous saluons plus. Je savais qu&#39;il cultivait aussi des noisettes, mais j&#39;avais cru que c&#39;était un hobby.</p><p>À 600 kilomètres au nord d’ici, dans les contreforts des Alpes italiennes, se trouve un village semblable au nôtre: Dogliani. Il est lui aussi situé à environ 300 mètres d&#39;altitude, il ne compte que quelques milliers d&#39;habitants. Et là aussi, on connaît la noisette depuis très longtemps, car dans les douces collines des Langhe, dans le Piémont, qui font partie d&#39;un paysage classé au patrimoine mondial de l&#39;Unesco, les conditions sont idéales pour la culture du raisin et des noisettes.</p>
<h3>Le paradis du chocolat</h3>
<p>Il y a autre chose qui fait de Dogliani un village spécial: c’est là que Pietro Ferrero est né, en 1898. Le fondateur de l&#39;actuelle troisième plus grande multinationale de confiserie au monde était un fils de paysan doté d&#39;un talent particulier: il faisait des merveilles avec du chocolat. Il a commencé à le faire dans le bar-café-pâtisserie qu&#39;il a ouvert en 1923 à Dogliani. L’enseigne existe encore aujourd&#39;hui, mais semble un peu perdue sous les arcades de la rue principale, qui devait être autrefois très animée. Les chaises en aluminium devant le bâtiment sont occupées par des hommes avec des canettes de bière à la main, mais à l&#39;intérieur, les boiseries, le parquet et le comptoir en marbre montrent bien que ce lieu a dû être un paradis du chocolat.</p>
<h4>770 millions de pots de Nutella dévorés par an</h4>
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Entre les pierres et les fusils: le CICR au défi de l’occupation israélienne

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/876fed4d-df63-4547-881a-87eab065c277/medium" /><p>A la fin des années 1980, la Cisjordanie et Gaza sont sur le point de s&#39;embraser sous le joug israélien. Dans ce contexte, le CICR est déchiré entre deux visages d&#39;Israël:  la vitrine de la modernité et de la démocratie au Proche-Orient, et la puissance qui fait régner sa loi dans des territoires illégalement occupés. C&#39;est l&#39;heure de la schizophrénie, à l&#39;aube de la première Intifada puis des accords d&#39;Oslo, chimères d&#39;une paix impossible.</p><p><em>La normalisation des relations entre Israël et l’Egypte initiée par Sadate après la Guerre du Kippour de 1973 apporte une détente indéniable dans la région. Dans les années 1980 s’ouvre une période où Israël craint moins la menace extérieure que celle qui gronde en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. La colère populaire débouche en 1987 sur la première Intifada, la «guerre des pierres», qui voit la jeunesse palestinienne s’insurger contre les soldats d’Israël. Le CICR se retrouve au cœur de cette poudrière. Les négociations en vue d’une solution à deux États déboucheront en 1993 avec l’accord d’Oslo, offrant l’espoir d’une paix durable – lequel sera vite douché.</em> </p>
<h3><strong>Fin des années 1980 – L’occupation coûte que coûte</strong></h3>

<h4>Michel Ducraux: «Qu’est-ce qu’on nous a promenés!»</h4>
<p>«On m&#39;a proposé d&#39;aller en Israël TO [Territoires Occupés] comme juriste, et j&#39;ai d&#39;abord passé quatre mois à la division juridique à Genève pour me familiariser avec le sujet. Le chef de la division juridique m’a demandé de faire une étude systématique, circonstanciée, de l&#39;histoire des relations du CICR et de l&#39;autorité israélienne, relativement à l&#39;applicabilité de la quatrième convention <em>(de Genève, relative à la protection des civils en temps de guerre, ndlr.)</em>. Lors de l&#39;invasion de la Cisjordanie et de Gaza, dans les tout premiers mois de 1967, cette convention avait tout simplement été incorporée aux ordres militaires en vigueur.</p><p>Et puis vers l&#39;automne 1967, un fin juriste s&#39;est rendu compte que c&#39;était bien plus problématique que ça en avait l&#39;air du côté israélien. Donc, alors que les Israéliens étaient partis avec l&#39;idée de faire appliquer cette convention dans sa totalité, ils sont revenus sur cette position. Ils se sont rendu compte que si on admettait le concept d&#39;occupation, on admettait du même coup que ça avait appartenu à quelqu&#39;un d&#39;autre. Or, cette terre, il n’y avait pas si longtemps que ça, avait été soumise à la loi ottomane pendant 500 ans. Et qu&#39;est-ce que c&#39;était que la Palestine d’il y a 500 ans? Le statut assez discutable, la loi ottomane avait tantôt préservé quelques coutumes locales, tantôt introduit ses propres règles, ce n&#39;était pas très facile à distinguer…</p><p>Par conséquent, il y avait là un flou assez intéressant pour qui envisageait éventuellement de mettre la main sur tout ou partie de ces territoires. Donc à partir de là, l&#39;autorité a mis en question l&#39;applicabilité de la quatrième convention, et a adopté cette position bien connue: «<em>Nous appliquerons les dispositions humanitaires de la quatrième convention, mais nous les appliquerons de facto et non pas de jure, tout simplement en vertu d&#39;une décision souveraine prise par souci humanitaire</em> ». Et lorsqu&#39;on demandait quelles étaient les dispositions humanitaires de la quatrième convention, on n’obtenait pas de réponse, bien entendu!</p>
<h4>«J’ai appris qu’il y avait une extrême-droite israélienne»</h4>
<p>Quels que soient les différents partis qui se sont succédé au pouvoir, la position d’Israël est restée invariablement la même, mais alors qu’est-ce qu’on nous a promenés... Le CICR a produit des kilos de papier, j&#39;ai trouvé des rapports magnifiques, des analyses juridiques splendides… J’ai tout de suite compris qu&#39;il n’y avait pas de rôle pour un juriste là-bas, bien que le CICR se soit appliqué à avoir un juriste en permanence dans cette délégation, parce que le problème était politique. On pouvait s&#39;époumoner, on pouvait s&#39;épuiser à continuer à jouer aux fins juristes, ça faisait rigoler le chef du département juridique de l&#39;armée, qui était notre interlocuteur. Ils étaient maîtres dans l&#39;art de nous trouver de nouveaux problèmes juridiques <em>(rires)</em>, et puis on pédalait là-dedans, on aurait pu, on pouvait le faire à l&#39;infini. Donc je n&#39;ai pas été un juriste très productif pendant cette période-là.</p><p>(...) Juste en passant, j&#39;ai découvert quelque chose qui m&#39;a un peu étonné parce que je ne m’attendais pas que ça se manifeste de cette façon-là. J&#39;ai découvert qu’une partie de la jeunesse israélienne était raciste. Je sentais que la justice et le président de ce tribunal <em>(un des tribunaux militaires israéliens dans les territoires, ndlr.)</em> en particulier, et un certain nombre d&#39;autres intervenants, étaient préoccupés par ce problème. Et nombreuses ont été les réactions extrêmement violentes de ce président face à des déclarations des accusés. <em>«Pourquoi l&#39;avez-vous laissé? – Ouais, mais enfin bon, c&#39;était un Palestinien!»</em> Des choses extrêmement vives et fortes. Bon, j&#39;ai appris quelque chose là, qui était utile. J&#39;ai appris à nuancer, à ne pas mettre tout le monde dans le même bain, mais aussi qu&#39;il y avait une extrême-droite. Que dans la population [israélienne], une hostilité, une radicalisation s&#39;était opérée.</p><a href="/articles/entre-les-pierres-et-les-fusils-le-cicr-au-defi-de-l-occupation-israelienne">Voir plus</a>

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La campagne du 3 mars pour une 13e rente AVS prend un tour explosif

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/bcb8bc1f-1d52-41d4-a4f3-a071e7ca6f05/medium" /><p>La Suisse a-t-elle les moyens de couvrir une dépense de 5 milliards de francs pour les aînés? C&#39;est autour de cette question que s&#39;entredéchirent la droite, craignant un déficit, et la gauche, soulignant les bénéfices de l&#39;AVS. Quant à l&#39;UDC, elle s&#39;attaque aux Suisses de l&#39;étranger.</p><p>Au départ, il y avait une question toute simple, posée par les syndicats: pourquoi ne verserions-nous pas une treizième rente AVS aux aînés, comme l’on verse un treizième salaire aux employés? A l’arrivée, à un mois du 3 mars, la campagne a pris une nervosité folle, tant l’enjeu est important et l’issue du vote incertaine.</p><p>Encore ce week-end, dans la presse alémanique, des élus UDC ont relancé la polémique sur les Suisses de l’étranger, coupables «de toucher des rentes de luxe, sans contrepartie», provoquant la réaction de leur association. Le président d’Economiesuisse Christoph Mäder répète, en une de la Sonntagsblick, «que la proposition ne profiterait qu’à ceux qui n’en ont pas besoin». Il y a trois jours, c’est <a href="https://www.blick.ch/fr/news/suisse/votation-du-3-mars-philippe-nantermod-accuse-pierre-yves-maillard-de-mentir-sur-la-13e-rente-avs-id19392244.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">le valaisan Philippe Nantermod qui attaquait l’omniprésent Pierre-Yves Maillard l’accusant de tordre les concepts et de mentir aux électeurs.</a>  Il faut dire que le politicien vaudois écrase la concurrence et semble porter à lui tout seul le camp du oui.  «Si on gagne, ce sera une sensation», avertit-il.</p><a href="/articles/la-campagne-du-3-mars-pour-une-13e-rente-avs-prend-un-tour-explosif">Voir plus</a>

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Comment Nutella a grignoté mon village

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/73e37519-8315-4bd3-ba5f-8538d19a3f98/medium" /><p>Pour répondre à la demande mondiale en Nutella, la belle région du nord de Rome s&#39;est couverte de champs de noisette à perte de vue. La narratrice relate l&#39;histoire de son village, entre cultivateurs acquis à Ferrero et habitants à qui soudain, on déconseille formellement de se baigner dans le lac d&#39;à côté...</p><p>Tout a commencé il y a une dizaine d’années. Tout à coup, dans mon village italien dont je tairai le nom, un sujet s’est imposé: <em>il veleno</em> (le poison), ces pesticides pulvérisés chaque année sur les noisetiers alentour en mai, juin et juillet. L&#39;ennemi à détruire s&#39;appelle <em>cimice</em> en italien – la punaise verte en français, <em>Palomena prasina</em> de son nom scientifique –, un ravageur des cultures à la carapace vert vif. Avec les stylets acérés, la punaise perce au printemps des trous dans la coque encore molle des jeunes noisettes et en aspire la sève. Elle peut se nourrir des graines de plantes les plus diverses, mais c&#39;est la noisette qu&#39;elle préfère. Cela tombe bien: il n’y a presque plus que des noisetiers dans ma région, le haut Latium, à une soixantaine de kilomètres au nord de Rome.</p>
<h3>Des noisettes à perte de vue</h3>
C’est une monoculture toujours plus avancée, avec des rangées interminables d'arbustes de plusieurs mètres de haut, qui a presque entièrement fait disparaître la mosaïque italienne de champs de blé, de coquelicots et de bleuets, de vignobles et d'oliveraies clôturés, de bocages ponctués de haies et de taillis, de plantations de tabac, de moutons en transhumance, de jardins potagers, de terrains avec de vieux cerisiers et de fermes orangées éparses. C’est comme si un tapis de noisetiers avait été déroulé sur la magnifique *campagna romana*.

Tous, vraiment tous les moyens étaient permis dans la lutte contre la *cimice*, nous expliquait-on d'un air grave à nous, les ignorants – c’est-à-dire les quelques habitants du village qui ne sommes pas cultivateurs de noisettes. La *cimice* était l'ennemi juré qui menaçait l'or brun de notre région. La moindre noisette sur laquelle la punaise diabolique se posait est soudain devenue une calamité. Cela donne une tache sombre sur lacoque et un goût amer désagréable , ça, personne ne le conteste. Mais il en a toujours été ainsi et cela ne se sentait pas, dans l’avalanche de noix qui sont mélangées, hachées, moulues, pressées et transformées en gourmandises traditionnelles à base de noisettes dans toute l’Italie – *tozzetti* que l'on trempe dans le vin, biscuits, gâteaux, crèmes glacées, *torrone* à Noël, crèmes aux noisettes, pâtes à tartiner au chocolat et bien d'autres choses encore.

### «La» Ferrerro, institution nationale

Mais depuis que «la» Ferrero porte un intérêt brûlant aux noisetiers de notre région, une noisette percée semblait être la plus grande catastrophe qui puisse se produire. Oui, le nom du géant du nord du pays qui produit le Nutella est précédé ici d’un «la» de déférence, comme s'il s'agissait de «la» Loren, l’actrice nationale *(Sophia Loren, ndlr.)*. De fait, le petit insecte vert est devenu une obsession. Car la Ferrero a ses méthodes brutales de contrôle par échantillonnage à l'aide d'un appareil qui ressemble à une guillotine. Bam! Une ou deux noisettes avec une tache sombre et tout votre lot, pour lequel vous avez trimé dans les champs pendant des mois et engagé des dépenses importantes, perd d'un coup sa valeur. Des milliers d'euros partis en fumée.

Ce sont les règles implacables de la Ferrero, et personne ne songe à s'y opposer. Il est ainsi devenu *«nécessaire»*, disent les agriculteurs, de pulvériser au printemps d'énormes quantités de poison sur les noisetiers en cours de bourgeonnement, sans quoi la Ferrero refuse ces noisettes. Le poison s'ajoutait aux engrais et aux herbicides déjà utilisés en abondance, dont l’effet était manifeste au pied des buissons. L'herbe a presque complètement disparu et la terre nue était dure comme du béton – des conditions idéales pour la récolte, car les noix mûres tombées au sol peuvent ainsi être facilement aspirées. Cela se fait à l'aide d'aspirateurs géants, et les nuages de poussière qu'ils soufflent dans l’air restent suspendus au-dessus du paysage comme des champignons atomiques pendant les mois de récolte, en août et septembre.

### «Ah, ils ont encore pulvérisé»

L'utilisation d'herbicides a certes été interdite à un moment donné, mais qui contrôle cela? *«Ah, ils ont encore pulvérisé»*, disaient les habitants du village. Aucune désapprobation ne transparaissait dans ces propos, la plupart cultivaient eux-mêmes des noisetiers ou avaient des parents qui le faisaient.

Longtemps, le poison n’a pas été un sujet dans le village: il en faisait partie, tout simplement. Les hommes sortaient le matin et, du haut de leurs tracteurs cahotant, saluaient joyeusement les passants en traversant la place. Une remorque était attachée, d’où s’échappaient les pesticides dilués à l'eau. *«Ciaoooo!»*, criaient les passants, et nous avec, en les saluant de la main. Gianni, Romoaldo, Augusto ou Cesare étaient assis là-haut, sur leur engin, sans aucune protection, en tee-shirt, avec tout au plus un bandana autour de la tête. Dans les plantations, ils pulvérisaient toute la journée, et nous nous promenions entre les rangées d'arbustes, c'était le printemps pour tout le monde. Parfois, un coucou s'échappait malicieusement des branches et des jeunes feuilles, et l'un des paysans envoyait une nouvelle pulvérisation. Nous lui faisions un signe amical en respirant l'air printanier, même si notre langue et notre palais étaient secs et collants – on appelait cela *lappo,* au village.

### Une armée d’astronautes

Mais qu'est-ce qui pouvait arriver de mal? Après tout, ces hommes souriants étaient là toute la journée. Sauf qu’il y a dix ans, les choses ont commencé à changer. Cela a cessé d’être considéré comme allant de soi. On ne voyait plus les hommes traverser la place du village à neuf heures du matin avec leurs citernes de poison. Soudain, ils se sont vêtus de combinaisons de protection et ont mis des casques d'astronautes avec la visière rabattue – une vision fantomatique lorsqu'ils venaient à votre rencontre dans la pénombre de l’aube après les épandages de la nuit, vite, vite, pour ne pas être vus.

*«Ils ont encore arrosé cette nuit!»*, s’est mise à maugréer une mère dont la terrasse sur le toit jouxte directement une plantation de noisetiers.

Au village, il avait toujours été normal de cultiver des noisettes sur chaque parcelle de terrain qui s'y prêtait, jusqu'à la limite des habitations, parfois même à l'intérieur de celles-ci. Avant l'époque du poison, des engrais et des désherbants, personne n'y trouvait rien à redire. Les plants étaient plantés, ils grandissaient et devenaient de petits arbres et au bout de cinq ou six ans, on pouvait récolter les premiers fruits. Pendant les mois d'hiver, on les taillait. Tout était fait à la main, on n'utilisait pas d'engrais et la plupart des petits paysans gagnaient bien leur vie avec leurs deux ou trois hectares.

On pouvait facilement gagner de 7000 à 10’000 euros par an, sans forcément payer d'impôts, ce qui rendait la chose d'autant plus attrayante. Dans notre région, les noisettes ont servi à financer un grand nombre de maisons, de mariages et de 4x4 ostentatoires.

### Une lente réalisation

Le meilleur terrain que l'on puisse imaginer pour la noisette se trouve ici, dans les collines verdoyantes du haut Latium. Dans les Monti Cimini, le poumon vert de Rome, les conditions sont optimales: des sols volcaniques fertiles, des terrains pas trop pentus et faciles à travailler, à une altitude idéale pour la culture des noisettes, entre 300 et 700 mètres au-dessus du niveau de la mer. Des températures parfaites, un ensoleillement et des précipitations parfaits, sans oublier le savoir-faire des personnes qui s'occupent de la noisette depuis un siècle. C'est le paradis de la noisette. Ou plutôt, c’était.

En effet, depuis une dizaine d’années, notre région s'est transformée en secret, en silence, en un dépotoir de poison qui dégrade et détruit tout: les sols, la biodiversité et l'eau. Personne ne s'en est aperçu. La nature envoyait des signaux de détresse depuis longtemps, mais il a fallu des années à des humains ignorants – des humains sans noisettes – pour additionner tous ces symptômes et parvenir à une conclusion irréfutable: la cause de tout cela était la culture intensive et toujours plus étendue des noisettes, qui domine la campagne vallonnée.

### La légende des larves qui tombées du ciel

Pourtant, cela fait un moment que l'on dit qu'il vaut mieux ne pas se baigner dans le lac de Vico *«en été»*, comme si cela était tout à fait recommandé en automne ou en hiver. Ce *«en été»* était lié à la fable des *«larves qui tombent des arbres»*. On les rendait responsables du fait que les nageurs sortaient parfois de l'eau plein de pustules rouges sur la peau et devaient ensuite se rendre aux urgences, à moitié fous de démangeaisons, torturés par les nausées jusqu'aux vomissements. Personne ne les avait jamais vues, ces larves, mais nous acceptions leur existence.

Personne ne disait que la vraie raison était autre, à savoir la forte prolifération des algues rouges lorsque, suite à un mélange d'engrais et de pesticides, d'énormes quantités d'orthophosphate, un nutriment pour les plantes, se retrouvait dans l'eau. Les gens du village ne se baignent pas dans le lac – ils ne savent de toute façon pas nager –, ils n'ont donc aucun problème avec cela. On pouvait toujours manger dans les restaurants de la rive et on racontait aux touristes l'histoire des larves.

### Ne vous baignez jamais dans le lac

Il y a quelques années, j'ai demandé au maire du village, un grand propriétaire terrien avec d'immenses plantations de noisetiers et de châtaigniers, s'il était possible d'emmener mes nièces au lac cet été. Il a rapidement fait le tour de la place du village, puis s'est penché vers moi et m'a dit à l'oreille: *«Non, allez plutôt à la mer. Ou allez à la piscine. Mais ne vous baignez pas dans le lac. En aucun cas, vous m’entendez?»*

Se baigner dans la mer ou dans une piscine? La raison principale pour laquelle nous avions acheté notre petite maison dans ce village à la fin des années 1980 avait été le Lago di Vico, le lac volcanique le plus haut d'Italie, un cratère d'eau de source et de pluie cristalline à 500 mètres d'altitude, niché entre des pentes vert foncé, un fourré de roseaux où nichaient des oiseaux rares, et des plantations de noisetiers qui descendaient jusqu'à l'eau. Mais ces plantations à perte de vue, c’était aussi de la nature, n’est-ce pas?

**<section class=box>L’extension du domaine de la punaise**

<br/>La propagation des punaises est une conséquence de la mondialisation. Elles ont été introduites en Europe depuis des régions du monde plus chaudes. La hausse des températures contribue à leur hivernage et à leur propagation. Les punaises s'accrochent aux plantes fruitières et potagères et transmettent des virus. Les producteurs de pommes du lac de Constance et du Tyrol du Sud ont récemment déploré des pertes de récolte considérables dues aux punaises venues d'Asie. Il est difficile de les combattre, car elles n'ont pas de prédateurs naturels.

<br/>Il en va de même pour la punaise verte du riz, originaire d'Afrique de l'Est, qui suce les noisettes dans le Latium. Des produits chimiques à large spectre, comme Karate Zeon du groupe agrochimique suisse Syngenta, sont pulvérisés contre ce ravageur. En règle générale, ils ne reçoivent que des autorisations urgentes limitées dans le temps. Afin d'exclure tout dommage aux abeilles, l'insecticide ne peut être pulvérisé que la nuit. La substance active est toxique pour les organismes aquatiques et, selon la classification de l'Union européenne, son inhalation peut être mortelle pour l'homme.**</section>**

*Prochain épisode: Le génie de Pietro Ferrero et l’invention du Nutella*

https://www.heidi.news/articles/comment-nutella-a-grignote-mon-village

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Le dessin de la semaine: des ministres israéliens appellent à recoloniser Gaza

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/b87cbe02-fd99-4ed8-b834-ec7e6a3c4f57/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>Quel est le projet politique d’Israël dans la bande de Gaza, après avoir détruit la moitié de l’enclave, chassé le Hamas qui administrait la plupart des institutions, et affaibli l’UNRWA au point de mettre en danger son existence? A cette question cruciale, Tel-Aviv semble bien en peine de fournir une réponse. Pour l’extrême-droite, l’affaire est entendue: il faut relancer les colonies dans Gaza, retirées unilatéralement en 2005 à l’initiative d’Ariel Sharon. Cet appel a été renouvelé lors d’une <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/israeli-settlers-hold-conference-resettlement-gaza-2024-01-28/" rel="nofollow noopener" target="_blank">convention organisée dimanche 28 janvier</a> dans Jérusalem-Est par le mouvement pro-colons Nahala.</p><p>L’affaire, révélée dans les médias israéliens, a suscité un tollé. Il s’avère que pas moins de 12 ministres issus de la coalition au pouvoir étaient présents à la conférence, dont le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et le ministre des Finances Bezalel Smotrich, issus des rangs de l’extrême-droite religieuse. Le nom de la conférence? Settlement Brings Security, c’est-à-dire «La sécurité par la colonisation»… De quoi susciter une forte réprobation internationale, y compris de la part de l’allié américain de toujours, la Maison-Blanche se déclarant officiellement «préoccupée».</p>

https://www.heidi.news/articles/le-dessin-de-la-semaine-des-ministres-israeliens-appellent-a-recoloniser-gaza

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Comment Trump pourrait faire de l'Amérique un Etat mafieux

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3c88e2d4-a19f-4672-af8c-a649ca59d44a/medium" /><p>Donald Trump a profité de son premier mandat pour augmenter drastiquement le seuil de tolérance des élites politiques à la corruption la plus élémentaire. De retour aux manettes, il aurait toutes les cartes en main pour instaurer un véritable Etat mafieux, sur le modèle de la Hongrie de Victor Orban.</p><p>Dans les annales gouvernementales, l’année 2017 appartient déjà à une ère révolue. En septembre de cette année-là, Tom Price, le secrétaire à la Santé nommé par Donald Trump tout juste élu, <a href="https://www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2017/09/29/trump-to-decide-friday-night-whether-to-fire-hhs-secretary-price/" rel="nofollow noopener" target="_blank">a dû quitter son poste en pleine disgrâce</a>. Son péché? Il avait voyagé en jet privé, aux frais du contribuable, au lieu d’emprunter des vols commerciaux. La transgression paraît anodine comparé aux abus de pouvoir qui s’annoncent par la suite, mais à l’époque, même Donald Trump s’était senti obligé de crier avec les loups.</p><p>Dans les premiers mois de la présidence Trump, on ne savait pas encore trop quel degré de corruption la nation – et le Parti républicain – seraient susceptibles de tolérer. C’est la raison pour laquelle celui-ci s’était résigné à <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/01/tom-price-resigns-over-ordinary-controversy/580063/" rel="nofollow noopener" target="_blank">limoger son éphémère ministre</a>. Mais le parcours de Trump dans l’immobilier, sa propension à distribuer les pots-de-vin et intimider les officiels, suggéraient déjà qu’il voyait la Maison-Blanche comme un outil de sa fortune personnelle.</p><p>Dix jours avant son entrée en fonction, Trump a tenu une conférence de presse devant d&#39;imposantes piles de dossiers destinées à suggérer qu’une analyse juridique rigoureuse avait été menée. Là, il a annoncé qu’il ne se départirait pas de ses intérêts commerciaux. Ainsi est-il est devenu le premier président américain moderne à bénéficier d’un vaste réseau d’entreprises dans le monde entier, et avec son nom en lettres d’or s’il vous plaît.</p>
<h3><strong>Comme un lent pourrissement</strong></h3>
<p>Tout cela ne s’est pas produit du jour au lendemain. Les premiers temps de la présidence ont permis de tester les limites. Trump s’est d’abord servi de ses hautes fonctions pour exploiter sans vergogne son empire immobilier. Lors des visites officielles du président ou de sa famille, il n’a pas hésité à facturer des sommes exorbitantes aux services secrets pour l’hébergement d’agents en mission – <a href="https://www.washingtonpost.com/nation/2022/10/17/trump-secret-service-hotel-rates-records/" rel="nofollow noopener" target="_blank">jusqu’à 1185 dollars la nuit</a> au Trump International Hotel de Washington, d’après le comité de surveillance de la Chambre des représentants.</p><p>Lorsque Trump et ses fidèles ont quitté la Maison-Blanche, ils avaient achevé d’effacer toute réticence vis-à-vis de ces pratiques, tant au sein du Parti républicain que de la société en général. Et ils ont profité de leur séjour à la tête de l’Etat pour se fabriquer un véritable petit manuel du spécialiste en corruption, trafic d’influence et prise illégale d’intérêt.</p><p>Ce savoir-faire, ce sens de l’impunité, ce talent pour ne jamais oublier de se remplir les poches, tout cela ne manquera pas de servir en cas de retour de Trump à la Maison-Blanche. Le premier mandat était surtout un exercice de petite corruption à moitié improvisé. Un second mandat serait l’occasion d’installer une corruption systémique au cœur de la machine d’Etat. Il existe un terme pour désigner ce type de régime: Etat mafieux.</p><a href="/articles/comment-trump-pourrait-faire-de-l-amerique-un-etat-mafieux">Voir plus</a>

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Le futur de l'agriculture suisse est-il collectif? A Orbe, visite d’une ferme aux airs de kolkhoze

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3bef1386-971c-4426-b8ea-b4d3efc67f59/medium" /><p>Plus on est de fourches, plus on rit? En Suisse, le paysan gérant sa ferme seul ou en famille est encore au cœur de l’imaginaire et du droit agricole. Mais de nouveaux idéaux émergent, avec le collectif comme clé de voûte. Pour en savoir plus, nous avons visité la Ferme du Joran, dans le Jura vaudois, où une douzaine de fermiers s’adonnent à un projet qui tient autant de l&#39;agriculture que de l’utopie de gauche.</p><blockquote>
<p><em>«J’ai l’impression que les utopistes sont ceux qui croient qu’on peut continuer l’agriculture industrielle telle qu’elle est maintenant.»</em></p></blockquote>
<p>Un rire discret ponctue la phrase de Dylan Barclay, paysan tout juste quadragénaire, attablé à une table de jardin dans la fraîcheur automnale. Au loin, quelques chèvres en pension paissent sur un terrain trop pentu pour être cultivé. En cette mi-octobre 2023, mon interlocuteur accepte de jouer le guide au sein de la Ferme du Joran.</p><p>Dans cette ferme collective à Orbe (VD), au bord de la rivière éponyme, une douzaine de personnes produisent des légumes, des céréales, du pain et du tofu. L’organisation, qui se veut horizontale, met en avant le respect des terres autant que des «<em>agriculteur.ice.s»</em> qui les travaillent. <em>«Il y en a qui nous imaginent comme utopistes, mais il faut reconnaître que si on ne l’était pas un peu, on n’aurait pas fait tout ça»</em>, ajoute le paysan au bonnet rouge.</p>
<h3><strong>«On a un devoir de production»</strong></h3>
<p>Engagés, les membres de la Ferme du Joran revendiquent de l’être. Militants aussi, parfois, sur leur temps libre. A l’entrée du marché en libre-service, des tracts Uniterre et des exemplaires de la revue <em>Moins</em> côtoient des annonces pour des cours de taï-chi et de classes en forêt. Des affiches «<em>SOS tofu</em>» et «<em>les OGM franchement, c’est nul – et ça pue du cul»</em> décorent le petit réfectoire, dans lequel trône ce qu’on pourrait qualifier de bibliothèque à courges (la collection est encore en cours), dans une atmosphère de récup’ et bricolage.</p><p>      <figure>
        <picture>
          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Dylan Barclay fait visiter la Ferme du Joran, le 20 novembre 2023. Il a engagé la réflexion sur la vie paysanne et collective il y a bientôt deux décennies. | Heidi.news / Nina Schretr" alt="" data-src="https://lh7-us.googleusercontent.com/A2NVH0rDYPT4jb_kA4LMYiJ_P6RevbdSCdQI76qk7kj4MUD2t-7BpzapABeHeZFaYjsL372AOlbtF--nGG_rbTUGmGiLY57nB5STTLTIKfeKuI6MDYRRJIlsTik5dTKPYh5AZ6VOx6ydk4JS0y_b8Ys"/>
        </picture>
        <figcaption>Dylan Barclay fait visiter la Ferme du Joran, le 20 novembre 2023. Il a engagé la réflexion sur la vie paysanne et collective il y a bientôt deux décennies. | Heidi.news / Nina Schretr</figcaption>
      </figure>
</p><p>La Ferme de Joran est donc un projet de vie, qui mêle autosubsistance, préservation des terres et activité agricole. <em>«La terre est tellement précieuse en Suisse qu’on a un devoir de production»</em>, juge Dylan Barclay. Pratiquement deux décennies séparent le fermier du jeune diplômé en automatique qui rêvait de cultiver des terres avec des amis. Après une formation d’ingénieur agronome à l’Hepia… qu’il ne terminera pas, plus mordu de pratique que de théorie, il finit par lancer la ferme collective en 2017. Cette année, il a décroché un CFC d’agriculteur.</p><a href="/articles/le-futur-de-l-agriculture-suisse-est-il-collectif-a-orbe-visite-d-une-ferme-aux-airs-de-kolkhoze">Voir plus</a>

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Ainsi est morte Emilie, vieille dame isolée en curatelle à Genève

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/51bdff98-fcde-4463-8627-f549c8908971/medium" /><p>Emilie (prénom modifié), la vieille dame genevoise au cœur de nos deux premiers épisodes, est décédée le 19 janvier 2024, à l&#39;âge de 96 ans. Ses obsèques ont été expédiées en un quart d&#39;heure, sans même la présence de son avocat curateur. En guise de point final à cette enquête, nous relatons ce moment.</p><p>Une cérémonie expédiée en quinze minutes et une tombe creusée dans un cimetière désert, malgré le grand ciel bleu. Emilie <em>(prénom modifié)</em>, cette Genevoise de 96 ans dont <em>Heidi.news</em> a fait le portrait dans les deux premiers épisodes de notre Exploration «A Genève, de la curatelle au cauchemar», s’en est allée, vendredi 19 janvier 2024, comme elle a vécu les dix dernières années de son existence sous curatelle: dans un vide affectif réfrigérant.</p>
<h4><a href="https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/qui-se-souvient-d-emilie" rel="nofollow noopener" target="_blank">Lire l’épisode: Qui se souvient d’Emilie?</a></h4>
Souvenez-vous: c’est elle qui, placée sous curatelle contre son gré dans une commune genevoise, s’est fait imposer un curateur insensible et des gouvernantes menant grand train dans la maison où elle-même était maintenue isolée.

### A la sauvette

Certes, sur le plan des formalités, l’essentiel a été fait. Un avis signalant le décès de la vieille dame, quelques jours plus tôt, est paru dans la *Tribune de Genève*. Un coussin de roses blanches et rouges avait été commandé pour ses obsèques. Mais pour ce qui est de la chaleur humaine, il n’y a pas eu de service minimum.

![Fleur sur tombe.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/dff8e9b2-5fc3-4835-8999-5f6b7c51dc70/large "Une fleur unique dans la dernière demeure d'Emilie.")

Personne, ni son curateur depuis 2012, un avocat de la place que nous avons nommé Me Luc Elaret, ni les gouvernantes recrutées par ce dernier et qui ont régenté la vie d’Emilie pendant plus d’une décennie, ne s’était donné la peine de confier quelques fragments sur sa vie ou sa personnalité à l’officiant de la chapelle de la Cluse pour lui permettre de préparer la cérémonie. Le pauvre homme ne savait même pas si la vieille dame était croyante, et encore moins son éventuelle obédience.

Seule Gisèle *(prénom modifié)*, avertie à la dernière minute par une connaissance ayant vu le faire-part dans le journal, a pu souffler à l’homme d’Église que la défunte était issue d’une famille de maraîchers alémaniques et qu’elle avait été élevée dans la religion protestante.

### Deux croix en bois et une fleur

Cette ancienne gouvernante, qui avait officié au domicile d’Emilie et de son mari Max *(prénom modifié)* en 2012, est sans doute la dernière personne à avoir noué un lien amical avec le couple. Abruptement licenciée quand le curateur Me Elaret a été désigné, Gisèle n’a pas été autorisée à revoir Emilie avant que celle-ci ne repose en son cercueil.

Les deux gouvernantes engagées par le curateur sont arrivées à la chapelle au dernier moment, avec le mari de l’ainée d’entre elles, dont la familiarité excessive inspirait une forte antipathie à Emilie. Le trio s’est éclipsé aussitôt prononcées par l’officiant les quelques paroles insipides de circonstances, agrémentées par un morceau de musique classique.

Si bien que seule Gisèle a assisté à la mise en terre d’Emilie. Au cimetière, cette dernière repose désormais au côté de son mari. Ni stèle, ni pierre tombale. Deux croix chétives en bois fichées dans la terre signalent au passage que l’un et l’autre ont un jour été de ce monde.

### Place aux bulldozers

A 3 kilomètres de là, la jolie maison d’Emilie et de Max est désormais vide. Les gouvernantes qui y avaient pris leurs aises vont devoir occuper différemment leur existence. Le 17 décembre 2020, la propriété a été vendue à prix modique par le curateur à un consultant immobilier ayant travaillé 25 ans en Suisse, aux États-Unis, en Allemagne, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni, en République populaire de Chine, aux Émirats arabes unis et au Qatar.

Pour cette affaire, il est associé à une fameuse entreprise genevoise de construction. Les bulldozers ne devraient plus tarder.

![Terre sur tombe.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ec2138e5-8867-4a03-aa7c-a703d11ca2c4/large)

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Que cache le plan de Giorgia Meloni pour l’Afrique?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ec9384b5-faa7-403c-91aa-a2101cc7cce6/medium" /><p>La Première ministre italienne doit présenter son plan pour l’Afrique lors d’un sommet à Rome réunissant une vingtaine de délégations africaines, ce dimanche 28 et lundi 29 janvier. Annoncé en 2022, le contenu du projet est encore flou, mais suscite déjà de vives inquiétudes.</p><p>Giorgia Meloni n’a d’yeux que pour l’Afrique. Et la Première ministre a même un objectif bien précis: créer un partenariat «d’égal à égal» avec le continent pour réduire à long terme les flux migratoires vers les côtes italiennes. Pour cela, elle a un plan: le «plan Mattei», nommé en hommage à Enrico Mattei, fondateur de l’entreprise énergétique italienne ENI, considéré comme un visionnaire.</p><p>Annoncé en 2022, et jusque-là resté flou, le contenu du projet doit être enfin présenté lors du sommet Italie-Afrique, organisé à Rome dimanche 28 et lundi 29 janvier. À cette occasion, une douzaine d’organisations internationales et une vingtaine de délégations africaines feront le déplacement vers la capitale italienne.</p><a href="/articles/que-veut-faire-giorgia-meloni-en-afrique">Voir plus</a>

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Bio, diversifiées, locales: les microfermes veulent révolutionner l'agriculture suisse

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/dde8b105-c9c0-48d7-9433-1df10bcd00f5/medium" /><p>Elles se veulent le symbole d’une agriculture à taille humaine, plus respectueuse de la nature et d’une forme de sobriété: les microfermes explosent en Suisse. Ils sont déjà quelques centaines d’agriculteurs en Suisse à incarner ce modèle, plébiscité des consommateurs, qui prend le contrepied des grandes exploitations modernes. Et les microfermiers sont en train de s’organiser pour peser dans le paysage.</p><p>Cuisinier avant d’être maraîcher, Raphaël Gétaz a toujours su que <em>«le goût serait au centre de tout»</em>. Formé notamment auprès du triple-étoilé Alain Passard, l’homme s’est initié au maraîchage avec un voisin à son retour en Suisse, avant de créer en 2017 Les Jardins de Chivrageon, sur les hauts d’Aubonne (VD): quelque 250 variétés, souvent anciennes, rares, originales, cultivées en biodynamie dans un mouchoir de poche (à peine 2 hectares), prolongé désormais par une exquise table d’hôtes…</p><p>Pas très loin de Chivrageon, dans la campagne genevoise, Alexandre, Antoine et Julien ont eux aussi des parcours contrastés – études de russe, d’horticulture ou cursus d’ingénieur agronome – avant de lancer leur propre projet d’agriculture contractuelle. Ils dénichent à Avully un terrain de l’Etat déjà labellisé Bio Suisse et y installent dès janvier 2019 une joyeuse diversité de légumes et quelques poules de races anciennes. Ainsi naît la Ferme du Sonneur, baptisée en clin d’œil au rare crapaud sonneur à ventre jaune qui se plaît sur les bords du Rhône…</p><p>Quant à Yaëlle Maye, entre-temps secondée par son compagnon, elle a eu le déclic lorsqu’elle a perdu son emploi. Cette jeune horticultrice, agricultrice, et apicultrice a lancé sa ferme bio à Château-d&#39;Œx, à 900 mètres d’altitude, entre Gruyère et Pays d’Enhaut. Le Potag’Oex, cette «oasis de biodiversité» à 900 mètres d’altitude, associe les plantes aromatiques et les légumes, les abeilles et les poules pondeuses, les infusions et les sels aromatisés…</p><p>Raphaël, Yaëlle et le trio genevois incarnent et résument bien la nouvelle génération à l’origine des microfermes dans notre pays. Parce qu’ils sont souvent issus d’autres horizons, venus du tertiaire ou diplômés de hautes écoles, «néo-ruraux » pour certains. Parce qu’ils sont pétris de convictions et d’éthique, motivés à révolutionner l’agriculture grâce à des pratiques vertueuses, biologiques, biodynamiques, inspirées de la permaculture, d’un zeste d’agroforesterie. Le tout sur des microsurfaces, dont ils ne sont que très rarement propriétaires, avec un minimum de mécanisation pour un maximum de travail manuel et de valeur ajoutée…</p>
<h3><strong>Et c’est quoi, une microferme?</strong></h3>
<p>On peut estimer que la Suisse romande compte une centaine de microfermes et la Suisse alémanique le même nombre, estime David Bichsel, auteur d’une étude sur le sujet et président d’une Association suisse des microfermes nouvellement créée.</p><p>De quoi s’agit-il? En matière de culture, ces ministrusctures font beaucoup de maraîchage (culture de légumes diversifiés), mais l’offre se veut inventive: les vergers et l’agroforesterie, l’aquaponie et la culture de champignons, l’herboristerie, la valorisation des produits et les activités liées, traiteur, boulangerie, fromagerie ou restauration, les chambres d’hôtes ou les démarches pédagogiques, l’élevage de cochons laineux et autres moutons <em>shropshire</em>… Sans oublier quelques distilleries tout à fait étonnantes, comme Gagygnole à Souboz.</p><p>Les microfermes poussent en plaine ou en montagne, en zone urbaine ou loin des villes et se nomment de manière volontiers poétique – La Clef des Champs, La Belle Courgette, Le Panier bio à 2 roues, Rage de vert, La Chèvre et le Chou… Certaines d’entre elles arborent le label Terre durable, créé en 2019. Leur forme juridique, elle aussi, est multiple: coopérative de producteurs ou de consommateurs, association, SARL, société en raison individuelle ou entrepreneur indépendant, alors que le nombre de collaborateurs ou employés est généralement modeste.</p>
<h3><strong>Ce n’est pas que la taille qui compte</strong></h3>
<p>La définition des microfermes reste toutefois assez vague, voire mouvante, relève Delphine Piccot, qui planche notamment sur le sujet dans le cadre de la section dédiée, créée récemment au sein de Proconseil, filiale de Prométerre, et d’un projet financé par l’OFAG.Pour David Bichsel, la taille de l’exploitation est certes un critère (pas plus de 5 hectares) mais ce n’est pas le seul. Le nombre d’employés, les quantités produites, le nombre de consommateurs concernés ou le chiffre d’affaires pourraient aussi être pris en compte.</p><p>Certains experts proposent de mettre en relation la surface cultivée et le nombre d’exploitants. On obtient alors un ratio dix fois inférieur aux fermes classiques, qui allouent en moyenne une personne à temps plein pour 13,4 hectares. La microferme requiert davantage de main d’œuvre mais compense en générant des revenus supérieurs aux exploitations classiques. On peut parler de cultures à forte valeur ajoutée, s’agissant en particulier de maraîchage biologique.</p><p>A cela s’ajoute le recours à la vente directe dans la quasi-totalité des cas, via un système d’abonnement, de la vente sur les marchés et parfois un magasin à la ferme. Pour David Bichsel il faudrait enfin ajouter à cette définition la notion de diversité des cultures, avec au minimum 30 types de légumes – et souvent beaucoup plus…</p>
<h3><strong>Les chantres du retour en avant</strong></h3>
<p>En Suisse comme dans d’autres pays voisins, l’agriculture connaît un double mouvement. D’abord, une concentration: les grosses exploitations, de plus de 30 hectares, sont en augmentation. Mais en parallèle, le nombre de petites structures, avec environ 1 hectare de terres cultivées, est en train de s’envoler. Comment expliquer ce phénomène?</p><a href="/articles/bio-diversifiees-locales-les-microfermes-veulent-revolutionner-l-agriculture-suisse">Voir plus</a>

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Le dessin de la semaine: Trump roule sur ses adversaires aux primaires républicaines

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4f43c495-a0e5-4bc4-b74d-ae5aa164eabe/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>D’abord l’Iowa, puis le New Hampshire. Ultra-favori aux primaires républicains, Donald Trump roule sur la concurrence. L&#39;ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie, longtemps le seul candidat ouvertement anti-Trump, a jeté l’éponge le 10 janvier, avant même le début des hostilités. L’entrepreneur Vivek Ramaswamy, <a href="https://www.heidi.news/explorations/si-trump-revient/qui-aidera-trump-a-se-venger-s-il-revient-a-la-maison-blanche" rel="nofollow noopener" target="_blank">pressenti pour la vice-présidence</a>, a abandonné à l’issue du scrutin dans l’Iowa, où il est arrivé quatrième. Quant au gouverneur de Floride, Ron DeSantis, qui faisait figure de principal challenger, il a lui aussi renoncé le 21 janvier, soit deux jours avant le scrutin dans le New Hampshire.</p>
<h4><a href="https://www.heidi.news/explorations/si-trump-revient" rel="nofollow noopener" target="_blank">Lire notre Exploration «Si Trump revient»</a></h4>
Qui reste dans la course pour faire barrage au géant orange? L’ancienne ambassadrice à l’ONU Nikki Haley, 52 ans, qui mise sur les républicains modérés et les indépendants — et commence à hausser le ton vis-à-vis du candidat du «chaos». Mais sa défaite dans le New Hampshire (43% des voix), Etat réputé peu favorable à Donald Trump, est de mauvais augure pour la suite. Beaucoup estiment déjà que les primaires républicaines sont terminées. Seul vent contraire: Trump semble avoir beaucoup de mal à séduire les électeurs indépendants, affiliés à aucun des deux grands partis, qui constituent un vivier électoral essentiel pour remporter l’élection présidentielle en novembre.

https://www.heidi.news/articles/le-dessin-de-la-semaine-trump-roule-sur-ses-adversaires-aux-primaires-republicaines

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Massacre de Sabra et Chatila: quand Israël laisse faire et que le CICR doit se taire

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/242b1990-8dd7-4f2d-b1b4-07859d8297cf/medium" /><p>Le 16 septembre 1982, dans Beyrouth assiégée, des phalangistes chrétiens pénètrent dans Sabra et Chatila, avec la complicité d’Israël. Enragés par l’assassinat de leur président deux jours plus tôt, les miliciens tuent, pillent et violent des Palestiniens sans défense –  femmes, enfants, vieillards, et jusqu’aux animaux. Le massacre dure trois jours. Le CICR est en première ligne face à l’horreur, mais son rôle est d’aider les victimes, pas de dénoncer les coupables. Nos témoins racontent.</p><p><em>Fin de l’été 1982, en pleine opération israélienne au Liban. Tel-Aviv obtient que les derniers combattants de l’OLP retranchés dans Beyrouth assiégée embarquent avec leur leader Yasser Arafat sur des navires américains, laissant le quartier palestinien de Sabra et le camp de réfugiés palestiniens voisin de Chatila sans défense. Le 14 septembre, le président libanais chrétien Bachir Gemayel est assassiné dans un attentat à la voiture piégée, aux commanditaires alors inconnus. Les milices chrétiennes enragées se vengent contre les Palestiniens.</em></p><p><em>Les profils des délégués et anciens du CICR qui témoignent sont disponibles <a href="https://www.heidi.news/explorations/cicr-un-demi-siecle-dans-les-coulisses-du-proche-orient/israel-palestine-liban-les-onze-anciens-du-cicr-qui-temoignent" rel="nofollow noopener" target="_blank">dans le premier épisode.</a></em></p>
<h3><strong>Carlos Bauverd</strong></h3>

<h4><strong>«Une situation qui ne peut aboutir qu&#39;à un drame»</strong></h4>
<p>«La journée du départ d’Arafat et ses troupes de l’OLP est une chose absolument incroyable et poignante. Ce sont des milliers d&#39;hommes armés qui partent, sur des bateaux, et qui laissent derrière leur femme, leur famille, les enfants, les vieillards qui restent à Beyrouth, essentiellement dans deux camps qui s&#39;appellent Sabra et Chatila, dans la banlieue sud. On sait qu’on est en train de créer une situation qui ne peut aboutir qu&#39;à un drame. Il n&#39;y a plus de combattants pour défendre les familles.</p><p>Parallèlement à ça, au Liban à cette époque-là, il y a la montée d&#39;un leader qui s&#39;impose à tous, qui est Gemayel, et Bachir Gemayel est élu président. A peine élu, peut-être trois semaines après son élection si mes souvenirs sont bons, il est assassiné. Qui, quoi, comment? Personne ne le saura jamais, l&#39;histoire ne l&#39;a pas encore dit. <em>(En 2017, 35 ans après les faits, <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1079477/assassinat-de-bachir-gemayel-habib-chartouni-et-nabil-alam-condamnes-a-mort.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">ont été condamnés par contumace</a> au Liban deux des assassins de Bachir Gemeyel, tous deux membres du Parti syrien national social, piloté par Damas, ndlr.)</em></p><p>Mais à partir de là, les combattants chrétiens alliés d&#39;Israël sont évidemment dans une rage et dans un désir de vengeance épouvantable. On aboutit à cette situation qui est historiquement connue qui était le grand massacre de centaines et de centaines de Palestiniens. Je ne prononcerai pas le chiffre exact, puisqu&#39;on est les seuls au CICR à le connaître et qu&#39;on ne l&#39;a jamais livré au public. <em>(Les évaluations oscillent entre 460, selon le rapport officiel du procureur général de l&#39;armée libanaise au moment des faits, et 3000-3500 victimes, selon des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/07/10/combien-de-morts-a-sabra-et-a-chatila_4047331_1819218.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">travaux historiques plus tardifs</a>, ndlr.)»</em></p>
<h3><strong>Jean-Jacques Frésard</strong></h3>

<h4><strong>«Les malades avaient été achevés dans les lits»</strong></h4>
<p><em>Dès qu’ils entendent les premières rafales, les délégués du CICR Carlos Bauverd et Jean-Jacques Frésard demandent à pouvoir entrer dans les camps, mais l’armée israélienne ceinture le périmètre pendant que les phalangistes se livrent aux massacres. L’équipe du CICR doit patienter deux jours, avant de découvrir des horreurs qui les marqueront à jamais.</em></p><p>«On est entrés dans les camps. Est-ce que c&#39;était le vendredi 17, le samedi 18 [septembre 1982]? Je ne suis pas sûr. On a été en direction de l&#39;hôpital d’Acca à Chatila, et très vite, à l&#39;entrée du camp, on a vu des cadavres partout. Ils étaient déjà morts depuis 48 heures. Il faisait très chaud encore en ce mois de septembre. Ils étaient déjà gonflés, déjà un peu mangés par la vermine. Le premier que j&#39;ai vu, c&#39;est un vieillard, les cheveux tout blancs, le poing dressé comme ça, couché. Il y avait des femmes qui avaient les mains liées dans le dos, les jupes retroussées. Pas besoin de vous expliquer ce qui leur était arrivé. Il y en avait comme ça, beaucoup.</p><a href="/articles/massacres-de-sabra-et-chatila-quand-israel-laisse-faire-et-que-le-cicr-doit-se-taire">Voir plus</a>

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Trump parviendra-t-il à enterrer le climat une deuxième fois?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2d10f7f0-39ff-478b-b054-bcaba9cd07ca/medium" /><p>Donald Trump n’a qu’une seule politique en matière d&#39;énergie: miser sur les fossiles, tout en travaillant activement à enterrer la question du réchauffement climatique dans l&#39;opinion. Mais les Etats-Unis sont bien plus avancés sur le chemin de la transition énergétique que lors de son premier mandat. A-t-il encore une capacité de nuisance sur ces sujets?</p><p>En janvier 2017, six jours avant l’investiture de Donald Trump, j’ai assisté à <a href="https://www.wired.com/2017/01/rogue-scientists-race-save-climate-data-trump/" rel="nofollow noopener" target="_blank">un hackathon d’un genre singulier</a> au sein d’une bibliothèque de l’Université de Pennsylvanie. Dans un chaos organisé, les volontaires, archivistes, bibliothécaires ou informaticiens, écumaient les sites officiels du gouvernement américain, à la recherche de données sur le changement climatique à sauvegarder d’urgence. De tels groupes ont essaimé <a href="https://qz.com/891201/hackers-were-downloading-government-climate-data-and-storing-it-on-european-servers-as-trump-was-being-inaugurated" rel="nofollow noopener" target="_blank">un peu partout dans le pays</a> après l’élection.</p><p>Sur les tableaux blancs s’affichaient alors les objectifs de ces sauveteurs improvisés. Dupliquer plusieurs décennies de statistiques sur les carottes glaciaires de l&#39;Agence américaine d&#39;observation océanique et atmosphérique (NOAA). Récupérer les résultats des contrôles de qualité de l’air effectués par l’Agence de protection de l’environnement <em>(EPA, équivalent du ministère de l’Environnement, ndlr.)</em> sur les quatre années précédentes. Trouver un moyen de sauvegarder une carte détaillée des usines et des centrales les plus émettrices de gaz à effet de serre.</p><p><strong>Enterrement de première classe</strong></p><p>Les participants du hackathon redoutaient que la nouvelle administration ne supprime l’accès à ces données publiques. Une semaine plus tard, leur crainte s’était réalisée.</p><p>A midi, le jour même de l’intronisation, toute mention du changement climatique <a href="http://www.nytimes.com/2017/01/20/us/politics/trump-white-house-website.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">avait disparu du site officiel de la Maison-Blanche</a>. En mai, l’équipe avait <a href="https://www.washingtonpost.com/news/energy-environment/wp/2017/04/28/epa-website-removes-climate-science-site-from-public-view-after-two-decades/" rel="nofollow noopener" target="_blank">supprimé la page de l&#39;EPA</a> présentant la science du climat au grand public, ainsi que 108 pages dédiées au Clean Power Plan d&#39;Obama, destiné à réduire les émissions carbones des centrales électriques. Quelques mois plus tard, l’administration Trump tentait <a href="https://www.vox.com/2019/6/19/18684054/climate-change-clean-power-plan-repeal-affordable-emissions" rel="nofollow noopener" target="_blank">d’abroger ce plan historique dans sa totalité</a>.</p><p>La nouvelle administration voulait à l’évidence qu’on oublie le changement climatique. Au-delà de son inaction politique, elle a fait disparaître la seule mention du sujet de l’ordre du jour national – et par extension, des priorités internationales. Si Trump revient aux manettes, il ne manquera pas de s’atteler à enterrer le dossier du climat avec une énergie redoublée.</p><p><strong>La crainte d’un effet domino</strong></p><p>Quelles seraient les conséquences d’un tel retour, au plan international? Michael Gerrard, fondateur et directeur du Sabin Center for Climate Change Law à l&#39;Université de Columbia, pense que les Etats-Unis sortiraient de nouveau de l’accord de Paris. Malgré leur statut de deuxième plus gros émetteur mondial, et sans conteste le plus riche, les Etats-Unis continuent de montrer peu d’intérêt pour le financement de l’action climatique mondiale – y compris sous administration démocrate. Pour l’heure, cependant, le pays figure toujours à la table des négociations internationales sur le climat.</p><a href="/articles/trump-parviendra-t-il-a-enterrer-de-nouveau-le-climat">Voir plus</a>

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Qui mettra la main sur les terres agricoles de Suisse?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ab1aa5cf-c1c2-4d4c-b3ef-7a5376a649fa/medium" /><p>Le droit foncier rural, qui définit les grands principes d’accès à la terre, est un pilier de l’agriculture suisse. Alors que la moitié des chefs d’exploitation partiront à la retraite d’ici à 2040, la Confédération prévoit de réformer la loi. Faut-il déverrouiller l’accès aux terres agricoles pour les nouveaux venus, au risque de voir de grands groupes accaparer les rares terres fertiles du pays? Le sujet est explosif. </p><p>Parlez à n’importe quel agriculteur qui n’est pas lui-même issu d’une famille de paysans. A tous les coups ou presque, un sujet viendra spontanément sur la table: la difficulté d’accéder à des terres. Et avec elle, le sacro-saint droit foncier rural, défini par la <a href="https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1993/1410_1410_1410/fr" rel="nofollow noopener" target="_blank">loi fédérale du même nom</a> (LDFR). Un texte juridique d’une trentaine de pages, vieux de 30 ans, qui pose les piliers juridiques de l’agriculture suisse.</p><p>Ces fondations-là vont être rénovées: la Confédération prévoit une révision du texte en 2025. Certains y voient l’opportunité de démocratiser l’accès aux terres agricoles pour faire de la place aux nouveaux entrants – jeunes diplômés, collectifs, néo-paysans. D’autres se satisfont très bien que les terres restent au sein des cercles traditionnels, et craignent que cette réforme n’ouvre une boîte de Pandore pour l’agriculture suisse.</p>
<h3><strong>Au cœur, l’exploitant individuel et la famille</strong></h3>
<p>La LDFR est un peu l’alpha et l’oméga de l’accès à la terre. Les principes fondateurs sont clairs: <em>«encourager la propriété foncière rurale»</em> et <em>«maintenir des exploitations familiales comme fondement d&#39;une population paysanne forte et d&#39;une agriculture productive»</em>. Il s’agit aussi de lutter contre la spéculation foncière et de prévenir le surendettement et l’enchérissement des prix des terrains agricoles, qui sont une denrée rare dans le pays.</p><p>Ce vaste programme est mis en application par une ordonnance fédérale, qui se décline elle-même à l’échelle cantonale, avec des lois et règlements d’application.</p>
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<p>Le droit précise aussi des aspects très concrets, tels que les critères pour faire l’acquisition d’une ferme et ceux pour devenir exploitant agricole – ce statut indispensable pour percevoir des subventions fédérales (les fameux paiements directs), qui représentent parfois jusqu’aux trois quarts des revenus des paysans. Les règles de succession dans la famille? Elles sont aussi établies dans la LDFR. La fourchette du prix de vente d’une exploitation? Idem.</p><p><em>«Ce droit est très protecteur»</em>, analyse Eline Müller, du syndicat paysan Uniterre. Elle est responsable de Coalition Terre, une structure de préservation des terres agricoles qui réunit associations, fondations, chercheurs et militants. <em>«En mettant l’exploitant individuel au centre du droit, avec la notion de famille, il empêche en théorie des entreprises comme Migros ou Nestlé de s’emparer de terrains agricoles pour faire de la spéculation immobilière.»</em></p><p>En substance, tout prétendant à la reprise de terres cultivables se doit d’être une personne physique, qui effectuera elle-même le travail de la terre et dispose des capacités pour ce faire. Vous aimeriez acheter un lopin de terres cultivables? C’est impossible si vous entendez simplement louer le terrain, si vous n’exploitez pas déjà des terres ou si vous n’avez pas de formation reconnue dans le domaine, comme un CFC agricole.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Pour acheter des terres agricoles, il faut posséder une formation agricole reconnue, comme celles dispensées à l’école d’agriculture de Chateauneuf-Conthey, ici en photo. | Heidi.news / NS" alt="" data-src="https://lh7-us.googleusercontent.com/JRxyqGs51aRC597H_ns_BXkj1Azw79YvC_6qZ6lIcjP3LYWhvRSb9VjijYiTivUdvobhyhVlGzt27OWp_wzoPCTZEhJ5LcLXQY_QOibQDRPy3eBIEQrIvDxynafceTK0h0cy6N_5GdTi09v87Itj3VQ"/>
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        <figcaption>Pour acheter des terres agricoles, il faut posséder une formation agricole reconnue, comme celles dispensées à l’école d’agriculture de Chateauneuf-Conthey, ici en photo. | Heidi.news / NS</figcaption>
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</p><p>En somme, les terres cultivables sont destinées aux seuls agriculteurs. Il existe quelques exceptions, par exemple si aucun repreneur ne s’est manifesté après publication d’un appel d’offre – un cas extrêmement rare, au moins dans le canton de Vaud, de l’avis de Jean-Claude Mathey, président de la commission foncière rurale. Cette institution, présente dans chaque canton, est la garante du respect de la règlementation en vigueur.</p><p>Dans le canton de Vaud, la vente de parcelles agricoles représente la plupart des quelque 800 dossiers traités chaque année par la commission foncière rurale de Vaud. Protection des terres ne signifie pas immobilisme.</p>
<h3><strong>Pas de place pour les nouveaux</strong></h3>
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Les Houthis, une allumette dans la poudrière moyen-orientale

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4a99e71d-5d04-4207-845f-e00e601b4b8a/medium" /><p>Les attaques menées en mer Rouge par les rebelles houthis yéménites menacent l&#39;un des principaux axes de commerce international. Les Etats-Unis ont déjà annoncé que les frappes se poursuivront tant que les attaques persisteront. L&#39;escalade régionale semble inévitable.</p><p>Les rebelles houthis ont revendiqué vendredi des frappes contre un navire américain, le <a href="https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/les-houthis-revendiquent-des-frappes-contre-un-navire-americain-dans-le-golfe-d-aden_AD-202401190039.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">Chem Ranger,</a> dans le golfe d’Aden. Un peu plus tôt, les Etats-Unis avaient tiré plusieurs missiles sur des sites appartenant à ce groupe armé yéménite, détruisant des bases de lancement.</p><p>Ces bombardements sont les deuxièmes en vingt-quatre heures et les cinquièmes depuis le début des affrontements, le 19 novembre. Augurant d’une accélération de la crise en mer Rouge et dans le détroit de Bab El-Mandeb, zone stratégique où transite 12% du commerce mondial.</p><a href="/articles/les-houthis-une-allumette-dans-la-poudriere-moyen-orientale">Voir plus</a>

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Pour 2024, on a fini par vous dénicher de l’optimisme dans le monde

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/0ec37835-30ca-4b55-8e2d-55fac623847c/medium" /><p>Le 13 janvier dernier, nous vous présentions 2024 vue par nos correspondants, espérant illuminer une année qui s&#39;annonçait sous de ternes auspices. Las! De Hong Kong à New York en passant par Kyiv, tous nous ont servis des vœux à l&#39;encre de seiche. Pas question d&#39;en rester là. Alors nous leur avons demandé de changer de palette et de nous dénicher des perspectives réjouissantes. Ils se sont exécutés avec entrain, voire félicité. Et voici ce qu&#39;ils ont à vous dire.</p><h3>Vu d&#39;Afrique de l&#39;Ouest, avec Amaury Hauchard</h3>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Le collectif d&#39;artistes maliens Don Sen Folo, courtoisie" alt="DenSolo.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ad6e3909-036a-4d89-8eff-509468d58159/large"/>
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        <figcaption>Le collectif d&#39;artistes maliens Don Sen Folo, courtoisie</figcaption>
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</p>Vu d’Afrique de l’Ouest, je ne vous donne pas une, mais deux raisons d’être optimistes en 2024, malgré la gabegie de régimes politiques où la confiscation du pouvoir est la norme. La première est médicale, avec l’annonce par le Bénin du lancement [d’une vaste campagne de vaccination contre le paludisme](https://www.dw.com/fr/benin-vaccins-lutte-paludisme-enfants-reportage/a-68029360). Le pays prend la suite du Cameroun et du Sierra Leone, qui ont reçu des doses après le succès d’une phase pilote de ce nouveau vaccin au Ghana, au Kenya et au Malawi. L’Alliance du vaccin, le Gavi, avait noté une «baisse spectaculaire» de la mortalité après cette phase pilote dans des pays où le paludisme, omniprésent, est l’une des premières causes de mortalité infantile.

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La deuxième raison de voir la vie en rose est culturelle et malienne. Le ciel leur est quasiment tombé sur la tête, mais [le collectif Don Sen Folo](https://www.facebook.com/DonSenFoloLAB), installé en périphérie de Bamako, garde la tête haute. Cette équipe de jeunes artistes organise des résidences dans leur village-laboratoire et avait lancé un génial projet de pirogue de danse. Elle avait failli tout arrêter quand celle-ci a été interceptée par des hommes armés dans le centre du pays, brûlée, et ses membres kidnappés. Six mois plus tard, les otages ont été libérés, ils ont retrouvé leur famille sain et sauf, et Lassina Koné, initiateur du collectif, est plus optimiste que jamais: «On est en train de voir pour récupérer l’ancienne pirogue, la reconstruire et relancer», me dit-il.

Comme quoi, on peut habiter dans un pays meurtri par le conflit, où la culture a été reléguée en bas des priorités, et maintenir allumée la flamme de la culture.

### Vu de Kyiv, avec Florent Vergnes

![595997370_highres Kyiv.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c12cd1e2-032f-4c4b-afc0-646122d468c0/large "Cérémonie funéraire à Kyiv, le 5 janvier 2024. | Keystone / EPA / Sergey Dolzhenko")

On pourrait croire que trouver du positif en Ukraine revient à chercher une aiguille dans une botte de foin – de la taille d’un bombardier russe, la botte. Mais pour voir sourire un Ukrainien, il suffit de vous mettre devant un bon \*borsch\* et lui dire qu’il s’agit du meilleur plat du monde (ne pas mentionner la Russie qui en consomme aussi). Couronnez le tout avec une tranche de *salo* (sorte de lard sans viande) et quelques *vareniki*, des raviolis à la pomme de terre, accompagnés de crème acide. Là, vous verrez un sourire. Arborez enfin un tee-shirt *«In Borsch we trust»*, et vous aurez gagné le respect de toute la famille. Et si, comme moi, vous considérez que cela ne «suffit pas à faire une gastronomie», vous pouvez toujours vous rabattre sur le délicieux vin de Tchernihiv, dont les raisins poussent (étrangement) au nord du pays et (c’est peut-être la raison) non loin de Tchernobyl.

Astuce: pour récupérer les amis ukrainiens que vous avez outrés en leur confiant vos doutes sur la «gastronomie» slave, vous pouvez les accompagner en patins sur un lac gelé du centre de l’Ukraine, y faire un trou dans la glace pour pêcher la carpe, ou prendre un sauna sur les rives du Dniepr. Ici, vous serez fouetté avec des branches de laurier, avant de plonger, la peau à vif et le souffle court, dans le fleuve glacé en criant *«Slava Ukraini!»*. Enfin, vous aurez des gens heureux. Et des engelures, mais ça n’empêche pas le bonheur.

Au-delà des petits plaisirs que les Ukrainiens grappillent au quotidien pour oublier la guerre, il y a une raison plus sérieuse de voir une flamme brûler dans la nuit glaciale du front de l’Est. Cette petite lueur s’appelle Truth Hounds. Récompensée en 2023 par le prestigieux prix Sakharov pour la liberté, l’ONG, créé en 2014 après Euromaïdan, travaille au quotidien à documenter les crimes de guerres et potentiels crimes contre l’humanité depuis le début de l’invasion russe. Si le pays regorge maintenant d’ONG en tous genres – médicales, de soutien alimentaire ou autre –, Truth Hounds fait figure de pionnier en se rendant dans les endroits bombardés ou récemment libérés, pour relever les preuves et les témoignages des victimes de violences russes.

Si les dossiers sont nombreux, les enquêtes de l’équipe de Truth Hounds permettront peut-être un jour aux victimes de trouver la voie de la justice, et de pouvoir enfin se reconstruire. Leurs investigations inscrivent aussi l’actualité dans l’Histoire. Celle qui, je l’espère, remémorera aux hommes du futur, les atrocités de la guerre pour en prévenir de nouvelles. Croisons les doigts. *Nadiya ye* («Il y a de l’espoir»)!

### Vu du Caire, avec Sami Zaïbi

![egyptian truck.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e16cbc38-258f-4058-9b1e-2d8077d018dd/large "Un camion égyptien en train de livrer du fuel à Gaza, près du point de passage de Rafah, le 13 novembre 2023. | Keystone / EPA / STR")

En Egypte, où la guerre à Gaza a supplanté tous les autres problèmes du pays (qui n’en manque pas), la lueur vient de la solidarité inédite des Egyptiens vis-à-vis de leurs voisins palestiniens. La pauvreté chronique, le manque de soins de qualité, l'absence de perspectives, tout cela est passé au second plan depuis trois mois. Les médecins égyptiens, pourtant si nombreux à s'exiler en Europe pour des raisons économiques, ont été plus de 2000 à se proposer comme bénévoles pour venir en aide aux hôpitaux gazaouis. En novembre, près de 7000 personnes ont aidé bénévolement à préparer les premiers gros convois d'aide humanitaire. Et de nombreux Egyptiens, riches ou moins riches, assistent financièrement des habitants de Gaza, via des Palestiniens installés au Caire ou via des plateformes de crowdfunding.

Cet élan de solidarité dépasse le soutien financier. Dans une Egypte tenue d'une main de fer par Al-Sissi, où la liberté d'expression s'est réduite comme peau de chagrin ces dernières années, la cause palestinienne réactive une témérité que les Egyptiens eux-mêmes pensaient révolue. Pour la première fois en dix ans, des manifestants ont marché de force sur la place Tahrir, pourtant encerclée de policiers. Dans la rue, dans les écoles, dans les mosquées, les manifestations se multiplient, quand bien même les rassemblements publics sont interdits et sévèrement réprimés. Tout cela au nom de la Palestine, pour une cause qui ne changera pourtant rien au quotidien des Egyptiens, voire l'aggravera. En 2024, reste à voir si cette solidarité se poursuivra, et si le président s'y tiendra, alors que des accords financiers pour ouvrir le Sinaï et vider Gaza de ses habitants pourraient être mis sur la table.

### Vu des Etats-Unis, avec Lionel Pousaz

![cannabis cap.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4222da30-0945-48bd-8e9f-db56c8116b15/large "Un homme au Kushstock Festival d'Adelanto, en Californie, centré sur le thème du cannabis (20 oct. 2020). | Keystone / AP Photo / Richard Vogel")

Il y a 52 ans, Richard Nixon déclarait la guerre contre la drogue. Derrière ce plan radical, une panique morale comme seule l’Amérique sait les amplifier: la drogue, ennemi numéro un des familles, de l’église, de l’armée. A laisser faire, les jeunes allaient tuer maman pour une dose d’héroïne, sniffer l’épargne-retraite de papa et se transformer en hippies sous LSD, plutôt que d’aller se faire tuer au Vietnam comme de braves garçons. Les journaux de l’époque regorgent de ce genre d’histoires.

En un demi-siècle de furie antidrogue, les Etats-Unis ont dépensé plus d’un millier de milliards de dollars, mis le feu aux forêts colombiennes, emprisonné des centaines de milliers de simples consommateurs – dont 60% de noirs et de latinos – plongé dans la misère d’innombrables familles, enrichi des gangs ultraviolents et aggravé la pire épidémie d’overdoses mortelles que le pays ait jamais connue, dans les années 2010, quand des milliers de patients pauvres, traités sous opiacés bon marché, ont fini par devoir s’approvisionner dans la rue. Tout ça pour une guerre perdue d’avance.

Comme souvent, l’Amérique a donné le ton au reste du monde. Agité par les mêmes craintes, les autres pays occidentaux ont suivi, Singapour a sorti le gibet (l’année précédente on y a pendu un pauvre type pour 54 grammes de morphine) et de nombreuses nations à majorité musulmane, une fois n’est pas coutume, se sont reconnues dans la politique de Washington. Cette catastrophe mondiale avait commencé aux Etats-Unis, et elle est peut-être en train d’y prendre fin.

On agite désormais la guerre contre la drogue comme un vieil épouvantail, avec toujours moins de conviction. Le tabou est sans doute encore trop fort et les victimes trop pauvres et insignifiantes pour que l’on ose y mettre un point final, mais le vent souffle dans la bonne direction. Prenant les devants sur Washington, les Etats progressistes font marche arrière (parfois dans l’excès, il est vrai). Ils sont soutenus en cela par les agences de l’ONU et une majorité d’experts en santé publique. Les autorités sont toujours plus nombreuses à offrir des compensations aux malheureux consommateurs qui ont passé pour rien des années derrière les barreaux. Le cannabis pourrait bientôt sortir de l’annexe 1 – qui le classe au même niveau de dangerosité que les opiacés – ainsi que les psychédéliques, qui ont terrifié le bourgeois des années 1970. Il était temps.

### Vu de Hong Kong, avec Eric Sautedé

![HK Shifts.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/8b50c55f-903c-4f7a-94e7-61e72158cd07/large "Yu, contremaître à Hong Kong. | Hong Kong Shifts, Maxime Vanhollebeke, droits réservés.")

Optimiste, optimiste, est-ce que j’ai une gueule d’optimiste? Côté politique, c’est vraiment mission impossible. J’ai beau me creuser les méninges, le secrétaire général du Parti communiste chinois, alias le président Xi Jinping, ne semble pas du tout vouloir changer le cap d’un durcissement du régime pour son troisième mandat, bien au contraire, et à Hong Kong, notre chef de l’exécutif, ancien premier flic du territoire, s’est coulé dans l’obsession sécuritaire de son mentor du nord. Petit bémol par rapport à ceux qui n’en finissent plus de répéter que M. Xi bénéficie du soutien de 90% de la population – dixit Harvard quand même – et donc d’une forte légitimité,  [un article très fouillé du ](https://www.cambridge.org/core/journals/china-quarterly/article/do-chinese-citizens-conceal-opposition-to-the-ccp-in-surveys-evidence-from-two-experiments/12A2440F948D016E8D845C492F7D0CFE?s=08)*[China Quarterly](https://www.cambridge.org/core/journals/china-quarterly/article/do-chinese-citizens-conceal-opposition-to-the-ccp-in-surveys-evidence-from-two-experiments/12A2440F948D016E8D845C492F7D0CFE?s=08)* vient démontrer que ce soutien se situerait plutôt entre 50 et 70%, et que l’on serait donc assez loin de l’unanimisme précédemment postulé. Faut-il s’en réjouir? Je le pense, quand on songe qu’un gouvernant fait toujours un peu mieux quand il est sous pression, n’en déplaise à Messieurs Macron et Scholz.

Pendant ce temps à Davos, [une causerie](https://www.caixinglobal.com/2024-01-18/davos-attendees-weigh-chinas-strengths-and-weaknesses-at-caixin-luncheon-102158064.html) est venue rappeler que l’économie chinoise avait quand même crû de 5,2% en 2023, dépassant les anticipations. La Chine conserve des atouts décisifs pour la transition verte – il suffit de comparer des images du ciel de Pékin à 10 ans d’écart pour s’en persuader – et promet une liste de prouesses technologiques qui nous emmène de l’espace infini aux profondeurs de la terre.

Loin de ces rêves de gloire nationale, certains à Hong Kong s’intéressent au tissu social et ceux qui le font. C’est le cas du [projet Hong Kong Shifts](https://hongkongfp.com/2024/01/06/hkfp-yum-cha-hong-kong-shifts-shines-spotlight-invisible-workers-who-keep-city-going), qui s’est donné pour mission de relater en texte et en images la vie de petites mains sous-payées de cette ville très darwinienne: policier, ouvrière, charpentier, fermier, chauffer… Tous ces travailleurs postés, aussi visibles dans la rue qu’invisibles dans la société, qui participent à rendre la mégapole vivable au quotidien.

https://www.heidi.news/articles/pour-2024-on-a-fini-par-vous-denicher-de-l-optimisme-dans-le-monde

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Le dessin de la semaine: A Davos, Guterres alerte sur la fonte des glaciers

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ed896da6-5c25-4d54-a575-d17069b9e35a/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>«Ici en Suisse, les glaciers disparaissent sous nos yeux», <a href="https://www.rts.ch/info/economie/14619196-ici-en-suisse-les-glaciers-disparaissent-sous-nos-yeux-alerte-antonio-guterres-au-2e-jour-du-wef.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">a déploré mercredi Antonio Guterres</a>, devant le Forum économique mondial (WEF) à Davos, dans les Grisons. «Certains sont partis pour toujours. D’autres ont perdu 10% de leur volume seulement ces deux dernières années. De tels changements rapides devraient tous nous perturber».</p><p>Comme l’a rappelé le secrétaire général de l’ONU, la Suisse est aux premières loges. D’après l’institut de recherche Glacier monitoring in Switzerland (Glamos), l’ensemble des glaciers suisses a perdu 6 % de volume en 2022. Dans le massif du Mont-Blanc, une étude <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/14/dans-le-massif-du-mont-blanc-la-fonte-des-glaciers-de-haute-altitude-s-est-fortement-acceleree_6210703_3244.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">vient de montrer</a> que la fonte des glaciers de haute altitude (plus de 2100 mètres) s’était fortement accélérée, avec des pertes d’épaisseur allant jusqu’à jusqu’à 3 ou 4 mètres sur la seule saison 2021-2022.</p>

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Qui aidera Trump à se venger s'il revient à la Maison-Blanche?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/224679ff-48b8-4241-b79c-d057b42bcdd0/medium" /><p>Quand Trump a été élu en 2017, beaucoup de caciques républicains se sont dévoués pour rejoindre son équipe à la Maison-Blanche et tenter de limiter les dégâts. Ce ne sera pas le cas s’il revient pour un second mandat. Au contraire, les personnalités pressenties pour jouer un rôle de premier plan sont aussi radicales que serviles, et le camp Trump entend bien faire trembler l’administration fédérale sur ses bases.</p><p>Pendant son premier mandat, Donald Trump s’est surtout entouré de collaborateurs ayant le profil de l’emploi: des commis de l’Etat aux CV longs comme le bras, en phase avec l’image qu’on peut se faire d’une administration idéale. Certes, il y a eu <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2022/07/steve-bannon-war-room-democracy-threat/638443/" rel="nofollow noopener" target="_blank">Steve Bannon</a>, <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/07/michael-flynn-conspiracy-theories-january-6-trump/661439/" rel="nofollow noopener" target="_blank">Michael Flynn</a> et consorts. Mais l’équipe du président a aussi compté <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2019/12/james-mattis-the-enemy-within/600781/" rel="nofollow noopener" target="_blank">James Mattis</a>, général quatre étoiles multi-décoré devenu ministre de la Défense, Gary Cohn, directeur d’exploitation de Goldman Sachs nommé à la tête du Conseil économique national, ou Rex Tillerson, qui a quitté le richissime pétrolier ExxonMobil pour diriger le secrétariat d’Etat <em>(équivalent du ministère des Affaires étrangères, ndlr.).</em></p><p>On a vu Trump grisé de constater que des gens importants se pressaient soudain pour travailler à son service. Ses soutiens populistes n’ont pas apprécié de voir que la nouvelle administration recrutait tant de créatures du sérail, mais pour l’establishment de Washington, ce fut une heureuse surprise. Un consensus avait émergé: le nouveau gouvernement avait surtout besoin «d’adultes dans la salle». Accepter une nomination de Trump était devenu un devoir patriotique pour les républicains raisonnables, désireux de sauver leur pays de la ruine. Beaucoup ont répondu à l’appel.</p>
<h3><strong>Les adultes ont quitté le navire</strong></h3>
<p>Ne vous attendez pas à ce que le miracle se reproduise. Depuis 2017, les profils sérieux et qualifiés, susceptibles de servir une administration Trump, sont devenus rares. Et nombreux sont les adultes qui ont quitté la salle avec pertes et fracas. Certains ont pris la porte d’eux-mêmes, frustrés ou entrés en disgrâce, d’autres ont été limogés par le président. Plusieurs ont vécu ensuite au rythme des convocations devant le Congrès et des mises en examen. Après avoir vu de près les coulisses du pouvoir, rares sont ceux qui signeraient pour une saison de plus: l’été dernier, NBC News <a href="https://www.nbcnews.com/politics/donald-trump/trump-cabinet-endorsements-rcna96648" rel="nofollow noopener" target="_blank">a évalué à 4 sur 44</a> le nombre de directeurs de cabinet qui se rangent derrière Trump en vue d’un second mandat.</p><p>Même si une partie de la vieille garde républicaine était disposée à travailler avec lui, il est peu probable que Trump recrute dans ses rangs. Il s’est senti trahi par beaucoup des membres de son premier cabinet, et n’en a pas fait mystère. Dorénavant, l’obéissance comptera davantage que les compétences. <em>«Je pense qu&#39;il y aura un effort concerté, très calculé, pour s&#39;assurer que les futurs membres de son administration, même s’ils ne partagent pas exactement sa vision du monde, devront quoi qu’il arrive la mettre en œuvre»</em>, estime Hogan Gidley, qui était porte-parole de la Maison-Blanche à l’époque du premier mandat Trump.</p><p>A quoi faut-il s’attendre en pratique? Prédire les nominations à la Maison-Blanche près d&#39;un an avant l&#39;élection est un exercice risqué, surtout avec un président aussi lunatique. Certains candidats probables pourraient aussi échouer aux portes de l’administration, en raison d’une polémique médiatique ou d’affaires judiciaires en cours – il faut se préparer à une série d’auditions mouvementées devant le Sénat. Mais les noms qui circulent actuellement au sein de la galaxie Trump donnent une bonne idée des profils qu’il a en tête.</p><a href="/articles/qui-aidera-trump-a-se-venger-s-il-revient-a-la-maison-blanche">Voir plus</a>

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A la désalpe de Charmey, au cœur de la tradition laitière: «Faut être motivé pour continuer»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e295e701-2323-4a63-8cf5-d65fd368a4e1/medium" /><p>Cette année, comme depuis quatre décennies, le village de Val-de-Charmey, dans le canton de Fribourg, a accueilli la désalpe, la plus populaire des fêtes alpestres. L’occasion de discuter avec des éleveurs traditionnels, entre deux passages de vaches décorées, sur leur avenir et celui du lait, véritable poumon économique de la région. L’or blanc fait-il encore recette en Gruyère?</p><blockquote>
<p><em>«Un grand merci aux éleveurs de garder toutes ces belles traditions. Ce sont de véritables paysagistes des alpages, qui se donnent à cœur.»</em></p></blockquote>
<p>Malgré son âge – on mise sur 70 ans –, Pascal Andrey réveille le village de Val-de-Charmey d’une voix puissante, portée par un micro. Avec son acolyte Jean-Pierre Macherel, plus connu sous le nom de Bob Morlon, employé communal gruérien, il assure l’animation de la traditionnelle désalpe de Charmey. Un événement incontournable de Suisse, célébration de l’élevage, des pâturages et de la gastronomie locale, qui fêtait ce 23 septembre 2023 sa 44e édition.</p><p>Dès le matin, l’heure est à la fête. On prépare les étals de vacherin, on sert des gobelets de café, quand les enfants gambadent déjà sur les trottoirs, habits traditionnels sur le dos. A l’autre bout du village, Pascal, vêtu du traditionnel bredzon, est sur le pied de guerre. Avec une passion contagieuse, il relate la vie des alpages aux touristes et habitants du cru agglutinés devant les barrières, déjà nombreux. On attend 10’000 personnes.</p><p>Pendant près de cinq heures, et sans perdre de sa vigueur, Pascal égrainera les anecdotes, infatigable. Sur la production laitière quotidienne (<em>«40 litres par vache en moyenne»</em>), le rôle des muletiers (<em>«très important»</em>), les troupeaux moins nombreux cette année (une bonne nouvelle, des bêtes ayant pu profiter du beau temps pour rester à l’alpage). Il est pleinement dans son élément, l’élevage laitier. Ses traits portent d’ailleurs l’expérience de quatre décennies de désalpe.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Pascal Andrey anime la désalpe de Charmey aux côtés de Jean-Pierre Macherel depuis plusieurs années. | Heidi.news / NS" alt="" data-src="https://lh7-us.googleusercontent.com/E162wLunzt0OrG7HNXTFISB-Jup7SBL8xUc7IA8g_at-b9vRTqojgndsIkCJM_XDm285PvuCSeD84llWdukP1r7RvbBGoLzzAKLFjZMfdx3s4eTGQ8IKMHIdkg8J8LpECHusKKHm-T1vvdE-fFf9clU"/>
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        <figcaption>Pascal Andrey anime la désalpe de Charmey aux côtés de Jean-Pierre Macherel depuis plusieurs années. | Heidi.news / NS</figcaption>
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</p><p>Les 364 autres jours de l’année, l’animateur est éleveur de vaches laitières: il en possède une soixantaine et produit un gruyère qui lui a valu quelques prix. L’agriculteur compte d’ailleurs bientôt tirer sa révérence. Son fils, à ses côtés pendant quelques années, n’a pas souhaité reprendre le flambeau. <em>«Il a bifurqué vers une autre voie. C’est triste, mais c’est un choix!»</em>, philosophe-t-il. Heureusement, son patrimoine ne s’éteindra pas avec lui: il a trouvé deux jeunes à qui remettre son exploitation agricole. <em>«En plus, ils s’y connaissent en informatique, alors ce sera plus facile avec la bureautique»</em>, rigole Pascal. <em>«Le souci de la reprise, c’est surtout pour les jeunes qui n’ont pas de famille dans l’agriculture.»</em></p><a href="/articles/a-la-desalpe-de-charmey-au-coeur-de-la-tradition-laitiere-faut-etre-motive-pour-continuer">Voir plus</a>

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EN PHOTOS — «Allez dire à un type qu’il a une tête de bouledogue!»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2ae7a09b-84e2-4b5a-9e0d-6bdf85e68e56/medium" /><p>Gerrard Gethings est un photographe animalier britannique, qui immortalise des couples assortis d’animaux humains et non humains. Son travail accompagne si bien le propos de cette Exploration que nous l’avons contacté pour publier ses clichés et lui poser quelques questions.</p><p>Né en 1970 à Wigan, près de Manchester, Gerrard Gethings grandit dans une famille ouvrière et passe sa jeunesse dans les forêts du Lancashire. Très jeune, il est déjà fasciné par les oiseaux, les insectes et les animaux. Il étudie la peinture et la photographie à l&#39;Université de Sheffield, puis devient peintre abstrait et collabore avec le photographe emblématique Terry O&#39;Neill. En 2008, il adopte un Border Terrier du nom de Baxter et découvre ce qui sera son vrai sujet: les animaux. Il devient un portraitiste animalier reconnu et publie plusieurs ouvrages, dont le célèbre <em>Do you look like your dog?</em> (éd. Laurence King, 2018).</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Gerrard Gethings et son Border Terrier Baxter. | Courtoisie" alt="Gerrard Gethings 2.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/59a718af-0b1d-4819-b8bd-85a37ab728c2/large"/>
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        <figcaption>Gerrard Gethings et son Border Terrier Baxter. | Courtoisie</figcaption>
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</p>##### **Heidi.news — Où êtes-vous en ce moment?**

À la campagne. J’ai quitté Londres il y a quelques mois, après y avoir vécu une éternité. Là, je suis entouré de champs et de fermes. Les animaux sont plus gros qu’en ville.

![Monica and Reggie.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/68092767-9133-4b50-ba2d-2accf745886d/large "Monica et Reggie. | Gerrard Gethings")

##### **Comment avez-vous procédé pour vos séries?**

J’ai commencé par le plus facile, les chiens. Sur les réseaux sociaux et autour de moi, j’ai demandé qui avait un chien un peu spécial. J’ai reçu des centaines de propositions, j’en ai retenu des dizaines. Ils venaient dans mon studio photo, j’en faisais parfois sept ou huit par jour, la vie était belle.

![Henry and Hope.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a6300f18-dc28-4ce1-a40b-2d693d5385c7/large "Henry et Hope. | Gerrard Gethings")

##### **Et les humains?**

Sauf exception, ce ne sont pas leurs maîtres, mais des gens que j’ai abordés après dans les parcs, au supermarché, dans la rue ou sur les réseaux, parce qu’ils ressemblaient aux chiens que j’avais en magasin. Allez dire à un type «j’aimerais vous photographier parce que votre tête, on dirait un bouledogue». Surprise: personne n’a refusé.

![Lenny and Noodle.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d96aa951-a67d-403d-8b4f-78f80c302fb8/large "Lenny et Noodle. | Gerrard Gethings")

##### **Et les chats?**

Ah, les chats, c’est une autre paire de manches. D’abord, ils se ressemblent bien davantage entre eux. Trouver des chats qui sortent du commun, c’est dur. Et quand vous en avez un, il faut aller chez lui, il ne se déplace pas. J’ai tourné dans toute l’Angleterre, l’Écosse et le Pays de Galles. Et si vous pensez qu’ils se laissent faire… Il y en a qui ronronnaient quand que je préparais le décor et les flashes, puis disparaissaient dès que je sortais l’appareil. D’autres m’ont griffé jusqu’au sang. Et franchement, côté humain, les ressemblances sont moins évidentes. J’ai dû utiliser des trucs, des costumes, du maquillage.

![untitled (9 of 25).jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c8148277-5a88-4b69-a566-568cabe1109c/large "Fiona et Patrica. | Gerrard Gethings")

##### **Des exceptions?**

Oui, une: le gars à la moustache blanche. J’ai mis l’image du chat en ligne. Une femme d’Édimbourg m’a appelé pour me dire que c’était le portrait craché de son père. J’y suis allé, elle avait raison.

![untitled (24 of 25).jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2f2d3c12-16b2-466b-a03b-1eeb3fdcf2bf/large "Walt et Charlie. | Gerrard Gethings")

##### **Ce travail vous a-t-il rendu végétarien?**

Pas encore. J’ai des crises, je procrastine. Ce ne sont pas les chiens et les chats qui me travaillent la conscience. Ceux que j’ai vus sont ultra choyés, comme des membres de la famille. La plupart se font servir de la nourriture de luxe, des vitamines et des traitements contre l’arthrose. Ce sont ceux des fermes qui me feront renoncer un jour à la viande, les veaux, les vaches, les cochons. On les traite comme si c’était de la matière première, des légumes, des patates. Je les vois, et je me demande s’ils savent comment ils vont finir.

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Pourquoi passe-t-on tous les excès aux véhicules électriques?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d44fd6a4-caa7-4d1c-a550-43aa183d97a9/medium" /><p>CHRONIQUE. A force de vouloir favoriser le remplacement des véhicules thermiques, on se retrouve à favoriser les véhicules électriques de façon aussi injuste qu&#39;indiscriminée, pointe notre chroniqueur Michel Huissoud, ex-directeur du Contrôle fédéral des finances.</p><p>Mais que fait cette moto qui slalome entre les piétons sur le trottoir? L’explication est toute simple, regardez à l’arrière: elle ne sera pas verbalisée, n’ayant pas de plaque d’immatriculation… Silencieux, des pneus imposants de vingt centimètres de largeur, un look de Harley, les nouveaux «véhicules pour la jungle urbaine» sont là. Les chiffres de vente augmentent rapidement.</p><p>Lancés à 20 kilomètres par heure, ce sont de mini-bolides de 200 kilos avec passager qui remontent les voies de bus, circulent et se parquent sur les trottoirs. On attend encore des statistiques détaillées de la SUVA, mais l’augmentation du nombre et de la gravité des accidents avec les deux-roues électriques est <a href="https://www.rts.ch/info/suisse/12320539-le-boom-des-accidents-de-trottinettes-electriques-en-suisse-sur-notre-carte.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">incontestée</a>.</p>### **La magie de la fée électricité**

L’inégalité de traitement de ces e-scooters avec une moto est frappante. Une moto ne peut ni circuler, ni parquer sur les trottoirs, les dommages qu’elle cause sont couverts par une assurance responsabilité civile obligatoire, elle paye un impôt sur les véhicules et consomme du carburant – dont plus de la moitié du prix constitue un impôt indirect. Soumise aux contrôles périodiques des véhicules, une moto «normale» est surtout équipée d’une plaque d’immatriculation. En cas de parquage sauvage, la police établira une contravention à laquelle échappera la moto électrique.

Ne s’agit-il que du constat frustré d’un motard jaloux? Non, notre société semble aujourd’hui aveuglée par l’électricité. Tout est autorisé, voire soutenu, pour autant que le moteur soit électrique. Le Conseil fédéral a décidé à juste titre de supprimer dès 2024 le privilège des véhicules électriques qui ne payaient pas d’impôt à l’importation. Mais les cantons?  Dans la plupart des cantons, les automobiles électriques sont subventionnés par le biais de l’impôt sur les véhicules. Est-ce justifié?

### **Pas aussi écolo qu’on le dit**

Leur charge sur l’environnement n’est pas négligeable. Les statistiques montrent que chaque année les véhicules sont non seulement plus électriques, mais surtout plus lourds et plus puissants. Nous fermons les yeux sur l’énergie grise nécessaire à leur fabrication et sur les particules fines produites lors d’accélérations avec des moteurs de plus de 300 chevaux *(par abrasion au niveau des freins et des pneus, ndlr.)*. 

Une voiture électrique serait par définition écologique! Et peu importe si elle consomme de l’électricité d’origine nucléaire ou produite à l’étranger dans des centrales thermiques…

Un petit espoir vient du [Valais](http://www.impact-living.ch/wp-content/uploads/2022/01/Consommation-vehicules-hybrides-rapport-publie-IMPACT-LIVING-canton-Valais-11-01-22.pdf), qui a fait preuve de bon sens. Plusieurs [études](https://www.caradisiac.com/encore-une-etude-qui-accable-les-voitures-hybrides-rechargeables-200749.htm) ont montré que les véhicules hybrides consomment en moyenne beaucoup plus de carburant que ce que promet la publicité. Le canton a rapidement réagi. Il a décidé de supprimer les réductions de l’impôt sur les véhicules dont bénéficiaient les véhicules hybrides. [D’autres cantons](file:///C:/Users/Michel%2520Huissoud/Downloads/2021_02_25_Motorfahrzeugsteuern_FR.pdf) suivent. Bravo!

https://www.heidi.news/articles/pourquoi-passe-t-on-tous-les-exces-aux-vehicules-electriques

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Volodymyr Zelensky arrive en Suisse en situation d'urgence

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/9143bc9b-8e77-4192-81ff-623ac546a005/medium" /><p>Invité cette semaine au Forum économique de Davos, le président ukrainien tentera de remettre l&#39;attention sur la guerre en Ukraine. Une urgence alors que le soutien européen et américain s&#39;affaiblit.</p><p>Volodymyr Zelensky va tenter de remettre l’Ukraine au centre du jeu politique mondial au Forum économique de Davos, qui se tiendra du 15 au 19 janvier.</p><p>Mais la tâche sera rude, alors que la guerre avec la Russie entre bientôt dans sa troisième année et que le pays est sous pression militaire. Au découragement d’une population usée par le conflit s’ajoutent l’arrêt des livraisons d’armes américaines et une baisse du soutien européen, dont les attentions sont désormais davantage tournées vers le Proche-Orient.</p><a href="/articles/volodymyr-zelensky-arrive-en-suisse-en-situation-d-urgence">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/volodymyr-zelensky-arrive-en-suisse-en-situation-d-urgence

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Le dessin de la semaine: c'est les soldes à Gaza

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d1e15e0c-54f3-4ece-9073-41a600799f6f/medium" /><p>Toutes les semaines, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d&#39;actualité pour Heidi.news.</p><p>Peut-être se passe-t-il de commentaire, ce dessin? En trois mois, la riposte israélienne contre le Hamas a a rasé une bonne moitié de la bande de Gaza, déplacé la quasi-totalité de ses 2,3 millions habitants et fait plus de 20’000 morts — soit 1% de la population locale. Début décembre, BBC Afrique s’appuyait sur des images satellites pour <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cg3ppge5055o" rel="nofollow noopener" target="_blank">donner un aperçu de l’ampleur des destructions</a>.</p><p>La Cour internationale de justice (CIJ), l’organe judiciaire suprême des Nations unies, examinait les 11 et 12 janvier 2024 <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/12/devant-la-cour-internationale-de-justice-l-afrique-du-sud-s-est-efforcee-de-demontrer-le-comportement-genocidaire-d-israel-a-gaza_6210443_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">une plainte pour génocide déposée contre Israël par l’Afrique du Sud</a>, qui a brisé un tabou historique et suscité <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/12/israel-juge-totalement-denaturees-les-accusations-de-genocide-devant-la-cour-internationale-de-justice_6210450_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’ire de l’Etat hébreu</a>. Le verdict des juges de La Haye est attendu d’ici deux ou trois semaines. En attendant, les opérations militaires continuent.</p>

https://www.heidi.news/articles/le-dessin-de-la-semaine-c-est-les-soldes-a-gaza

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Buster et Oski, les deux chiens que j’ai peut-être entendus parler

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/fb83957c-62e7-4e7a-af98-653010021a58/medium" /><p>Parti de Californie et rendu viral par les réseaux sociaux, le phénomène des mots-boutons, qui donnent à des chiens et parfois des chats l’apparente faculté de parler, suscite autant de passion que de scepticisme. Heidi.news est allé à la rencontre de quelques-uns de ces chiens qui s’expriment, de leurs propriétaires qui racontent et des scientifiques qui étudient le phénomène, afin d’en avoir le cœur net.</p><p>Vous vous souvenez du sketch de Raymond Devos, «Mon chien, c’est quelqu’un»? Je le réécoute sur<a href="https://www.youtube.com/watch?v=7KWgUM1Kzqw" rel="nofollow noopener" target="_blank"> YouTube</a> (vous devriez faire pareil!) sur la route qui mène à Lancaster, à la bordure du désert de Mojave, à une centaine de kilomètres au nord de Los Angeles. Parce que comme dans le sketch de Devos, j’ai rendez-vous avec un chien qui parle. Enfin peut-être.</p><p>Lancaster est un décor de film. Top Gun, l’Étoffe des héros et Paris Texas ont en partie été tournés à proximité. Ici, aucun palmier, mais des buissons qui roulent sur des prairies asséchées, parfois une tornade «devil dust» et tout le temps, un soleil de plomb.</p><p><em>«Il n’y a pas grand-chose à Lancaster à part une base aérienne de l’Air Force et des hangars d’assemblage de Boeing, Lockheed et Virgin Galactic»</em>, commence par m’expliquer Susan «Sue» Selle, en m’accueillant dans sa petite maison de style ranch, dans un quartier un peu isolé de l’agglomération.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Buster et Juno sont suivis par 70000 personnes sur Tik Tok./Capture d&#39;écran" alt="Capture d’écran 2023-12-12 à 14.53.17.png" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e4bbdd2a-ce0d-49e5-9fae-228186a5642f/large"/>
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        <figcaption>Buster et Juno sont suivis par 70000 personnes sur Tik Tok./Capture d&#39;écran</figcaption>
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</p><p>Enseignant en sciences dans une école secondaire de la ville, Sue Selle n’a ni enfant ni mari. Mais elle n’est pas seule. Elle a Buster, son Boston Terrier et son bouledogue français, Juno. Et grâce à eux, une communauté de 20’000 followers sur son compte Instagram @Bustertalks et 70’000 sur TikTok. Parce que Buster et Juno parlent. Enfin, presque.</p>
<h3><strong>Un tapis de tuiles colorées</strong></h3>
<p>En suivant Sue dans la maison, je tombe d’abord sur un tapis de tuiles en caoutchouc colorées et festonnées de boutons pressoirs, qui occupe presque tout le parterre du living. <em>«Chacune correspond à un mot que j’ai enregistré et qui est prononcé quand on appuie dessus</em>, explique-t-elle. <em>Ces tuiles de couleur forment des régions correspondant à différentes catégories de langage. Il y a celles liées à l’alimentation, celles aux noms propres et celles liées à des concepts plus abstraits comme la temporalité, “maintenant”, “plus tard”, etc.»</em></p><p>Un total de 125 mots-boutons avec, près de la porte, une tuile isolée qui signifie «sortir». A l’autre bout de la pièce, trois tuiles plus grosses sont reliées à une enceinte intelligente Alexa. <em>«Buster c’est le DJ</em>, sourit Sue Selle. <em>Il peut choisir de diffuser de la musique classique, joyeuse ou relaxante, qui est la préférée de Juno.»</em> Le tout est filmé par quatre caméras, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Bunny le \&quot;chien qui parle\&quot; a 1,3 millions d&#39;abonnés sur Instragram./Fluentpet" alt="Capture d’écran 2023-12-12 à 14.59.39.png" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e407cc78-76d6-4136-8574-9b8669d8f4fd/large"/>
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        <figcaption>Bunny le \&quot;chien qui parle\&quot; a 1,3 millions d&#39;abonnés sur Instragram./Fluentpet</figcaption>
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</p><p>Ces mots-boutons (ou <em>words buttons</em>) sont devenus un phénomène de société. Parti en 2019 de Californie, on le suit via Instagram ou TikTok dans une multitude de pays. Star absolue de cet univers avec ses 1000 mots-boutons, Bunny, un Sheepcodle mélange de caniche et de Bobtail, a 1,3 million d’abonnés sur Instagram et 8,3 millions sur TikTok.</p><p>Mais si les réseaux sociaux ont servi d’amplificateur, je vais rapidement m’apercevoir que le phénomène est aussi porté par le regain récent de curiosité humaine pour les langages entre espèces et les capacités cognitives des animaux. Buster et Juno, les deux chiens de Sue Selle, participent ainsi à une étude scientifique.</p><a href="/articles/buster-et-oski-les-deux-chiens-que-j-ai-peut-etre-entendus-parler-1">Voir plus</a>

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Et demain, quelle place pour les agricultrices?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/514043a7-45e8-4141-ae31-04f22f5a0d59/medium" /><p>Il n’y a pas si longtemps, l’agriculture était un métier d’hommes, éventuellement assistés de leur épouse. Désormais, près d’un agriculteur nouvellement formé sur quatre est une femme. Mais il reste du chemin à parcourir pour que les femmes soient reconnues comme des paysannes à part entière. La rémunération et l’accès à la terre restent des enjeux majeurs.</p><p>Imaginez. Un monde dans lequel près de la moitié des femmes travailleraient dur sans être rémunérées – de longues heures et des activités souvent pénibles, en plus des tâches liées au ménage et aux enfants, assorties de très rares vacances. Sans salaire, ni reconnaissance, ni protection sociale. </p><p>On ne parle pas ici d’un pays africain ou de l’Iran des mollahs, mais de la Suisse de 2023, ce petit Etat riche et heureux au cœur de l’Europe… Du monde agricole, plus précisément, où perdurent des inégalités extrêmement marquées.</p><p>Le parcours d’Ariane est révélateur. Fille de paysans, elle épouse à 21 ans un agriculteur qui vient de reprendre le domaine familial des hauts de Lausanne. Après un apprentissage de commerce, Ariane, qui se dit <em>«malheureuse comme un pou dans son travail de bureau»</em>, le quitte pour seconder son mari à la ferme et <em>«s’épanouir dans cette vie en plein air, très physique»</em>. Au fil des années et de la naissance de cinq enfants, elle prend des poules, des cochons, développe la vente directe en créant un des premiers marchés à la ferme, qui devient vite florissant.</p><p>Entre-temps, son couple se délite. En trente ans de vie commune, Ariane n’a jamais perçu de salaire ni contribué aux assurances sociales. Le réveil sera brutal: <em>«A 55 ans, je me suis retrouvée sans un sou et quasiment à la rue»</em>. De tempérament optimiste, elle ne se laisse pas abattre, contracte un prêt et lance une activité de traiteur au sein d’une organisation agricole. Elle en rit parfois aujourd’hui, évoquant son <em>«premier salaire, touché à 55 ans»</em>…</p>
<h3><strong>Du travail non reconnu</strong></h3>
<p>En 2022, l’OFAG a commandé <a href="https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/73574.pdf" rel="nofollow noopener" target="_blank">une étude</a> pour mieux comprendre le phénomène. Réalisée par Agridea, elle a ciblé 1500 exploitations agricoles employant des femmes ou dirigées par des femmes. Sur 778 femmes ayant répondu au sondage, un tiers (32%) déclarent ne percevoir de revenus. Le chiffre donne une estimation basse, puisque seulement 55% déclarent recevoir un salaire, les 12% restants n’ayant pas répondu à la question de leurs revenus. Par ailleurs, la moitié (53%) des femmes interrogées travaillent à côté de leur activité à la ferme.</p><p>L’agriculture demeure un univers patriarcal, analyse Anne Challandes. Présidente de l’Union Suisse des paysannes et des femmes rurales (USPF) et vice-présidente de l’Union Suisse des Paysans (USP) depuis 2019, elle se bat depuis une douzaine d’années pour faire évoluer la situation. Dans un pays qui, en la matière, ne s’est pas signalé par son progressisme: la Suisse est un des derniers pays d’Europe à avoir accordé le droit de vote aux femmes (en 1971) et elle a attendu 1988 pour réviser son droit matrimonial. </p><a href="/articles/et-demain-quelle-place-pour-les-agricultrices">Voir plus</a>

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Quand l’invasion du Liban par Israël faisait naître le Hezbollah

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/57be9772-a1f4-41c7-be60-bc200d4c151c/medium" /><p>Alors que le conflit actuel entre Israël et le Hamas risque plus que jamais de s’étendre à la région, notamment au Liban après l’assassinat ciblé du numéro 2 du Hamas à Beyrouth le 2 janvier 2024 et celui d’un haut chef militaire du Hezbollah six jours plus tard, nous poursuivons la publication de témoignages d’anciens délégués du CICR. Précisément sur la première intervention israélienne au Liban, en 1982, qui va laisser tant de traces de part et d’autre. Notre grand témoin est Carlos Bauverd, alors en charge du plus grand camp de prisonniers du monde, qui a par la suite occupé des fonctions importantes au sein de l’institution.</p><p>Dès 1979, les services secrets israéliens mènent au Liban une campagne d’attentats à la voiture piégée qui tuent des centaines de Palestiniens et de Libanais, civils pour la plupart. Un chroniqueur militaire israélien reconnaîtra plus tard qu’il s’agissait de pousser l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat à commettre des actes terroristes afin de justifier une invasion du Liban. Celle-ci démarre le 6 juin 1982, sous l’appellation Paix en Galilée.</p><p>L’armée israélienne, puissante et expérimentée, soutenue par l&#39;Armée du Liban sud et les Phalanges libanaises, des milices libanaises majoritairement chrétiennes, entend réduire à néant les menaces que constituent les milices palestiniennes réfugiées au Liban depuis leur défaite du Septembre noir en Jordanie en 1970. Or la victoire de Tsahal au Liban, incontestable sur le plan militaire, se retourne en grande partie contre elle politiquement. Le mouvement Peace Now («La Paix maintenant») se renforce en Israël mais surtout, cette guerre aboutit à la création du Hezbollah parmi les populations chiites du Sud-Liban. Ce groupe armé va progressivement prendre une importance considérable, allié de la Syrie et soutenu par l’Iran. Quoi qu’il en soit, les violations du droit humanitaire durant le conflit vont renforcer le rôle du CICR dans la région.</p>
<h4><strong>Lire aussi</strong> <a href="https://www.heidi.news/explorations/cicr-un-demi-siecle-dans-les-coulisses-du-proche-orient/israel-palestine-liban-les-onze-anciens-du-cicr-qui-temoignent" rel="nofollow noopener" target="_blank">les biographies de nos onze témoins, anciens délégués du CICR en Israël, Palestine et Liban</a></h4>

<h2>Carlos Bauverd</h2>
<p><em>Alors âgé de 29 ans, Carlos Bauverd a derrière lui quatre ans de CICR durant lesquels il est passé du Nicaragua au Cambodge et d’Angola au Sinaï. Au Liban en 1982, il a pour mission de veiller sur les milliers de combattants palestiniens capturés par Israël dans son avancée rapide.</em></p><p>«Aux premiers jours de l&#39;invasion du Liban, je suis un des responsables des régions occupées par Israël. Peu après s’ouvre l’immense camp d’El-Ansar, sur un plateau balayé par le vent. C&#39;est un endroit absolument sinistre. Il se remplit rapidement, sa population va culminer, je pense, aux alentours de 30&#39;000 prisonniers et 1500 gardiens israéliens. C&#39;est une masse humaine considérable. Cela provoque des chocs chez les soldats israéliens, ou en tout cas les plus sensibles d&#39;entre eux, parce que c&#39;est à l’évidence une image concentrationnaire.</p>
<h4>«Pour la première fois, la Palestine combattante se retrouve nez à nez avec l&#39;armée israélienne.» </h4>
<p>C&#39;est un camp de tentes, avec des sections de barbelés et des chemins de rondes autour des sections, sillonnés en permanence par des chars de l&#39;armée. Cela fait un bruit terrifiant, jour et nuit, et soulève une poussière épouvantable qui envahit chaque minute de l’existence des prisonniers, jusqu’aux cuisines.</p><p>      <figure>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Le leader palestinien Yasser Arafat inspecte les dégâts causés par un violent bombardement israélien à Beyrouth-Ouest, le lundi 2 août 1982. (KEYSTONE/AP Photo/Mourad Raouf)" alt="7293674_highres.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/5a101099-5ede-4e34-8985-7a45ad09e08a/large"/>
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        <figcaption>Le leader palestinien Yasser Arafat inspecte les dégâts causés par un violent bombardement israélien à Beyrouth-Ouest, le lundi 2 août 1982. (KEYSTONE/AP Photo/Mourad Raouf)</figcaption>
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</p><p>Pour la première fois, la Palestine combattante, si on peut l’appeler comme ça, se retrouve nez à nez avec l&#39;armée israélienne. Pendant toutes ces années de guerres et de crises, il n’y avait pas vraiment de contact direct et quotidien. Et là, ça dure des mois et ça crée un précédent au CICR: on comprend qu’on ne peut plus quitter le camp, physiquement, à la fin de la journée, sinon ça dégénère. Il y a eu des incidents graves, des confrontations et parfois des issues mortelles. Alors qu’en étant là, présents physiquement, ça crée une espèce d&#39;inhibition des deux côtés. On est une équipe d’une quinzaine de délégués, médecins compris.</p>
<h4>«On n’avait rien de plus intelligent à faire que de parler de nos trois cultures» </h4>
<p>Je prends la décision de rester dans le camp, et qu&#39;il y ait toujours au minimum deux délégués sur place, y compris la nuit. Pour rester bien neutre, j’alterne, je dors une nuit dans les sections des prisonniers, et une nuit avec les gardiens israéliens. Cela permet d&#39;avoir de longues soirées de discussions, qui tournent en séminaires de religions comparées. C’est le sujet principal. On parle de nos origines et du mode de fonctionnement de la judaïté, de l&#39;islam et de mon éducation dans le christianisme, même si on n’est pas des pratiquants. De manière tout à fait informelle, pendant ces soirées où on n’a rien de plus intelligent à faire que de parler de nos trois cultures, nous tissons des liens très forts qui permettent d’éviter un certain nombre de grosses casses dans ce camp.</p>
<h3>Des tunnels, pour s’évader</h3>
<p>«Ce qui n&#39;empêche pas certains événements très graves. D’abord, les prisonniers commencent à creuser des tunnels pour s&#39;évader. La méthode israélienne pour les dépister est de passer sur ces tunnels avec les chars. Les tunnels s&#39;effondrent et il y a parfois du monde dedans, c’est dramatique. Vouloir s’évader, c’est dans l’ordre des choses. En tout cas nous, les délégués du CICR, on n’est pas là pour l’empêcher ou le faciliter, comme alliés des gardiens ou des prisonniers.</p><p>Ensuite, les épurations. On a affaire à des combattants dans un univers concentrationnaire, et donc à un cortège de drames entre les prisonniers eux-mêmes.</p><a href="/articles/quand-l-invasion-du-liban-par-israel-faisait-naitre-le-hezbollah">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/quand-l-invasion-du-liban-par-israel-faisait-naitre-le-hezbollah

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Quel candidat à la Maison-Blanche a la préférence de Xi Jinping?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c1ef80d0-f7cd-40de-a876-61acc4998a47/medium" /><p>Les Etats-Unis et la Chine se disputent la domination mondiale. Dans ce contexte, le candidat favori de Xi Jinping à la Maison-Blanche ne fait guère de doute. Seul un second mandat de Trump permettrait à Pékin de consolider son emprise sur les pays en développement.</p><p>Après quatre ans de Joe Biden, il est probable que les dirigeants chinois seraient soulagés de voir l’ancien locataire faire son retour à la Maison-Blanche.</p><p>Donald Trump a pourtant initié une <a href="https://www.axios.com/2021/02/01/trump-trade-war-china-failure" rel="nofollow noopener" target="_blank">guerre commerciale avec la Chine</a>, taxé les importations chinoises, et provoqué l’ire de Pékin en qualifiant le coronavirus de <a href="https://www.newyorker.com/culture/cultural-comment/whats-at-stake-in-a-viruss-name" rel="nofollow noopener" target="_blank">«virus chinois».</a> Il avait alors accusé le Parti communiste chinois d’avoir joué un rôle dans la propagation du Covid, et parfois même repris à son compte la théorie selon laquelle le virus avait été conçu à dessein par la classe au pouvoir.</p>Mais s’il a agi sans tambour ni trompette, Joe Biden a frappé la Chine plus durement que ne l’a jamais fait son prédécesseur. Plus volontariste en politique étrangère, il a porté à l’économie et aux ambitions géopolitiques chinoises des coups sévères, dont Xi Jinping a peiné à se remettre.

*«Du point de vue de la Chine, les États-Unis dirigés de Biden sont un défi plus redoutable»*, juge Scott Kennedy, conseiller principal au Center for Strategic and International Studies de Washington.

### **Tous azimuts contre la Chine**

La politique technologique de Biden est l'exemple le plus parlant. En 2022, son administration [a réussi à empêcher l’export vers la Chine](https://www.theatlantic.com/international/archive/2022/10/biden-export-control-microchips-china/671848/) des semi-conducteurs les plus sophistiqués, ainsi que l'équipement complexe nécessaire à leur fabrication. Cette mesure a retardé de plusieurs années les espoirs de la Chine de se doter d'une industrie des semi-conducteurs compétitive, et permis d'entraver ses progrès dans des secteurs clés comme l'intelligence artificielle.

Joe Biden a réactivé le réseau mondial d’alliances autour des Etats-Unis, abîmé par Trump, et l’a mobilisé contre la Chine. Les pays démocratiques du G7 ont fait preuve d'un degré de coordination inhabituel sous sa houlette, en convenant en 2023 d'une approche commune pour réduire leur dépendance à l'égard de l'économie chinoise. Le président américain a aussi favorisé l'établissement de liens plus étroits avec de nouveaux partenaires, en particulier l'Inde, afin de concurrencer l'influence chinoise sur les pays en développement.

Ces succès ont semé l’émoi chez les dirigeants chinois, qui craignent de subir [un encerclement et un endiguement par des pays favorables aux Etats-Unis](https://abcnews.go.com/International/chinas-xi-blames-us-containment-suppression-amid-tensions/story?id=97676556).

### **Tels des vases communicants**

Vu de Pékin, les marchandages sur les tarifs douaniers et les passes d’armes fanfaronnes de l’ère Trump ne sont que de simples nuisances. Les événements chaotiques du mandat Trump, de la gestion insensée de la pandémie à l’assaut sur le Capitole, ont permis à la propagande chinoise de présenter les Etats-Unis comme [une superpuissance en déclin](https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2020-10-13/china-thinks-america-losing). Le retour américain sur la scène diplomatique orchestré par Biden a rendu ce narratif plus difficile à imposer.

En réaction, Xi Jinping a accumulé les signes d’hostilité vis-à-vis de Washington. Il refuse tout dialogue avec l’administration Biden et montre une détermination accrue à bousculer la domination des Etats-Unis dans le monde. Cette politique du désespoir a isolé le président chinois. Contrecarré par la plupart des grandes puissances et désireux de former une coalition anti-américaine, Xi Jinping a fini par se jeter dans une alliance de fortune avec des États parias comme la Russie et l'Iran.

S’il revient à la Maison-Blanche, Trump pourrait conserver certains aspects de la politique étrangère chinoise de Biden. Il est à peu près sûr qu’il conservera le contrôle des exports de technologie, par exemple. Mais son seul retour aux commandes suffirait à faire vaciller le front des grandes démocraties contre Pékin. Sa politique de fermeté affichée tend à se focaliser sur une question – le commerce, par exemple – au détriment des autres, comme les droits humains et Taïwan.

### **Mieux vaut un irrationnel versatile qu’un opposant déterminé**

En comparaison, Joe Biden a maintenu la pression sur toute une gamme de sujets. Au point de prendre ses distances avec la traditionnelle [politique d’ambiguïté délibérée](https://www.theatlantic.com/international/archive/2022/09/joe-biden-taiwan-china-strategic-ambiguity/671512/) de Washington sur la question de Taïwan, pour suggérer que les Etats-Unis défendraient l’île en cas d’assaut chinois. Du point de vue de la Chine, Trump est moins menaçant et bien plus facile à gérer que Biden.

Quel que soit le résultat de l’élection de 2024, Xi Jinping continuera de s’opposer à la puissance américaine pour tenter d’imposer [un ordre mondial dominé par la Chine](https://www.theatlantic.com/international/archive/2022/07/china-xi-jinping-global-security-initiative/670504/). Mais cet agenda serait facilité par un retour de Trump à la Maison-Blanche. En affaiblissant la position des États-Unis à l'étranger et la démocratie à l'intérieur du pays, celui-ci offrirait bien plus d’opportunité à Xi Jinping pour étendre l'influence chinoise et gagner les cœurs et les esprits dans les pays en développement.

Bien entendu, il ne faut pas s'attendre à ce que la politique chinoise de Trump soit un simple copier-coller de celle menée lors de son premier mandat. Confronté à un environnement géopolitique modifié par la guerre en Ukraine et à une animosité accrue de la part de la Chine, il devra tenir compte de ces nouvelles réalités. Mais si sa politique étrangère évolue, sa personnalité ne changera pas. Or, Trump est tout aussi à même de camper sur ses positions que de s’aplatir servilement devant un dictateur comme le président chinois.

Si Xi Jinping pouvait voter en novembre, gageons qu’il donnerait son bulletin à Donald Trump.

https://www.heidi.news/articles/quel-candidat-a-la-maison-blanche-a-la-preference-de-xi-jinping

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2024 sera-t-elle l’année des souverainistes européens?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/26eb81ad-3283-4dfa-8e0b-0ac52e9f5a1b/medium" /><p>Alors que l’extrême droite gagne du terrain un peu partout en Europe et dans le monde, elle pourrait bien renverser l’équilibre au sein du Parlement européen après les élections en juin prochain.</p><p>2024 sera un marathon électoral: <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/06/2024-annee-electorale-record_6209359_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">4,1 milliards de personnes</a> (soit la moitié de l’humanité) seront appelées aux urnes dans 68 pays. Et l’UE n’y échappera pas. Du 6 au 9 juin, les citoyens des vingt-sept Etats membres devront voter pour élire le Parlement européen. Un scrutin qui pourrait conduire à une poussée de l’extrême droite populiste et eurosceptique.</p><p>En effet, <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/european-parliament-election/" rel="nofollow noopener" target="_blank">les récents sondages</a> laissent peu de doutes: à droite, les souverainistes gagnent en popularité. Si le parti Identité et Démocratie (composé du Rassemblement national français et de la Lega italienne) s’associait avec les Conservateurs et Réformistes européens (composés du PiS polonais, du Vox espagnol et de Fratelli d’Italia), ils pourraient <a href="https://fr.euronews.com/my-europe/2024/01/04/les-elections-europeennes-pourraient-constituer-un-tournant-majeur-pour-lextreme-droite" rel="nofollow noopener" target="_blank">égaler le Parti populaire européen de centre-droit</a> (PPE), qui a aujourd’hui le plus grand nombre de députés au Parlement.</p><a href="/articles/2024-sera-t-elle-l-annee-des-souverainistes-europeens">Voir plus</a>

https://www.heidi.news/articles/2024-sera-t-elle-l-annee-des-souverainistes-europeens

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Trump est de retour et il n’est pas content (nous non plus)

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/28f367c2-b546-4ad8-a552-3aad18f4dc6f/medium" /><p>L&#39;élection présidentielle d&#39;octobre 2024 est dans toutes les têtes aux Etats-Unis, et avec elle la perspective d&#39;un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Quels ravages, ou bonnes surprises (!), nous réserve celui qu&#39;on surnomme parfois l&#39;agent orange? Le prestigieux magazine The Atlantic a demandé à ses meilleures plumes de se pencher sur ce futur possible, dans des domaines comme l&#39;Europe, la Chine, le récit national américain, la corruption ou le climat. Nous en avons tiré une Exploration baptisée «Si Trump revient». C&#39;est donc une perspective de l&#39;Amérique sur elle-même que vous vous apprêtez à découvrir. Passionnante et sans concession, elle dresse les cheveux sur la tête.</p><p>Permettez-moi deux souvenirs personnels. Le premier d’entre eux: le 9 novembre 2016 à l’aube, je suis réveillé par les messages d’une amie américaine. Cette universitaire californienne, cultivée et multilingue, est en larmes: le géant orange, encore considéré comme un bouffon médiatique par la moitié du pays, l’a emporté de justesse face à Hillary Clinton. L’Amérique a basculé dans l’inconnu.</p><p>Quatre ans plus tard, le soir du 6 janvier 2021, après que Trump a revendiqué une victoire imaginaire dans les urnes, la planète assiste, médusée, à l’assaut sur le Capitole. Toute la soirée, le canal WhatsApp de <em>Heidi.news</em> n’en finit pas de bruisser, la rédaction s’étant spontanément réunie en ligne pour commenter l’événement. Chacun sait qu’il assiste à l’histoire en marche.</p>### **Vous avez aimé le premier? Attendez le second**

L’histoire se répète deux fois, paraît-il: d’abord comme une tragédie, ensuite comme une farce. Dans l’Amérique confrontée au retour de Trump, cette farce-là ne fait pas rire. Elle commence même à semer un vent de panique, dans les colonnes des journaux et chez les commentateurs de la vie publique d’une bonne moitié du pays – celle qui ne regarde pas Fox News.

Le premier Trump est entré comme par effraction à la Maison-Blanche, impréparé et ignare des arcanes du pouvoir, tempéré par des conseillers souvent plus responsables que lui. Le second Trump, s’il parvient à ses fins, ne sera pas de la même trempe. Humilié par sa défaite dans les urnes, mis au pied du mur par [une myriade de procès en cours](https://www.letemps.ch/monde/ameriques/donald-trump-sur-le-banc-des-accuses-les-six-proces-qui-planent-sur-sa-campagne-en-un-coup-d-oeil) (escroquerie, vol de documents classifiés, parjure, subornation de témoins, *you name it*…), il revient avec un agenda bifide: se sauver et se venger. Le reste n’est que littérature.

De notre côté de l’Atlantique, les deux guerres aux confins de l’Europe accaparent toute l’attention médiatique. Mais au sein de l’Empire américain, tourné avant tout vers lui-même comme il se doit, on a déjà les yeux rivés sur l’élection de 2024. Et beaucoup ont le sentiment d’assister, impuissants, à l’avènement d’une nouvelle ère aux furieux airs de déclin.

### **Vous reprendrez bien un peu de dystopie**

C’est pour donner de la substance à ce sentiment-là que nous avons choisi de publier «Si Trump revient», une Exploration au titre transparent et à la matière trouble. Elle nous vient de *The Atlantic*, le mensuel basé à Boston, réputé intellectuel et mesuré. En déclinant différents thèmes – nous en avons sélectionné huit, dont l’OTAN, le climat, la Chine ou le récit national –, les meilleures plumes du magazine américain s’adonnent à cet exercice souvent redouté des journalistes: la prospective.

Disons-le, ce qu’ils dessinent, en cas de victoire de Trump, a l’odeur, le goût et la texture du fascisme. *«Trump et le trumpisme représentent une menace existentielle pour l’Amérique et les idées qui l’animent»*, argumente [dans son éditorial](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2024/01/warning-second-trump-term/676117/) Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de *The Atlantic*. *«Le pays a survécu au premier mandat, non sans subir de sérieux dommages. Un second serait bien pire.»*

### **Et nous, et nous, et nous**

Mais après tout, les empires vivent et meurent. Que nous chaut, de notre côté de l’Atlantique? Hélas, ce n’est pas tant que les idées portées par l’Amérique s’affaissent – c’est déjà le cas, à l’évidence, concernant l’héritage des Lumières… C’est surtout que la Pax Americana risque de laisser la place à une compétition encore plus débridée entre grandes puissances, Etats-Unis compris. Or, et c’est un postulat de base en géopolitique, seule la puissance arrête la puissance.

Notre Vieux Continent, qui incarne sans doute mieux les valeurs humanistes et libérales que l’Amérique contemporaine (n’en déplaise à celle-ci), reste affublé d’un défaut essentiel: morcelé, il échoue à faire bloc face au retour des empires – Russie, Turquie, Chine, Iran… L’Union européenne est restée au milieu du gué, entre la conception française de l’«Europe puissance» et la vision allemande et anglo-saxonne d’une Europe du marché et du droit, volontiers croupion de l’Amérique. (Inutile de préciser où se situerait la Suisse, si d’aventure...)

On a cru un moment que la guerre en Ukraine donnerait à Bruxelles l’impulsion pour avancer comme un seul homme. Ces illusions aujourd’hui se dissipent. Il suffit de voir comment, frappés par la nécessité stratégique de muscler la défense aérienne européenne, Berlin et l’Europe centrale [souhaitent se tourner vers des systèmes d’armes américains](https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/18/face-au-projet-de-bouclier-antimissile-allemand-la-france-esquisse-sa-contre-offre_6178195_3210.html) (et israélien!) tandis que Paris et Rome aimeraient jouer à domicile, sans avoir les moyens de convaincre. Ce genre de fractures en dit long.

### **Rendez-vous dans un an**

On pourrait imaginer qu’un retour de Trump à la Maison-Blanche provoque un nouvel électrochoc salutaire en Europe, mais ce serait sans doute pécher par optimisme. Comme l’explique l’ancien ambassadeur français Michel Duclos [dans les colonnes du ](https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/28/c-est-en-prenant-une-plus-grande-part-a-la-defense-de-l-ukraine-que-l-europe-peut-se-proteger-des-effets-d-un-retour-de-trump_6208087_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=whatsapp)*[Monde](https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/28/c-est-en-prenant-une-plus-grande-part-a-la-defense-de-l-ukraine-que-l-europe-peut-se-proteger-des-effets-d-un-retour-de-trump_6208087_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=whatsapp)*, la tentation probable de la plupart des pays européens serait plutôt de chercher des alliances bilatérales avec les Etats-Unis, à la façon du Royaume-Uni, plutôt que de serrer les rangs derrière Bruxelles.

Combinez ça avec la [fin programmée de l’OTAN](https://www.heidi.news/explorations/si-trump-revient/la-fin-d-un-monde-ou-comment-trump-pourrait-tuer-l-otan), et vous obtenez une guerre sans fin aux portes de l’Europe. Et nous voilà face à un constat déplaisant mais, me semble-t-il, lucide: le 5 novembre 2024, ce n’est pas seulement le sort de l’Amérique qui se jouera dans les urnes, mais celui du monde occidental. Et si vous n’en êtes pas encore convaincu… je vous souhaite une bonne lecture!

https://www.heidi.news/articles/trump-est-de-retour-et-il-n-est-pas-content-nous-non-plus

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La fin d’un monde, ou comment Trump pourrait tuer l’OTAN

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/56bf5ddc-5b28-431b-95a8-1abc8b78a8e3/medium" /><p>S&#39;il est réélu en 2024, Donald Trump voudra sans doute mettre fin à l’engagement américain au sein de l’Organisation du traité de l&#39;Atlantique Nord (OTAN). L’ordre mondial s’en trouvera instantanément bouleversé, et les garde-fous institutionnels américains n’y pourront pas grand-chose.</p><blockquote>
<p><em>«Je me fous de l&#39;OTAN.»</em></p></blockquote>
<p>C&#39;est en ces termes que Donald Trump a <a href="https://foreignpolicy.com/2020/06/23/bolton-book-trump-nato-ukraine-election/" rel="nofollow noopener" target="_blank">exprimé un beau jour ses sentiments</a> à l&#39;égard de l&#39;alliance militaire la plus ancienne et la plus solide des États-Unis. Cette déclaration, faite en présence de John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de l&#39;époque, n&#39;est pas une surprise. Bien avant de se lancer en politique, Trump <a href="https://www.nytimes.com/2016/07/21/us/politics/donald-trump-issues.html?_r=0" rel="nofollow noopener" target="_blank">remettait déjà en question les alliances américaines</a>. C’est ainsi qu’<a href="https://www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2015/09/11/trump-tells-ukraine-conference-their-nation-was-invaded-because-there-is-no-respect-for-the-united-states/" rel="nofollow noopener" target="_blank">il écrit en 2000</a>, à propos des Européens: <em>«Leurs conflits ne valent pas les vies américaines. Se retirer de l&#39;Europe permettrait à notre pays d&#39;économiser des millions de dollars chaque année.»</em></p>
<h3>Aucun adulte dans la pièce</h3>
<p>L&#39;OTAN, fondée en 1949 et soutenue depuis trois quarts de siècle par les démocrates, les républicains et les indépendants, est depuis longtemps <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/07/american-commitments-nato-trump/565601/" rel="nofollow noopener" target="_blank">dans le viseur de Donald Trump</a>. L’ancien président a menacé de se retirer de l’Alliance à de nombreuses reprises – y compris lors du funeste sommet de l&#39;OTAN de 2018. Cette volonté est restée lettre morte, parce qu&#39;il y avait toujours quelqu&#39;un pour l&#39;en dissuader. John Bolton dit l&#39;avoir fait. Jim Mattis (secrétaire à la Défense), John Kelly (chef de cabinet), Rex Tillerson (secrétaire d’Etat, c’est-à-dire chef de la diplomatie), son successeur Mike Pompeo, et même Mike Pence (vice-président) auraient fait de même.</p><p>Mais Trump n’a pas changé d&#39;avis. Et s’il est réélu en 2024, aucune de ces conseillers ne sera plus à la Maison-Blanche: tous ont rompu avec l&#39;ancien président, parfois de <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2020/06/james-mattis-denounces-trump-protests-militarization/612640/" rel="nofollow noopener" target="_blank">manière spectaculaire</a>. Quant aux autres analystes républicains ayant une expertise sur la Russie et l&#39;Europe, ils se sont <a href="https://www.nytimes.com/2016/08/09/us/politics/national-security-gop-donald-trump.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">publiquement engagés contre Trump en 2016</a> ou l&#39;ont critiqué après son départ en 2020. Lors d&#39;un second mandat, Trump serait entouré de personnes qui, soit partagent son aversion pour les alliances américaines en matière de sécurité, soit n&#39;y connaissent rien et s&#39;en fichent. Cette fois, les mauvaises dispositions de Trump <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/07/trump-nato-allies/564881/" rel="nofollow noopener" target="_blank">à l&#39;égard des alliés de l’Amérique</a> auraient toutes les chances de déboucher sur un réel changement de cap.</p>
<blockquote>
<p><em>«Les dégâts qu&#39;il a causés lors du premier mandat étaient réparables»</em>, m&#39;a confié John Bolton. <em>«Ceux d’un second mandat ne le seraient pas.»</em></p></blockquote>

<h3><strong>Une bronca institutionnelle prévisible</strong></h3>
<p>Quitter l&#39;OTAN ne serait pas pour autant une partie de plaisir pour Trump. A peine ses intentions annoncées, il faudrait s’attendre à une crise institutionnelle. L&#39;approbation du Sénat est requise pour signer un traité international engageant les Etats-Unis, mais la Constitution ne dit rien du retrait d’un tel traité. Conscients de ce vide juridique, les sénateurs Tim Kaine (démocrate) et Marco Rubio (républicain) ont déposé un projet de loi. Déjà adopté par le Sénat, il vise à <a href="https://thehill.com/policy/defense/4093304-senators-reintroduce-bill-to-prevent-u-s-president-from-leaving-nato/" rel="nofollow noopener" target="_blank">empêcher le président américain de se retirer de l&#39;OTAN</a> à moins de faire voter une loi spécifique au Congrès ou d’obtenir le soutien des deux tiers du Sénat.</p>Ces initiatives suffiront-elles à empêcher Trump de passer à l’acte? *«Je suis persuadé que les tribunaux nous donneront raison et n'autoriseront pas un président à se retirer de façon unilatérale»,* m’a confié Tim Kaine, tout en concédant qu'il y aurait sans doute un combat institutionnel à mener. Le combat serait aussi politique. Sur le plan des relations publiques, la controverse suscitée par un retrait de l’OTAN serait immédiate. Un large éventail de personnes – anciens commandants de l’Alliance et chefs d'état-major, ex-présidents américains, chefs d'État étrangers – se mobiliseraient pour plaider la cause de l’Organisation avec force.

### **La géopolitique se passe dans les têtes**

Mais tout cela n'aurait pas nécessairement d'importance, car bien avant que le Congrès ne se réunisse pour discuter du traité, le mal aura été fait. La principale source d'influence de l'OTAN n'est pas juridique ou institutionnelle, elle est psychologique. Dans l’esprit de quiconque menacerait un membre de l'Alliance réside la certitude de se heurter à une défense collective. Si l'Union soviétique n'a jamais attaqué l'Allemagne de l'Ouest entre 1949 et 1989, ce n'est pas parce qu'elle craignait une réponse allemande. Si la Russie n'a pas attaqué la Pologne, les États baltes ou la Roumanie au cours des 18 derniers mois, ce n'est pas parce qu'elle craint la Pologne, les États baltes ou la Roumanie. L'Union soviétique s'est tenue à carreaux, comme la Russie continue de le faire aujourd'hui, parce que Moscou croit fermement à l'engagement américain pour la défense de ces pays.

Cet effet de dissuasion ne découle pas du seul [traité de l'OTAN](https://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_17120.htm), un document schématique dont les signataires conviennent simplement, à l'article 5, «*qu’une attaque armée contre l'un ou plusieurs d’entre eux survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties»*. La dissuasion découle de la conviction du Kremlin que les Américains croient réellement à la défense collective, que l'armée américaine y est préparée et que le président américain s’engage à agir si la sécurité collective est remise en question.

Donald Trump pourrait sonner le glas de cette conviction par un seul discours, un seul commentaire, voire un seul message sur Truth Social – le réseau social qu’il a fondé après s’être fait évincer de Twitter. Qu’importe que le Congrès, les médias et le Parti républicain continuent à débattre de la légalité d'un retrait américain du traité. Qu’importent les obligations de papier. Une fois que le chef des armées aura déclaré *«Je ne viendrai pas au secours d’un allié qui subit une attaque»*, qui pourrait encore craindre l’OTAN? Et si les Russes, ou n’importe qui d’autre, n’ont plus à se soucier d’une riposte américaine, les chances qu’ils se risquent à conduire une attaque augmentent en flèche.

Un tel scénario pourrait sembler improbable – il ne l’est pas. Avant février 2022, [nombreux étaient ceux qui refusaient de croire à](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/03/putin-russian-political-deterioration/626966/) une invasion russe à grande échelle en Ukraine.

J'ai demandé à plusieurs personnes ayant des liens étroits avec l'OTAN d'imaginer ce qui arriverait à l'Europe, à l'Ukraine, et même à Taïwan et à la Corée du Sud, si Trump déclarait qu’il ne se sentait plus lié par l'article 5. Toutes ont convenu que la foi dans la défense collective pourrait s'évaporer en un tournemain.

### **L’Ukraine au bord du gouffre**

Alexander Vershbow, ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l'OTAN et ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, note que Trump pourrait démettre l'ambassadeur américain de ses fonctions, empêcher les diplomates d'assister aux réunions ou cesser de contribuer au budget de fonctionnement du siège de l’organisation à Bruxelles, sans avoir à craindre une censure du Congrès. *«Au plan légal, il n’y aurait aucun moyen de l’en empêcher.»* Il faudrait plus de temps pour fermer les bases américaines en Europe et rapatrier les milliers de soldats américains qui y sont stationnés. Mais en tout état de cause, tous les organes politiques de l’Alliance devraient changer leur mode de fonctionnement du jour au lendemain.

James Goldgeier, professeur de relations internationales à l'American University et auteur de plusieurs ouvrages sur l'OTAN, confirme qu’une telle décision serait de nature à semer le chaos. *«Ce n’est pas comme si on pouvait dire qu’on a un autre plan pour faire face à la situation.»* Il n'y a pas de leadership de rechange, pas d'autres fournisseurs de systèmes de commandement et de conduite, d’armes spatiales, ou même de munitions. L'Europe serait immédiatement exposée à une éventuelle attaque russe à laquelle elle n'est pas préparée, et à laquelle elle ne pourrait se préparer avant de nombreuses années.

Sans l'OTAN, et sans un engagement américain en faveur de la sécurité européenne, les livraisons d’aide militaire à l’Ukraine seraient aussi destinées à se tarir. La perspective d'une sortie de l'Amérique de l'OTAN obligerait de nombreux pays européens à garder leurs ressources militaires pour eux, par peur d’une invasion. Les Ukrainiens commenceraient à manquer de munitions assez rapidement. La conquête de toute l'Ukraine par la Russie, qui reste l'[objectif de Poutine](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/11/us-ukraine-support-putin-defeat/675953/), redeviendrait envisageable. La logistique militaire ukrainienne s’en trouverait fortement compliquée, car les Russes pourraient bombarder les aéroports et les centres d'approvisionnement situés en Pologne et en Roumanie voisines. Cela a déjà bien failli se produire: au moins un missile russe [a frappé la Pologne](https://www.wsj.com/articles/russian-cruise-missile-that-struck-poland-exposes-natos-air-defenses-3312d456) par accident, et des frappes russes ont touché la frontière roumano-ukrainienne. Au début de la guerre, les Russes [ont délibérément attaqué](https://www.reuters.com/world/europe/air-strike-launched-ukraine-military-base-near-polish-border-lviv-authorities-2022-03-13/) une base dans l'ouest de l'Ukraine, tout près de la frontière polonaise, où s'entraînaient des recrues étrangères. Si les Russes commencent à cibler des bases en Pologne même, la livraison d’armes à l'Ukraine deviendrait impossible.

### **La fin d’un monde**

L’onde de choc ne s’arrêterait pas à l'Europe. Si Trump retire clairement son appui à l'OTAN, toutes les autres alliances militaires de l'Amérique seront menacées. Taïwan, la Corée du Sud, le Japon et même Israël se rendront compte qu'ils ne peuvent plus compter sur le soutien automatique des États-Unis. La fin de l'OTAN ne les affectera peut-être pas directement, mais sa disparition signifierait que tout le monde, partout, doit considérer que les États-Unis ne sont plus un allié fiable.

Au fil du temps, tous les alliés de l'Amérique commenceront à se couvrir. De nombreux pays européens choisiront de s’acoquiner avec la Russie. Bon gré mal gré, de nombreux pays asiatiques opteront pour un rapprochement avec la Chine – *«par simple souci d’autopréservation»*, comme dit Tim Kaine. Pour se mettre à l’abri d’une invasion, les dirigeants pragmatiques des pays proches de la Chine ou de la Russie commenceront à prendre plus au sérieux les exigences commerciales et politiques de leur voisin, respectivement deuxième et troisième puissances militaires au monde.

De nombreux partis politiques et chefs d'État soutenus par Moscou ou Pékin (ou par leurs alliés tels que l'Iran, le Venezuela, Cuba…) disposeraient d'un argument convaincant en faveur [de l’autocratie](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2021/12/the-autocrats-are-winning/620526/): les Etats-Unis, dont l'image a déjà été gravement écornée par Trump, seront perçus comme en déclin. Au fil du temps, l'influence économique américaine déclinera également. Les accords commerciaux et les arrangements financiers s’en trouveront modifiés, ce qui aura un impact sur les entreprises américaines et, à terme, sur l'économie du pays.

Si Trump est réélu, les Américains seront tellement accaparés par le drame de leurs propres institutions défaillantes que, pendant un long moment, la plupart d'entre eux ne remarqueront pas les problèmes causés par un ordre international en pleine bascule. Les problèmes de la Lituanie et de la Corée du Sud sembleront lointains, sans importance. La fin de l'influence américaine se déroulera probablement dans une relative obscurité. Lorsque les citoyens américains se rendront compte de l'ampleur des changements, il sera trop tard.

<br/> *Traduit de l’anglais et édité par Yvan Pandelé. L’article original a été publié le 4 décembre 2023 [par The Atlantic](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2024/01/trump-2024-reelection-pull-out-of-nato-membership/676120/).*

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Si Trump revient, c’en est fini de la démocratie américaine

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/882fe6b8-8760-4cad-a9e8-c27a5ce54502/medium" /><p>Si Donald Trump revient à la Maison-Blanche, il ne faudra pas compter sur les gardes fous du premier mandat. Il aura une meilleure compréhension des failles du système, des compagnons de route plus déterminés, et un véritable programme de représailles ciblées. Le danger pour l&#39;Amérique est existentiel.</p><p>Aussi créative soit-elle, l’imagination humaine peine à dessiner le futur. Egarée, peut-être, par notre besoin irrépressible de familiarité. Nous avons tous conscience des moments d’instabilité grave, de crise, ou de soulèvement révolutionnaire qui jonchent l’histoire. Nous savons que de tels événements ont été légion lors des derniers siècles, décennies ou années. Mais nous refusons l’idée qu’ils pourraient bien se produire de nouveau <em>demain</em>.</p><p>Quand il s’agit de Trump, l’imagination perd encore un peu plus sa boussole. L’ancien président opère si loin des limites usuelles du comportement humain – sans même parler de celles de l’action politique – qu’il est difficile d’appréhender ce qu’il nous prépare, alors même que ses intentions sont connues. Qui plus est, nous avons déjà eu un mandat Trump, et il y a là de quoi nourrir un faux sentiment de sécurité. Nous avons survécu une fois, la démocratie américaine aussi. Le danger est-il si élevé qu’on le dit?</p>### **Premier discours, premier mensonge**

Pendant son premier mandat, la corruption et la brutalité de Trump ont été contrebalancées par son ignorance et sa paresse. De retour aux manettes, il aurait dans sa manche de nombreux atouts: une bien meilleure compréhension des failles du système, des alliés plus déterminés à ses côtés, et un plan de représailles ciblées à l’encontre de ses adversaires – lui-même se réservant une impunité totale. En évaluant ce qu’une seconde présidence Trump pourrait nous réserver, beaucoup sous-estiment l’ampleur du chaos à venir.

L’homme est déjà empêtré dans de multiples procédures criminelles, qui vont s’intensifier dans les mois à venir. Il n'est pas impossible qu'au jour de l’élection, le 5 novembre 2024, il soit déjà condamné au titre d’une ou plusieurs d'entre elles. Et s'il remporte l'élection, il n’y aura pas à attendre longtemps pour assister au premier crime de son second mandat. Le 20 janvier 2025, vers midi, Donald Trump se rendra coupable de parjure en prononçant son discours d’investiture: lorsqu’il promettra de défendre la Constitution des États-Unis.

Un second mandat de Trump plongerait instantanément le pays dans une crise constitutionnelle plus terrible que tout ce que la guerre de Sécession a pu produire. Même au plus fort de la Guerre froide, même pendant la Grande Dépression, le pays disposait d’un gouvernement en état de marche avec un président à sa tête. Mais l’exécutif ne peut pas fonctionner sous les ordres d’un criminel, présumé ou condamné. Devenu hors-la-loi ou en passe de le devenir, ce président-là devra démanteler l'État de droit pour survivre.

### **L’agenda du chaos**

Grâce à l’intéressé et son entourage, nous avons déjà une idée assez claire des priorités d’un futur gouvernement Trump:

  1. Faire cesser toutes les poursuites contre Trump, pénales ou civiles, au niveau fédéral ou des Etats constitués.

  2. [Gracier et protéger](https://www.nbcnews.com/politics/donald-trump/trump-says-pardon-large-portion-jan-6-rioters-rcna83873) ceux qui ont tenté de renverser le cours de l'élection de 2020 au profit de Trump.

  3. Traquer les adversaires et détracteurs de Trump [via le département de la Justice.](https://www.washingtonpost.com/politics/2023/11/09/trump-interview-univision/)

  4. [Mettre fin à l'indépendance de la fonction publique](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2024/01/donald-trump-2024-reelection-cabinet-appointments/676121/) et licencier les fonctionnaires fédéraux qui refusent d'exécuter les ordres de Trump.

  5. Au cas où ces décisions sans foi ni loi susciteraient des manifestations dans les grandes villes, [employer l'armée pour](https://www.newsweek.com/trump-could-legally-quell-protests-military-mark-esper-1842888) écraser toute protestation populaire.

Un retour de Trump entraînerait les Etats-Unis dans un maquis de scénarios jusque-là impensables. Le Sénat confirmera-t-il les candidats nommés par Trump à des postes à responsabilités, choisis pour assister le président dans son coup d'État? Les agents du ministère de la Justice vont-ils démissionner en masse? Les citoyens vont-ils descendre dans la rue pour protester? Les militaires accepteront-ils de réprimer les manifestations?

### **Les failles d’un système**

Le système politique actuel n’est pas conçu pour résister aux manœuvres subversives d’un criminel en chef à Washington. Un président peut se gracier lui-même pour des crimes fédéraux, et c’est sans doute ce que Trump prévoit de faire. Qu’est-ce qui l’empêcherait, dans ces conditions, de rédiger sa propre grâce présidentielle à l'avance avant de tirer sur les visiteurs de la Maison-Blanche? Soit dit en passant, dans la même logique, la vice-présidente pourrait assassiner le président dans le bureau ovale et se gracier dans la foulée…

Si un président peut ordonner au procureur général d'abandonner une procédure fédérale contre lui – on voit mal Trump résister à cette tentation –, l'obstruction de la justice pourrait devenir de facto une prérogative usuelle de la Maison-Blanche. Si Trump devient président, les États-Unis doivent leurs plus plates excuses à Richard Nixon, lequel aurait été dans son droit d'ordonner au ministère de la Justice [d’abandonner l’enquête sur l’affaire du Watergate](https://www.washingtonpost.com/wp-srv/national/longterm/watergate/articles/102173-2.htm). Il aurait d’ailleurs pu se gracier lui-même, ainsi que toutes les personnes impliquées dans le cambriolage de l’immeuble du Watergate et la dissimulation des preuves à la justice.

### **Une nouvelle génération d’affidés**

Après son élection en 2016, Trump s’est vite trouvé entouré de personnalités influentes, bien conscientes de la menace que représentait ce président sans foi ni loi. Ces pompiers improvisés sont parvenus à contenir un homme qu'ils considéraient, pour reprendre les [mots du premier secrétaire d'État de Trump](https://slate.com/news-and-politics/2017/10/now-we-know-why-rex-tillerson-called-donald-trump-a-moron.html) Rex Tillerson, comme *«un foutu imbécile»* (*«a fucking moron», ndlr.*) ou, pour [citer son deuxième chef de cabinet](https://www.cnn.com/2020/10/16/politics/donald-trump-criticism-from-former-administration-officials/index.html) John Kelly, comme *«la pire personne que j'aie rencontrée dans ma vie»*, à *«la malhonnêteté tout bonnement incroyable»*. En cas de second mandat Trump, inutile de compter sur des Tillerson ou des Kelly. Ni sur un procureur général comme Jeff Sessions, dont la décision [de se récuser de l'enquête](https://www.youtube.com/watch?v=wgos4aGdgHo) sur les liens entre Trump et Moscou a permis la nomination d’un procureur spécial indépendant.

Depuis 2021, les Républicains sceptiques à l'égard de Trump ont été écartés de la vie politique. [Liz Cheney](https://www.nytimes.com/2022/08/16/us/politics/harriet-hageman-liz-cheney-wyoming.html) et [Adam Kinzinger](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/10/adam-kinzinger-renegade-prodemocracy-republicans/675846/) ont perdu leur siège à la Chambre des représentants pour avoir défendu l'intégrité des élections. Tom Emmer [a retiré sa candidature au poste de président de la Chambre des représentants](https://www.cnn.com/2023/10/24/politics/tom-emmer-house-speaker/index.html) pour la même raison. Le groupe républicain au Sénat est devenu moins réceptif à l’autoritarisme trumpien, mais les sénateurs républicains les plus jeunes et récemment élus (Ted Cruz, Josh Hawley, J. D. Vance) ont tendance à soutenir les projets de Trump, tandis que ses adversaires au Sénat appartiennent à la génération sortante. Au sein du Parti républicain, les principaux rivaux de Trump pour l'investiture de 2024 osent rarement critiquer ses abus de pouvoir.

La plupart de ceux qui seront appelés à diriger le pays en cas de second mandat Trump sont d’une trempe servile. Des affidés ayant déjà absorbé la réalité brutale du Parti républicain d’aujourd’hui: défendre la démocratie, c'est renoncer à sa carrière. Un carré d’opportunistes techniquement compétents s’est déjà constitué, issu des *think tanks* de droite et d’autres cercles. Il a d’ores et déjà commencé à planifier avec précision le démantèlement de tous les garde-fous institutionnels qui pourraient faire obstacle à la corruption et aux impulsions vengeresses de Trump. Ses probables futurs conseillers à la Maison-Blanche n’ont pas fait mystère du fait qu’ils partageaient sa volonté de se soustraire à la loi et d’utiliser les forces de l’ordre contre ses opposants – la famille Biden, mais aussi d’anciens compagnons de route comme l'[ex-procureur général William Barr](https://www.washingtonpost.com/politics/2023/11/05/trump-revenge-second-term/) et [l’ancien chef d’état-major des armées Mark Milley](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/09/trump-milley-execution-incitement-violence/675435/).

### **Le monde à l’envers**

Si Trump accède de nouveau à la présidence, le monde entier deviendra le théâtre de sa politique de revanche et de récompense. L'Ukraine sera abandonnée à Vladimir Poutine; l'Arabie saoudite recevra les fruits de ses investissements passés dans la famille Trump.

Pendant son premier mandat, Trump a confié à ses collaborateurs qu'il souhaitait se retirer de l'OTAN. De retour aux manettes, il choisira des collaborateurs qui ne le dissuaderont pas de le faire. D'autres partenaires devront s'adapter à l'autoritarisme et à la corruption qui régnerait à la Maison-Blanche. Les libéraux en Israël et en Inde perdront le soutien américain. Les démocraties d'Asie de l'Est devront composer avec le protectionnisme et les guerres commerciales de Trump. Pour peu qu’il mette fin au flux migratoire vers les Etats-Unis, le [parti antidémocratique Morena](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/02/mexico-democracy-autocrat-andres-manuel-lopez-obrador/673137/) au Mexique aura les coudées franches pour étouffer les institutions indépendantes du pays.

De toute façon, les États-Unis seraient trop paralysés par leurs problèmes domestiques pour venir en aide à leurs alliés à l'étranger.

### **La démocratie n’est pas l’objectif**

Si Trump est élu, il est très probable que ce ne sera pas avec la majorité du suffrage populaire. Imaginez le scénario: Trump est élu par les grands électeurs avec seulement 46% des votes citoyens, parce que des candidats tiers financés par des donateurs républicains ont réussi à diviser la coalition anti-Trump. Sans avoir jamais réussi à s’imposer devant le peuple, Trump entre à la Maison-Blanche pour la deuxième fois. Lui et ses partisans s’emploient alors à mettre en œuvre son programme de vengeance politique et d’impunité personnelle, en dépit d’une légitimité politique fragile.

Dans ce scénario, les opposants à Trump doivent faire face à une dure réalité: le système électoral américain aura privilégié une minorité stratégiquement implantée, dirigée par un président délinquant, au détriment de la majorité démocratique. Battu dans les urnes, le camp minoritaire s’arroge malgré tout le pouvoir de gouverner.

Ce camp n’aurait aucun scrupule à justifier la tournure des événements. *«Nous sommes une république, pas une démocratie»*, disaient beaucoup d'entre eux en 2016, lors de la première élection de Trump contre Hillary Clinton. Depuis lors, les mêmes s'opposent de plus en plus ouvertement à la démocratie. Comme l'[a tweeté le sénateur Mike Lee](https://twitter.com/SenMikeLee/status/1314089207875371008) un mois avant les élections de 2020: *«La démocratie n'est pas l'objectif»*.

Tant que le pouvoir de la minorité semble résulter d’un coup du sort occasionnel, la majorité peut l'accepter. Mais si les mal élus s’évertuent à conserver le pouvoir et l'utilisent pour subvertir le système juridique et constitutionnel, la majorité peut commencer à se rebiffer. L'une des conséquences d'un second mandat de Trump pourrait ainsi être une version américaine des [manifestations massives dans les rues de Tel-Aviv](https://www.theatlantic.com/photo/2023/07/israel-protest-law-supreme-court-powers/674815/) en 2023, lorsque Benjamin Netanyahou a tenté de remodeler le système judiciaire israélien en sa faveur.

### **Qu’est-ce qui pourrait mal tourner?**

Qu'est-ce qui pourrait suivre? En 2020, les conseillers de Donald Trump ont évoqué la possibilité d'utiliser l'armée pour écraser les manifestations contre les projets du président de rester au pouvoir malgré sa défaite dans les urnes. Aujourd'hui, les membres de l'entourage de Trump semblent voir plus loin. Certains [voudraient se préparer à invoquer](https://www.washingtonpost.com/politics/2023/11/05/trump-revenge-second-term/) l’Insurrection Act pour mettre l'armée au service de leur projet autoritaire. L’idée paraît stupéfiante. Mais Donald Trump y pense, donc tout le monde se doit de la prendre au sérieux, jusque dans les hautes sphères du commandement militaire.

Si un président peut demander l'ouverture d'une enquête sur ses opposants ou ordonner à l'armée de réprimer des manifestations, notre société aura cessé d’être libre. Il n'y aura plus d’Etat de droit, seulement une persécution légalisée des opposants politiques. Le souhait politique suprême de Trump a toujours été de brandir à la fois la loi et la violence institutionnelle comme attributs personnels du pouvoir. Beaucoup dans son parti semblent aujourd'hui déterminés à lui en donner les moyens.

Cette sombre perspective est la question centrale du scrutin de 2024. Si Trump est battu, les États-Unis pourront continuer à traiter les grands problèmes de notre temps de la manière imparfaite qu'on leur connaît: les guerres au Moyen-Orient et en Ukraine, le changement climatique, l’éducation et l'égalité des chances, la croissance économique et le niveau de vie des individus, etc. Arrêter Trump ne permettrait pas de progresser sur ces questions, mais de préserver la possibilité du progrès, en maintenant en vie la structure constitutionnelle et démocratique des États-Unis.

Une nouvelle présidence Trump, à l’inverse, serait une onde de choc qui écraserait toutes les autres questions. Elle marquerait un tournant vers une voie sombre, l'une de ces déchirures entre l’«avant» et «l’après» qu'une société ne peut jamais réparer, à l’instar de [l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2022/01/january-6-insurrection-trump-coup-2024-election/620843/). La longue tradition des transitions pacifiques du pouvoir a été rompue ce jour-là, et même si la tentative de coup a échoué, la violence elle-même n'a pas été effacée. Les plans et les complots d'un second mandat de Trump peuvent aussi être défaits. Mais tous les futurs dictateurs en puissance sauront qu’un président peut tenter un coup d'État et, s'il échoue, revenir au pouvoir pour tenter de réitérer.

### **Une république, si vous pouvez la garder**

Comme en témoignent les mémoires et les prises de paroles publiques, de nombreux membres du cabinet et de l'équipe dirigeante de Trump étaient horrifiés par le président qu'ils servaient. Les dirigeants de son propre parti au Congrès le craignaient et le détestaient. Les plus gros donateurs du Parti républicain ont travaillé pendant trois ans pour essayer de faire nommer quelqu'un, n'importe qui d'autre. Mais les partisans de Trump convergent de nouveau vers leur candidat et se persuadent qu’il existe des motifs justifiables pour porter de nouveau au pouvoir l’auteur d’un coup d’Etat échoué: les impôts, le contrôle des frontières, quelques commentaires stupides d’étudiants *«woke»*.

Mais pour que la démocratie perdure, la sauvegarde du système démocratique lui-même doit être l'engagement suprême de ses principaux participants. Le respect des urnes importe plus que les noms sur les bulletins. Dans le cas contraire, tout le système menace de s’effondrer. Et c’est la direction que nous sommes en train de prendre.

A l’issue de l’assemblée constituante de 1787, il est dit que des citoyens ont demandé à Benjamin Franklin quel type de régime avait instauré la toute nouvelle Constitution votée par les pères fondateurs. *[«Une république, si vous pouvez la garder»](https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/02/a-republic-if-we-can-keep-it/605887/)*, aurait-il répondu *(par opposition à une monarchie, ndlr.)*. Il n’entendait pas par là qu’on pouvait égarer la république comme par étourderie. Il prévoyait que des ambitieux et des impitoyables surgiraient pour essayer de mettre à bas le régime, avec l’assistance éventuelle des faibles ou des cupides.

Depuis 2016, l’Amérique se frotte au défi énoncé par Benjamin Franklin. Cette histoire comporte quelques méchants, beaucoup de héros, et juste assez de chance pour faire pencher la balance du bon côté. Il serait dangereux de continuer à compter sur notre seule bonne étoile.

<br/> *Traduit de l’anglais et édité par Yvan Pandelé. L’article original a été publié le 4 décembre 2023 [par The Atlantic](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2024/01/donald-trump-reelection-second-term-agenda/676119/).*

https://www.heidi.news/articles/si-trump-revient-c-en-est-fini-de-la-democratie-americaine

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Comment l'exposition au bruit affecte notre santé [VIDEO]

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3a1dbc3d-c329-4cbe-8d85-66ffbb92ba97/medium" /><p>Un voisin qui fait du bruit tard le soir, des voitures qui klaxonnent, des travaux qui s’éternisent… Le bruit tape aussi si bien sur nos tympans que sur nos nerfs, avec de sérieux effets sur la santé. Parmi les solutions pour s&#39;en protéger, les arbres. Un épisode de PopScience réalisé en collaboration avec <a href="https://www.youtube.com/@AntoinevsScience" rel="nofollow noopener" target="_blank">Antoine vs Science</a></p><p>En Suisse, le bruit est <a href="https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/bruit/info-specialistes/exposition-au-bruit/valeurs-limites-pour-le-bruit/valeurs-limites-dexposition-au-bruit.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">réglementé</a>. On ne peut donc pas émettre les décibels que l’on veut, quand on veut, où on veut. Et derrière l&#39;ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB), il y a un objectif clair: limiter la pollution sonore qui gagne du terrain.</p><p>Si le sujet est pris au sérieux, c’est parce que l’exposition chronique au bruit génère ou accentue tout un tas de problèmes de santé:</p>* nervosité,

* fatigue,

* hypertension,

* maladies cardiovasculaires,

* troubles de la concentration,

* baisse de la mémoire à long terme chez les écoliers,

* troubles de la communication,

* ou encore tendance à l'isolement.

**Et notre oreille.** En plus de jouer sur notre santé de façon générale et limiter notre nombre d’années de vie en bonne santé, il faut aussi mentionner qu’une exposition prolongée au bruit affecte aussi… notre oreille. Par exemple, une cour de récré, c'est à peu près 80 décibels (dB). S’exposer trop souvent à cette intensité peut provoquer une légère perte d’audition. Mais un concert ou une boîte de nuit, c’est à peu près 110 dB. Là, si on s’expose trop, on risque plutôt des acouphènes ou même la surdité.

En Suisse, on estime qu’une personne sur sept est gênée par le bruit, principalement celui qui nous vient de la circulation routière. Comme on peut s’en douter, cette pollution sonore concerne surtout la population urbaine.

**Comment les arbres peuvent nous aider ?** Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous? Si la loi encadre le niveau de bruit autorisé, il en faut bien plus pour le réduire efficacement. Doit-on supprimer toutes les voitures et tous les aéroports? Évidemment, ce n’est pas si simple. Il existe d’autres solutions:

* On peut réduire l’émission du bruit, par exemple en limitant la vitesse sur les routes, en utilisant des revêtements spéciaux, des rails plus silencieux ou en réglementant le trafic aérien.

* On peut bloquer la propagation du bruit, notamment en pensant l’architecture de telle sorte que les bâtiments absorbent le bruit. Les murs anti-bruits, affreux mais efficaces, sont aussi une option.

* Enfin, on peut essayer de réduire le bruit à la réception avec de bons isolants phoniques et des matériaux absorbants.

Mais là, nous n’avons pas encore parlé d’une solution originale et naturelle: les arbres! Quiconque a déjà grimpé aux branches sait qu’on se sent comme dans un petit cocon là-haut, et ce n'est pas un hasard. Les branches et les feuilles absorbent efficacement les hautes fréquences, et les troncs se chargent des moyennes fréquences. Mais ce qui atténue encore plus les bruits, c’est le sol meuble d’une forêt, qui absorbe les sons au lieu de les réverbérer.

On peut donc planter des arbres pour absorber le bruit au niveau de la route ou au niveau des habitations. Et c’est sans parler des nombreux autres bénéfices d’un paysage arboré sur la santé des citadins:

* baisse de la mortalité,

* baisse du stress,

* baisse des naissances prématurées,

* baisse de la criminalité,

* stimulation de l’économie...

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2024, un monde fragile mais où le pire n’est pas certain

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/76f68c10-2ce2-486b-a776-7a8d4a56fb84/medium" /><p>En 2024, plus de la moitié des électeurs de la planète seront appelés aux urnes. Face aux enjeux politiques, écologiques et technologiques, l’année qui s’ouvre est incertaine. Heureusement l’Histoire ne s’écrit jamais tout à fait à l’avance.</p><p>Avouez que le monde est plutôt sombre en cette fin d’année, avec une quasi paralysie des instances onusiennes - incapables d’enrayer les massacres - et le recul inquiétant du droit international sur tous les terrains de conflits.</p><p>Alors le pire est-il devant nous? Que nous réservera 2024, se demandent les journaux du weekend, en listant quelques-uns des grands enjeux politiques, écologiques et technologiques à venir. Quitte à convoquer des voyants à l’image du SonntagsBlick!</p><a href="/articles/2024-un-monde-fragile-mais-ou-le-pire-n-est-pas-certain">Voir plus</a>

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Pourtant spécialiste des greffes, le Dr Morel ampute un sketch de la Revue de Genève

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/a75e078a-c815-4fec-a212-299de23252ef/medium" /><p>La marche du monde, en 2023, a été dramatique. Pour alléger un peu cette lourde actualité, je vous propose une histoire amusante de “Genferei” (genevoiserie) autour du fameux Dr Morel et sa transplantation de foie à un patient des Emirats, ainsi que la non moins fameuse Revue genevoise, qu’il a réussi à censurer en partie.</p><p>C’est d’ailleurs un succès isolé. Car les développements judiciaires des procédures lancées par le Dr Morel contre Heidi.news sont pour l’instant plutôt positifs pour votre média préféré.</p><p>Le 12 octobre 2023, peu avant 19h30, le Dr Philippe Morel et son épouse franchissent les portes du Casino Théâtre, situé au 42 rue de Carouge à Genève, nous apprend l’allégué 80 d’un document déposé trois semaines plus tard devant la justice par son avocat. Le couple assiste à la première représentation de la cuvée 2023 de la fameuse Revue genevoise (si vous l’avez ratée, il vous reste ce soir ou demain).</p><p><strong>Lire aussi:</strong> <a href="https://www.heidi.news/sante/exclusif-le-dr-philippe-morel-candidat-genevois-a-court-circuite-le-don-d-organes-pour-un-patient-emirati" rel="nofollow noopener" target="_blank">Le Dr Philippe Morel a court-circuité le don d’organes pour un patient émirati</a></p>Vers le milieu du spectacle, qui dure 2h20, un sketch représente le Dr Morel en pleine opération de prélèvement d’organes. Or le sketch est tronqué, parce que le comédien qui en assure la plus grande partie, Laurent Deshusses, se remet d’une opération pour laquelle le chirurgien a précisément été le Dr Morel (avouez que c’est un drôle de concours de circonstances).

### **La prise de conscience prend six jours**

Ce 12 octobre, donc, le Dr Morel sort égayé du Casino Théâtre, sans avoir pu se rendre compte à quel point le sketch à son sujet serait «hautement blessant et humiliant», portant atteinte «à la fois à sa réputation d'homme honnête et à sa réputation professionnelle», car le dépeignant «comme un médecin vénal, sans scrupules et sans égards pour ses patients» (allégué 78).

Je cite toujours les documents remis par le Dr Morel et son avocat, peu avant une audience le 13 novembre devant le Tribunal de première instance.

La prise de conscience aura lieu six jours plus tard, le 18 octobre. Ce soir-là, le Dr Morel assiste une seconde fois à la Revue, cette fois à l’invitation du Conseil municipal de Vandoeuvres (allégué 81).

C’est le choc.

«L'atteinte \[à la personnalité\] est d'autant plus aiguë que le Sketch litigieux est joué quasiment tous les soirs, et parfois deux fois par jour, devant le public genevois, et ce sur une période de plus de deux mois» (allégué 70) et que la Revue «jouit d'une très grande popularité auprès du public genevois et d'une visibilité importante dans les médias romands» (allégué 58).

### **Un huissier se transporte**

Six autres jours s’écoulent avant que le Dr Morel, «encore sous le choc de cette humiliation publique» (allégué 82), n’appelle son avocat. On est le 24 octobre. Le sang de l’avocat ne fait qu’un tour. Il saisit son téléphone et dépêche à la Revue un «huissier judiciaire près les Tribunaux de la République et Canton de Genève» (allégué 83).

«A cet effet \[relever certains passages dudit spectacle\], je me suis transporté ce jour \[26 octobre\] à 19 heures 30 au Casino-Théâtre, rue de Carouge 42,1205 Genève où étant, j'ai procédé aux constatations suivantes», commence l’huissier dont le constat figure en pièce 34 de l’épais dossier déposé le 3 novembre au greffe de la justice genevoise.

«Le rideau s'ouvre sur une scène composée d'une table d'opérations entourée par du personnel médical, poursuit l’huissier dans son relevé du sketch “La greffe des soignants”. L'acteur Laurent Deshusses représente un médecin qui pratique une opération sur un patient conscient. (...) Environ au milieu du sketch, Laurent Deshusses entame une chanson satirique intitulée “Les portes d'entrées des HUG”. Laurent Deshusses, incarnant le Professeur Morel, avertit un patient des HUG qu'il va mourir à I'hôpital et qu'il va lui récupérer le foie et la cornée. Pour ensuite ajouter, qu'il pratique uniquement des greffes aux personnes qui peuvent payer.»

### **Un journaliste de Heidi.news va se faire dépecer**

«Plus loin, Laurent Deshusses, toujours en incarnant le Professeur Morel, chante: “Toi le cheikh qui m'a payé quand je t'ai transplanté, tous les acomptes que tu m'as versés, on va les oublier”. A toutes fins utiles, je mentionne que Heidi.news est citée nommément dans le sketch dans la mesure où I'un des intervenants autour de la table d'opération annonce l'arrivée d'un patient qui bosse chez Heidi.news.»

Sur ces mots inquiétants se termine le constat de l’huissier. Pour la suite, il faut retourner aux allégués de l’avocat, où nous attend une surprise.

«Au demeurant, le 2 novembre 2023, M. Morel s'est entretenu par téléphone avec M. Frédéric Hohl, producteur de la Revue, pour exiger la suppression immédiate du Sketch litigieux des prochaines représentations de la Revue» (allégué 86). Résultat? «M. Hohl s'est alors engagé verbalement à supprimer ledit Sketch des futures représentations de la Revue» (allégué 87).

Ca alors! La Revue aurait-elle plié sur un simple coup de fil d’un élu MCG?

Lisant ces quelques lignes dans les documents transmis par la justice en vue de l’audience du 13 novembre, j’ai aussi appelé Frédéric Hohl, le 10 novembre, pour m’enquérir du destin de ce sketch. «Ah ça jamais, m’a-t-il répondu. La Revue ne cède à aucune pression. Même quand le Vatican a demandé la suppression d’un sketch sur le Pape, nous avons tenu bon.»

### **Un couplet modifié**

Même le pape, dans la Cité de Calvin… Brave Genève, brave Revue, cette Mère Guillaume sur les remparts de la liberté d’expression et du rire salutaire!

Il se trouve pourtant que le lendemain, samedi 11 novembre, une journaliste de Heidi.news s’est elle aussi transportée au Casino-Théâtre du 42 rue de Carouge et a fait son propre constat. Figurez-vous que dans la chanson de Laurent Deshusses, un couplet a été modifié.

Au lieu de:

«Toi le cheikh qui m'a payé quand je t'ai transplanté, tous les acomptes que tu m'as versés, on va les oublier»,

Laurent Deshusses, dont les plus anciens d’entre nous n’ont pas oublié son rôle il y a 30 ans dans L'Ours Maturin et la Famille Wallace sur TF1 et la RTS, chantait désormais:

«Toi presse qui viens fouiner, tu fais un sale métier, tous les mensonges que tu as publiés on va les oublier».

Diantre, le Dr Morel, toujours flatté d’avoir été surnommé «le chirurgien aux mains d’or», a aussi le bras long. Non seulement il a réussi, à défaut d’obtenir la «suppression immédiate du Sketch litigieux», à censurer en partie la Revue genevoise mais il a, en plus, été porté au Conseil d’administration des HUG par son parti, le MCG, le 13 décembre dernier.

*Heidi.news* aurait publié des mensonges? Nous maintenons l’intégralité de nos affirmations sur la transplantation de foie du patient émirati.

Et le résultat de l’audience du 13 novembre où nous avons eu le plaisir de croiser Philippe Morel ainsi que ses avocats? L’ordonnance du 14 décembre du Tribunal de première instance, sur mesures provisionnelles, donne raison à Heidi.news sur toute la ligne.

La partie adverse, qui n’osait apparemment pas attaquer la Revue, a tenté de faire porter à Heidi.news la responsabilité du sketch de Laurent Deshusses. C’est raté.

Le Dr Morel voulait surtout profiter de l’occasion, ainsi que de sa mention [dans un éditorial du 7 octobre](https://www.heidi.news/articles/politique-violences-conjugales-et-loi-du-secret) au sujet du candidat UDC vaudois au Conseil des Etats Michaël Buffat, pour obtenir par mesures provisionnelles la suppression [des articles de Heidi.news d’avril 2023](https://www.heidi.news/sante/affaire-philippe-morel-voici-les-documents-qui-contredisent-la-defense-du-candidat-genevois) le concernant. Raté également.

Le tribunal retient notamment que «s’agissant du préjudice subi, M. Morel «ne rend pas vraisemblable que les articles litigieux (…) auraient eu des conséquences notamment sur son activité professionnelle de chirurgien ou seraient responsables de l’échec de sa campagne électorale».

Et aussi «qu’il y avait un intérêt public prépondérant à informer le public sur les événements révélés», non seulement du fait des «ambitions politiques» de M. Morel mais même «eu égard \[à ses fonctions\] de médecin spécialiste en chirurgie générale et viscérale».

Le Dr Morel continue de prétendre que les documents ayant étayé l’enquête de Heidi.news sont des faux. Nous avons entamé des démarches pour prouver le contraire.

https://www.heidi.news/articles/pourtant-specialiste-des-greffes-le-dr-morel-ampute-un-sketch-de-la-revue-de-geneve

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Dans les fjords du Groenland, où les scientifiques suisses pêchent... de l'eau

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/f622b743-15cc-4aaf-84f3-0a66f735d465/medium" /><p>Au Groenland, avec la fonte de la calotte polaire, les glaciers qui se jettent dans l&#39;océan tendent à se retrouver les pieds au sec. Il y a là de quoi bouleverser tout l’écosystème du pays. Nos chercheurs suisses, à bord du Sanna, sondent les profondeurs des fjords pour mieux comprendre ce qui se joue. </p><p>A l’arrière du navire, une lourde poulie soutient un câble qui plonge dans l’eau. L’équipage du Sanna active le treuil électrique pour remonter la charge des profondeurs du fjord, à quelques centaines de mètres du glacier Eqalorutsit Kangilliit Sermiat, dont la blancheur réfléchit les rayons du soleil. Attachée à l’extrémité du filin, une structure métallique protège un gros appareil que deux scientifiques attrapent à sa sortie de l’eau. Samuel Jaccard, professeur à la faculté de géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne, et son étudiante Mathilde Joray transportent leur cargaison à l’intérieur du bateau.</p><p>Démontant le couvercle de ce qui est en fait une pompe volumineuse, la jeune femme récupère avec précaution, à l’intérieur, un filtre circulaire recouvert d’un limon gris foncé, puis le dépose délicatement dans une boîte transparente. Le chercheur saisit alors une autre boîte contenant le filtre d’une seconde pompe déployée peu de temps avant, et les compare. <em>«Les particules recueillies sur les deux filtres sont très différentes, verdâtres à 6 mètres de profondeur et grises à 50 mètres,</em> constate Samuel Jaccard, qui met son nez sur le filtre chargé de chlorophylle. <em>Le vert sent les algues!»</em> L’odeur pourrait venir d’un composé volatil produit par le phytoplancton, des micro-organismes marins capables de faire de la photosynthèse.</p><a href="/articles/dans-les-fjords-du-groenland-ou-les-scientifiques-suisses-pechent-de-l-eau">Voir plus</a>

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L’enfance terrible de la Terre nous éclaire pour découvrir les exoplanètes [VIDEO]

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/12b790df-cadb-49ca-ba3f-3702ff20da32/medium" /><p>Que faisiez-vous, il y a quatre ou cinq milliards d’années? Sûrement pas grand-chose, puisque c’est à cette époque que s’est formée la Terre et le système solaire. On en connaît d&#39;ailleurs un peu plus sur l’enfance de notre planète, grâce à une équipe de chercheurs franco-suisses. Guillaume Chaverot, jeune chercheur à l&#39;Observatoire de Genève, nous détaille ces recherches pour PopScience.</p><p>La Terre s’est formée presque en même temps que notre système solaire, il y a plus de 4,6 milliards d’années. Tout a commencé par des petits grains de poussière dans l&#39;espace. Ces grains se sont regroupés pour former de grosses boules de roche et de métal. Mais on est encore loin de l’ambiance paisible des belles plages des Caraïbes que l’on connait actuellement.</p><p>Sur Terre, c’est l’enfer pendant plusieurs millions d’années. Littéralement: la température est insoutenable, tout est recouvert par un océan de magma. Alors certes, il y a de l’eau, mais il fait tellement chaud qu’elle n’est pas liquide: c’est du gaz, de la vapeur d’eau.</p>Or, l’eau sur une planète, c’est très important: c’est ce qui amène la vie. Identifier le processus par lequel la planète se refroidit après sa formation est extrêmement important pour comprendre l’arrivée de la vie. Par exemple, savoir comment les océans se sont formés sur Terre nous a permis de comprendre comme la vie y est apparue.

#### Voir aussi: [Quand les continents terrestres vont de nouveau fusionner](https://www.heidi.news/sciences/quand-les-continents-terrestres-vont-de-nouveau-fusionner-video)

**Ce qui est différent.** Comment passe-t-on de l’océan de magma, avec une atmosphère de vapeur d’eau, à des océans d’eau liquide, avec nos plages paradisiaques des Caraïbes? Récemment, on a découvert que cette transition s’est déroulée bien différemment de ce qu’on pensait.

Dans l'atmosphère actuelle de la Terre, les échanges de chaleur se font surtout par convection, c’est-à-dire par de grands mouvements des masses d’air. Pour simplifier les modèles, on avait considéré qu’il en allait de même pour la Terre pendant son enfance.

#### Voir aussi: [Alors c'est vrai, on sait dévier des astéroïdes?](https://www.heidi.news/sciences/c-est-vrai-on-sait-devier-des-asteroides-dans-l-espace-video)

Dernièrement, une équipe franco-suisse a démontré que  cette hypothèse était fausse. Pour comprendre l’évolution d’une atmosphère chargée en vapeur d’eau, on ne peut pas négliger un autre mode de transfert de la chaleur: le rayonnement, c’est-à-dire l’échange de chaleur via les ondes électromagnétiques (infrarouge, lumière, UV, rayons X…)

Ce nouveau modèle change la compréhension du refroidissement de la Terre des débuts et des planètes analogues, et donc la formation des océans par condensation de la vapeur d'eau. Et c’est vrai pour toutes les planètes à l’atmosphère chargée en vapeur d’eau.

**Et à quoi ça sert?** Vous vous souvenez quand je vous disais que l’eau, c’était super important pour créer la vie sur une planète? Et bien, c’est exactement ce qu’on cherche quand on observe des exoplanètes, ces planètes situées en dehors de notre système solaire.

Ces résultats, qui montrent que la jeunesse de la Terre est différente de ce que l’on croyait depuis plus de 30 ans, ils viennent bouleverser notre compréhension du climat des exoplanètes.

Parce qu’on a des ordinateurs géants capables de mieux calculer les atmosphères de ces exoplanètes, on va pouvoir être bien plus précis sur les températures de ces planètes, savoir si elles ont du magma à la surface ou pas par exemple. Et peut-être trouver une trace de vie ailleurs que sur Terre…

https://www.heidi.news/articles/l-enfance-terrible-de-la-terre-nous-eclaire-pour-decouvrir-les-exoplanetes-video

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De Genève aux Caraïbes, l’étrange parcours du crypto-diplomate chinois Justin Sun

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ff6f0c19-2699-4223-b74a-60b28e73470d/medium" /><p>L&#39;influence de Pékin dans les Caraïbes est à la fois prégnante et discrète. Seul le fantasque homme d’affaires chinois Justin Sun assume de se positionner comme ayant des intérêts économiques et politiques dans la zone. Celui qui dit résider en Suisse a ajouté à ses activités dans les cryptomonnaies un poste d’ambassadeur pour la Grenade auprès de l’OMC à Genève. En 2021, il annonçait avec le Premier ministre de la Dominique le lancement du Dominica Coin, une monnaie virtuelle qui permet notamment de faciliter l&#39;obtention de la nationalité du pays.</p><p>Genève, 12 juin 2022. Le siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est en effervescence. Les ministres de l’Économie et des Finances sont venus du monde entier faire le point sur les dégâts causés par le Covid et les sinistres perspectives de la guerre en Ukraine. Le décorum ressemble fort à celui des Nations unies: des petites tables ou pupitres ornées d’une pancarte qui indique en lettres capitales le pays représenté. Juste après les pupitres de la Guyane et la Guinée, un jeune homme aux traits adolescents se prend en photo. Puis se lève. Dans un costume bleu clair ajusté, il s&#39;adresse aux ministres: «<em>Je vous salue au nom du gouvernement et du peuple de la Grenade</em>». Il présente les excuses du ministre du Commerce «<em>qui n’a pas pu venir participer à nos délibérations»</em> avant de lire un discours tiède sur le contexte économique post-pandémie. Les connaisseurs du milieu de la blockchain ont reconnu le fantasque Justin Sun.</p>
<h3>Statut de diplomate refusé</h3>
<p>Le milliardaire chinois de 33 ans, fondateur de la plateforme crypto TRON, a confié à l’ambassade de Grenade le soin de présenter ses lettres de créances aux autorités suisses. Quelques mois avant sa prise de parole, la Mission suisse a refusé de lui accorder le statut de diplomate, notant qu’il n’était officiellement pas domicilié à Genève mais en Grenade, comme l’avait révélé le magazine <em>Bilan.</em> Pour parer l’argument, il promet qu’il viendra vivre sur place. Mais de nouveau, le statut de diplomate lui est refusé.</p><p>En cause? La contradiction apparente entre ses activités d&#39;homme d&#39;affaires et celle de diplomate. Régie par la Convention de Vienne, l’immunité diplomatique ne peut être accordée que selon certaines conditions. Ce qui n’empêche pas Justin Sun de se présenter en «Excellence» depuis fin 2021, un titre honorifique qu’il semble chérir puisqu’il continue à s’en prévaloir alors qu’il a été démis de ses fonctions à l’OMC par le nouveau gouvernement de la Grenade en mars dernier.</p>
<h3>Dépenses ahurissantes</h3>
<p>Cette brève incursion dans le monde policé de la diplomatie n’a rien d’anecdotique. Aussi insaisissable que sa monnaie virtuelle, le jeune Chinois est difficile à localiser et son prétendu poste diplomatique est loin d’être son premier coup d’éclat. <a href="https://variety.com/2018/digital/news/bittorrent-acquisition-tron-justin-sun-1202841793/" rel="nofollow noopener" target="_blank">En 2018,</a> il rachète le site d’échange de fichiers Bit Torrent pour 140 millions de dollars. Un an plus tard, il dépense 4,57 millions pour déjeuner avec Warren Buffet, avant d’annuler lui-même la rencontre sous <a href="https://www.nytimes.com/2019/07/24/business/china-buffett-justin-sun-cryptocurrency.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">pression apparente de son gouvernement</a>. Fin 2021, il réserve pour 28 millions de dollars sa place à bord d’une fusée pour la Lune opérée par la future société de tourisme spatial de Jeff Bezos.</p><p>Il a aussi dépensé 78,4 millions de francs pour acheter un Nez de Giacometti, <a href="https://www.fondation-giacometti.fr/fr/evenement/283/alberto-giacometti-le-nez" rel="nofollow noopener" target="_blank">actuellement exposé à Paris</a>. Des dépenses ahurissantes qu’il se permet grâce à une fortune récoltée dans les cryptomonnaies et notamment avec sa société Huobi, une plateforme d’échanges. Une activité qui lui vaudra d’être condamné il y a quelques mois par le gendarme américain de la Security and Exchange Commission (SEC). Cette dernière lui reprochait d’avoir rémunéré des célébrités – parmi lesquelles l’actrice et mannequin américaine Lindsay Lohan, mariée récemment à un banquier de Credit Suisse – pour faire de la promotion déguisée de ses cryptomonnaies.</p>
<h3>Des cryptos pour des passeports</h3>
<p>Officiellement, la Chine interdit les cryptos depuis 2021. Mais Justin Sun, lui, ne cache pas ses activités. Il est inconcevable que le jeune homme puisse étaler son succès aux quatre coins du monde sans de solides protections politiques. Interrogé sur ses liens éventuels avec les sphères politiques ou sécuritaires chinoises par <em>Heidi.News</em>, il n’a pas souhaité répondre à nos questions.</p><p>L’intérêt de Justin Sun pour les Caraïbes en général, et la Dominique en particulier, est lié au programme de naturalisation de la petite île. L’homme d’affaires chinois n’a pas procédé via les cabinets d’avocats ou les intermédiaires dévoilés <a href="https://www.occrp.org/en/dominica-passports-of-the-caribbean/" rel="nofollow noopener" target="_blank">par le projet </a><em><a href="https://www.occrp.org/en/dominica-passports-of-the-caribbean/" rel="nofollow noopener" target="_blank">Passeports des Caraïbes</a></em>. C’est au travers du lancement d’un projet de monnaie virtuelle que Justin Sun a pris contact avec le sommet de l’Etat.</p><a href="/articles/de-geneve-aux-caraibes-l-etrange-parcours-du-crypto-diplomate-chinois-justin-sun">Voir plus</a>

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Empreinte numérique: «Un monde sans vie privée est un monde sans liberté»

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/b195f79c-ceef-4016-bb3b-2b8cbe09160b/medium" /><p>Carmela Troncoso est professeure en sécurité informatique et en protection de la vie privée à l’EPFL. A la tête du laboratoire Spring (Security and Privacy Engineering Laboratory), elle milite pour le respect des libertés individuelles dans le monde numérique. Entretien.</p><h5><strong>Heidi.news – Que pensez-vous de la collecte massive de données que font les entreprises à travers les offres de fidélité et les diverses applications mobiles qu’elles proposent à leur clientèle?</strong></h5>
<p><strong>Carmela Troncoso –</strong> Lorsqu’on parle du secteur de la vente au détail, par exemple, les informations collectées concernent des éléments comme nos vêtements, notre alimentation ou encore les appareils électroniques qu’on utilise. Combinés, ces éléments donnent une idée très précise de qui nous sommes, ce que nous aimons et du type de choses que nous possédons.</p>Voici un exemple que j’aime bien, qui remonte déjà au début des années 2000: celui d’un supermarché américain[ qui effectuait des analyses d’achats à des fins de publicité ciblée](https://www.nytimes.com/2012/02/19/magazine/shopping-habits.html?pagewanted=1&_r=1&hp). Une lettre a été envoyée à une famille pour les féliciter d’attendre un enfant et leur faire des recommandations d’achat en conséquence. Le père de famille, offusqué, les a contactés en leur disant qu’il y avait une erreur, car personne n’attendait d’enfant dans sa famille. Une semaine plus tard, il a envoyé une lettre d’excuse: sa fille de 16 ans était enceinte…

Les habitudes alimentaires changent beaucoup quand on est enceinte. C’est le cas aussi avec différentes maladies, comme que le diabète. Et là, il y a un problème de protection de la vie privée, car les entreprises ont connaissance de beaucoup de choses qu’on n’aimerait pas forcément divulguer.

##### **En quoi est-ce problématique?**

La question qui se pose, c’est quels sont les usages concrets que les détaillants peuvent avoir de ces informations? Plus précisément, quelles sont les actions qu’on souhaite les laisser entreprendre, comme l’envoi d'offres personnalisées qui peuvent plaire aux consommateurs, et celles qu’on préférerait qu'ils évitent, comme les tentatives d’influer sur les comportements?

On navigue constamment dans une zone grise. En sécurité des données, ce qu’on cherche à protéger, en fait, ne se limite jamais aux données en elles-mêmes. On cherche à se protéger des applications qu’il est possible d'en tirer, lesquelles peuvent être très variées. Cela peut être de la publicité ultra-personnalisée, qui peut se faire dans notre intérêt ou au contraire à notre détriment — comme dans l’exemple de la jeune fille enceinte. Ou cela peut être essayer de modifier insensiblement nos habitudes pour nous faire acheter davantage ou orienter nos achats. Ce type d’utilisations commence à déplaire aux individus, voire à la société en général. Parce que c’est notre liberté qui est en jeu.

##### **Est-ce que les citoyens se rendent compte de l’ampleur des données collectées sur eux?**

La plupart des gens ont beaucoup de mal à faire le lien entre la quantité de «traces» qu'ils laissent autour d’eux et l'effet que cela pourrait avoir. Mais c’est en train de changer, car on a de plus en plus d'exemples d’affaires qui sortent, dans lesquelles les effets délétères de la recolte massive de données sont manifestes. C’est le cas du scandale de Cambridge Analytica, par exemple.

De façon plus générale, le concept de vie privée est difficile à appréhender. Les effets des violations de vie privée et s’inscrivent sur le long terme, ce n'est pas comme si on perdait sa vie privée d’un coup, comme un électrochoc. On la perd petit à petit, sous l’effet des tentatives d’influences et des interventions qui utilisent nos informations personnelles pour façonner le monde dans lequel on vit. C'est très compliqué à détecter et il est aussi très difficile de trouver le bon compromis entre les avantages qu’on obtient dans l’immédiat et les préjudices qu’on peut subir à long terme.

##### **Les conditions générales et les déclarations de protection des données sont souvent ardues à comprendre et restent très approximatives. Quelle est votre position sur le sujet?**

En règle générale, les politiques de protection de la vie privée sont très difficiles à comprendre. Il existe de nombreuses études à ce sujet, qui les placent au niveau de lectures universitaires. Elles sont volontairement vagues. Mais pour se conformer à la loi, il n'est pas nécessaire de faire preuve de précision. La loi dit que vous ne pouvez collecter ou traiter des données que dans un objectif bien défini. L'une des astuces pour contourner cette contrainte consiste à mentionner une finalité très vague, telle que: «Nous collectons des données pour améliorer nos services». Qu'est-ce que cela veut dire? Pas grand-chose.

##### **Les technologies employées de nos jours sont-elles assez «sûres» pour garantir la protection de la vie privée des individus?**

Lorsqu’on parle de sécurité, il faut définir ce qu’on entend par là. La plupart du temps, les préjudices causés, ou possiblement causés, ne sont pas le fait d'une partie «non autorisée» qui volerait les données. Les données sont communiquées à des tiers, elles ne sont pas volées. La sécurisation des données ne peut rien faire contre ce type de préjudices. Et ce n'est pas parce que les données sont sécurisées qu'il n'y a pas de danger. Nous sommes de plus en plus à nous inquiéter et à réclamer une meilleure protection de la vie privée, car un monde sans vie privée est un monde sans liberté.

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Une présidentielle argentine sous le signe de la tronçonneuse

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/45881254-f494-435f-b086-d680766b5ba9/medium" /><p>L&#39;Argentine se trouve face à un choix crucial, ce dimanche 19 novembre: préserver une classe politique modérée, mais qui a laissé la crise économique appauvrir le pays, ou tenter un saut dans l&#39;inconnu populiste, faisant le pari de la rupture.</p><p>«La différence entre un génie et un fou, c’est le succès», n’a cessé de <a href="https://www.leprogres.fr/politique/2023/11/19/qui-est-javier-milei-le-trublion-et-favori-de-la-presidentielle" rel="nofollow noopener" target="_blank">répéter</a> tout au long de sa campagne pour l’élection présidentielle argentine, Javier Milei, candidat «<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/23/argentine-le-ministre-de-l-economie-sergio-massa-et-l-ultraliberal-javier-milei-au-second-tour-de-la-presidentielle_6196018_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">anarco-capitaliste</a>», comme il aime se définir, et favori des sondages. Dans quelques heures ce dimanche, nous saurons s’il tient du premier ou du second.</p><p>Son pari d’être le nouveau Trump sud-américain payera-t-il? A l’instar de son modèle new-yorkais, il n’a cessé de multiplier les frasques et propositions démagogiques comme celles de «dynamiter» la Banque centrale, de mettre en place un «<a href="https://www.courrierinternational.com/article/florilege-les-phrases-chocs-de-javier-milei-candidat-extremiste-a-la-presidentielle-argentine" rel="nofollow noopener" target="_blank">marché de la vente d’organes</a>» ou de «tronçonner» les dépenses publiques, scie électrique en main lors de bains de foule.</p><a href="/articles/une-presidentielle-argentine-sous-la-menace-du-populisme">Voir plus</a>

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Au Groenland, avec des chasseurs d’icebergs pour prédire la fonte des glaces

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/1701da95-9e66-46e9-a4a0-54c7ca9ef1f5/medium" /><p>«Seuls les glaces et le temps sont maîtres», dit un proverbe inuit. A bord d’un navire scientifique, l’expédition GreenFjord de l’EPFL en sera le témoin. Reportage sur le front mouvant de la calotte glaciaire du Groenland, le premier contributeur à l’élévation du niveau de la mer. Et sa fonte pourrait être bien plus rapide que prévu.</p><p>Derrière ses jumelles, le capitaine inuit balaie du regard l’océan de glace qui encercle le navire à perte de vue. Il cherche les ours polaires, aperçus deux jours plus tôt sur le rivage de granite du fjord. <em>«La voie est libre»</em>, hurle-t-il, en sortant la tête de la cabine. L’annexe est hissée; les scientifiques s’activent en silence. L’air nerveux, ils déroulent un câble. Leur vigilance est telle qu’on imagine la mèche d’un explosif leur glissant entre les gants.</p><p>Le ciel est clair en ce matin d’août 2023, et pourtant le tonnerre gronde. Il provient des entrailles d’un imposant mur de glace, de 70 mètres de haut, qui barre l’horizon sur plus de quatre kilomètres. La langue du glacier de Qajuttap, nommé d’après le dernier chamane de la région, se jette dans l’océan avec fracas.</p>C’est sur le front mouvementé de ce glacier de marée, au sud-ouest du Groenland, que les scientifiques de l’expédition GreenFjord de l’EPFL, financée par l’Institut polaire suisse, établissent leur camp de base flottant, pendant cinq jours. A base de l’*Adolf Jensen*, navire scientifique loué pour l’occasion.

![GL 0 bateau.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/d91cd13b-6e16-46cf-bb91-14df961d11a2/large)

Leur objectif: étudier le «vêlage» du glacier – cette rupture chaotique qui donne naissance aux icebergs, ces «montagnes de glace» qui dérivent avec les courants marins, parfois jusqu’aux côtes du Canada. Dans une lente fonte, l’iceberg crépite, craque et roule sur lui-même comme un baleineau. C’est pour cette raison que les chasseurs de baleines nomment cette violente séparation le «vêlage» du glacier, comme une naissance.

### **Une bombe à retardement**

Les dimensions du glacier de Qajuttap sont difficiles à appréhender à échelle humaine. Il ne s’agit pourtant que d’un des nombreux bras de la calotte glaciaire du Groenland, qui recouvre 80% de l’île, et dont l’épaisseur peut atteindre jusqu’à trois kilomètres. C’est la deuxième plus grande masse de glace au monde, derrière l’Antarctique, et le premier contributeur à l’élévation du niveau de la mer. Sa disparition pourrait entraîner une hausse des océans de 7 mètres. De quoi remodeler le visage de la Terre.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/OVnkmDyxOJG2L3ScjhIj12rI3Sy_i0YlzT-cabULRUCEoCg4zXybbinfbpEOxXpZqblHLXTwqNCHLSPTW-wPsMF0uGtNq0vNnEsY18fa45-mYMpC_GX1MKfAlyd5fW96nIp1Y6eT23o81ADiX4x3tTY "Mesurant plus de 4 kilomètres de long, le glacier de Qajuttap n’est qu’un seul des nombreux bras de la calotte glaciaire du Groenland. | Heidi.news / RBH")

*«La montée du niveau des eaux a déjà lieu, et elle s’accélère. Pour anticiper son ampleur et ses conséquences sur les communautés côtières, nous devons comprendre les mécanismes derrière la perte des glaces»*, explique Dominik Gräff, postdoctorant à l’EPFZ et à l’Université de Washington, en préparant une sonde pour mesurer la température, la salinité et la profondeur de l’océan.

### **Double peine pour les glaciers de marée**

Percer les lois de fracturation de ces géants mouvants, à l’interface entre la glace et l’océan, n’est pas une mince affaire. *«Les glaciers de marée sont très dynamiques, ils interagissent avec l’air et la mer. L’influence de l’océan sur le vêlage est encore peu comprise, tant ce terrain d’étude est difficile d’accès»*, remarque Andreas Vieli, professeur en géographie physique à l’EPFZ, qui pilote l’opération depuis un camp terrestre, sur les rives du fjord, où sont installés des radars, des sismomètres et des caméras pour surveiller la dynamique du glacier.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/Ov8minNesCusm-iWt1FyQii77F7xeZcgoRYumlbzkzMofMSz7TShufn9JQqczQRFePU5RzEc6hW8JVrvqdP83-h4e-pEnV1PdfnPJqAlV1A_40QBF4S9a9Cv07eq-YrbiYY-0LwATnoi3tVbl16Lxh4 "A l’aide de sondes, les chercheurs mesurent la salinité, la température et la profondeur de l’eau. | Heidi.news / RBH")

Voilà trois décennies que ce Zurichois s’enthousiasme pour le vêlage des glaciers, en cumulant les expéditions au Spitzberg et au Groenland. Fait troublant, les glaciers présents dans les pôles ne souffrent pas seulement du réchauffement de l’atmosphère, mais aussi de celui de l’océan. Sous la ligne d’eau, à 350 mètres de profondeur, s’opère un changement insidieux. A la base du glacier, les eaux de fonte forment un fleuve glacial qui rencontre l’océan, plus chaud. Moins dense, cette eau douce s’élève vers la surface.

*«Cette circulation verticale provoque l’effet d’une “pompe” qui attire des quantités massives d’eau chaude venue de l’Atlantique vers la base du glacier, ce qui accélère sa fonte. La glace se dérobe sous les pieds du glacier»*, commente le spécialiste.

Encore mal comprise et jusqu’alors négligée dans les modèles scientifiques, cette fonte sous-marine pourrait être bien plus rapide qu’on ne le pensait jusque-là. En Alaska, le glacier LeConte fondrait ainsi jusqu’à cent fois plus rapidement que prévu, d’après [une étude inédite](https://www.science.org/doi/10.1126/science.aax3528) parue en 2019. *«Les projections sur la montée des eaux pourraient être fortement sous-estimées»*, avertit Andreas Vieli, qui espère améliorer les modèles climatiques avec les données récoltées au Groenland.

### **Au pied du mur de glace**

Le temps presse. Pour comprendre les mécanismes à l’œuvre, les scientifiques ont pour ambition de déployer un câble à fibre optique au fond de la mer sur 4 kilomètres devant le front du glacier. Une grande première, se réjouit Brad Lipovsky, professeur en géophysique des glaciers à l’Université de Washington: *«On connaît les câbles sous-marins qui relient les continents à internet, mais c’est la première fois qu’on utilisera cette technologie pour mesurer le vêlage d’un glacier»*. Plus fine qu’un cheveu humain, la fibre captera les vibrations provoquées par la glace, mais aussi la température et la tension de l’eau.

L’entreprise est périlleuse, tant le terrain d’étude est inhospitalier, instable et difficile d’accès. Aucun navire de la région n’a accepté cette mission, jugée trop dangereuse, à part l’*Adolf Jensen*. *«Beaucoup de choses peuvent mal tourner. Les instruments, très coûteux, peuvent être broyés par la glace, le bateau pris au piège…»*, admet Brad Lipovsky, en sirotant un café au chaud dans la cale du bateau. Il n’a pas l’air plus inquiet que cela. *«Si on réussit, on aura la première observation de l’évolution d’un glacier de marée en temps réel sur l’ensemble d’une année – même en hiver quand le fjord est recouvert par la banquise – avec une résolution extrêmement fine.»*

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/XGjtkK67jxkQ6_RRZI1q2Fo7sgGXo079RgpU7sfeZd-moboe5JLXV1gzCe6ORcGHBIqeMpvgg8-JNdNFQwTfJeSGk6-RDyPIYg-i1UcFHNMN_5uXLbtGvZRa1JRVrszYn3lhVMzEp2Jc43vLOPQ1030 "Le câble à fibre optique est pris au piège par la glace. | Heidi.news / RBH")

### **Du paradis à l’enfer blanc**

Mais à ces latitudes polaires, où selon le proverbe inuit *«seuls les glaces et le temps sont maîtres»*, rien ne se passe jamais comme prévu. Ce matin, le glacier est si actif qu’on navigue dans un bain de glace pilée, qui se referme sur notre passage. *«Arrêtez le bateau!»*, hurle un des scientifiques depuis la poupe. Le câble, déroulé à l’arrière du navire, est piégé par les glaces, et ne parvient pas à rejoindre les fonds marins.

Malgré les 5 °C ambiants, la sueur perle sur les fronts. A tout moment, les arêtes scintillantes des icebergs risquent de faucher le projet. L’annexe à l’eau, les scientifiques se métamorphosent en laboureurs des glaces. A l’aide d’un crochet, ils se débattent pour tenter de repousser les glaçons, mais l’étau se resserre aussitôt. Surchauffé, le moteur de la modeste embarcation se plaint, s’essouffle puis se noie – vaincu.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/iFqGXZp6Zs-Vg6E2IsXVXjJhnOkNtX8xVeq9hW9ixmTy_bgnfEyWmyMcX3orTvlFFu3fPYLCG_5rK76E7SFVy9gKuKAQTN45YWySji8QCcvdfEor-Ozbz0fu_Thh75E3krPNOoBFk3FoskNWWdoD7kM "Le moteur de l’annexe ayant lâché, les scientifiques ne peuvent plus que compter sur la force de leurs bras. Des pelles font office de rames. | Heidi.news / RBH")

*«Le moteur est KO!»*, constate Brian, membre de l’équipage inuit, qui parle anglais avec un accent texan qu’il a glané auprès des prospecteurs miniers américains qui embarquent fréquemment à bord du navire. Rames et pelles en mains, les scientifiques ne peuvent plus que compter sur la force de leurs bras pour propulser leur barque.

### **La dérive des ours polaires**

Impassible face au branle-bas de combat des chercheurs, un phoque lézarde au loin sur un iceberg, digérant un copieux festin. Un pygargue à queue blanche le survole, poisson au bec, avant de regagner son nid, juché sur un promontoire rocheux. Aussi hostile et inhospitalier le front d’un glacier de marée peut paraître, ce désert de glace est un «point chaud» pour la biodiversité.

*«Les eaux de fonte du glacier brassent les sédiments riches en nutriments du sol marin et les transportent jusqu’à la surface. Cela favorise la croissance du phytoplancton, à la base de la chaîne alimentaire»*, commente Enrico Van der Loo, étudiant en master à l’EPFZ, en filtrant des échantillons d’eau.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/NMR4b3dNeN697RhB9bZ8jFCOXI1Wch1r5CrUkCO4K0vf0BfxZG7WrTqwGBn5eiQZmxTGhv-hEfTM-llPmY0-uJ8AwkiUM6Xfms3zBGtPOtNe0GsA2kFHQsn-ooYSH4r9huD0lRzKMWlE6GIUx5ZQfT8 "Le front des glaciers de marée est un terrain de chasse propice pour les phoques. | Heidi.news / RBH")

Les grands prédateurs y trouvent aussi leur compte. *«Ours!»*, entend-on hurler depuis le ponton. Sur les flancs de granite polis par la glace, une mère et son ourson, effarés, dévalent les rochers, avant de sauter dans l’eau glacée. Dominik Gräff n’a pas l’air ravi. Le reste de l’équipe, au campement, n’est pas équipé. Il saisit aussitôt la radio pour les contacter. Le soir même, deux fusils sont héliportés au camp, depuis l’ancienne base militaire américaine de Narsasuaq.

Si les scientifiques sont pris de court, c’est que la présence d’ours polaires dans cette région, au sud-ouest de l’île, est exceptionnelle. Plus tôt cette année, d’énormes fragments de banquise se sont détachés au nord, et ont dérivé jusqu’au sud avec les courants marins, entraînant avec eux phoques et ours blancs. Du jamais vu en 30 ans, d’après les locaux. Dans le district de Kujalleq, qui englobe la pointe sud de l’île, le quota maximal de quatre abattages d’ours avait déjà été atteint à la fin juillet.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/lFX08RMSybzgH8gqXDxPyaF7wTWM_KqIVW8eib1Q-LSrKEer3bRR50dDtLM4IEP0V0fCxbETk9NnaNxq50CH2J6xcpt1qQCXYAD2UCRtoRc7kVeCSP4Ves_RZzvN1sqepz1Ify6ptVm47CJKpAr5Fes "Des ours polaires dévalent les pentes de granite, effarés par les scientifiques.  | Heidi.news / RBH")

D’ici à 2030, la banquise estivale, dont dépendent les ours polaires pour chasser, pourrait avoir [complètement disparu de l’océan ](https://www.nature.com/articles/s41467-023-38511-8)Arctique. Pour survivre, et faute d’autre choix, certains se rabattent sur les icebergs que relâchent les glaciers de marée. Une stratégie d’adaptation inédite, [recensée pour la première fois](https://www.science.org/doi/10.1126/science.abk2793) au sud-est de l’île en 2022, mais éphémère.

*«La majorité des glaciers de marée du Groenland disparaissent et deviendront terrestres. Sans ces échanges entre la glace et l’océan, tout l’écosystème du fjord changera. La production de matière organique pourrait chuter»*, indique Dominik Gräff. Pour mieux comprendre les conséquences de ce phénomène sur la biodiversité, un second navire – le *Sanna* – prélèvera quelques jours plus tard des échantillons d’ADN dans les fjords environnants dans le cadre de l’expédition GreenFjord *(à voir dans un prochain épisode)*.

### **Des images sans précédent**

Un drapeau groenlandais flotte au camp de base, niché dans une baie à l’est du glacier de Qajuttap. Des doctorants de l’EPFZ y creusent une tranchée. Elle devrait protéger le câble à fibre optique des crocs des renards arctiques, qui ont déjà détruit plusieurs capteurs installés dans la vallée l’année précédente. Derrière sa moustiquaire, Brad Lipovsky ne quitte pas des yeux son ordinateur, qui est relié au câble que viennent de dérouler ses collègues sur le navire. *«C’est du jamais vu!»*, s’écrie-t-il, ému. Sur l’écran, un fleuve fluorescent apparaît. *«C’est la fonte sous-marine du glacier. Jusqu’alors, on ne pouvait que la deviner en observant la surface du fjord… ce sont les premières images qu’on a de ce genre.»*

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/pOcUuSRNZIJ1hYUpelo7cRN2jlcLx11rHoUXmweEV429AYxHoAo5Y8y0WQl-4QDAvAScsniMh16-PjSLSWhGaMe3sXGHoSEvx5HpgxzWOJ9-Axvgkbc_VjnjOpiTvRsHWOCFa8Jgvim-l-puIbV1530 "Au camp de base terrestre, Brad Lipovsky partage avec la cheffe de l’expédition Julia Schmale les données récoltées sur son ordinateur, relié au câble à fibre optique.| Heidi.news / RBH")

Une constellation de points verts solitaires apparaît sur le moniteur. *«Ce sont les icebergs qui bougent et roulent sur eux-mêmes. On les voit fondre en direct,* commente Brad Lipovsky. *Avec ces données, nous pourrons mesurer la dynamique du vêlage et la quantité d’eau douce que le glacier relâche.»* L’année prochaine, ils reviendront récupérer le câble. *«On espère qu’il ne sera pas broyé par la glace, ou mâché par les renards arctiques»*, ajoute-t-il, tout sourire.

Quelques jours avant le départ, une bourse nationale a refusé de soutenir le projet, jugé trop dangereux. Cernes sous les yeux, ayant dû monter la garde toute la nuit contre les ours polaires, les scientifiques ont toutefois le sourire bien accroché aux lèvres. *«Jusqu’au dernier instant, c’était le parcours du combattant. Mais quand on voit la résolution de ces données, ça n’a pas de prix.»*

<br/>*Avec le soutien de l’Association suisse du journalisme scientifique, de la Fondation Liliane Jordi pour le journalisme et de [Journafonds](https://www.journafonds.ch).*

https://www.heidi.news/articles/au-groenland-avec-des-chasseurs-d-icebergs-pour-predire-la-fonte-des-glaces

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Cap sur le Groenland, pour lire l’avenir du monde dans la glace

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3a0b2a04-e482-4c73-aa5c-af1d4118a810/medium" /><p>Dans les glaces du Groenland, des Suisses prédisent le destin de la planète, et de l’humanité. Ce ne sont pas des prophètes mais des scientifiques, armés de sondes et de tubes à essai. Durant l&#39;été 2023, nous avons suivi une expédition inédite qui a germé à Sion, nouvelle capitale de l’exploration polaire helvétique.</p><p>«Iceberg, droit devant!» Ces mots, qui signent la fin tragique du <em>Titanic</em> en 1912, sont aussi ceux qui marquent le début de notre expédition, aux confins de la calotte glaciaire du Groenland. En ce matin d’août, l’<em>Adolf Jensen</em> – un navire de recherche de 30 mètres de long – navigue à vue dans un bain de glace, qui racle la coque en crépitant. L’air vif brûle les joues, le soleil fracasse la rétine. Yeux plissés, l’équipe du projet de recherche GreenFjord de l’EPFL scrute l’horizon.</p><p>Un mur de glace, sublime et déchiqueté, se dresse devant eux. Un pan entier de glacier de marée – un géant de 4 kilomètres de large et 350 mètres de profondeur – vient de s’effondrer avec fracas dans l’océan, qui déjà se courbe. La vague, véritable petit tsunami, fonce droit vers le bateau, qui tangue sec. Bouches bées, les scientifiques s’accrochent, puis s’esclaffent, soulagés.</p>**![](https://lh7-us.googleusercontent.com/kqnW6j1SAbE_346QTuHjzEIq7cKRPtvM2eafKKzBmI_v_0bbdQeVl8JUMxrMZOpm9D0ZRn7CN32VyvQsv21eUOJhGSiIVdag8Obcg2FsWXAmL70ai7kl56pd3EidLe-HDMkYpc9l_SNRiEpKHuXL1r4 "Le glacier de Qajuttap, au sud du Groenland, se jette dans l’océan avec fracas  sur plus de quatre kilomètres. | Heidi.news / RBH")**

C’est pour ça qu’ils sont là, au pied de ce front glaciaire qui crache des blocs de glace solitaires: percer les lois de fracturation de la calotte glaciaire. Et ainsi prédire l’avenir du climat sur Terre. Lancée en 2022, l’expédition scientifique GreenFjord doit se prolonger jusqu’en 2026. Au mois d’août 2023, nous avons eu la chance de suivre leur périple.

### **Le Groenland, cette boule de cristal**

Les caps glacés, particulièrement sensibles aux changements climatiques, offrent une vue sur le futur. Ils sont un «système d’alerte précoce» pour les évolutions du climat et de l’environnement. Plus encore: les transformations qui y ont lieu déterminent le destin de la planète, et de l’humanité. La calotte glaciaire du Groenland – ou *inlandsis* –, qui couvre 80% de l’île et mesure jusqu’à trois kilomètres d’épaisseur, est le premier contributeur à l’augmentation du niveau de la mer. Si elle venait à disparaître, les océans s’élèveraient de 7 mètres.

*«Ce qui se passe au Groenland détermine le sort de communautés côtières autour du monde»*, explique Dominik Gräff, chercheur à l’EPFZ et à l’Université de Washington, et membre de l’expédition. Et sa fonte, comme nous le verrons, pourrait être plus rapide que prévu.

L’Arctique, qui se réchauffe quatre fois plus rapidement que le reste de la planète, est le chef d’orchestre du climat mondial. D’ici à 2030, la banquise estivale pourrait avoir complètement disparu dans la région, cédant la place à des surfaces plus sombres, comme l’océan et la terre, qui retiennent davantage les radiations et accélèrent le réchauffement. Un cercle vicieux qui pourrait perturber jusqu’aux courants marins qui confèrent au continent européen son climat doux.

### **Des Alpes aux contrées polaires**

Bien qu’enclavée au cœur de l’Europe, à plusieurs milliers de kilomètres des pôles glacés, la Suisse cultive une longue tradition d’exploration polaire depuis le XIXe siècle. C’est d’ailleurs au Groenland, en 1912, que le météorologue suisse et spécialiste de l’Arctique Alfred de Quervain pose les jalons de la recherche polaire helvétique, en traversant pour la première fois la calotte glaciaire d’ouest en est.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/ttIV0RA04yGy2qsUG5Bw17ct0Yfk-nUWi5jmHGokSz0-xLGtwWW2pPic8nxUOW9ZMl3GyDnnzkSyVCYhLChqr_eo6Y7ibUeRlx1MTIy9MpsBFXN-pjTsK0L_QmxCYNxRtfmdvRpagNnEymEjQYqULrI "Vue sur la calotte glaciaire et le glacier de Qooroq en survolant le sud du Groenland. | Heidi.news / RBH")

Entre le Groenland et la Suisse, les parallèles sont plus nombreux qu’on pourrait l’imaginer. Considérés comme le «troisième pôle», les glaciers qui coiffent les Alpes (et l’Himalaya)  sont un terrain d’étude rêvé pour qui s’intéresse aux paysages glacés des pôles — et réciproquement. *«En Suisse, comme au Groenland, les glaciers et le gel ont façonné les paysages et forgé les mentalités de la population»*, remarque Julia Schmale, professeure à l’EPFL Valais, à la tête de l’expédition.

En avril dernier, une délégation groenlandaise a d’ailleurs rendu visite aux politiciens suisses dans le cadre d’une collaboration sur la gestion des risques de catastrophes naturelles, comme les glissements de terrain, les avalanches ou les inondations – tous exacerbés par le réchauffement climatique.

Quant à la Suisse, elle ne cesse de cultiver son héritage polaire. A Sion, un nouveau centre de recherche sur l’environnement alpin et polaire – baptisé Alpôle – a ouvert ses portes en décembre 2022. De quoi élever la capitale valaisanne au sommet de la recherche mondiale en matière d’étude de ces milieux extrêmes.

Au dernier étage de l’ancien immeuble industriel d’Alpôle, qui abritait autrefois l’imprimerie du *Nouvelliste*, se trouve le nouveau «camp de base» de l’Institut polaire suisse. Fondé en 2016, sous l’impulsion du célèbre glaciologue Konrad Steffen dit «Koni» – tragiquement décédé il y a trois ans dans une crevasse au Groenland –, ce centre interdisciplinaire grandit aussi vite que les glaciers fondent. C’est cet institut qui a financé l’expédition GreenFjord, l’un de ses projets phares.

### **Une expédition inédite, avec les peuples inuits**

Pilotée par l’EFPL, GreenFjord vise à comprendre les conséquences des changements climatiques que subissent les fjords du Groenland. Tel un brise-glace, cette exploration inédite fait voler en éclat les silos traditionnels de la recherche scientifique, en regroupant six volets d’étude sous la même bannière: l’océan, la cryosphère, l’atmosphère, la biodiversité, la terre et la population locale.

*«C’est la première fois qu’on étudie l’ensemble de l’écosystème de la région en incluant la dimension humaine»*, se félicite Julia Schmale qui cumule les expéditions polaires. Il était temps, selon elle, car à mesure que l’atmosphère se réchauffe, et que les glaciers régressent, l’écosystème entier des fjords du sud du Groenland se métamorphose, de la circulation marine, à la formation des nuages, en passant par la distribution de la faune et la pêche, dont dépend la population locale. *«Tout l’écosystème est concerné. On ne peut pas anticiper l’évolution du climat sans considérer les liens entre ces disciplines»*, insiste la scientifique.

Car pour les Groenlandais, le réchauffement climatique n’est pas un sujet à chicaneries politiques: c’est déjà une réalité à laquelle il faut s’adapter, et vite. *«Tout change, pas seulement la banquise et les glaciers, mais aussi les poissons, les oiseaux et les plantes. J’ai des fraises dans mon jardin!»*, observe Oleeraq Nielsen, chamane et guide au musée de Narsaq, un village de pêcheurs au sud de l’île.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/khX0bgakKFxXRKnfJuLeWKVrerPO710p3jFRhrpp7tCwh-mNsLTJIGDFMxfE7hTNUPaCIb2CoYmVIQgwalss0-elyKnMnZyXTmcBpJGCoPBWMHtJiJeplnAqWqm_TbJJRQLIICEbNNvh0grxxvoYjCs "Narsaq, village de 1300 âmes au sud du Groenland. | Heidi.news / RBH")

### **La face cachée de notre transition**

Pour les Inuits, les habitants autochtones du Groenland, l’enjeu est double. Ils n’affrontent pas seulement les conséquences du réchauffement climatique, mais aussi les mesures qui visent à l’atténuer. Car le dégel éveille l’appétit des grandes nations, qui ont entamé une course vers la décarbonation et le tout-électrique. En amont du village de Narsaq, un projet de mine à ciel ouvert prévoit d’exploiter ce qui pourrait être le second plus grand gisement de terres rares au monde, derrière la Chine. Ces métaux sont des ingrédients essentiels à la fabrication d’aimants permanents, qu’on retrouve dans les batteries des véhicules électriques, les turbines d’éoliennes, les smartphones, mais aussi certaines armes de guerre.

*«Le Groenland va devenir l’Arabie saoudite des métaux critiques»*, prédit un membre inuit de l’équipage de l’*Adolf Jensen*, qui accompagne régulièrement des prospecteurs miniers. Les déchets radioactifs, que la société minière prévoit de déverser dans un lac en amont du village, en disent long sur la face cachée de cette transition. *«Si la mine ouvre, on devra partir. On ne protège pas le climat en détruisant la nature»*, insistera quelques jours plus tard Aviâja Lennert, fermière dont les moutons pâturent au pied de la montagne convoitée.

Réchauffement climatique, ruée vers les ressources critiques, tensions géopolitiques: les forces majeures qui remodèlent le monde de demain convergent au Groenland. C’est au cœur de cette île glacée – la plus grande du monde – que cette Exploration vous invite à plonger.

![](https://lh7-us.googleusercontent.com/SYR0Cm0LGcn-_i-O8XUNMv9u2dkU5_TL9TsMkc7c1Q9S6gN2HnGTGLqp5y0d6FpJ5GKOontdCVrb2dEGE6nv02vlBVkfPcw_tb3vSvDDkg4Tw3A_CVX_HnIC9cWYpyfTb3U4vKpxgZOGV7xQPg5fBKs "La nuit tombe sur le glacier de Qajuttap Sermiat. | Heidi.news / RBH")\
<br/>*Avec le soutien de l’Association suisse du journalisme scientifique, de la Fondation Liliane Jordi pour le journalisme et de [Journafonds](https://www.journafonds.ch).*

https://www.heidi.news/articles/cap-sur-le-groenland-pour-lire-l-avenir-du-monde-dans-la-glace

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La Poste veut protéger nos données, mais pas toutes

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c77c3d07-6827-4dd4-8f21-10df8216c190/medium" /><p>La Poste a multiplié les rachats d’entreprises technologiques ces dernières années. Le géant jaune se positionne sur le marché sensible des communications sécurisées, tant à destination des acteurs privés que des administrations publiques. Mais peut-on prétendre protéger des données tout en misant sur la publicité ciblée en parallèle? Le paradoxe étonne.</p><p>C’est une entreprise qui est au cœur de nos échanges physiques depuis 1849, et qui aimerait aussi occuper ce rôle dans le monde numérique. La Poste ne cache pas ses grandes ambitions et a multiplié les rachats d’entreprises ces dernières années pour s’en donner les moyens. Du vote électronique à l’identité numérique, en passant par le dossier électronique du patient et les communications entre citoyens et autorités, l’incursion du géant jaune interpelle. Se transforme-t-il en ogre de données?</p><p>Pour répondre à cette question, je me suis plongé dans le dédale de ces développements effrénés. Et il y a beaucoup à dire.</p>### A la recherche des pièces du puzzle

La Poste a pris le contrôle d’une dizaine d’entreprises actives dans le numérique ces dernières années. Rien qu’en 2022, elle a investi 61 millions de francs dans différentes prises de participation. Cette frénésie d’acquisitions lui a d’ailleurs valu une dénonciation de l’Union suisse des arts et métiers (USAM) auprès du Contrôle fédéral des finances fin 2022. L’organisation faîtière estime que [le géant jaune étend ses activités au-delà du cadre](https://www.letemps.ch/suisse/lusam-se-plaint-poste-aupres-controle-federal-finances) de son mandat de prestation. Par ailleurs, [le Conseil fédéral veut renforcer les règles](https://www.wbf.admin.ch/wbf/fr/home/dokumentation/nsb-news_list.msg-id-97753.html) pour maintenir une concurrence équitable entre le secteur public et les acteurs privés.

[Dans un entretien au ](https://www.letemps.ch/suisse/christian-levrat-devons-augmenter-prix-poste)*[Temps](https://www.letemps.ch/suisse/christian-levrat-devons-augmenter-prix-poste)*[ en date de juin 2023](https://www.letemps.ch/suisse/christian-levrat-devons-augmenter-prix-poste), le président de l’ex-régie fédérale, Christian Levrat, affirmait à propos des rachats: *«On assemble les pièces d’un puzzle pour devenir un vecteur d’informations fiables et sécurisées en Suisse, pour la Suisse»*. Pour atteindre cet objectif, la Poste a acquis des participations majoritaires dans des sociétés de cybersécurité (TerraActive, Hacknowledge), des éditeurs de logiciels (Groupe T2i, Unblu, Klara, Dialog Verwaltungs-Data), des prestataires de services de confiance (SwissSign, Tresorit, SpotMe) et Xsana, une entreprise qui exploite le dossier électronique du patient. Elle a aussi racheté le code source de la plateforme de vote électronique développée par l’entreprise espagnole Scytl en 2020.

Autant d’acquisitions qui ont du sens dans la stratégie présentée par le géant jaune, qui a [inauguré un centre de développement informatique à Lisbonne](https://www.rts.ch/info/economie/14118354-la-poste-inaugure-son-site-de-developpement-informatique-a-lisbonne.html) en juin 2023 pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre en Suisse. Mais si ces pièces semblent parfaitement s’emboîter dans le puzzle présenté par la Poste, ce n’est pas le cas de toutes. Elle a aussi repris Bring! Lab, une entreprise allemande qui commercialise une application de partage de listes de courses incluant des offres publicitaires personnalisées, et Livesystems, l’un des leaders suisses de la publicité numérique en extérieur.

Certaines de ces sociétés avaient d’abord fait l’objet d’une prise de participation minoritaire à travers le fonds de capital risque [Swiss Post Ventures](https://venture.post.ch/en). *«Certaines entreprises se développeront avec succès dans notre cœur de métier et nous envisagerons alors d’acquérir la totalité de leurs parts»*, précise le site web de la structure. Ce qui ressort donc, c’est que la Poste veut se positionner à la fois sur le segment de la confiance, et sur celui de la publicité. Mais ces deux ambitions sont-elles compatibles?

### Le numérique, une opportunité économique stratégique

Le modèle d’affaires traditionnel de la Poste est sous pression. L’entreprise, entièrement détenue par la Confédération, est tenue d’assurer le service universel, dont les modalités sont fixées dans la loi sur la poste et l’ordonnance sur la poste. Une contrainte qui lui garantit toutefois un monopole sur les lettres de moins de 50 grammes – le marché ayant été libéralisé pour les colis dès 2004. Mais le géant jaune ne cesse de rappeler que l’envoi de lettres et les versements au guichet sont en recul constant, et qu’il doit financer ces prestations de manière autonome – il ne reçoit pas de subvention.

La Poste affirme que le monopole des lettres lui permet de dégager 60 millions de francs par an, [mais que les «coûts non couverts»](https://www.letemps.ch/suisse/christian-levrat-devons-augmenter-prix-poste) du service universel représentent environ 250 millions de francs. A cela s’ajoute l’obligation de verser un dividende à la Confédération. Il est actuellement de 50 millions de francs par an, [mais devrait vraisemblablement retrouver son niveau d’avant 2020 à partir de 2026](https://www.watson.ch/fr/suisse/la%20poste/629035738-la-suisse-reclame-200-millions-a-la-poste-et-ca-enerve), soit 200 millions de francs. L’entreprise développe donc de nouvelles prestations, et cherche à leur donner une dimension de service public, pour s’assurer d’indispensables revenus complémentaires. Le numérique est un terreau parfait pour expérimenter cette approche.

*«L’un de nos objectifs, c’est de permettre l’application du secret postal qui prévaut dans les échanges physiques au sein des communications numériques»*, explique Wolfgang Eger, chef de l’informatique de la Poste, interrogé par *Heidi.news* début septembre. Une métaphore choisie avec soin pour justifier l’ensemble des incursions de l’ex-régie fédérale dans le domaine du numérique.

### L’art de se rendre indispensable pour les autorités

*«A la croisée des chemins balisés et des voies inédites, nous créons un pont entre l’homme et l’information»*, [affirme une vidéo diffusée sur le site de la Poste](https://www.post.ch/fr/notre-profil/innovation). Son ambition? Se positionner en tant que prestataire incontournable de services numériques sécurisés et fiables pour les entreprises, et peut-être plus encore pour les autorités.

En 2021, le géant jaune faisait part de son projet en la matière, [lors de l’annonce du rachat de Dialog Verwaltungs-Data](https://www.post.ch/fr/notre-profil/actualites/2021/la-poste-acquiert-dialog-verwaltung-data-ag): *«La Poste dispose déjà de produits qui ont fait leurs preuves, tels que l’extrait du casier judiciaire et l’extrait du registre des poursuites. Elle œuvre à en établir d’autres, en proposant des offres comme l’application ePost, IncaMail, l’identité et la signature numériques ou encore le vote électronique»*. Avec Dialog Verwaltungs-Data, la Poste pourrait à l’avenir fournir un écosystème numérique sécurisé et facile d’accès pour les administrations publiques.

La Poste n’a pas encore réussi son pari, certaines tentatives s’étant pour l’heure avérées infructueuses. Alors qu’elle figurait au sein du consortium d’entreprises derrière SwissSign, un prestataire pressenti pour fournir une solution d’identité électronique à l’échelle du pays, les Suisses ont rejeté le projet du Conseil fédéral en mars 2021 à une nette majorité. Pas de quoi freiner les ardeurs de la Poste, qui a décidé de racheter SwissSign et d’imposer sa solution d’identification SwissID à ses clients particuliers et commerciaux [depuis l’automne 2022](https://www.letemps.ch/economie/cyber/poste-forcing-imposer-solution-didentification-swissid).

Les autorités ont quant à elles revu leurs ambitions en matière d’e-ID à la baisse, en tenant compte du message envoyé par la population. L’objectif est désormais de proposer une identité électronique gérée par l’Etat. Et la Poste espère bien être de la partie, comme l’indique son président Christian Levrat au *Temps*: *«Il faudra voir si le Conseil fédéral veut se baser sur une solution existante ou développer une solution propre. Notre solution répond en grande partie aux exigences pour cette e-ID, et nous pourrons nous adapter à des exigences plus strictes»*.

La volonté de précipiter l’adoption de SwissID au sein de la population et de l’économie a-t-elle pour objectif de forcer la main de la Confédération? La Poste réfute, affirmant qu’il s’agit avant tout de fournir un moyen d’identification sécurisé pour sa clientèle. Toujours dans cette optique de numériser les prestations publiques, le géant jaune a aussi lancé ePost, une application pour appareil mobile qui se présente comme la «boîte aux lettres numérique officielle de la Suisse», permettant à la fois de recevoir son courrier de manière dématérialisée et de signer des contrats avec son smartphone.

En plus du vote électronique, un sujet qui fera l’objet d’un épisode bonus, la Poste a renforcé sa position sur le dossier électronique du patient (DEP): elle a repris 75% des parts d’Axsana, une entreprise qui gère l’une des infrastructures du DEP, Swisscom ayant décidé de se retirer. Le géant jaune occupe désormais un rôle majeur dans ce projet qui vise à faciliter l’accès aux données de santé.

La Poste cherche donc par tous les moyens à proposer des prestations numériques pour séduire les administrations, dont les propres efforts de numérisation sont loin d’être couronnés de succès.

### Pas vocation à recueillir des données

La politique de protection des données du fournisseur de SwissID, SwissSign, est limpide: *«Les données recueillies dans le cadre de la fourniture des prestations, notamment les données personnelles, ne peuvent être utilisées que dans le but de et dans la mesure nécessaire à l'accomplissement et au déroulement du service de certificats. Une utilisation à d'autres fins ou leur transmission à des tiers est strictement exclue»*.

Dans les faits, tous les services de la Poste qui proposent des communications sécurisées ont une politique de protection des données similaire. Cette question est prise très au sérieux par l’entreprise, selon Wolfgang Eger. *«Les prescriptions légales relatives à la gestion des données s’appliquent également au sein du groupe Poste. Par exemple, nous ne transmettons des données au sein de la Poste que si celles-ci sont indispensables pour fournir une prestation. Il va de soi que les finalités de traitement définies à l’origine doivent aussi être respectées. Nous appliquons des règles strictes de confidentialité pour nos services, parce que la confiance et la sécurité numériques sont des enjeux majeurs qui sont au cœur de notre ADN.»*

Le responsable de l’informatique du géant jaune est affirmatif: *«Notre modèle commercial, c’est le transport sécurisé et en toute confidentialité d’informations de A à B. Nous avons fait nos preuves avec le secret postal depuis 175 ans et nous voulons le transposer à l’ère numérique. La gestion des données de nos clients ne représente pas un modèle commercial pour la Poste»*. Une déclaration qui mérite toutefois d’être nuancée, dans la mesure où la Poste participe malgré tout au marché de la publicité en ligne dans certaines circonstances, ce qui implique de satisfaire aux exigences fixées par les acteurs dominants du secteur, à l’image de Google et Facebook.

### L’attrait de la publicité en ligne

[Dans son rapport annuel 2022](https://geschaeftsbericht.post.ch/22/ar/app/uploads/FR_Post_Jahresbericht_2022.pdf), l’entreprise indique: *«La Poste a enregistré une croissance organique dans le secteur en ligne. Elle ouvre à l’adresse poste.ch des pages très fréquentées, comme “Mes envois”, pour ce que l’on appelle la publicité programmatique, c’est-à-dire une publicité adaptée aux centres d’intérêt des utilisatrices et des utilisateurs»*. Le document précise en outre que l’entreprise entend *«renforcer \[sa\] position sur le marché publicitaire afin de réaliser plus de bénéfices»*.

Les clients qui utilisent le portail «Ma Poste» voient donc leurs données personnelles traitées de manière automatisée à des fins de profilage. *«Nous voulons ainsi mieux comprendre les aspects personnels importants, tels que les centres d’intérêts ou les comportements des visiteurs. L’objectif consiste en premier lieu à créer des profils de clients et des groupes cibles, afin de personnaliser la communication avec vous ou les annonces publicitaires et d’identifier les tendances»*, écrit le géant jaune [dans sa déclaration de protection des données](https://www.post.ch/fr/pages/footer/protection-des-donnees-et-informations-legales/declaration-de-protection-des-donnees).

La Poste a mis en place sur son site web une bannière de consentement pour les cookies, mais celle-ci est conçue de manière à influencer le comportement des utilisateurs pour les pousser à les accepter afin de gagner du temps – il suffit d’une opération pour consentir à l’utilisation des cookies, contre quatre pour les désactiver. Ces pièges à utilisateurs (*dark patterns* en anglais) sont très courants, mais qu’une entreprise qui se profile sur la sécurité des données en fasse l’usage interpelle.

N’est-ce pas contradictoire de se profiler en tant qu’intermédiaire de confiance dans le cyberespace tout en s’adonnant à la publicité en ligne? Interrogée, la Poste balaie tout paradoxe, et précise qu’elle n’a en tout cas pas recours à des données sensibles, comme des informations de santé ou financières, ou des éléments qui relèvent du secret postal - c’est-à-dire le contenu des envois.

Le conseiller national Gerhard Andrey, lui-même co-fondateur d’une entreprise active dans le numérique, se montre pour sa part sceptique. Il s’explique: *«C’est très bien que la Poste cherche à fournir des prestations pour lesquelles il y a une demande à laquelle le secteur privé ne répond pas. En revanche, je ne crois pas que son rôle consiste à se développer dans des marchés concurrentiels, ce d’autant plus que la publicité en ligne soulève des questions en matière de protection des données. Sa raison d’être en tant qu'entreprise semi-privée serait plutôt de proposer des approches décentralisées, économes en données, sécurisés par design et avec des logiciels open source».*

Pour la Poste, qui tente par tous les moyens d’[inciter les particuliers à retirer les autocollants «Non à la publicité»](https://www.macommune.info/en-suisse-la-poste-demande-aux-habitants-de-dire-oui-a-la-publicite-dans-les-boites-aux-lettres/) sur leurs boîtes aux lettres, le marché publicitaire fait partie de son «cœur de métier», comme elle l’explique dans son rapport annuel. C’est en effet à travers ses services que les entreprises peuvent diffuser des annonces par voie postale. 

A l’heure où les annonceurs veulent disposer d’offres *cross-media* (sur différents supports), le développement de la publicité en ligne paraît inévitable. Mais le géant jaune pourrait bien être confronté aux limites d’une stratégie pour le moins ambivalente. Qui fera confiance à une entreprise qui d’un côté sécurise certaines de nos données mais en utilise d’autres pour satisfaire aux exigences des géants publicitaires?

https://www.heidi.news/articles/la-poste-veut-proteger-nos-donnees-mais-pas-toutes

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De la curatelle au cauchemar: les leçons d’une enquête qui a secoué le Landerneau

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/49ca1c44-2a15-4122-9e10-ab137c593e73/medium" /><p>L’exploration sur le fonctionnement des curatelles privées à Genève a suscité de très nombreuses réactions et incité des députés genevois à déposer un projet de loi pour réformer le système. Deux mois après la publication des épisodes les concernant, les principaux témoins de l’enquête relatent ce qu’ils sont devenus.</p><p>Une avalanche. Ou plutôt un flux quasi-quotidien de courriels, téléphones, courriers ou prises de contact via les réseaux sociaux ou par le biais de personnes connues de la rédaction. Rarement une enquête publiée par <em>Heidi.news</em> avait suscité autant de réactions que cette Exploration sur les curatelles privées à Genève. Les commentaires ne se sont pas limités aux frontières du canton. Plusieurs messages, évoquant des situations parfois tragiques, nous sont aussi parvenus des cantons de Vaud et du Valais.</p><p>De nombreuses personnes nous ont fait part de leur émotion à la découverte des difficultés auxquelles sont confrontés les protégés dont nous avons retracé les parcours. Parmi ces lecteurs, des citoyens ordinaires, des députés – <em>«Je partage entièrement vos préoccupations et vous soutiens complètement»</em>, écrit l’un d’eux –, et même une ambassadrice suisse à l’étranger, qui nous a envoyé ce message: <em>«Vous faites un travail absolument extraordinaire et je tiens à vous remercier toutes et tous!»</em></p>Beaucoup d’interlocuteurs, aussi, sont apparus dans l’urgence de partager leur propre expérience. *«Les cas que vous mentionnez dans vos articles sont loin d’être isolés»*, souligne une dame. *«La machine curatelle m’a broyée, mais avec cette bataille publique je revis»*, relate une autre. Ou encore celui-là:  *«J’ai dû prendre un avocat et j’ai gagné. Mais toute l’affaire a jeté une ombre d’insécurité sur ma mère.»* Nous n’avons malheureusement pas pu documenter les situations de toutes les personnes qui se sont manifestées: elles étaient trop nombreuses, et nous ne pouvions redémarrer l’investigation à laquelle nous avions déjà consacré des mois.

### **«Un loup pour surveiller des moutons»**

«*Je voulais signaler que la curatelle de ma mère s’est très bien passée, sans bizarrerie. L’avocate désignée a été très correcte et sympathique»*, a tenu a nous écrire l’un de nos lecteurs. Bien sûr, toutes les curatelles ne se transforment pas en chemin de croix. Mais à ce message près, la tonalité générale des témoignages adressés à la rédaction esquisse un tableau d’ensemble problématique, cohérent avec le sentiment de malaise qui se dégage des situations particulières d’Alice, Edwige, Patrick, Paul et des autres protégés sur lesquels nous avons enquêtés.

Parmi les lecteurs qui ont réagi, certains ont reconnu en l’avocat Luc Elaret *(nom modifié à sa demande)*, qui figure dans plusieurs épisodes de l’exploration, le curateur auquel ils avait eux-même eu affaire. C’est notamment le cas de ce Carougeois qui s’est dit disposé à transmettre des informations sur ses *«méthodes»*, ou d’une autre personne qui considère que les démêlés de sa famille avec Me Elaret ont englouti dix années de sa vie. *«Nous avons eu la bonne-mauvaise idée de demander la mise sous protection de notre oncle quand il a rencontré des difficultés cognitives. Ce dernier a cordialement détesté  son curateur»*, relate ce témoin. *«Me Elaret devrait être immédiatement éjecté de toutes ses curatelles»*, assène pour sa part un confrère genevois de l’avocat-curateur.

### **S’abriter derrière un écran de fumée**

A notre connaissance, Me Elaret est toujours le curateur d’Emilie *(voir les [épisodes 1 ](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/qui-se-souvient-d-emilie)[et 2](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/le-lit-est-fait-le-frigo-est-plein-qu-est-ce-que-cela-peut-bien-vous-faire))*. Cette dame âgée de 96 ans vit recluse chez elle depuis une dizaine d’années sous la férule de deux gouvernantes, une mère et sa fille faisant usage de sa maison comme si elle était la leur. Deux mois après la publication de l’enquête sur cette protégée et en dépit de toutes les réactions qu’elle a soulevées, la situation de la nonagénaire n’a pas évolué. Les deux gouvernantes sont toujours en poste.

C’est même pire que cela. La manière dont Me Elaret exerce cette curatelle semble d’autant moins avoir été remise en cause que nous avons appris qu’il s’était attelé, dans la foulée des articles exposant ce cas, à jeter le discrédit sur une voisine et amie d’Emilie, notamment par le biais d’un courrier adressé à une autre voisine de la même rue. D’après la version élaborée par le curateur, que l’une des représentants du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE) a contribué à colporter dans Genève, le problème ne tiendrait pas tant à la situation effective d’Emilie qu’aux *«manipulations»* dont l’autrice de ces lignes aurait été l’objet de la part de cette amie qui, sous couvert de dénoncer la réclusion de la vieille dame, convoiterait sa maison depuis des années.

*Heidi.news* réfute toute manipulation, et les éléments à notre disposition invalident catégoriquement l’hypothèse des intérêts mal placés d’un témoin de l’enquête. Pendant que les uns et autres s’abritent derrière des écrans de fumée, Emilie, elle, reste cloîtrée.

### **«Dégoûté du système»**

Patrick Spitzner, cet ancien policier cantonal qui se demandait si son curateur l’avait *«roulé dans la farine»* en lui ponctionnant plus de 25’000 francs pendant les deux ans et demi de sa curatelle *([épisodes 3 ](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/curatelles-a-geneve-mode-d-emploi)[et 4](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/curatelle-cherement-payee-j-ai-besoin-de-savoir-si-je-me-suis-fait-rouler-dans-la-farine))*, a appris début novembre 2023 que le recours qu’il avait introduit contre ces honoraires avait été rejeté. *«Je suis dégoûté du «système»»*, nous a-t-il écrit au moment de s’envoler pour l’étranger où, libéré de sa curatelle, il est déterminé à refaire sa vie.

Sylvie, dont le frère est devenu SDF dans une ville étrangère quelques mois après que le TPAE ait jugé qu’il devait bénéficier de mesures de protection *([épisode 7](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/place-sous-curatelle-un-financier-genevois-se-retrouve-sdf))*, n’a pas reçu la moindre nouvelle du tribunal ni d’aucune autre autorité genevoise. En l’absence de soutien institutionnel, elle continue de chercher, seule, une solution pour faire bénéficier Paul de soins conformes à ses besoins.

Edwige, une autre protégée dont nous avons relaté l’histoire, a pu reparler à son frère avec qui elle était en froid. Ce dernier a exprimé le regret d’avoir demandé au TPAE sa mise sous protection en 2018 (épisodes [3](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/curatelles-a-geneve-mode-d-emploi), [4](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/curatelle-cherement-payee-j-ai-besoin-de-savoir-si-je-me-suis-fait-rouler-dans-la-farine) et [5](https://www.heidi.news/explorations/a-geneve-de-la-curatelle-au-cauchemar/face-a-des-curateurs-indelicats-la-detresse-de-certains-proteges)). Il pensait alors agir pour le bien de sa sœur et non l’exposer à une pénible et coûteuse curatelle, finalement levée en 2022.

### **Une facture «extravagante»**

Dans l’épisode 5, nous avions raconté comment Nicolas Burgy, sur les conseils d’un avocat, avait enfin obtenu d’être nommé curateur de sa mère en juillet 2023, cinq ans après avoir fait des démarches pour la signaler au TPAE, alors qu’elle commençait à avoir des absences. Pour ce journaliste à la retraite, une question de taille restait en suspens: celle des honoraires facturés à sa mère par le curateur désigné en 2018, Me P. Ergote *(nom d’emprunt)*. L’équivalent de 500 francs par mois, 1000 francs ou plus encore?

Cet ancien de la RTS n’avait pas la moindre idée des montants en jeu, jusqu’à ce qu’il accède lui-même aux comptes de sa mère. Un courrier officiel lui confirme alors que la rétribution du curateur s’élevait à 67’085 francs pour la période allant d’avril 2018 et mars 2022, soit un coût mensuel moyen de 1400 francs, une somme approuvée par le TPAE. Nous avons proposé à Me Ergote de la commenter, mais il n’a pas donné suite.

Plus encore que cette facture jugée *«proprement extravagante»* par l’avocat de Nicolas, ce sont les 5809 francs *«d’émoluments de contrôle»* réclamés en plus à sa mère par le  tribunal qui ont fait sortir le jeune retraité de ses gonds. *«Je suis tout simplement choqué»*, indique ce dernier.

Pour peu qu’un protégé dispose de quelques économies, il lui est impossible d’échapper à ces frais fixés par le Règlement sur les tarifs des frais en matière civile (RTFMC). *«L'émolument forfaitaire de décisions pour l'examen des comptes de curatelle est fixé à 100 francs, majoré d'un émolument complémentaire égal à 2‰ de la valeur nette de la fortune si elle dépasse 50 000 francs et de 3‰ si elle dépasse 300 000 francs»*, précise ainsi l’article 53. *«C’est comme si le tarif horaire d’un comptable était fonction de la fortune de son client et non du travail effectué»*, s’étrangle Brigitte Pivot, la présidente de l’association SOS Curatelles-Tutelles qui accompagne les protégés et leur famille.

Nicolas n’a pas encore décidé s'il allait contester la note de Me Ergote. Pour l’instant, entre deux visites à sa mère qui *«va bien»*, il a bouclé son rapport d'entrée en fonction et satisfait aux diverses requêtes administratives liées à son nouveau rôle de curateur, un travail qui *«ne prend tout de même pas des dizaines d'heures»*, fait-il remarquer.

Il a aussi pris le soin de recruter une aide ménagère à mi-temps plutôt que de continuer à dépendre de prestataires extérieurs. La bonne surprise est venue lorsqu’il a établi un budget prévisionnel, ainsi que le TPAE le demande. Il a réalisé que les finances de sa mère allaient mécaniquement être revalorisées de près de 1400 francs par mois, maintenant qu’elle n’avait plus à supporter les honoraires d’un curateur privé.

### **Les politiques face à leurs responsabilités**

Plus significatif encore pour les témoins et protégés dont l'expérience a nourri cette enquête, l’espoir soulevé par les réactions du monde politique à [la lettre ouverte de Serge Michel, rédacteur en chef de ](https://www.heidi.news/sante/curatelles-lettre-ouverte-aux-deputes-genevois)*[Heidi.news](https://www.heidi.news/sante/curatelles-lettre-ouverte-aux-deputes-genevois)*. *« Gageons que ces nouvelles révélations sauront intéresser les membres de votre assemblée, dans le cadre de la mission de contrôle de l’action publique qui vous échoit »*, écrivait-il aux membres du Grand Conseil le 16 septembre dernier, après la mise en ligne des premiers épisodes. Plusieurs députés, tous courants politiques confondus, se sont manifestés en retour.

Un collectif de citoyens réunis par l’association SOS Curatelles-Tutelles a lui aussi reçu de nombreuses réponses au courrier faisant référence à notre investigation, qu’il avait adressé courant septembre aux chefs de groupe du Grand Conseil, aux conseillers d’Etats responsables de la santé et de la protection sociale ainsi qu’aux autorités judiciaires de Genève. *«Le TPAE se doit d’être au service des protégés et de leur famille, afin d’aider les plus vulnérables et non de causer d’irrémédiables dégâts qui brisent des vies entières en grand nombre»,* souligne les signataires de la missive, qui demandent entre autres une réforme du mode de désignation des curateurs et la création d’un organe de surveillance véritablement indépendant.

### **Un projet de loi au Grand Conseil**

Le résultat le plus tangible de ces initiatives est le [projet de loi destiné à réviser le système des curatelles](https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL13366.pdf) déposé par l’UDC le 25 septembre 2023. *«Le système des curatelles à Genève et son fonctionnement en vase clos me scandalisent depuis des années »*, explique le député Guy Mettan, l’un des signataires du projet. Renvoyé devant la Commission judiciaire, le «PL 13366» prévoit notamment que le TPAE, sauf cas exceptionnel, « *désigne d’office aux fonctions de curateur des proches de la personne protégée ou une personne désignée par celle-ci* ».

*«Le curateur remet chaque mois à la personne concernée et à ses proches un décompte succinct des dépenses effectuées ainsi qu’un extrait des relevés de comptes »* prévoit aussi ce texte, qui abaisse en outre la rémunération du curateur à 75 francs de l’heure pour la gestion courante. Guy Mettan attend désormais d’être auditionné, et se dit *«raisonnablement optimiste»* quant à la suite que les députés réserveront à cette proposition de loi. *«Ce n’est pas un projet polémique,* relève l’élu. *Il n’est pas marqué idéologiquement ou partisan, et porte sur une problématique qui intéresse aussi bien à droite qu’à gauche.»*

### **Silence radio des intéressés**

Si cette exploration et les courriers adressés aux autorités ont su retenir l’attention des parlementaires, en revanche, le silence radio est en revanche de mise du côté de l’exécutif et du pouvoir judiciaire genevois. Enfin, pas tout à fait. *Heidi.news* a appris que la représentante du TPAE citée plus haut avait fait part de son exaspération vis-à-vis de la publication de notre lettre ouverte. Comme s'il était plus grave de s’adresser aux députés de la République et de se soucier du bien-être des protégés, que de laisser les plus fragiles de notre société aux prises avec des curateurs indélicats.

https://www.heidi.news/articles/de-la-curatelle-au-cauchemar-les-lecons-d-une-enquete-qui-a-secoue-le-landerneau

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