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 Heidi.news

Trump est de retour et il n’est pas content (nous non plus)

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/28f367c2-b546-4ad8-a552-3aad18f4dc6f/medium" /><p>L&#39;élection présidentielle d&#39;octobre 2024 est dans toutes les têtes aux Etats-Unis, et avec elle la perspective d&#39;un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Quels ravages, ou bonnes surprises (!), nous réserve celui qu&#39;on surnomme parfois l&#39;agent orange? Le prestigieux magazine The Atlantic a demandé à ses meilleures plumes de se pencher sur ce futur possible, dans des domaines comme l&#39;Europe, la Chine, le récit national américain, la corruption ou le climat. Nous en avons tiré une Exploration baptisée «Si Trump revient». C&#39;est donc une perspective de l&#39;Amérique sur elle-même que vous vous apprêtez à découvrir. Passionnante et sans concession, elle dresse les cheveux sur la tête.</p><p>Permettez-moi deux souvenirs personnels. Le premier d’entre eux: le 9 novembre 2016 à l’aube, je suis réveillé par les messages d’une amie américaine. Cette universitaire californienne, cultivée et multilingue, est en larmes: le géant orange, encore considéré comme un bouffon médiatique par la moitié du pays, l’a emporté de justesse face à Hillary Clinton. L’Amérique a basculé dans l’inconnu.</p><p>Quatre ans plus tard, le soir du 6 janvier 2021, après que Trump a revendiqué une victoire imaginaire dans les urnes, la planète assiste, médusée, à l’assaut sur le Capitole. Toute la soirée, le canal WhatsApp de <em>Heidi.news</em> n’en finit pas de bruisser, la rédaction s’étant spontanément réunie en ligne pour commenter l’événement. Chacun sait qu’il assiste à l’histoire en marche.</p>### **Vous avez aimé le premier? Attendez le second**

L’histoire se répète deux fois, paraît-il: d’abord comme une tragédie, ensuite comme une farce. Dans l’Amérique confrontée au retour de Trump, cette farce-là ne fait pas rire. Elle commence même à semer un vent de panique, dans les colonnes des journaux et chez les commentateurs de la vie publique d’une bonne moitié du pays – celle qui ne regarde pas Fox News.

Le premier Trump est entré comme par effraction à la Maison-Blanche, impréparé et ignare des arcanes du pouvoir, tempéré par des conseillers souvent plus responsables que lui. Le second Trump, s’il parvient à ses fins, ne sera pas de la même trempe. Humilié par sa défaite dans les urnes, mis au pied du mur par [une myriade de procès en cours](https://www.letemps.ch/monde/ameriques/donald-trump-sur-le-banc-des-accuses-les-six-proces-qui-planent-sur-sa-campagne-en-un-coup-d-oeil) (escroquerie, vol de documents classifiés, parjure, subornation de témoins, *you name it*…), il revient avec un agenda bifide: se sauver et se venger. Le reste n’est que littérature.

De notre côté de l’Atlantique, les deux guerres aux confins de l’Europe accaparent toute l’attention médiatique. Mais au sein de l’Empire américain, tourné avant tout vers lui-même comme il se doit, on a déjà les yeux rivés sur l’élection de 2024. Et beaucoup ont le sentiment d’assister, impuissants, à l’avènement d’une nouvelle ère aux furieux airs de déclin.

### **Vous reprendrez bien un peu de dystopie**

C’est pour donner de la substance à ce sentiment-là que nous avons choisi de publier «Si Trump revient», une Exploration au titre transparent et à la matière trouble. Elle nous vient de *The Atlantic*, le mensuel basé à Boston, réputé intellectuel et mesuré. En déclinant différents thèmes – nous en avons sélectionné huit, dont l’OTAN, le climat, la Chine ou le récit national –, les meilleures plumes du magazine américain s’adonnent à cet exercice souvent redouté des journalistes: la prospective.

Disons-le, ce qu’ils dessinent, en cas de victoire de Trump, a l’odeur, le goût et la texture du fascisme. *«Trump et le trumpisme représentent une menace existentielle pour l’Amérique et les idées qui l’animent»*, argumente [dans son éditorial](https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2024/01/warning-second-trump-term/676117/) Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de *The Atlantic*. *«Le pays a survécu au premier mandat, non sans subir de sérieux dommages. Un second serait bien pire.»*

### **Et nous, et nous, et nous**

Mais après tout, les empires vivent et meurent. Que nous chaut, de notre côté de l’Atlantique? Hélas, ce n’est pas tant que les idées portées par l’Amérique s’affaissent – c’est déjà le cas, à l’évidence, concernant l’héritage des Lumières… C’est surtout que la Pax Americana risque de laisser la place à une compétition encore plus débridée entre grandes puissances, Etats-Unis compris. Or, et c’est un postulat de base en géopolitique, seule la puissance arrête la puissance.

Notre Vieux Continent, qui incarne sans doute mieux les valeurs humanistes et libérales que l’Amérique contemporaine (n’en déplaise à celle-ci), reste affublé d’un défaut essentiel: morcelé, il échoue à faire bloc face au retour des empires – Russie, Turquie, Chine, Iran… L’Union européenne est restée au milieu du gué, entre la conception française de l’«Europe puissance» et la vision allemande et anglo-saxonne d’une Europe du marché et du droit, volontiers croupion de l’Amérique. (Inutile de préciser où se situerait la Suisse, si d’aventure...)

On a cru un moment que la guerre en Ukraine donnerait à Bruxelles l’impulsion pour avancer comme un seul homme. Ces illusions aujourd’hui se dissipent. Il suffit de voir comment, frappés par la nécessité stratégique de muscler la défense aérienne européenne, Berlin et l’Europe centrale [souhaitent se tourner vers des systèmes d’armes américains](https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/18/face-au-projet-de-bouclier-antimissile-allemand-la-france-esquisse-sa-contre-offre_6178195_3210.html) (et israélien!) tandis que Paris et Rome aimeraient jouer à domicile, sans avoir les moyens de convaincre. Ce genre de fractures en dit long.

### **Rendez-vous dans un an**

On pourrait imaginer qu’un retour de Trump à la Maison-Blanche provoque un nouvel électrochoc salutaire en Europe, mais ce serait sans doute pécher par optimisme. Comme l’explique l’ancien ambassadeur français Michel Duclos [dans les colonnes du ](https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/28/c-est-en-prenant-une-plus-grande-part-a-la-defense-de-l-ukraine-que-l-europe-peut-se-proteger-des-effets-d-un-retour-de-trump_6208087_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=whatsapp)*[Monde](https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/28/c-est-en-prenant-une-plus-grande-part-a-la-defense-de-l-ukraine-que-l-europe-peut-se-proteger-des-effets-d-un-retour-de-trump_6208087_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=whatsapp)*, la tentation probable de la plupart des pays européens serait plutôt de chercher des alliances bilatérales avec les Etats-Unis, à la façon du Royaume-Uni, plutôt que de serrer les rangs derrière Bruxelles.

Combinez ça avec la [fin programmée de l’OTAN](https://www.heidi.news/explorations/si-trump-revient/la-fin-d-un-monde-ou-comment-trump-pourrait-tuer-l-otan), et vous obtenez une guerre sans fin aux portes de l’Europe. Et nous voilà face à un constat déplaisant mais, me semble-t-il, lucide: le 5 novembre 2024, ce n’est pas seulement le sort de l’Amérique qui se jouera dans les urnes, mais celui du monde occidental. Et si vous n’en êtes pas encore convaincu… je vous souhaite une bonne lecture!

https://www.heidi.news/articles/trump-est-de-retour-et-il-n-est-pas-content-nous-non-plus

#Presse #heidi #Suisse