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Pour 2024, on a fini par vous dénicher de l’optimisme dans le monde

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/0ec37835-30ca-4b55-8e2d-55fac623847c/medium" /><p>Le 13 janvier dernier, nous vous présentions 2024 vue par nos correspondants, espérant illuminer une année qui s&#39;annonçait sous de ternes auspices. Las! De Hong Kong à New York en passant par Kyiv, tous nous ont servis des vœux à l&#39;encre de seiche. Pas question d&#39;en rester là. Alors nous leur avons demandé de changer de palette et de nous dénicher des perspectives réjouissantes. Ils se sont exécutés avec entrain, voire félicité. Et voici ce qu&#39;ils ont à vous dire.</p><h3>Vu d&#39;Afrique de l&#39;Ouest, avec Amaury Hauchard</h3>
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          <img src="/placeholder.png" class="lazy" title="Le collectif d&#39;artistes maliens Don Sen Folo, courtoisie" alt="DenSolo.jpg" data-src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ad6e3909-036a-4d89-8eff-509468d58159/large"/>
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        <figcaption>Le collectif d&#39;artistes maliens Don Sen Folo, courtoisie</figcaption>
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</p>Vu d’Afrique de l’Ouest, je ne vous donne pas une, mais deux raisons d’être optimistes en 2024, malgré la gabegie de régimes politiques où la confiscation du pouvoir est la norme. La première est médicale, avec l’annonce par le Bénin du lancement [d’une vaste campagne de vaccination contre le paludisme](https://www.dw.com/fr/benin-vaccins-lutte-paludisme-enfants-reportage/a-68029360). Le pays prend la suite du Cameroun et du Sierra Leone, qui ont reçu des doses après le succès d’une phase pilote de ce nouveau vaccin au Ghana, au Kenya et au Malawi. L’Alliance du vaccin, le Gavi, avait noté une «baisse spectaculaire» de la mortalité après cette phase pilote dans des pays où le paludisme, omniprésent, est l’une des premières causes de mortalité infantile.

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La deuxième raison de voir la vie en rose est culturelle et malienne. Le ciel leur est quasiment tombé sur la tête, mais [le collectif Don Sen Folo](https://www.facebook.com/DonSenFoloLAB), installé en périphérie de Bamako, garde la tête haute. Cette équipe de jeunes artistes organise des résidences dans leur village-laboratoire et avait lancé un génial projet de pirogue de danse. Elle avait failli tout arrêter quand celle-ci a été interceptée par des hommes armés dans le centre du pays, brûlée, et ses membres kidnappés. Six mois plus tard, les otages ont été libérés, ils ont retrouvé leur famille sain et sauf, et Lassina Koné, initiateur du collectif, est plus optimiste que jamais: «On est en train de voir pour récupérer l’ancienne pirogue, la reconstruire et relancer», me dit-il.

Comme quoi, on peut habiter dans un pays meurtri par le conflit, où la culture a été reléguée en bas des priorités, et maintenir allumée la flamme de la culture.

### Vu de Kyiv, avec Florent Vergnes

![595997370_highres Kyiv.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/c12cd1e2-032f-4c4b-afc0-646122d468c0/large "Cérémonie funéraire à Kyiv, le 5 janvier 2024. | Keystone / EPA / Sergey Dolzhenko")

On pourrait croire que trouver du positif en Ukraine revient à chercher une aiguille dans une botte de foin – de la taille d’un bombardier russe, la botte. Mais pour voir sourire un Ukrainien, il suffit de vous mettre devant un bon \*borsch\* et lui dire qu’il s’agit du meilleur plat du monde (ne pas mentionner la Russie qui en consomme aussi). Couronnez le tout avec une tranche de *salo* (sorte de lard sans viande) et quelques *vareniki*, des raviolis à la pomme de terre, accompagnés de crème acide. Là, vous verrez un sourire. Arborez enfin un tee-shirt *«In Borsch we trust»*, et vous aurez gagné le respect de toute la famille. Et si, comme moi, vous considérez que cela ne «suffit pas à faire une gastronomie», vous pouvez toujours vous rabattre sur le délicieux vin de Tchernihiv, dont les raisins poussent (étrangement) au nord du pays et (c’est peut-être la raison) non loin de Tchernobyl.

Astuce: pour récupérer les amis ukrainiens que vous avez outrés en leur confiant vos doutes sur la «gastronomie» slave, vous pouvez les accompagner en patins sur un lac gelé du centre de l’Ukraine, y faire un trou dans la glace pour pêcher la carpe, ou prendre un sauna sur les rives du Dniepr. Ici, vous serez fouetté avec des branches de laurier, avant de plonger, la peau à vif et le souffle court, dans le fleuve glacé en criant *«Slava Ukraini!»*. Enfin, vous aurez des gens heureux. Et des engelures, mais ça n’empêche pas le bonheur.

Au-delà des petits plaisirs que les Ukrainiens grappillent au quotidien pour oublier la guerre, il y a une raison plus sérieuse de voir une flamme brûler dans la nuit glaciale du front de l’Est. Cette petite lueur s’appelle Truth Hounds. Récompensée en 2023 par le prestigieux prix Sakharov pour la liberté, l’ONG, créé en 2014 après Euromaïdan, travaille au quotidien à documenter les crimes de guerres et potentiels crimes contre l’humanité depuis le début de l’invasion russe. Si le pays regorge maintenant d’ONG en tous genres – médicales, de soutien alimentaire ou autre –, Truth Hounds fait figure de pionnier en se rendant dans les endroits bombardés ou récemment libérés, pour relever les preuves et les témoignages des victimes de violences russes.

Si les dossiers sont nombreux, les enquêtes de l’équipe de Truth Hounds permettront peut-être un jour aux victimes de trouver la voie de la justice, et de pouvoir enfin se reconstruire. Leurs investigations inscrivent aussi l’actualité dans l’Histoire. Celle qui, je l’espère, remémorera aux hommes du futur, les atrocités de la guerre pour en prévenir de nouvelles. Croisons les doigts. *Nadiya ye* («Il y a de l’espoir»)!

### Vu du Caire, avec Sami Zaïbi

![egyptian truck.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/e16cbc38-258f-4058-9b1e-2d8077d018dd/large "Un camion égyptien en train de livrer du fuel à Gaza, près du point de passage de Rafah, le 13 novembre 2023. | Keystone / EPA / STR")

En Egypte, où la guerre à Gaza a supplanté tous les autres problèmes du pays (qui n’en manque pas), la lueur vient de la solidarité inédite des Egyptiens vis-à-vis de leurs voisins palestiniens. La pauvreté chronique, le manque de soins de qualité, l'absence de perspectives, tout cela est passé au second plan depuis trois mois. Les médecins égyptiens, pourtant si nombreux à s'exiler en Europe pour des raisons économiques, ont été plus de 2000 à se proposer comme bénévoles pour venir en aide aux hôpitaux gazaouis. En novembre, près de 7000 personnes ont aidé bénévolement à préparer les premiers gros convois d'aide humanitaire. Et de nombreux Egyptiens, riches ou moins riches, assistent financièrement des habitants de Gaza, via des Palestiniens installés au Caire ou via des plateformes de crowdfunding.

Cet élan de solidarité dépasse le soutien financier. Dans une Egypte tenue d'une main de fer par Al-Sissi, où la liberté d'expression s'est réduite comme peau de chagrin ces dernières années, la cause palestinienne réactive une témérité que les Egyptiens eux-mêmes pensaient révolue. Pour la première fois en dix ans, des manifestants ont marché de force sur la place Tahrir, pourtant encerclée de policiers. Dans la rue, dans les écoles, dans les mosquées, les manifestations se multiplient, quand bien même les rassemblements publics sont interdits et sévèrement réprimés. Tout cela au nom de la Palestine, pour une cause qui ne changera pourtant rien au quotidien des Egyptiens, voire l'aggravera. En 2024, reste à voir si cette solidarité se poursuivra, et si le président s'y tiendra, alors que des accords financiers pour ouvrir le Sinaï et vider Gaza de ses habitants pourraient être mis sur la table.

### Vu des Etats-Unis, avec Lionel Pousaz

![cannabis cap.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/4222da30-0945-48bd-8e9f-db56c8116b15/large "Un homme au Kushstock Festival d'Adelanto, en Californie, centré sur le thème du cannabis (20 oct. 2020). | Keystone / AP Photo / Richard Vogel")

Il y a 52 ans, Richard Nixon déclarait la guerre contre la drogue. Derrière ce plan radical, une panique morale comme seule l’Amérique sait les amplifier: la drogue, ennemi numéro un des familles, de l’église, de l’armée. A laisser faire, les jeunes allaient tuer maman pour une dose d’héroïne, sniffer l’épargne-retraite de papa et se transformer en hippies sous LSD, plutôt que d’aller se faire tuer au Vietnam comme de braves garçons. Les journaux de l’époque regorgent de ce genre d’histoires.

En un demi-siècle de furie antidrogue, les Etats-Unis ont dépensé plus d’un millier de milliards de dollars, mis le feu aux forêts colombiennes, emprisonné des centaines de milliers de simples consommateurs – dont 60% de noirs et de latinos – plongé dans la misère d’innombrables familles, enrichi des gangs ultraviolents et aggravé la pire épidémie d’overdoses mortelles que le pays ait jamais connue, dans les années 2010, quand des milliers de patients pauvres, traités sous opiacés bon marché, ont fini par devoir s’approvisionner dans la rue. Tout ça pour une guerre perdue d’avance.

Comme souvent, l’Amérique a donné le ton au reste du monde. Agité par les mêmes craintes, les autres pays occidentaux ont suivi, Singapour a sorti le gibet (l’année précédente on y a pendu un pauvre type pour 54 grammes de morphine) et de nombreuses nations à majorité musulmane, une fois n’est pas coutume, se sont reconnues dans la politique de Washington. Cette catastrophe mondiale avait commencé aux Etats-Unis, et elle est peut-être en train d’y prendre fin.

On agite désormais la guerre contre la drogue comme un vieil épouvantail, avec toujours moins de conviction. Le tabou est sans doute encore trop fort et les victimes trop pauvres et insignifiantes pour que l’on ose y mettre un point final, mais le vent souffle dans la bonne direction. Prenant les devants sur Washington, les Etats progressistes font marche arrière (parfois dans l’excès, il est vrai). Ils sont soutenus en cela par les agences de l’ONU et une majorité d’experts en santé publique. Les autorités sont toujours plus nombreuses à offrir des compensations aux malheureux consommateurs qui ont passé pour rien des années derrière les barreaux. Le cannabis pourrait bientôt sortir de l’annexe 1 – qui le classe au même niveau de dangerosité que les opiacés – ainsi que les psychédéliques, qui ont terrifié le bourgeois des années 1970. Il était temps.

### Vu de Hong Kong, avec Eric Sautedé

![HK Shifts.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/8b50c55f-903c-4f7a-94e7-61e72158cd07/large "Yu, contremaître à Hong Kong. | Hong Kong Shifts, Maxime Vanhollebeke, droits réservés.")

Optimiste, optimiste, est-ce que j’ai une gueule d’optimiste? Côté politique, c’est vraiment mission impossible. J’ai beau me creuser les méninges, le secrétaire général du Parti communiste chinois, alias le président Xi Jinping, ne semble pas du tout vouloir changer le cap d’un durcissement du régime pour son troisième mandat, bien au contraire, et à Hong Kong, notre chef de l’exécutif, ancien premier flic du territoire, s’est coulé dans l’obsession sécuritaire de son mentor du nord. Petit bémol par rapport à ceux qui n’en finissent plus de répéter que M. Xi bénéficie du soutien de 90% de la population – dixit Harvard quand même – et donc d’une forte légitimité,  [un article très fouillé du ](https://www.cambridge.org/core/journals/china-quarterly/article/do-chinese-citizens-conceal-opposition-to-the-ccp-in-surveys-evidence-from-two-experiments/12A2440F948D016E8D845C492F7D0CFE?s=08)*[China Quarterly](https://www.cambridge.org/core/journals/china-quarterly/article/do-chinese-citizens-conceal-opposition-to-the-ccp-in-surveys-evidence-from-two-experiments/12A2440F948D016E8D845C492F7D0CFE?s=08)* vient démontrer que ce soutien se situerait plutôt entre 50 et 70%, et que l’on serait donc assez loin de l’unanimisme précédemment postulé. Faut-il s’en réjouir? Je le pense, quand on songe qu’un gouvernant fait toujours un peu mieux quand il est sous pression, n’en déplaise à Messieurs Macron et Scholz.

Pendant ce temps à Davos, [une causerie](https://www.caixinglobal.com/2024-01-18/davos-attendees-weigh-chinas-strengths-and-weaknesses-at-caixin-luncheon-102158064.html) est venue rappeler que l’économie chinoise avait quand même crû de 5,2% en 2023, dépassant les anticipations. La Chine conserve des atouts décisifs pour la transition verte – il suffit de comparer des images du ciel de Pékin à 10 ans d’écart pour s’en persuader – et promet une liste de prouesses technologiques qui nous emmène de l’espace infini aux profondeurs de la terre.

Loin de ces rêves de gloire nationale, certains à Hong Kong s’intéressent au tissu social et ceux qui le font. C’est le cas du [projet Hong Kong Shifts](https://hongkongfp.com/2024/01/06/hkfp-yum-cha-hong-kong-shifts-shines-spotlight-invisible-workers-who-keep-city-going), qui s’est donné pour mission de relater en texte et en images la vie de petites mains sous-payées de cette ville très darwinienne: policier, ouvrière, charpentier, fermier, chauffer… Tous ces travailleurs postés, aussi visibles dans la rue qu’invisibles dans la société, qui participent à rendre la mégapole vivable au quotidien.

https://www.heidi.news/articles/pour-2024-on-a-fini-par-vous-denicher-de-l-optimisme-dans-le-monde

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