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Deux ans de guerre, pour quelle Ukraine et quelle Russie?

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/0796d7fe-eafb-483b-8dd7-7f2772a6b4bf/medium" /><p>Le moins que l’on puisse dire, c’est que la deuxième année de guerre a été décevante pour l’Ukraine. Au Sud, la contre-offensive de l’été 2023 a échoué sur les redoutables lignes de défense russes. A l’Est, le bulldozer russe avance, lentement, au prix de pertes inouïes, sans que cela ne semble préoccuper le Kremlin.</p><p><strong>Cet article est issue de notre newsletter dominicale gratuite, <em>Heidimanche</em>.</strong> <a href="https://www.heidi.news/newsletters/heidimanche" rel="nofollow noopener" target="_blank">Inscrivez-vous ici!</a></p>Cependant, rien ne présage d’un effondrement de la défense ukrainienne ni de percées russes majeures. Ajoutons que les récents revers ukrainiens sont directement corrélés à la diminution des livraisons d’armes occidentales. Le ministre ukrainien de la défense, Rustem Umerov, a déclaré ce dimanche matin que la moitié des armes étrangères promises à Kiev n’arrivaient pas à temps. *«Alors nous perdons des vies et des territoires»*, a-t-il ajouté.

### Deux obus par jour

L’Ukraine manque d’hommes et d’armes et les deux sont liés: comment motiver les gens à partir au front quand ils savent que les moyens de se défendre vont manquer? Certaines unités ukrainiennes sont limitées à deux obus par jour alors qu’en face, les forces russes en tirent des centaines.

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#### A propos de la photo

L’image qui illustre cet article est signée Vlada et Kostiantyn Liberov. Avant le 24 février 2022, ils étaient photographes de l’amour. Leur vie a basculé, ils sont devenus reporters de guerre. Lisez leur histoire et découvrez leur travail [dans cet article de ](https://kometarevue.com/portfolios/photographes-d-amour-en-ukraine-ils-sont-devenus-reporters-de-guerre)*[Kometa](https://kometarevue.com/portfolios/photographes-d-amour-en-ukraine-ils-sont-devenus-reporters-de-guerre)*, nouvelle revue sur l’Est dont Heidi.news est partenaire.

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Vladimir Poutine, lui, n’a pas changé d’un iota son objectif colonial de février 2022: s’emparer de tout le pays et mettre à sa tête un gouvernement qui lui soit inféodé, à l’instar du régime d’Alexandre Loukachenko au Bélarus. C’est évidemment inimaginable pour les Ukrainiens. Ils ont vu ce que fait la Russie dans les territoires qu’elle conquiert: viols, tortures, déportations… Les Ukrainiens se battront jusqu’au bout.

L’issue de cette guerre, s’il y en a une, va définir l’avenir de ces deux pays mais aussi le monde de demain.

Et d’abord l’Ukraine. Ce grand pays deviendra-t-il un État vassal de la Russie, ce qui déclenchera probablement un nouvel exode de millions de réfugiés? Restera-t-il un État croupion, aigri, contraint de faire des concessions politiques et territoriales à Moscou, déchiré entre la haine d'un agresseur impérial à l'Est et le ressentiment à l'égard des beaux esprits à l’Ouest qui l'ont encouragé à se battre, puis l'ont abandonné à son sort?

### L’immense potentiel ukrainien

Ou bien l’Ukraine deviendra-t-elle un nouvel allié européen enthousiaste, dont l'énergie et l'esprit d'innovation ont été démontrés tout au long de cette guerre? Réintégrer les territoires libérés, reconstruire un pays meurtri, réformer enfin des institutions encore minées par des habitudes de corruption et de pouvoir oligarchique ne sera ni rapide, ni bon marché, ni facile, mais les avantages potentiels sont immenses, pour l’Ukraine comme pour l’Europe.

Et la Russie? Le pays que l’on croyait connaître (pensez à tous les échanges universitaires avec la Suisse avant la guerre, à toutes les entreprises suisses alors présentes sur place) se révèle bien différent, fonctionnant à la propagande et à la répression. Des hommes partent au front et y meurent, sans y être forcément contraints. Vladimir Poutine exploite les bas instincts du petit peuple: l'appât du gain et l’excitation du combat. Un petit peuple que ne fréquentaient pas les journalistes et les universitaires occidentaux à Moscou et Saint-Pétersbourg.

### Les enfants et le sacrifice

La Russie n’a pas seulement adopté une économie de guerre, mais s’est transformée en société de guerre. Il y a des programmes militaires à l’école enfantine, qui préparent les enfants au sacrifice suprême. Une large frange de la population est radicalisée, au point que les ultra-nationalistes sont désormais perçus comme une menace par le Kremlin.

Pensez à Igor Girkine, un ancien des services secrets russes, le FSB. Il a participé aux deux guerres de Tchétchénie, il a organisé la prise de la Crimée en 2014 et déclenché les affrontements armés dans le Donbass ukrainien quelques mois plus tard (et a été condamné, par contumace, à la prison à perpétuité aux Pays-Bas comme un des responsables d’avoir abattu le vol de la Malaysian Airlines MH17, 300 morts). Il purge aujourd’hui une peine de 4 ans de prison en Russie, pour avoir critiqué la mollesse et la désorganisation de l’armée russe en Ukraine.

Pensez aussi au soldat blogueur Andreï Morozov, une figure de l’extrême droite russe, lui aussi partisan acharné de la guerre. Il a publié un post sur la bataille d’Avdiïvka qui dénonçait le bilan de 16’000 morts russes qu’elle aurait coûté, ainsi que le cynisme de ses chefs. Il a été menacé par un commandant: «tu supprimes ton post ou ton bataillon n’aura plus de munitions». Le 21 février, il a préféré se tirer une balle dans la tête.

### L'immense responsabilité européenne

Cette guerre sera-t-elle pour la Russie comme l’Algérie pour la France, ce moment d'humilité où une ancienne grande puissance est forcée d'accepter son statut amoindri et commencer à affronter ses démons impériaux? Ou bien Poutine tirera-t-il de son épouvantable invasion suffisamment d'éléments qu'il pourra présenter comme un triomphe, ce qui consolidera sa légitimité et l'encouragera, lui ou ses successeurs, à se lancer dans d'autres aventures?

A différents degrés, les pays européens agitent désormais cette menace. Cela ne signifie pas que les chars russes seront un jour sur les Champs Elysées, mais que des pays comme la Moldavie, la Pologne ou les républiques baltes ont du souci à se faire. Ou que la Russie, militarisée à l’excès quel que soit l’évolution du conflit, va multiplier ses nuisances dans le Sud-Caucase, le Golfe persique ou l’Afrique, afin de nuire partout où c’est possible à la crédibilité et aux intérêts de l’Occident.

Dans ce contexte, comment parler de «fatigue» de l’aide à l’Ukraine? Donald Trump peut remporter l’élection américaine cette année, diminuer voire supprimer l’aide militaire à Kiev et castrer l’Otan. La responsabilité reposera alors sur l’Europe, Suisse comprise, de savoir dans quel monde nous voulons vivre.

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