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 Heidi.news

Ce qui fait la guerre, au-delà du fracas des bombes

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/2b5bb9a1-6b72-4d07-9f6d-56383e4ddc43/medium" /><p>Comme vous sans doute, j’ai en tête les images de Gaza sous les bombes. Et comme vous je lis les nouvelles qui tombent d’heure en heure, égrenant les destructions et les postures diplomatiques avant la grande invasion terrestre que tout le monde dit imminente. Mais quitte à parler guerre, j’aimerais cette fois évoquer la Russie, l’un des grands vainqueurs de l’embrasement au Proche-Orient.<br/><br/>La communauté internationale est un cyclope, qui n’a plus d’œil que pour Israël et Gaza. Pour son malheur, Kiev se retrouve dans l’angle mort. L’aide militaire et financière américaine s’avère <a href="https://theconversation.com/funding-for-ukraine-is-anything-but-certain-after-us-elects-new-speaker-216154" rel="nofollow noopener" target="_blank">plus fragile que jamais</a>, face aux coups de collier de la droite trumpiste. Partout, l’émoi pro-ukrainien s’estompe. L’Europe promet un soutien sans faille – mais <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/les-europeens-tirailles-entre-les-fronts-ukrainien-et-israelien_6196678_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">le souffle n’y est plus.</a><br/><br/>Quant à la contre-attaque promise par Kiev, elle <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/26/guerre-en-ukraine-pourquoi-la-contre-offensive-de-kiev-est-en-echec_6196499_3210.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">échoue toujours</a> à pénétrer les impressionnantes lignes de défense russes: les espoirs de percée avant l’hiver et la <em>raspoutitsa</em> sont proches du néant.<br/><br/>Dans ce contexte, nous venons de publier <a href="https://www.heidi.news/explorations/volga-blues-au-coeur-de-la-russie-profonde" rel="nofollow noopener" target="_blank">une Exploration</a> sur laquelle j’aimerais attirer votre attention. Avec le photographe Alessandro Cosmelli, le journaliste italien Marzio Mian, qui sillonne depuis trente ans les pays slaves, a voyagé l’été dernier le long de la Volga. Près d’un mois de périple, sur 6000 kilomètres, pour tâter le pouls de la Russie au bout d’un an et demi de guerre.<br/><br/>Un an et demi d’échecs militaires, de sanctions économiques, de pressions internationales, et de cercueils en zinc – entre <a href="https://www.lemonde.fr/en/international/article/2023/08/24/behind-the-secrecy-of-military-losses-in-ukraine-carnage-on-a-massive-scale_6107230_4.html" rel="nofollow noopener" target="_blank">120’000</a> et <a href="https://www.minusrus.com/en" rel="nofollow noopener" target="_blank">300’000</a> soldats russes tombés au front. On est en droit de se demander si la société russe suit son cours ou déborde de son lit.</p>
<h3><strong>Un long fleuve intranquille</strong></h3>
Que nous relate Marzio Mian de cette Russie profonde, irriguée par la «petite mère» des fleuves? Laissons ses interlocuteurs dresser le tableau.

* Un oligarque communiste au revanchisme incandescent: **«S’il le faut, nous utiliserons des armes nucléaires, nous détruirons la Terre, nous détruirons tout, putain.»**

* Une directrice de supermarché désabusée, en route vers sa *datcha* d’enfance. **«Les Russes sont tristes et résignés depuis mille ans.»**

* Un néo-hippie en larmes, qui fuit la réalité de son pays dans une île secrète sur la Volga. **«Ma mère m’a toujours dit que les garçons ne devaient pas pleurer.»**

* Un pope orthodoxe exalté, aux confins de l’Oural. **«La guerre est la dernière chance de sauver l’âme humaine.»**

Saviez-vous qu’à la faveur des sanctions, les boulangeries traditionnelles font fureur, de même que la viande et le fromage russes? Que la nostalgie soviétique n’a jamais fait autant recette? Que Staline redevient une icône chez les jeunes? Que le quotidien, vu de l’arrière, n’est pas franchement bouleversé par la guerre? Que les travaux publics vont bon train?

D’une plume vivide, Marzio Mian nous décrit en somme un pays nostalgique, qui s’accommode bien de la guerre et achève de se refermer sur lui-même.

### **Aux sources de la guerre**

«Depuis décembre 2022, la société russe est entrée dans une phase de «normalisation» de la guerre», abonde la géopolitologue russe Vera Grantseva, qui vient de publier [un ouvrage](https://theconversation.com/le-soutien-de-facade-des-russes-a-la-guerre-en-ukraine-216314) sur le soutien à la guerre. Surtout motivée par la peur et la lassitude, soutient-elle, ainsi que le poids immense de l’histoire et celui, plus récent, de la propagande belliqueuse.

En tout état de cause, cette façon d’appréhender les conflits, par le temps long et la plume, à l’arrière des lignes, aide à saisir ce qui se joue. A voir que l’esprit de citadelle assiégée, la stigmatisation de l’étranger, le revanchisme et la nostalgie d’un temps fantasmé alimentent, prolongent et nourrissent la guerre.\
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Il est possible que la portée de cette leçon dépasse la Russie.

https://www.heidi.news/articles/ce-qui-fait-la-guerre-au-dela-du-fracas-des-bombes

#Presse #heidi #Suisse