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 Heidi.news

Ce que j’ai appris en passant de la presse écrite au documentaire

<img src="https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/10c1c039-2b4b-48f2-941a-88f9af2c2c0f/medium" /><p>La série d’articles que j’ai écrits pour <em>Heidi.news</em> au printemps 2021 sur l’histoire des recherches sur <a href="https://www.heidi.news/explorations/arn-messager-la-revanche-des-outsiders" rel="nofollow noopener" target="_blank">l’ARN messager</a> qui ont conduit à la mise au point des vaccins Covid et au-delà sur une révolution médicale, couronnée par un <a href="https://www.heidi.news/sante/dans-l-intimite-des-nobelises-de-l-arn-messager" rel="nofollow noopener" target="_blank">Nobel</a> cette semaine, est devenue la base d’un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/109391-000-A/les-aventuriers-de-l-arn-messager/" rel="nofollow noopener" target="_blank">documentaire</a> diffusé sur Arte le samedi 8 octobre 2023.</p><p>Je ne réfléchis pas souvent (suffisamment?) au pourquoi ou au comment de mon métier – j’essaie juste de le faire du mieux possible en demandant à beaucoup de gens le pourquoi et comment de leurs métiers. Mais puisque mon rédacteur en chef, Serge Michel, me le demande, je vais essayer de tirer pour vous quelques leçons du passage de la rédaction d’une série d’articles à une narration en images et en sons.</p>La télévision dispose évidemment de moyens plus importants que la presse écrite. La question n’est pas ici celle du confort de la chambre d’hôtel, mais des moyens humains que cela suppose. J’ai travaillé avec une équipe aussi talentueuse que rodée: Raphaël Hitier, le réalisateur, les cinéastes Laurent Chollet et Edward Bally, l’ingénieur du son Frédéric Heinrich, le monteur Alexandre Auque et Ségolène Dujardin, la productrice de [Découpages](https://decoupages.fr/), sans oublier les animateurs du studio [«Les astronautes»](https://www.lesastronautes.fr/). Mon rôle était de co-écrire le scénario sur la base de mes articles avec Raphaël puis d’aller sur les tournages co-interviewer (et gérer) nos interlocuteurs, grands scientifiques mais aussi fortes personnalités.

### **L’équipe, l’équipe, l’équipe**

Ce travail d’équipe et forcément de terrain (on ne parle pas ici d’actualités) est différent de celui du journaliste de presse écrite qui interagit avec son rédacteur en chef pendant la phase projet, puis avec son chef d’édition une fois son article livré, mais qui est seul pendant la phase d’enquête et d’écriture. S’agissant d’enquêtes, il (je) n’a souvent au départ qu’une vague idée de ce qu’il va effectivement trouver (et même parfois chercher).

![Capture d’écran 2023-10-06 à 17.59.37.png](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/6d147c79-7d23-41d1-a290-eb4b273e7596/large "Tournage chez BioNTeach avec Ugur Sahin./Heidi.news")

Cette incertitude a ses avantages, je vais y revenir. Mais la relative certitude dans laquelle un projet de documentaire doit évoluer – il a besoin du feu vert d’un diffuseur et engage un budget conséquent – repose sur ce travail d’équipe. Même quand il part d’une enquête écrite au préalable, le documentaire livré n’est pas exactement ce qui a été prévu.

Contrairement à la fiction, il doit adapter son récit à la réalité du terrain, des faits et de ses personnages. Le défi est de dépasser leurs inévitables incohérences et d’arriver à une vérité forcément simplifiée. C’est aussi le cas à l’écrit mais le besoin – la soif – d’images et de sons génèrent d’autres contraintes. Je ne compte plus les discussions avec Raphaël sur l’interprétation de ce qui est prioritaire scientifiquement ou humainement dans le récit.

### **Du chaos, la cohérence**

Dans ce chaos de science, d’enjeux économiques et sociétaux, de rapports de force et d’aventures humaines, c’est de la force de l’équipe qu’émerge le récit cohérent.

* C’est le chef opérateur qui propose un tournage à l’aurore dans les Rocheuses pour profiter de la beauté de la lumière et me demande de prêter ma veste de montagne à un prix Nobel parce que son bleu électrique ressortira mieux.

* C’est l’ingénieur du son qui propose d’enregistrer un train de marchandises entrant lentement dans Philadelphie pour ralentir le rythme de la narration.

* C’est le réalisateur qui demande une scène à cheval pour contextualiser la matière scientifique dans sa pâte humaine.

* C’est la productrice qui demande des images d’archive du drame de l’épidémie de sida parce que la recherche sur cette maladie a été la matrice de celle sur les vaccins ARN.

![Capture d’écran 2023-10-06 à 18.06.30.png](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/27f4b435-ba0e-4237-97ed-eb639dae39b8/large "Raphaël Hitier le réalisateur à l'Université de Colombie britannique. | Heidi.news / FD")

De la créativité des animateurs à celle du monteur, on n’en finirait pas d’énumérer ces coups de pinceaux auxquels il faut ajouter les inputs du diffuseur (Hélène Ganichaud et Alex Villard-Faure d’Arte) qui repèrent les incohérences, les manques et parfois les erreurs avec une précision de laser.

### **Une complémentarité à exploiter**

Mon travail habituel de journaliste de presse écrite commence avec une découverte, et se poursuit avec beaucoup de vérifications en aval, jusqu’à ce qu’émerge un angle qui va servir de moteur narratif.  Le documentaire fonctionne à l’inverse sur la base d’une histoire scénarisée, qui tolère des adaptations mais demande aussi beaucoup de mise en scène. Le documentaire est aussi un spectacle. Et quand pour faire un article de taille M, il faut un matériel de base L, un film réclame des ressources en XXL. Cela signifie des heures de rushs qui finissent à la corbeille.

![Capture d’écran 2023-10-06 à 17.59.55.png](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/f37cc541-aaab-4737-ab83-24ef56ff69c7/large "Fabrice Delaye entouré de Kati Kariko et Drew Weissman à l'Université de Pennsylvanie. | Heidi.news / FD")

En comparant les deux approches, je vois cependant une complémentarité et une piste pour une presse écrite qui cherche à réinventer son modèle d’affaires. Pourquoi ne pas plus collaborer?

Léger et flexible, le rédacteur récolte contacts, informations précieuses mais aussi métaphores, angles et idées de nature à informer l’équipe, de la rédaction du scénario à la post-production. A la fois scout et régisseur, il fait le repérage. S’il possède en plus une bonne idée de ce que les experts de la narration audiovisuelle recherchent, il peut aussi, en quelque sorte faire leurs courses, en matière d’anecdotes, de cadres de tournage, de «gueules» ou de voix. Identifier, aussi, les impasses et les pistes qui restent à creuser.

Cela peut faire gagner du temps et de l’argent à la production audiovisuelle. Mais surtout, *in fine,* je crois que les lecteurs comme les spectateurs y gagnent avec une qualité informative augmentée par cette collaboration et le champ d’approfondissement qu’elle permet.

En ce qui me concerne, j’ai en tout cas très envie de renouveler l’expérience.

https://www.heidi.news/articles/ce-que-j-ai-appris-en-faisant-un-documentaire

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